08/03/2022
Souvent l’amitié chancelante Resserre sa pitié prudente ; Son cœur glacé n’ose s’ouvrir ; Les amis sont réduits à feindre, Nous en trouvons cent pour nous plaindre , Et pas un pour nous secourir.
... Ce peut être le sentiment du président Zelensky . Faisons en sorte que cela ne se vérifie pas .
« A François Achard Joumard Tison, marquis d'Argence
8è décembre 1766 1
Je vous renvoie, monsieur le marquis, votre lettre à M. le comte de Périgord 2, que vous avez bien voulu me communiquer. J’en ai tiré une copie, selon la permission que vous m’en donnez. Cette lettre est bien digne d’une âme aussi noble et aussi généreuse que la vôtre. Elle est simple, et c’est le seul style qui convienne à la vérité, quand on écrit à ses amis. Tous les faits que vous rapportez sont incontestables. Je ne doute pas que M. le comte de Périgord ne trouve fort bon que vous lui adressiez cette lettre, et que vous la rendiez publique. Pour moi, je vous avoue que je n’affecte point avec vous une fausse modestie, et que je vous ai une très grande obligation.
Le livre du jésuite Nonotte 3 vient d’être réimprimé sous le nom d’Amsterdam , mais l’édition est d’Avignon. Les partisans des prétentions ultramontaines soutiennent ce livre ; mais ces prétentions ultramontaines, qui offensent nos rois et nos parlements, n’ont pas un grand crédit chez la nation. C’est servir la religion et l’État que d’abandonner les systèmes jésuitiques à leurs ridicules.
Votre lettre à M. le comte de Périgord m’a tellement échauffé la tête et le cœur que je vous ai répondu en vers par une ode 4 dont voici une strophe :
Qu’il est beau, généreux d’Argence,
Qu’il est digne de ton grand cœur,
De venger la faible innocence
Des traits du calomniateur !
Souvent l’amitié chancelante
Resserre sa pitié prudente ;
Son cœur glacé n’ose s’ouvrir ;
Les amis sont réduits à feindre,
Nous en trouvons cent pour nous plaindre 5,
Et pas un pour nous secourir.
Voici encore une strophe de celle ode :
Imitons les mœurs héroïques
De ce ministre des combats 6,
Qui de nos chevaliers antiques
À le cœur, la tête, et le bras ;
Qui pense et parle avec courage,
Qui de la fortune volage
Dédaigne les dons passagers ;
Qui foule aux pieds la calomnie,
Et qui sait mépriser l’envie
Comme il méprisa les dangers.
Je crois que M. le duc de Choiseul ne sera pas mécontent de ces derniers vers. Il daigne toujours m’aimer ; il m’honore quelquefois d’un mot de sa main.
J’aurai l’honneur de vous envoyer l’ode entière dès qu’elle sera mise au net, et je la ferai imprimer à la suite de votre lettre. Je serai enchanté de joindre votre éloge à celui de M. de Choiseul . Cela paraîtra en même temps que le mémoire des Sirven, dont les avocats ne manqueront pas de vous envoyer quelques exemplaires.
Vous pourrez faire publier votre lettre et l’ode à Bordeaux, pendant que je la publierai à Genève. Je voudrais que vous eussiez la bonté de m’envoyer tous vos titres et ceux de M. le comte de Périgord, pour les placer à la tête.
J’attends vos ordres, et j’ai l’honneur d’être avec les sentiments les plus respectueux et les plus tendres, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Original signé où d'Argence a noté : « Je prie de supprimer le nom de M. le comte de Périgord », demande qui fut ignorée par les éditions de V* ; ici, texte de édition [ornement typographique] /Lettre/de M. de V***,/à M./le marquis d'A***,/le 8 décembre 1766 [1766 ?]
2 Cette lettre est connue . S'adressant à Gabriel-Marie de Talleyrand, comte de Périgord, d'Argence fait un éloge enthousiaste de l'Encyclopédie et de V* . Cette lettre est imprimée sous le titre : [ornement typographique]/Lettre/de M. le marquis d'A***,/ à M. ***, mais seulement en 1769 semble-t-il .
