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26/12/2016

Qu'il arrive de plaisantes choses dans la vie ! Comme tout roule, comme tout s'arrange !

... C'est parfois un constat, c'est plus souvent un voeu que l'on renouvelle encore et encore, en cette période qui va voir débuter un nouvel an .

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ArgentaI

et à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

26 décembre 1761

C'est pour le coup que nous rirons aux anges . Qu'il arrive de plaisantes choses dans la vie ! Comme tout roule, comme tout s'arrange ! Mes divins anges si c'est un honnête homme, comme il l'est sans doute, puisqu'il s'est adressé à vous, il n'a qu'à venir ; son affaire est faite, il se trouvera que son marché sera meilleur qu'il ne croit . Cornélie-Chiffon aura au moins quarante à cinquante mille livres de l'édition de Pierre . Je lui en assure vingt mille ; je lui ai déjà donné une petite rente ; le tout fera un très honnête mariage de province, et le futur 1 aura la meilleure enfant du monde , toujours gaie, toujours douce, et qui saura, si je ne me trompe, gouverner une maison avec noblesse et économie . Nous ne pourrons nous en séparer Mme Denis et moi qu'avec une extrême douleur . Mais je me flatte que le mari fera sa maison de la nôtre .

Malgré tout cela il m'est impossible d'aimer Héraclius ; je vous l'avoue . Je crois vous avoir cité Mme du Châtelet qui ne pouvait souffrir cette pièce , dans laquelle il n'y a pas un sentiment qui soit vrai , et pas douze vers qui soient bons, et pas un événement qui ne soit forcé . J'ai ce genre-là en horreur . Les Français n'ont point de goût . Est-il possible qu'on applaudisse Héraclius quand on a lu par exemple le rôle de Phèdre ? Est-ce que les beaux vers ne devraient pas dégoûter des mauvais ? Et puis, s'il vous plait, qu'est-ce qu'une tragédie qui ne fait pas pleurer ? Mais je commente Corneille ? Oui, qu'il en remercie sa nièce .

Au reste le futur doit être convaincu que jamais la future ne fera Heraclius ni même ne l'entendra . Elle en est extrêmement loin . C'est une bonne enfant . Le futur n'a qu'à venir . Notre embarras sera de bien loger notre nouveau ménage . Car j'ai fait bâtir un petit château où une jeune fille est fort à son aise, et où monsieur et madame seront un peu à l'étroit . Il serait plaisant que ce capitaine de chevaux fût un philosophe de vingt-quatre ans qui vint vivre avec nous, et qui sût rester dans sa chambre ! Enfin j'espère que Dieu bénira cette plaisanterie .

Divins anges nous seront quatre qui baiserons le bout de vos ailes .

V.

M. de La Marche est-il arrivé ?

M. d'Excideuil 2 a-t-il été ambassadeur en Russie ?

Et le roi d'Espagne ? Le roi d'Espagne ? »

 

25/12/2016

et voici l'ouvrage d'un rabbin . Voyez je vous prie s'il a raison

... De nier l'arrivée inopinée du petit Jésus dans une étable -Marie et Joseph n'ayant pas fait leur réservation en temps voulu au F1- de Nazareth .

Toujours est-il que je vous souhaite un bon et joyeux Noël 2016 en attendant celui de 2017 .

 chien et chat

Paix et confiance

 

 

 

« A Jacob Vernes

[vers le 25 décembre 1761]

Certainement on mettra ordre mon cher monsieur à l'affaire de ce Mayer 1. C'est un grand ivrogne et qui a dépensé à Ferney 900 livres, ayant fait pour 300 livres d'ouvrages, et n'ayant payé aucun de ses ouvriers, qui ont fait saisir ses meubles . Il faudra qu'il m'en coûte un peu . C'est le droit du seigneur . Il y en a bien d'autres .

Pourriez-vous avoir la bonté de me prêter la Théodicée ?2 la mienne est à Lausanne .

Tuus .

V.

