Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/03/2022

on fera une partie de ce qu'il désire, c'est-à-dire qu'on exécutera ses ordres, et qu'on ne lui donnera point d'argent

... C'est exactement le contraire que font l'UE et les USA pour l'Ukraine :  https://www.20minutes.fr/monde/3251003-20220311-guerre-uk...

Est-ce la meilleure option ?

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

[vers le 11 décembre 1766] 1

Mon cher Wagnière a prêté cinquante louis, qui font toute sa fortune, à un correspondant de l'enchanteur Merlin, qui lui a donné deux billets de Merlin de vingt cinq louis chacun ; le premier payable au mois de juillet de cette année, et le second au mois de janvier 1767 . Je vous prie très instamment de préparer Merlin à payer cette dette sans aucune difficulté . Il serait triste que Wagnière eût à de repentir d'avoir fait plaisir . Je sais que Merlin doit de l'argent aux Cramer ; mais Wagnière doit passer devant tout le monde . Vous ne reconnaissez point sa main dans cette lettre que je dicte, il est actuellement occupé à transcrire la tragédie que l'on doit vous montrer . M. d'Argental n'en a qu'une copie très conforme 2 et très barbouillée ; je l'ai prié de la jeter au feu, en attendant la véritable .

Je vous ai mandé, je crois, que j'avais écrit à M. de Courteilles .

La petite affaire de M. de Lamberta avec M. Boursier est en train ; on fera une partie de ce qu'il désire, c'est-à-dire qu'on exécutera ses ordres, et qu'on ne lui donnera point d'argent . En attendant, je vous prie de lui avancer les cent écus dont vous serez remboursé . »

1 L'édition Correspondance littéraire, comme la copie du XIXè siècle, amalgame cette lettre avec celle du 15 décembre 1766 : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/03/correspondance-annee-1766-partie-53.html

2 Apparemment, cela signifie non corrigée .

On envoie sa besogne dans son premier enthousiasme, le plus tôt qu’on peut ; ensuite on rabote, on lime, on polit, et on met plus de temps à revoir qu’à faire

... C'est bien vu, c'est tout à fait ce qui se passe à chaque projet de loi en France ; la folie des amendements de l'opposition serait risible si elle n'était pas tragique par les retards produits . Un certain crétinisme ou plus exactement un crétinisme certain semble bien le moteur de ces râleurs par principe . A leur décharge, les législateurs sont trop souvent brouillons . A l'heure où la guerre est proche, réfléchir et faire juste du premier coup est vital .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

Jeudi, 11è décembre 1766, à onze heures du matin

Cette honnête femme 1 vient d’arriver, et vous croyez bien qu’au nom de mes anges elle n’a pas été mal reçue. Nous avons sur-le-champ envoyé chercher à Genève son petit équipage de voyage ; nous l’avons tirée de l’hôtellerie la plus chère de l’Europe  où elle aurait été ruinée ; nous la logerons et nous aurons bien soin d’elle, jusqu’à ce qu’elle ait gagné son procès, et assurément elle le gagnera. Nous lui fournirons une voiture pour la reconduire en sûreté jusqu’à Dijon. Ce qui nous est recommandé par nos anges n’est-il pas sacré ? Je la reconduirais moi-même, si je pouvais sortir de mon appartement, dont il y a environ un an que je n’ai bougé.

Je n’ai point encore le mémoire pour les Sirven, cette toile de Pénélope qu’on me fait attendre depuis deux ans ; mais j’espère, mes anges, que vous l’aurez ce mois-ci, et que vous en serez satisfaits. Le canevas que je vis l’année passée promettait un excellent ouvrage. Damilaville, qui pense fortement et qui aide un peu notre avocat, me répond que ce mémoire fera un très grand effet. C’est alors que nous vous demanderons que vous embouchiez la trompette du jugement dernier pour effrayer la calomnie et l’injustice.

Un petit mot encore, je vous prie, des Scythes. On envoie sa besogne dans son premier enthousiasme, le plus tôt qu’on peut ; ensuite on rabote, on lime, on polit, et on met plus de temps à revoir qu’à faire. Je n’ai pas cessé un moment de travailler, et je vous avoue que je trouve cette pièce très neuve et très intéressante, écrite d’un bout à l’autre avec ce style de vérité qui est celui de la nature et qui dédaigne tous les ornements étrangers. Souvenez-vous que celle-là fera du bien aux comédiens, quand ils auront des acteurs et des actrices ; je vous en donne ma parole d’honneur .