Note de Beuchot : Le comte de Périgord, prince de Chalais, depuis 1753, gouverneur du haut et bas Berry. Cette lettre devait être relative aux affaires des Calas et des Sirven. Voltaire en reparle dans la lettre à d’Alembert du 4 juin 1769 : la distance entre cette dernière lettre et celle à d’Argence de Dirac me paraît bien grande. (B.)
3 Les Erreurs de M. de Voltaire.
4 L’Ode à la Vérité ; voir : . https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome8.djvu/499
5 Dans les éditions de l'Ode à la vérité, ces deux vers apparaissent comme suit : « Son zèle est réduit à tout craindre ;/Il est cent amis pour nous plaindre . »
6 Le duc de Choiseul, ministre de la guerre
01:24 | Lien permanent | Commentaires (0)
07/03/2022
Je ferai donc ce qu’on prétend que disait le cardinal de Bernis au cardinal de Fleury : J’attendrai
... N'en déplaise à tous ceux qui piaffent d'impatience pour débattre avec le candidat Macron, ils n'ont réellement rien à y gagner .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
6è décembre 1766
Anges excédés et ennuyés, si votre copiste a porté sur la pièce cinq paquets de corrections, il peut fort bien copier encore la sixième ; mais je jure, par tous les sifflets possibles, que ce sera la dernière.
J’apprends d’ailleurs que ce n’est pas pour moi que le four chauffe actuellement . On est occupé de la pomme de Guillaume Tell et de la capilotade d’un cœur qu’on fait manger à la dame de Vergy 1. Je sais que ces barbaries passeront devant ma pastorale. Je ferai donc ce qu’on prétend que disait le cardinal de Bernis au cardinal de Fleury : J’attendrai. J’en suis fâché à cause de l’alibi, car la rage des calomniateurs est montée à son comble.
Les affaires de Genève ne vont pas trop bien. J’ai peur que les médiateurs n’aient le désagrément de voir leurs propositions rejetées ; mais je m’intéresse encore plus aux Scythes qu’aux Genevois.
Vous avez lu sans doute le mémoire contre les commissions 2 ; il y a des fautes , mais il me paraît écrit avec une éloquence forte et attachante. Savez-vous que le dernier projet de Jean-Jacques était de revenir à Genève ? C’était apparemment pour s’y faire pendre . Il ne sera pas fâché de l’être, pourvu que son nom soit dans la gazette.
Le cœur me dit que je recevrai aujourd’hui une lettre de mes anges ; mais je me donne toujours la petite satisfaction de leur écrire, avant d’avoir le grand plaisir de recevoir de leurs nouvelles. Il faut savoir que le courrier de Ferney part à sept heures du matin, et que les lettres de France n’arrivent qu’à deux ou trois heures après-midi.
Respect et tendresse. »
1 Le Guillaume Tell, de Le Mierre, joué le 17 décembre 1766 : https://books.google.fr/books?id=7SpOHGRK0a0C&pg=PA30&lpg=PA30&dq=Guillaume+Tell,+jou%C3%A9+le+17+d%C3%A9cembre+1766&source=bl&ots=jW_0obmTJK&sig=ACfU3U0UA5YgyJi9SNQnqRZxol1oMxkYjA&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjO3J2g_LH2AhUQCxoKHRj5Cw8Q6AF6BAg3EAM#v=onepage&q=Guillaume%20Tell%2C%20jou%C3%A9%20le%2017%20d%C3%A9cembre%201766&f=false
; et la Gabrielle de Vergy, par Buirette de Belloy, représenté à Versailles seulement en 1770 et à Rouen en 1772 : https://books.google.fr/books?id=O_w_AAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q=vergy&f=false
2 Par l’avocat Etienne Chaillou de Lisy ; voir : https://gallica.bnf.fr/blog/09022021/des-delits-et-des-peines-de-cesare-beccaria?mode=desktop
. On retrouve ce mémoire à propos de la lettre du 15 décembre 1766 à Damilaville : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/03/correspondance-annee-1766-partie-53.html
, et celle de décembre 1766 au chevalier de Taulès .
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06/03/2022
Il est détestable. Serait-on assez sot pour qu’il eût quelque vogue ?
... Tel est l'avis de chaque électeur pour qualifier tout autre candidat que son favori, car bien entendu, aucun de nous n'est sot, ça se saurait , non ?