In nomine Dei … et voici l'ouvrage d'un rabbin 3. Voyez je vous prie s'il a raison . »

2 Une nouvelle édition des Essais de théodicée sur la bonté de Dieu, la liberté de l'homme et l'origine du mal, 1760, de Leibnitz .

 

24/12/2016

Comment peut-on dire soyons amis à un homme qu’on accable d’un si profond mépris ?

... N'est-ce pas petit Nicolas Sarkozy, ce n'est pas bien de se comporter ainsi envers son ex-premier ministre quand il vient de vous faire prendre une déculottée .

 

 

 

« A Charles Pinot Duclos

Aux Délices 25 décembre 1761

Je présente à l’Académie ma respectueuse reconnaissance de la bonté qu’elle a eue d’examiner mon commentaire sur les tragédies du grand Corneille, et de me donner plusieurs avis dont je profite.

Nous allons commencer incessamment l’édition. Les frères Cramer vont donner leur annonce au public ; les noms des souscripteurs seront imprimés dans cette annonce : on y verra l’empereur, l’impératrice-reine, et l’impératrice de Russie, qui ont souscrit pour autant d’exemplaires que le roi notre protecteur 1. Cette entreprise est regardée par toute l’Europe comme très honorable à notre nation et à l’Académie, et comme très utile aux belles-lettres.

Le nom de Corneille, et l’attente où sont tous les étrangers de savoir ce qu’ils doivent admirer ou reprendre dans lui, serviront encore à étendre la langue française dans l’Europe.

L’Académie a paru confirmer tous mes jugements sur ce qui concerne la langue, et me laisse une liberté entière sur tout ce qui concerne le goût : c’est une liberté dont je ne dois user qu’en me conformant à ses sentiments, autant que je pourrai les bien connaître . Il est difficile de s’expliquer entièrement de si loin, et en si peu de temps.

Dans les premières esquisses que j’eus l’honneur d’envoyer, je remarque dans la Médée de Corneille les enchantements qu’elle emploie sur le théâtre  et comme mon commentaire est historique aussi bien que critique, et que je compare les autres théâtres avec le nôtre, je dis que « dans la tragédie de Macbeth, qu’on regarde comme un chef-d’œuvre de Shakespear 2, trois sorcières font leurs enchantements sur le théâtre, etc. »

Ces trois sorcières arrivent au milieu des éclairs et du tonnerre, avec un grand chaudron dans lequel elles font bouillir des herbes. Le chat a miaulé trois fois, disent-elles, il est temps, il est temps ; elles jettent un crapaud dans le chaudron, et apostrophent le crapaud en criant en refrain : Double, double, chaudron trouble !, que le feu brûle, que l'eau bouille, double, double . Cela vaut bien les serpents qui sont venus d’Afrique en un moment, et ces herbes que Médée a cueillies, le pied nu, en faisant pâlir la lune, et ce plumage noir d’une harpie, etc.

C’est à l’Opéra , c’est à ce spectacle consacré aux fables que ces enchantements conviennent, et c’est là qu’ils ont été le mieux traités.

Voyez dans Quinault, supérieur en ce genre :

Esprits malheureux et jaloux,

Qui ne pouvez souffrir la vertu qu’avec peine ;

Vous dont la fureur inhumaine

Dans les maux qu’elle fait trouve un plaisir si doux,

Démons, préparez-vous à seconder ma haine ;

Démons, préparez-vous

A servir mon courroux.3

Voyez en un autre endroit, ce morceau encore plus fort que chante Médée :

Sortez, ombres, sortez de la nuit éternelle ;

Voyez le jour pour le troubler :

Que l’affreux désespoir, que la rage cruelle,

Prennent soin de vous rassembler.

Avancez, malheureux coupables,

Soyez aujourd’hui déchaînés ;

Goûtez l’unique bien des cœurs infortunés :

Ne soyez pas seuls misérables.

Ma rivale m’expose à des maux effroyables :

Qu’elle ait part aux tourments qui vous sont destinés.