Je suis dans le secret de La Harpe ; mais je ne lui dis pas mon secret. J’ai quelque honte de faire une tragédie à mon âge et de devenir l’émule de mon disciple. Cependant il faudra bien qu’à la fin je me confie à lui, comme il se confie à moi. Je lui rends toutes les sévérités dont vous m’accablez, je ne lui passe rien, et j’espère qu’à Pâques il vous donnera une tragédie très bonne. Vous voyez que je ne suis pas inutile au tripot, quoique je m’occupe quelquefois de choses plus sérieuses.

Avez-vous vu la pièce de M. de Chabanon 2 ? Je voudrais que tout le monde fît des tragédies, comme le père Lemoine voulait que tout le monde dît la messe.

Mon Dieu, que nous allons parler de vous avec votre ambassadrice !

Toute ma petite famille est à vos pieds.

Je vous envoie la lettre de M. Jeannel, que je reçois dans le moment . M. le duc de Praslin verra que la personne entre les mains de laquelle le paquet est tombé ne le rendra point, et qu’il fait cas de l’ouvrage. Il est ridicule d’ailleurs, que ce petit livre ne soit pas plus connu ; il ne peut faire que du bien.

Je fais mes compliments à Lejeune ; mais comme il orthographie très mal mon nom, je le prie de ne l’écrire jamais, ni de le prononcer, et surtout quand il écrira à Mme sa femme. Il faut être discret sur les affaires de famille, sans quoi il me serait absolument impossible de lui rendre service. »

1Cette « honnête femme », épouse du libraire parisien Lejeune est en réalité venue en Suisse pour organiser une opération de contrebande de livres prohibés ; elle se fait passer à cet effet pour la femme d'un domestique des d'Argental qui lui accordaient cette couverture . Voir lettre du 23 décembre 1766 à d'Argental : « Cette femme que vous m'avez recommandée fait un petit commerce de livres avec les libraires de Paris .[...] Les commis ont visité ses malles, ils y ont trouvé des imprimés, ils ont saisi les malles, la voiture, les chevaux .  […] Elle a pris la fuite […]. On ne sait où elle est [...]», et lettre du 27 décembre 1766 à d'Argental : « Elle m'a dit qu'elle est la sœur de ce célèbre capitaine Thurot qui est mort si glorieusement au service du roi . Quelle destinée pour la sœur d'un si brave homme ! ».

Voir la remarquable chronique de cet événement : « Voltaire contrebandier » : http://www.leschroniquesdemichelb.com/2010/10/voltaire-contrebandier-1ere-partie.html

et : http://www.leschroniquesdemichelb.com/2010/10/voltaire-contrebandier-2eme-partie.html

et : http://www.leschroniquesdemichelb.com/2010/10/voltaire-contrebandier-3eme-partie_07.html

et : http://www.leschroniquesdemichelb.com/2010/10/voltaire-contrebandier-4eme-partie.html

10/03/2022

vous ne vous souciez guère des affaires de Genève ; elles sont fort ridicules 

... La preuve : https://www.20min.ch/fr/story/referendum-de-la-droite-con...

 

 

 

« A Jean-François-René Tabareau

[vers le 10 décembre 1766]1

Je fais mon compliment, monsieur, à la ville de Lyon sur les droits qui lui sont rendus ; mais je ne lui fais point mon compliment si elle pense qu'il y ait jamais eu un projet de déclarer Jean-Jacques le Cromwel de Genève . Il est vrai qu'on a trouvé dans les papiers du sieur Nieps un mémoire de ce polisson pour bouleverser sa taupinière, et je vous réponds que si Jean-Jacques s'avisait de venir, il courrait grand risque de monter à une échelle qui ne serait pas celle de la fortune . Mais vous ne vous souciez guère des affaires de Genève ; elles sont fort ridicules ; elles finiront de façon ou d'autre, comme le roi voudra . »

1 On a ici la première lettre à Tabareau conservée . Jean-François Tabareau fut directeur de la poste [aux lettres] de 1751 à 1792, d'abord avec un collègue jusqu'en 1760, puis seul . Son frère Nicolas-Jean-Gratien fut un moment contrôleur provisoire des postes . Ces renseignements ont été fournis par Alice Joly, conservatrice de la ville de Lyon . On sait qu'il existe à Lyon une rue Tabareau , qui conserve le nom de cette famille .

