02/03/2022
Vous connaissez une ode sur la guerre , dans laquelle il y a tant de strophes admirables
... Je vous recommande, tout comme Voltaire, la lecture de cette ode qui est d'une actualité remarquable :
Petite dédicace à Vladimir Poutine :
Que peut donc la victoire et l'effroi qu'elle inspire ?
Le conquérant superbe a des voisins nouveaux,
Plus irrités sans doute, et le plus vaste empire
N'a que plus de rivaux .
...
Peuples, vous pouvez tout , malgré l'orgueil du trône
« A Charles Bordes
Il y a longtemps, monsieur, que vous êtes mon Mercure, et que je suis votre Sosie, à cela près que je vous aime de tout mon cœur, et que vous ne me battez pas 1. Vous connaissez une ode sur la guerre 2, dans laquelle il y a tant de strophes admirables. On l’a imprimée sous mon nom : je serais trop glorieux si je l’avais faite. Il y a une certaine Profession de foi philosophique 3 digne des Lettres provinciales. Je voudrais bien l’avoir faite encore. Je n’aurais pas cependant attribué à Jean-Jacques du génie et de l’éloquence comme vous faites dans la note qu’on trouve à la dernière page de votre profession de foi. Je ne lui trouve aucun génie ; son détestable roman d’Héloïse en est absolument dépourvu ; Émile de même , et tous ses autres ouvrages sont d’un vain déclamateur qui a délayé dans une prose souvent inintelligible deux ou trois strophes de l’autre Rousseau, surtout celle-ci :
Couché dans un antre rustique,
Du nord il brave la rigueur,
Et votre luxe asiatique
N’a point énervé sa vigueur.
Il ne regrette point la perte
De ces arts dont la découverte
A l’homme a coûté tant de soins,
Et qui, devenus nécessaires,
N’ont fait qu’augmenter nos misères
En multipliant nos besoins.4
Jean-Jacques n’est qu’un malheureux charlatan qui, ayant volé une petite bouteille d’élixir, l’a répandu dans un tonneau de vinaigre 5, et l’a distribué au public comme un remède de son invention.
Je voudrais bien avoir fait encore la Lettre au docteur Pansophe. On m’avait mandé qu’elle était de l’abbé Coyer ; mais on dit actuellement qu’elle est de vous, et je le crois, parce qu’elle est charmante ; mais elle ne s’accorde point avec ce que j’ai mandé à M. Hume, qu’il y a sept ans que je n’ai eu l’honneur d’écrire à M. Jean-Jacques.
Je vous prie de vous confier à moi : je vous demande encore en grâce de vous informer qu’un nommé Nonnotte, ex-jésuite, qui m’a fait l’honneur d’imprimer à Lyon deux volumes 6 contre moi pour avoir du pain (je ne crois pas que ce soit du pain blanc). Il y a longtemps que je cherche deux autres, libelles de jésuites contre les parlements ; l’un, intitulé Il est temps de parler 7, et l’autre, Tout se dira 8. Ils sont rares : pourriez-vous me les faire venir, à quelque prix que ce soit ?
Je vous demande pardon de la liberté que je prends. Je vous embrasse tendrement, mon cher confrère à l’Académie de Lyon, qui devriez l’être à l’Académie française.
V.
A Ferney , 29è novembre 1766 »
1 Souvenir des Amphytrion de Plaute et de Molière, rappelons nous : https://fr.wikipedia.org/wiki/Amphitryon_(Plaute)
et https://fr.wikipedia.org/wiki/Amphitryon_(Moli%C3%A8re)
V* explique plus loin ce qu'il veut dire . Il est à noter que cette parenté entre les deux écrivains justifiera plus tard, et au mois pendant quelque temps l'attribution à Bordes du Crocheteur borgne qui est de V* ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Crocheteur_borgne
2 Cet ouvrage est de Bordes, voir lettre du 16 septembre 1761 à Pierre Rousseau : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/08/27/vous-avez-un-beau-champ-pour-rendre-justice-a-notre-nation-5840515.html
3 Œuvre de Bordes également : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k70706d.texteImage
4 Odes, II, ix, 81-90, de Jean-Baptiste Rousseau : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5702656r/texteBrut