Non, les enfers impitoyables

Ne pourront inventer des horreurs comparables

Aux tourments qu’elle m’a donnés,

Goûtons l’unique bien des cœurs infortunés :

Ne soyons pas seuls misérables.4

Ce seul couplet est peut-être un chef-d’œuvre ; il est fort et naturel, harmonieux et sublime. Observons que c’est là ce Quinault que Boileau affectait de mépriser, et apprenons à être justes.

J’ai l’attention de présenter ainsi aux yeux du lecteur des objets de comparaisons, et je présume que rien n’est plus instructif. Par exemple, Maxime dit :

Vous n’aviez point tantôt ces agitations,

Vous paraissiez plus ferme en vos intentions,

Vous ne sentiez au cœur ni remords ni reproche.

CINNA.

On ne les sent aussi que quand le coup approche,

Et l’on ne reconnaît de semblables forfaits

Que quand la main s’apprête à venir aux effets.

L’âme, de son dessein jusqu’alors possédée, etc.5

Shakespear, soixante ans auparavant 6, avait dit la même chose dans les mêmes circonstances ; Brutus, sur le point d’assassiner César, parle ainsi :

« Entre le dessein et l’exécution d’une chose si terrible, tout l’intervalle n’est qu’un rêve affreux. Le génie de Rome et les instruments mortels de sa ruine semblent tenir conseil dans notre âme bouleversée. Cet état funeste de l’âme tient de l’horreur de nos guerres civiles. 7»

Je mets sous les yeux ces objets de comparaison, et je laisse au lecteur à juger.

J’avais oublié d’insérer, dans mes remarques envoyées à l’Académie, une anecdote qui me paraît curieuse. Le dernier maréchal de la Feuillade 8, homme qui avait dans l’esprit les saillies les plus lumineuses, étant dans l’orchestre à une représentation de Cinna, ne put souffrir ces vers d’Auguste :

Mais tu ferais pitié, même à ceux que j’irrite,

Si je t’abandonnais à ton peu de mérite.

Ose me démentir, dis-moi ce que tu vaux,

Conte-moi tes vertus, tes glorieux travaux,

Les rares qualités par où tu m’as su plaire, etc.9

« Ah ! dit-il, voilà qui me gâte toute la beauté du Soyons amis, Cinna. Comment peut-on dire soyons amis à un homme qu’on accable d’un si profond mépris ? On peut lui pardonner pour se donner la réputation de clémence, mais on ne peut l’appeler ami ; il fallait que Cinna eût du mérite, même aux yeux d’Auguste. 10»

Cette réflexion me parut aussi juste que fine, et j’en fais juge l’Académie.

Cette considération sur le personnage de Cinna me ramène ici à l’examen de son caractère. Je pense, avec l’Académie, que c’est à Auguste qu’on s’intéresse pendant les deux derniers actes ; mais certainement, dans les premiers, Cinna et Émilie s’emparent de tout l’intérêt ; et dans la belle scène de Cinna et d’Émilie, où Auguste est rendu exécrable, tous les spectateurs deviennent autant de conjurés au récit des proscriptions. Il est évident que l’intérêt change dans cette pièce, et c’est probablement par cette raison qu’elle occupe plus l’esprit qu’elle ne touche le cœur.

Nota bene. C’est presque le seul endroit où je me sois écarté du sentiment de l’Académie, et j’ai pour moi quelques académiciens que j’ai consultés 11.

Les remords tardifs de Cinna me font toujours beaucoup de peine ; je sens toujours que ces remords me toucheraient bien davantage si, dans la conférence avec Auguste, Cinna n’avait pas donné des conseils perfides, s’il ne s’était pas affermi ensuite dans cette même perfidie. J’aime des remords après un crime conçu par enthousiasme ; cela me paraît dans la nature, et dans la belle nature : mais je ne puis souffrir des remords après la plus lâche fourberie ; ils ne me paraissent alors qu’une contradiction.