La chose presse ; j’attends tout d’un cœur comme le vôtre

... Appel à chaque dirigeant en Europe et au-delà, tous les démocrates encore actifs . Le coeur parlera sans doute, obligatoirement soutenu par le portefeuille, si on veut bien rester réaliste . Seul le résultat sera pris en compte .

https://images.bfmtv.com/Q-rvnMbgIjaUqabUSPgDwW8Bkro=/0x0:1280x720/1280x0/images/Ne-restez-pas-silencieux-l-appel-de-Volodymyr-Zelensky-aux-Europeens-en-integralite-1362939.jpg

 

 

 

« A Marie-Françoise-Catherine de Beauvau-Craon, marquise de Boufflers-Remiencourt 1

Au château de Ferney, par Genève, 10è décembre [1766]

Madame,

Si mon âge et mes maladies me l’avaient permis, je serais sûrement venu vous faire ma cour, et à M. le prince de Beauvau, quand vous avez passé par Lyon. Vous allez en Languedoc ; votre premier plaisir sera d’y faire du bien. Je vous propose, madame, une action digne de vous, et dont tous les honnêtes gens de France vous auront obligation.

Il y a dans Toulouse un avocat célèbre, nommé M. de Sudre, qui osa seul défendre les Calas 2 contre l’abominable fanatisme qui a fait expirer sur la roue un vieillard innocent. Les Toulousains, ayant enfin ouvert les yeux, ont élu d’une voix unanime M. de Sudre pour premier capitoul ; la ville en présente trois, le roi en choisit un . Les deux autres n’ont point été nommés unanimement comme M. de Sudre. Il a pour lui de longs services, et l’honneur d’avoir seul protégé l’innocence, lorsque tout le monde l’abandonnait et la calomniait.

Je vous conjure, madame, d’obtenir que M. le prince de Beauvau soit le protecteur de ce digne homme auprès de M. le comte de Saint-Florentin . C’est une très grande obligation que je vous aurai à tous deux, et que je partagerai avec quelques millions d’hommes. La chose presse ; j’attends tout d’un cœur comme le vôtre.

Je suis avec un profond respect et un attachement inviolable,

de vous et de M. le prince de Beauvau

madame

le très humble et très obéissant serviteur.

Voltaire. »

2 Voir : Mémoire pour le sieur Jean Calas , négociant de cette ville, dame Anne-Rose Cabibel son épouse & le sieur Jean-Pierre Calas un de leurs enfants : https://tolosana.univ-toulouse.fr/fr/recherche/solr?page=...

09/03/2022

il a bien un autre avantage auprès de vous, celui d’avoir soutenu la cause de l’innocence opprimée avec une constance intrépide

... N'est-ce pas Mélenchon ( qui devrait passer logiquement un savon à Alexis Corbières ), Zemmour, Le Pen, etc. Ce serait sympa qu'il s'agisse de notre président actuel . L'histoire en jugera . Ses adversaires n'ont qu'à tenter de faire au moins aussi bien .

https://www.linternaute.com/actualite/monde/2606143-direc...

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

10 de décembre [1766]

Je pourrais maintenant dire à mes anges que j’ai fait à peu près tout ce qu’ils ont ordonné, excepté leur cruelle proposition d’épuiser l’amour et l’intérêt en parlant trop tôt d’amour. Je pourrais fatiguer leurs bontés par mille petites remarques ; mais comme il n’est point question de faire jouer la pièce, je ne les fatiguerai pas ; j’ai bien à leur parler d’autre chose, et voici sur quoi je supplie leurs ailes de trémousser beaucoup.

Je suppose que vous avez lu en son temps le factum de M. de Sudre 1, avocat de Toulouse, en faveur des Calas 2, factum aussi bon pour le fond des choses qu’aucun des mémoires de Paris. Ce M. de Sudre est un homme d’une probité courageuse, qui seul osa lutter contre le fanatisme, sans autre intérêt que celui de protéger l’innocence. Il fut lui-même longtemps la victime du fanatisme qu’il avait attaqué ; il fut même plusieurs années sans oser plaider. Enfin les écailles sont tombées des yeux 3 de ces malheureux Toulousains ; ils ont élu d’une voix unanime M. de Sudre pour premier capitoul. On en élit trois ; le roi en nomme un entre ces trois. M. de Sudre a l’avantage d’avoir été proposé unanimement par la ville. Les voix ont été partagées entre ses deux concurrents ; mais il a bien un autre avantage auprès de vous, celui d’avoir soutenu la cause de l’innocence opprimée avec une constance intrépide. Il honorera la place que ce coquin de David 4, digne d’être le capitoul de Jérusalem, a tant déshonorée ; et si quelqu’un peut faire abolir la procession annuelle de Toulouse, où l’on remercie Dieu de quatre mille assassinats, c’est assurément M. de Sudre.