« A Jacques Lacombe
Il y a une terrible faute, monsieur, ou je suis bien trompé, à la page 178. La voici :
Il n’y a eu aucun exemple de proscription, excepté chez les Juifs 1.
Il manque certainement là quelque chose . Il y a apparemment : dans la première antiquité connue. Je vous en avertis aussitôt que je reçois votre paquet, afin que vous ayez la bonté d’y apporter un prompt remède.
Je n’ai pu avoir encore un petit écrit sur Jean-Jacques 2 qu’on m’avait promis. Je vous prie, monsieur, de m’envoyer le poème de M. Dorat 3, sur la déclamation, dès qu’il paraîtra, et de me dire quel est l’auteur de l’Avis au prétendu sage 4.
Mon ami m’écrit que vous pourrez faire paraître, quand il vous plaira, votre pâté froid 5. Il dit que ses petits pâtés chauds, quoiqu’ils soient sortis du four il y a quinze jours, ne seront pas servis sitôt sur table 6.
S’il y a quelque chose de nouveau, vous me ferez plaisir de m’en faire part.
M. de La Harpe travaille chez moi à une tragédie qui pourra être prête à Pâques. J’espère qu’elle réussira, et que vous m’imprimerez.
Dites-moi, je vous prie, si vous avez entendu parler d’un livre en deux volumes, intitulé les Erreurs historiques et dogmatiques de Voltaire, par un faquin d’ex-jésuite nommé Nonotte. Est-il connu à Paris ? Il est détestable. Serait-on assez sot pour qu’il eût quelque vogue ?
Je vous embrasse de tout mon cœur, et je compte toujours sur votre amitié.
V.
5è décembre 1766. »
1 Cette correction est apportée à l'essai ajouté à Octave , voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k312278f/f196.item.texteImage
2 Voir lettre du 20 novembre 1766 à Lacombe : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/02/21/je-crois-qu-il-est-de-votre-interet-de-temporiser-au-moins-q-6367428.html
3Claude-Joseph Dorat : La Déclamation théâtrale ; http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../theorie/DORAT_DECLAMATION_TRAGEDIE.xml
4 Avis aux sages du siècle, MM. Voltaire et Rousseau, pièce de vers par Dorat.
5 Octave .
6 C’est-à-dire que les Scythes ne seront pas sitôt représentés.
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Je suis un grand questionneur, et je ne suis que cela aujourd’hui
... Et j'espère quelques réponses : https://lab-elections.ouest-france.fr/programmes/
« A Etienne-Noël Damilaville
3 décembre 1766
Quel est donc, mon cher ami, le conseiller usurier, banqueroutier et enfui ? Qu'a fait M. de Mazarin ? Avez-vous vu M. d'Argental ?
Voulez-vous bien envoyer ce petit mot à M. d'Alembert 1? Quand M. Thomas sera-t-il reçu ? Le factum pour les Sirven est-il à l'impression ? Je suis un grand questionneur, et je ne suis que cela aujourd’hui . La poésie m'avait transporté dans les espaces imaginaires ; la métaphysique me replonge dans les abîmes ; la faiblesse de mon corps succombe . Je vous embrasse . »
09:49 | Lien permanent | Commentaires (0)
je crois que je suis au bout de mon rôlet, et que j’ai épuisé toutes mes ressources. Chaque animal n’a qu’un certain degré de force, et tous les efforts qu’il fait par delà sont inutiles
... On croirait bien entendre Christiane Taubira, Philippe Mazuel, célèbres ou presque, et l'impressionnante cohorte des inconnus (pas le trio de ceux qui nous font rire ) : Hélène Thouy, Antoine Waechter, Jean-Marc Governatori, Anasse Kazib, Stéphane Tauthui, François Asselineau , Antoine Martinez, Nagib Azergui , Corinne Bekaert , Yvan Benedetti , Marie Cau, Eric Drouet , Clara Egger , Philippe Furlan , Fabrice Grimal , Fadi Kassem , Gaspard Koenig , Georges Kuzmanovic , Luc Laforets , Alexandre Langlois , Gilles Lazzarini , Stéphanie Rivoal , Martin Rocca , Rafik Smati , Serge Tinland , Gildas Vieira , Stéphane Wendlinger , Clément Wittmann : https://www.linternaute.com/actualite/politique/2579114-c...inages/
Trente éliminés d'office ; le poste présidentiel attire vraiment et la recherche de son quart d'heure de gloire est bien attirante, comme la queue du Mickey pour avoir un tour gratuit . Loupé ! Consolation, vous pouvez rire, ils seront treize à vous rejoindre dans le camp des perdants, d'ici peu .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
3 décembre 1766
Ce drame 1 deviendra bientôt l’habit d’Arlequin. J’envoie à mes anges, tous les ordinaires, de nouveaux morceaux à coudre. Je change toujours quelque chose dès que j’ai dit que je ne changerais plus rien . Mais, après tout, c’est pour plaire à mes anges.