Je ne parle ici que pour la perfection de l’art, c’est le but de tous mes commentaires ; la gloire de Corneille est en sûreté. Je regarde Cinna comme un chef-d’œuvre, quoiqu’il ne soit pas de ce tragique qui transporte l’âme et qui la déchire ; il l’occupe, il l’élève. La pièce a des morceaux sublimes, elle est régulière, c’en est bien assez.

J’ai été un peu sévère sur Héraclius, mais j’envoie à l’Académie mes premières pensées, afin de les rectifier. M. Magens 12, éditeur de Don Quichotte et de la  Vie de Cervantes, prétend que l’Héraclius espagnol est bien antérieur à l’Héraclius français 13; et cela est bien vraisemblable, puisque les Espagnols n’ont daigné rien prendre de nous, et que nous avons beaucoup puisé chez eux : Corneille leur a pris le Menteur 14, la Suite du Menteur 15, Don Sanche 16.

Je demande permission à l’Académie d’être quelquefois d’un avis différent de nos prédécesseurs qui donnèrent leur sentiment sur le Cid. Elle m’approuvera sans doute, quand je dis que fuir est d’une seule syllabe, quoiqu’on ait décidé autrefois qu’il était de deux.

J’excuse ce vers :

Le premier dont la race a vu rougir son front.17

Je trouve ce vers beau ; la race y est personnifiée, et en ce cas son front peut rougir.

J’approuve ce vers :

Mon âme est satisfaite,

Et mes yeux à ma main reprochent ta défaite.18

L’Académie y trouve une contradiction ; mais il me paraît que ces deux vers veulent dire : Je suis satisfait, je suis vengé, mais je l’ai été trop aisément ; et je demande alors où est la contradiction. On a condamné instruisez-le d’exemple 19; je trouve cette hardiesse très heureuse. Instruisez-le par exemple serait languissant ; c’est ce qu’on appelle une expression trouvée, comme dit Despréaux 20. J’ai osé imiter cette expression dans la Henriade :

Il m’instruisait d’exemple au grand art des héros 21, et cela n’a révolté personne.

Je prends aussi la liberté d’avoir quelquefois un avis particulier sur l’économie de la pièce. Ceux qui rédigèrent 22 le jugement de l’Académie disent qu’il y aurait eu, sans comparaison, moins d’inconvénient dans la disposition du Cid de feindre, contre la vérité, que le comte ne fût pas trouvé à la fin véritable père de Chimène ; ou que, contre l’opinion de tout le monde, il ne fut pas mort de sa blessure. Je suis très sûr que ces inventions, d’ailleurs communes et peu heureuses, auraient produit un mauvais roman sans intérêt.

Je souscris à une autre proposition : c’est que le salut de l’État eût dépendu absolument du mariage de Chimène et de Rodrigue. Je trouve cette idée fort belle ; mais j’ajoute qu’en ce cas il eût fallu changer la constitution du poème.

En rendant ainsi compte à l’Académie de mon travail, j’ajouterai que je suis souvent de l’avis de l’auteur de Télémaque, qui, dans sa Lettre à l’Académie sur l’Éloquence, prétend que Corneille a donné souvent aux Romains une enflure et une emphase qui est précisément l’opposé du caractère de ce peuple-roi 23. Les Romains disaient des choses simples, et en faisaient de grandes. Je conviens que le théâtre veut une dignité et une grandeur au-dessus de la vérité de l’histoire ; mais il me semble qu’on a passé quelquefois ces bornes.

Il ne s’agit pas ici de faire un commentaire qui soit un simple panégyrique ; cet ouvrage doit être à la fois une histoire des progrès de l’esprit humain, une grammaire, et une poétique.

Je n’atteindrai pas à ce but, je suis trop éloigné de mes maîtres, que je voudrais consulter tous les jours ; mais l’envie de mériter leurs suffrages en me rendant plus laborieux et plus circonspect, rendra peut-être mon entreprise de quelque utilité.

Nota bene  que je ne puis me servir dans le Cid de l’édition de 1664, parce qu’il faut absolument que je mette sous les yeux celle que l’Académie jugea quand elle prononça entre Corneille et Scudéry.