Voyez, mes anges, si vous avez des amis auprès de M. le comte de Saint-Florentin, de qui dépend cette affaire. Voyez si M. le duc de Praslin et M. le duc de Choiseul veulent dire un mot. Vous ferez certainement ce que vous pourrez, car je vous connais.

Le tout sans préjudicier à la tragédie des Sirven, qui va se jouer, et qui n’attirera peut-être pas grand monde parce que la pièce n’est pas neuve. Pour celle des Scythes, pardieu, elle est neuve.

Respect et tendresse.

V. »

1 C’est le mémoire Observations pour la dame veuve Calas et sa famille, 1764, in-8° de vingt-neuf pages, signé Mariette. qui est mentionné sous le n° 11, page 366 de https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome24.djvu/376

3 Expression des Actes des apôtres, ix, 18 : https://www.aelf.org/bible/Ac/9

4 C’était le nom du capitoul lors de l’affaire de Calas : David de Beaudrigue ; voir : https://www.grandsudinsolite.fr/1201-31-haute-garonne-l-autre-victime--meconnue-celle-la--de-l-affaire-calas.html

Il est bien cruel que vous ayez besoin de protection

... Nos ennemis périront, comme la rosée au soleil,

Et nous aussi, frères, allons gouverner, dans notre pays.

Pour notre liberté, nous donnerons nos âmes et nos corps

https://www.youtube.com/watch?v=eRnFWB_hv_o

http://www.ipreunion.com/thumb/source/jpg/f887d19d6dbe07eb9288616c19b12c74aa65e334/w650-h365-q100-cc/une-femme-attend-ses-proches-qui-traversent-un-pont-detruit-pour-evacuer-la-ville-d-irpin-en-ukraine-le-8-mars-2022.jpg

https://www.youtube.com/watch?v=zn0_p1ZR3hg

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

8 décembre 1766

Mon cher ami, j'ai remercié M. de Courteilles 1 dans les termes les plus passionnés de la justice qu'il vous rend sans doute . Vous devez d'ailleurs absolument compter sur M. d'Argental . Il est bien cruel que vous ayez besoin de protection et que vous soyez réduit depuis si longtemps à consumer vos jours dans des travaux qui ne ne sont pas faits pour un homme de lettres ; mais enfin, puisque telle est votre destinée, il est juste que vous en retiriez l'avantage que vous méritez par vos services ; il est bien beau à vous dans cette situation critique où vous êtes, et qui m'intéresse si vivement, d'avoir trouvé du temps pour travailler au mémoire des Sirven avec M. de Beaumont ; je me flatte qu'il n'y aura point de phrases, mais une éloquence vraie, mâle et touchante, dans ce mémoire qui doit lui faire tant d'honneur . Il doit avoir reçu la lettre que je vous envoyai pour lui dans mes derniers paquets .

Je crois qu'il faudra laisser chez le banquier les deux cents ducats du roi de Pologne, avec ce que nous pourrons tirer des personnes généreuses qui voudront nous aider . Cela servira à payer en partie les frais du Conseil, qui seront immenses . Si vous voyez Mme Geoffrin je vous supplie de me mettre à ses pieds .

Je ne sais pas assurément comment tournera le procès de M. de La Chalotais, mais puisqu'il sera jugé par le Conseil je suis sûr de l’équité la plus impartiale .

Vous savez sans doute que Rousseau avait fait un projet de sédition dans Genève, qu'on a trouvé dans les papiers du nommé Nieps qui a été arrêté et mis à la Bastille 2 . Rousseau devait venir se cacher dans le territoire auprès du lac, dans un endroit nommé Les Paquis . Son dessein apparemment était d'être pendu, c'est un homme qui cherche toute sorte d'élévation ; il est bien triste que les ô qu'on lui adresse dans l'Encyclopédie 3 subsistent ; c'est un bien mauvais guide, dans un dictionnaire, qu'un enthousiasme qu'on est obligé de désavouer .

Je n'ai point encore de réponse de l'abbé Coyer sur son bâtard 4, dont il m'a fait passer pour père . J'ai assez d'enfants à nourrir sans adopter ceux des autres .