5 L'édition Besterman porte à tort dans du tonneau .
6Les erreurs de M. de Voltaire : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6309263x.texteImage
Sur ces deux volumes de Nonotte, voir lettre du 17 mai 1762 à Fez : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/04/04/1-5929401.html
7 Brochure de l'abbé Dazès : https://data.bnf.fr/fr/10213182/abbe_dazes/
et voir lettre du 1er mars 1764 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/03/25/nous-prenons-donc-a-present-nos-tragedies-chez-les-anglais-q-6138604.html
8 Tout se dira, ou l'Esprit des magistrats destructeurs, 1763, de André Christophe Balbany : voir : https://data.bnf.fr/fr/12108172/andre-christophe_balbany/
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01/03/2022
Aspice auditores torvis oculis, percute pulpitum fortiter, die nihil ad propositum, et bene prædicabis/Regarde les auditeurs avec des yeux torves, frappe vigoureusement le pupitre, ne dis rien à propos, et tu prêcheras bien
... -- Qui fait ainsi ? Mélenchon ou Zemmour ?
-- Les deux mon général .
-- Qui sera élu ?
-- Aucun des deux , circulez il n'y a rien à voir (ni à écouter ) .
« A Jean Le Rond d'Alembert
29 de novembre [1766]
Il y a trois heures que j’ai reçu le cinquième volume 1, mon très cher philosophe. Ce que j’en ai lu m’a paru digne de vous. Je ne puis vous donner un plus grand éloge. Quoi ! vous dites dans l’avertissement que l’Apologie de l’étude n’a pas été heureuse dans l’assemblée où elle fut lue 2 ! Êtes-vous encore la dupe de ces assemblées ? Ne savez-vous pas que le Catilina de Crébillon fut reçu avec transport ?
Aspice auditores torvis oculis, percute pulpitum fortiter, die nihil ad propositum, et bene prædicabis.3
Votre Apologie de l’étude est un morceau excellent, entendez-vous ? N’allez pas vous y tromper.
Je vous rendrai compte incessamment du manuscrit que votre ami a envoyé à M. Boursier 4. Il faut attendre que la fermentation de la fourmilière de Genève soit un peu apaisée.
À l’égard de l’ami Vernet, il est dans la boue avec Jean-Jacques, et ni l’un ni l’autre ne se relèveront.
Il y a aussi bien des gens qui barbotent dans Paris. En vérité, mon cher philosophe, je ne connais guère que vous qui soit clair, intelligible, qui emploie le style convenable au sujet, qui n’ait point un enthousiasme obscur et confus, qui ne cherche point à traiter la physique en phrases poétiques, qui ne se perde point dans des systèmes extravagants.
À l’égard de l’ouvrage sur les courbes 5, je vous répète encore que c’est ce que j’ai vu de mieux sur cette matière.
Puisque vous daignez mettre le petit buste 6 d’un petit vieillard sur votre cheminée avec des magots de la Chine, je vais commander un nouveau magot à celui qui a imaginé cette plaisanterie. J’aimerais bien mieux avoir votre portrait au chevet de mon lit, car je suis de ces dévots qui veulent avoir leur saint dans leur alcôve.
J’oubliais de vous dire que j’ai été très fâché qu’on ait mis sur mon compte la Lettre au docteur Pansophe, qui est fort plaisante, à la vérité, mais où il y a des choses trop longues et trop répétées, et dans laquelle on voit même des naïvetés tirées de Candide. Cette lettre est de l’abbé Coyer. Il devrait avoir au moins le bon procédé, et même encore la vanité, de l’avouer ; en la mettant sous mon nom, il me met en contradiction avec moi-même, lorsque je proteste à M. Hume que je n’ai rien écrit à Jean-Jacques depuis sept 7 à huit ans. Je l’ai prié très instamment de ne me point faire ce tort ; il s’en ferait à lui-même. Il veut être de l’Académie, et je pense que l’Académie n’aime pas ces petits tours de passe-passe.
Je vous embrasse de tout mon cœur ; je vous salue, lumière du siècle .»
1 Des Mélanges de littérature , d'histoire et de philosophie : https://www.catawiki.com/fr/l/16871299-jean-baptiste-le-r...
et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k15100650/f12.item
2 L'essai de d'Alembert l 'Apologie de l’étude avait été lue dans la séance publique d'ouverture de l’Académie française du 13 avril 1761. Voir lettre du 7 ou 8 mai 1761 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/04/15/ce-n-est-pas-assez-de-montrer-qu-on-a-plus-d-esprit-que-les-5788704.html
3 Regarde les auditeurs avec des yeux torves, frappe vigoureusement le pupitre, ne dis rien à propos, et tu prêcheras bien .