J’ajoute que si l’Académie voulait bien encore avoir la bonté d’examiner le commentaire sur Cinna, que j’ai beaucoup réformé et augmenté, suivant ses avis, elle rendrait un grand service aux lettres. Cinna est de toutes les pièces de Corneille celle que les hommes en place liront le plus dans toute l’Europe, et par conséquent celle qui exige l’examen le plus approfondi.

Je supplie l’Académie d’agréer mes respects. »

 

 

 

 

1Protecteur de l'Académie française .

2 Cette observation figure dans les remarques sur Médée, IV, 2 ; la plus grande partie de ce qui suit a été incorporée au commentaire que fit V* sur cette pièce et passim .

3 Amadis, II, 3, de Quinault .

4 Thésée, III, 7, de Quinault, cité inexactement .

5 Cinna, III, 2 .

6 Jules César fut écrit en 1599, Cinna en 1639 ou 1640, ce qui ne fait que quarante ans de différence .

7 Jules César , III, 1, vers 63-69 , très inexactement traduits .

8 Louis d'Aubusson, comte de La Feuillade, qui mourut en 1725 .

9 Cinna, V, 1 .

10 V* raconte cette histoire d'une façon quelque peu différente dans son commentaire de Cinna, V, 1 .

11 Il semble d'après le manuscrit que V* a ajouté ce paragraphe en marge .

12Gregorio Mayans y Siscar ; sa vie de Cervantès fait partie de l'édition de Londres, 1738 ; Vida y hechos des ingenioso hidalgo don Quixote de la Mancha ; V* avait lu probablement la traduction parue en 1740 sous le titre La vie de Michel de Cervantes Saavedra, 1740 , de D.S.L. [= Pierre Daudé]

13 Il est certain qu'il existe des rapports entre La Rueda de la fortuna, de Antonio Mira de Amuesca, En esta vida todo es verdad y todo es mentira, de Calderon, et Héraclius, de Corneille . Ces influences sont étudiées dans une lettre en latin de Mayans à V* du 14 février 1762 .

14 Inspiré de La verdad sospechosa, de Juan Ruiz Alarcon y Mendoza, 1634 .

15 La Suite du Menteur a été suggérée à Corneille par une pièce de Lopez de Vega, Amar sin saber a quien (Aimer sans savoir qui), 1630 .

16 Pour Don Sanche d'Aragon, Corneille a puisé à des sources diverses, comprenant notamment El palacio confuso, de Lope de Vega ou de Mira de Amuesca .

17 Le Cid, II, 1, cité inexactement (ma race ait pour la race a )

18 Le Cid, I, 4 .

19 Le Cid, I, 4 ; le texte exact est pour s'instruire d'exemple .

20 Boileau, Satires, III, 195-196, qui dit plus précisément : « C'est là ce qu'on appelle un ouvrage achevé ! / Surtout, l'anneau royal me semble bien trouvé . »

21 La Henriade, II, 115 .

22 Nous corrigeons le texte de l'édition Kehl , rédigeront .

23 Les Réflexions sur la grammaire, la rhétorique, la poétique et l'histoire, de Fénelon, plus connue sous le nom de Lettre à l'Académie française .

 

23/12/2016

Si les choses de ce monde allaient d'une manière un peu plus honnête

...  Honnête ! honnêteté ! comme vous y allez mon cher Voltaire ! cette denrée devient rare, ou plutôt elle est périmée , nous sommes, comme autrefois, gens intéressés (financièrement) mais à la puissance mille semble-t-il . Les accrocs dans les contrats sont des oeuvres d'escrocs à la petite semaine ou au grand pied, toutes les classes en sont capables , hélas . Humains vous êtes doués pour tricher. Humains vous êtes doués pour être floués, humains vous en bavez et ce n'est pas fini d'ici peu !