Adieu, mandez-moi je vous prie en quel état est l'affaire qui vous regarde, et ne me laissez pas ignorer où en est celle des Sirven . E[crasez] L['infâme] . »

1Lettre inconnue .

2 Toussaint-Pierre Lenieps a été impliqué dans une campagne d’opposition au plan de médiation proposé par le France ; à la requête de Crommelin , et à titre d’avertissement aux autres opposants, il fut mis à la Bastille entre le 20 novembre 1766 et le 11mars 1769 . Rousseau fut impliqué dans l'affaire, mais de façon indirecte ; voir Dufour, XVI, 229, n.1 ; 270.Voir note 48 : https://journals.openedition.org/ahrf/12490

4 A propos de la Lettre au docteur Pansophe ; voir lettre du 29 novembre à Charles Bordes : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/03/01/m-6368941.html

 

il a une cabale pour lui dans le peuple, il finira par se faire pendre

... La voix d'une certaine partie du peuple français peut bien te porter aux nues Eric (Zemmour) ! Tu n'en es pas moins un sale individu , gibier de potence ( et ne me parlez pas ici de la présomption d'innocence ! ).

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

8è décembre 1766

Vous avez bien fait de m'écrire, mes divins anges, car vous esquivez par là une nuée de corrections et de changements qui étaient déjà tout prêts . Mais puisque vous me mandez que rien ne presse, je corrigerai plus à loisir ce que j'ai fait si fort à la hâte .

Vous avez dû vous apercevoir que j'ai deviné plus d'une de vos critiques . J'ai prévenu aussi la censure judicieuse que vous faites de la précipitation d'Obéide à dire au cinquième acte : Je l'accepte, dès qu'on lui fait la proposition d'immoler son amant .

Je m'étais un peu égayé dans les imprécations ; j'avais fait là un petit portrait de Genève pour m'amuser , mais vous sentez bien que cette tirade n'est pas comme vous l'avez vue ; elle est plus courte et plus forte .

Mais aussi comme mes anges laissent à maman et à moi notre libre arbitre, nous nous avouons que nous condamnons, nous anathèmisons votre idée de développer dans les premiers actes la passion d'Obéide . Nous pensons que rien n'est si intéressant que de vouloir se cacher son amour à soi-même, dans ces circonstances délicates ; de la laisser entrevoir par des traits de feu qui échappent ; de combattre en effet sans dire , je combats ; d'aimer passionnément sans dire , j'aime ; et que rien n'est si froid que de commencer par tout avouer . Je n'ai lu la pièce à personne, mais je l'ai fait lire à de très bons acteurs qui sont dans notre confidence . Je les ai vu pleurer et frémir . Il se peut que l'aventure de l'ex-jésuite 1 ait un peu influé sur votre jugement, , et que vous avez tremblé que l'intérêt qui fait le succès des pièces au théâtre manquât dans celle-ci ; mais j'oserais bien répondre de l'intérêt le plus grand si cette tragédie était bien jouée .

Vous m'avouez enfin que vous n'avez d'acteurs que Lekain ; il ne faut donc point donner de pièces nouvelles . Le succès des représentations est toujours dans les acteurs. On prendra dorénavant le parti de faire imprimer ses pièces au lieu de les faire jouer, et le théâtre tombera absolument . Les talents périssent de tous côtés .

Gardez donc vos Scythes, mes divins anges, ne les montrez point, amusez-vous de Guillaume Tell, et d'un cœur en fricassée 2, faites comme vous pourrez .

Je dois vous dire ( car je ne dois rien avoir de caché pour vous ) que j'ai envoyé mes Scythes à M. le duc de Choiseul . J’ai été bien aise de lui faire ma cour et de réchauffer ses bontés .

Jean-Jacques veut revenir à Genève ; il a une cabale pour lui dans le peuple, il finira par se faire pendre 3.

Daignez, je vous en conjure, vous occuper à présent de mes pauvres Sirven . Vous aurez enfin cette semaine le factum de M. de Beaumont . Cette tragédie mérite toute votre bonté et toute votre protection .

Je vous demande en grâce de me mettre aux pieds de M. le duc de Praslin, et de vouloir bien faire souvenir de moi M. le marquis de Chauvelin à qui j'épargne une lettre inutile, et à qui je suis bien tendrement attaché .

Je vous demande pardon de tout le tracas que je vous ai donné pendant quinze jours . Je suis au bout de vos ailes pour le reste de ma vie . »

1 A savoir l'échec d'Octave .