4 La Lettre à M. ***, conseiller au parlement dont il est parlé tome XLIII, page 473, et ci-dessus, page 241.
Voir lettre du 8 novembre 1766 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/02/14/ce-charlatan-est-un-des-plus-dangereux-coquins-qui-respirent-6366034.html
5 Voltaire désigne ici l’ouvrage de d’Alembert, intitulé Sur la Destruction des jésuites, etc., qui n'a rien à voir avec les courbes ; voir lettre de mai 1761 à d'Alembert (en note 2)
6 Le buste de Voltaire, exécuté par un ouvrier de Saint-Claude, cité dans la lettre du 27 janvier 1766 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/05/16/portez-vous-bien-mon-cher-frere-et-soit-que-je-vive-soit-que-6316233.html
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vous ne me saurez nul mal gré si je manque à des formalités que je ne puis connaître, lesquelles d'ailleurs ne dérogent en rien aux respectueuses remontrances que je suis dans la nécessité de vous faire
... En espérant que c'est correctement traduit par Google
вы не узнаете меня неохотно, если я пропущу формальности, которых не могу знать,
которые, кроме того, никоим образом не умаляют почтительных увещеваний,
которые я должен сделать вам
Ah qu'il serait beau et bon si on pouvait parler ainsi à cet extrêmiste Poutine,
et qu'il y donnât bonne suite .
« Au conseil suprême de Montbéliard
28 novembre 1766 au château de Ferney 1
Étant obligé de vous écrire, et ne sachant pas vos noms et vos titres, je me flatte que vous me pardonnerez la liberté que je prends, et que vous ne me saurez nul mal gré si je manque à des formalités que je ne puis connaître, lesquelles d'ailleurs ne dérogent en rien aux respectueuses remontrances que je suis dans la nécessité de vous faire .
M. Jeanmaire, receveur de Montbéliard, vint chez moi deux fois, il y a plus d'un an de la part de M. le comte de Montmartin, pour m'emprunter de l'argent au nom de Mgr le duc de Wirtemberg ; je ne balançai pas un moment ; je connaissais trop quelle est la générosité et la grandeur d'âme de S.A.S ; je prêtai tout mon bien en rentes viagères sur ma tête et sur celles de mes neveux et nièces, en gardant la proportion de nos âges . J'avais alors soixante douze ans ; je suis dans un état qui ne me permet pas de me passer des secours que cette rente viagère doit me procurer, et vous savez, messieurs, combien à mon âge une pareille rente est sacrée . Elle sera bientôt éteinte ; mais S.A.S. m'a promis par un contrat que je serais payé exactement . M. Jeanmaire me doit plus de trente mille livres sur une année révolue ; je lui ai écrit plusieurs fois ; il n'a pas daigné me répondre encore . Mes rentes sont hypothéquée sur les terres que S.A.S. possède en Alsace et en Franche-Comté , et les contrats sont homologués au conseil souverain d'Alsace et au parlement de Besançon .
Ces conventions n'ont rien de commun avec les affaires du duché de Virtemberg ; les domaines en Alsace et en Franche-Comté valent le double de mes hypothèques, ainsi il n'y a nulle excuse pour M. Jeanmaire . J'ai arrêté jusqu'ici le juste ressentiment de mes neveux et de mes nièces, qui n'ont presque pour vivre que l'argent qui doit m'être payé par M. Jeanmaire tous les trois mois .
Je vous prie , messieurs, très instamment de vouloir bien donner des ordres positifs à M. Jeanmaire d'acquitter les engagements qu’il a pris au nom de monseigneur le duc son maître, engagements qu'il ne peut différer de remplir sous aucun prétexte . C'est une justice que j'attends de vous et que je vous conjure de ne pas me refuser .
J'ai l'honneur d'être avec respect,
messieurs,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
comte de Tournay
gentilhomme ordinaire
de la chambre du roi . »
1 Le manuscrit appartient à M. Staelin ; édition Mossmann, p. 345-346.
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