Miss Lagarde, comment peut-on encore vous confier des missions d'importance en vous payant 380 939 euros par an non  imposables ( soit un SMIC mensuel par jour ! ), négligente vous fûtes, négligente vous restez , pistonnée et absoute, vous en écoeurez plus d'un, à commencer par moi chétif (comme dit mon maître ) . Bel exemple .

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« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha

Aux Délices 24è décembre 1761

Madame,

La grande maîtresse des cœurs dira peut-être à Votre Altesse Sérénissime que les yeux ne se trouvent point bien du tout des vents du nord et de la neige . Elle demandera grâce pour moi si je ne vous écris pas de ma main .

Votre Altesse Sérénissime passe donc continuellement en revue des Prussiens et des Français . Votre palais ressemble à la maison de Polémon, du roman de Cassandre 1, dans laquelle les héros des deux partis se trouvent tous sans savoir pourquoi . S'ils y venaient uniquement pour vous faire leur cour, et pour apprendre ce que c'est que la raison ornée des grâces je n'aurais pas de reproches à leur faire .

J'ai mille grâces à rendre à Votre Altesse Sérénissime du paquet de Mme de Bassewitz 2. Je voudrais que cette dame s'amusât à faire des mémoires de tout ce qu'elle a vu, et de tout ce qu'elle voit, car il me paraît qu'elle voit tout très bien, et qu'elle écrit de même. Il faut qu'elle aime bien son château pour y rester exposée aux visites des Prussiens, des Hanovriens et des Russes . Si les choses de ce monde allaient d'une manière un peu plus honnête, nous devrions être à vos pieds Mme de Bassevitz et moi . Ce n'est pas que je me plaigne de ma position ; elle est assurément très agréable, mais elle est trop éloignée de la belle forêt de Thuringe .

Si vous aimez les sermons madame, en voici un qu'on vient de m'envoyer de Smyrne, et qui pourra vous édifier . Si vous étiez reine de Portugal, je ne prendrais pas cette liberté ; mais une duchesse de Saxe philosophe peut très bien lire le sermon d'un rabin, sans scandale .

Je me mets aux pieds de Vos Altesses Sérénissimes avec le plus profond respect .

Le Suisse V. »

1 De La Calprenède ; on s'étonne de voir avec quelle fréquence V* cite ce roman ; il avait pourtant fait les délices d'autres écrivains de son temps, notamment Marivaux .

2 Le 14 décembre 1761, la duchesse de Saxe-Gotha écrit à V* : « Je profite monsieur avec plaisir et empressement de l'occasion que me procure la comtesse de Baswiz par son paquet de traduction , pour y joindre quelques lignes de ma main [,,,]. Tout ce que je puis vous dire dans ce moment c'est que Colberg n'est pas encore pris, que nous avons fortes et grandes compagnies tant ici qu'à Altenbourg […] recevez en même temps mille tendres assurances de l'estime parfaite de ma famille ; l'aimable Buchwald est bien comprise sous ce nom […]. »

 

Je me suis fait une destinée à moi tout seul, et j'ai acquis cette précieuse liberté après laquelle j'ai soupiré toute ma vie , et sans laquelle je ne crois pas qu'un être pensant puisse être heureux

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 Le faire c'est bien, pouvoir le dire c'est mieux et vice-versa !

 

 

« A la comtesse Sabina von Bassewitz

Aux Délices 25 décembre 1761

Madame,

Vous m’inspirez autant d'étonnement que de reconnaissance . Non seulement vous écrivez des lettres charmantes à la barbe des housards noirs, mais vous écrivez des mémoires qui méritent d'être imprimés , et tout cela dans une langue qui n'est point la vôtre, avec l'exactitude d'un savant, et avec les grâces de nos dames de la cour de Louis XIV, car nous n'avons point aujourd'hui de dame que je vous compare .

Je n'ai reçu, madame, aucune des lettres dont vous me faites l'honneur de me parler . Quand il n'y aurait que ce malheur attaché à la guerre, je la détesterais ; c'est être véritablement pillé, que de perdre les lettres dont vous m'honorez .

Je n'ai point changé de demeure ; je conserve toujours mes Délices auprès de Genève ; elles me seront toujours chères, puisqu'un fils de notre adorable Mme la duchesse de Gotha a daigné les habiter . Mais comme j'ai des terres en France dans le voisinage, et que par les circonstances les plus singulières et les plus heureuses, ces terres sont libres, j'y ai fait bâtir un château assez joli . Si je n'étais que Genevois, je dépendrais trop de Genève, si je n’étais que Français, je dépendrais trop de la France . Je me suis fait une destinée à moi tout seul, et j'ai acquis cette précieuse liberté après laquelle j'ai soupiré toute ma vie , et sans laquelle je ne crois pas qu'un être pensant puisse être heureux .

Je suis pénétré de vos bontés , madame, j'ai le règlement ecclésiastique de ce Pierre le Grand, qui savait si bien contenir les prêtres . J'ai son oraison funèbre, et toute oraison funèbre est suspecte ; les matériaux ne me manquent point, mais rien n'approche de vos mémoires ; l'aventure de la glace cassée 1, et la réponse de Catherine, sont des anecdotes bien précieuses . On voit bien tout ce que cela signifie, mais il n'est pas encore temps de le dire . Les vérités sont des fruits qui ne doivent être cueillis que bien mûrs . Je n'avais jamais entendu parler, madame, des mémoires du baron de Wissen 2, qui avait élevé cet infortuné czarovitz . Ils doivent être fort curieux . Je vous avoue que je vous aurais la plus grande obligation de vouloir bien me les faire parvenir . J'implore la protection de Mme la duchesse de Gotha pour obtenir cette grâce, vous ne refuserez rien à ce nom . Je souhaite que ce baron Wissen ait dit la vérité . Il devait bien connaître son élève, mais la vérité qu'il peut dire est bien délicate . On m'ouvre en Russie à deux battants les portes de l'amirauté, des arsenaux, des forteresses et des ports, mais on ne communique guère la clef du cabinet et de la chambre à coucher .

Quand j'aurai un peu de santé, madame, il me prend une forte envie de faire un tour d'Allemagne, d'aller surtout à Gotha, puis à Hambourg, puis à Rostok, et de me présenter en chevalier errant à la porte de Dalvitz, mais après ce beau rêve, quand je considère que j'ai bientôt soixante et dix ans, et que je deviens borgne, je reste à ma cheminée, et entre deux poêles, tout plein de la respectueuse et tendre reconnaissance avec lesquels j'ai l'honneur d'être madame

vôtre . »

1 Voir l'Histoire de l'empire de Russie, II, xvii

2 Il doit s'agir ici du « Huyssen » dont la comtesse de Bassewitz avait parlé à V* dans sa longue lettre du 17 novembre;mais ce baron Hendrik Van Huyssen ne semble rien avoir écrit sur Pierre le Grand .

 

22/12/2016

Je laisserai beaucoup plus que je n'ai reçu, et de plus nous avons vécu gaiement et splendidement

... Sans Père Noël à la noix de coco .

J'adore ce Voltaire qui, contre vents et marées, efface les difficultés rencontrées et revers subits,  et ne retiens que le bon de sa vie . Exemplaire .

 - Alfred de Musset -:

Et moi, j'aime encore ...

 

 

« A Jean-Robert Tronchin

à Lyon

23 décembre [1761] 1

Vous allez mon cher correspondant recevoir de moi de violentes attaques . Je vous demande d'abord deux cents louis d'or indépendamment des lettres de change que je tirerai sur vous . Il faut payer toutes mes dettes et j'en ai beaucoup à Genève . Que dis-je ! ce n'est pas moi qui les ai faites ces dettes terribles . Figurez-vous que M. Coladon présente un mémoire de trois mille livres et que je n'ai pas pris chez lui pour dix écus de drogue ! Il en est de même de vingt autres marchands . M. le cardinal de Bernis, et M. l'archevêque de Lyon ne dépensent pas par année autant que j'ai dépensé depuis que j'ai choisi ce riche pays de Gex pour ma retraite . Il est vrai qu'on ne bâtit des châteaux, des églises et des théâtres pour rien . Je prévois que je resterai avec mes rentes et environ cent mille francs entre vos mains . Mais aussi quand je serai réduit là, je ne toucherai certainement point au magot . Il ne faut pas mourir tout juste ; et laisser quelque chose aux siens .

Il y aura du moins terres, meubles et le magot . Je laisserai beaucoup plus que je n'ai reçu, et de plus nous avons vécu gaiement et splendidement . Je vais faire un arrangement de finances avec Mme Denis, au moyen duquel tout sera en règle, et je saurai à quoi m'en tenir par année . Je prends la liberté mon cher monsieur d'entrer avec vous dans ce petit détail . J'y suis autorisé par l'intérêt que vous daignez prendre à notre petite colonie . Je vous embrasse de tout mon cœur et vous souhaite la bonne année .

V. »

1 L'édition Cayrol qui isole l'extrait donné par Gaulleur, imprime un autre passage sous la date du 23 novembre 1761 ; Tronchin a mentionné sur le manuscrit : « 27 décembre ».

 

21/12/2016

Je suis persuadé que vous ne voulez pas que j’entre dans les petits détails qui conviennent peu à la dignité de l’histoire

... Trop tard !

On a :"Un président ne devrait pas dire ça !" . De toute façon, Fanfoué , de la promotion Voltaire (qui doit s'en retourner dans sa tombe ), ne me semble pas doué pour la réflexion et l'à-propos, et terriblement  apte à la confidence inutile . Baste !

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« A Ivan Ivanovitch Schouvalov

Aux délices 23 décembre 1761

Monsieur, je dépêche à M. le comte de Caunitz un gros paquet à votre adresse. Il contient un volume de l’Histoire de Pierre-le-Grand, imprimé avec les corrections au bas des pages, et les réponses à des critiques. Votre Excellence jugera aisément des unes et des autres. J’en garde un double par-devers moi. Quand vous aurez examiné à votre loisir ces remarques, qui sont très lisibles, vous me donnerez vos derniers ordres, et ils seront exactement suivis. J’ai réformé, avec la plus scrupuleuse exactitude, les nouveaux chapitres qui doivent entrer dans le second volume, et je me suis conformé à vos remarques sur ces premiers chapitres, en attendant vos ordres sur ceux qui commencent par le procès du czarovits, et qui finissent à la guerre de Perse. Il restera alors très peu de chose à faire pour achever tout l’ouvrage, et pour le rendre moins indigne de paraître sous vos auspices. Je suis persuadé que vous ne voulez pas que j’entre dans les petits détails qui conviennent peu à la dignité de l’histoire, et que votre intention a été toujours d’avoir un grand tableau qui présentât l’empereur Pierre dans un jour lumineux. L’auteur d’une histoire particulière de la marine peut dire comment on a construit des chaloupes, et compter les cordages . L’auteur d’une histoire des finances peut dire ce que valait un altin 1 en 1600, et ce qu’il vaut aujourd’hui . Mais celui qui présente un héros aux nations étrangères doit le présenter en grand, et le rendre intéressant pour tous les peuples ; il doit éviter le ton de la gazette et le ton du panégyrique. Je suis convaincu que vous ne pouvez penser autrement.

J’ai eu l’honneur, monsieur, de vous écrire plusieurs lettres . Je me flatte que vous les avez reçues, et que vous avez accepté l’hommage que je vous offre d’une tragédie nouvelle 2 que nous représenterons en société, le printemps prochain, dans mon petit château de Ferney. J’aurai la consolation de dire au public tout ce que je pense de votre personne.

Je vous souhaite d’heureuses et de nombreuses années ; je serai, pendant celles où je vivrai, avec le plus tendre et le plus respectueux attachement,

monsieur

de Votre Excellence

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire . »

 

1 Petite pièce de monnaie russe valant trois kopeks, cent altins valent un rouble qui vaut cinq francs .

2 Olympie .