Cependant je crois que je suis au bout de mon rôlet, et que j’ai épuisé toutes mes ressources. Chaque animal n’a qu’un certain degré de force, et tous les efforts qu’il fait par delà sont inutiles. Je suis épuisé, je suis à sec.
M. de Thibouville a mandé d’étranges choses à maman Denis ; il dit que, si par hasard il y avait une pièce nouvelle de la façon de votre créature, la superbe Clairon pourrait s’abaisser jusqu’à rentrer au théâtre, et à se charger du rôle principal de la pièce . Mais ce sont des chimères dont on berce les pauvres provinciaux, les pauvres habitants des déserts de la Scythie.
Quoi qu’il en soit, je cherche toujours à prouver mon alibi , c’est le point principal, et j’ai pour cela les plus fortes raisons.
Je n’ai point entendu Dalainville 2 ; mais tous ceux qui l’ont entendu, et qui s’y connaissent parfaitement, disent qu’il est nécessaire à la Comédie française. Au reste, comme il n’y a, dans Les Scythes, aucun personnage qui crie, excepté Obéide (dans ses imprécations), Molé, s’il est rétabli, pourra jouer un des deux principaux rôles.
Nous venons de la relire pour la quatrième fois, et elle nous a fait la même impression que la première.
Remarquez bien, ô anges , que voici le cinquième paquet de corrections. Vous devez avoir tout reçu, soit par M. le duc de Praslin, soit par M. de Courteilles, soit par M. Marin.
Voilà qui est fait, je ne me mêle plus de rien ; c’est à vous à prendre soin de mon salut.
Point du tout ; il y a encore quelques petits coups de pinceau à donner, quelques mots répétés à varier, et puis maman Denis dit que c’est tout . Mais qu’en disent mes anges ? »
1 Les Scythes.
2 Louis-François Molé, surnommé d'Allainville ou Dalainville est le frère aîné du célèbre comédien François-René Molé . Voir : https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/486457
et : https://www.classicistranieri.com/fr/articles/f/r/a/Fran%C3%A7ois_Mol%C3%A9_67d3.html
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05/03/2022
quand deux gens qui pensent sont d’accord sans s’être donné le mot, il y a beaucoup à parier qu’ils ont raison
... Et c'est ainsi que lors des élections on retrouve autant de clans persuadés d'être chacun les seuls détenteurs de la vérité . Autant d'avis que de fromages, autant de goûts bons et mauvais .
« A Jean Le Rond d'Alembert
2 de décembre 1766 1
Mon cher philosophe, vous êtes mon philosophe ; plus je vous lis, plus je vous aime. Que de choses neuves, vraies, et agréables ! Votre idée du livre antiphysique est aussi neuve que plaisante 2. Vous parlez mieux médecine que les médecins 3. Puissent tous les magistrats apprendre par cœur votre page 79 4 ! Il y a un petit Commentaire sur Beccaria, dont l’auteur 5 est entièrement de votre avis. Or, quand deux gens qui pensent sont d’accord sans s’être donné le mot, il y a beaucoup à parier qu’ils ont raison. Chez les Athéniens il fallait, autant qu’il m’en souvient, les deux tiers des voix sur cinq cents, pour condamner un coupable ; je n’en suis pas sûr pourtant. En parlant de Craig 6 , vous marchez sur des charbons ardents, et vous ne vous brûlez point. Pourquoi vous étonnez-vous tant que les Turcs n’aient point rebâti le temple de Jérusalem 7? Il y a une mosquée à la place, et il n’est pas permis de détruire une mosquée.
C’est, je crois, de Sanderson 8 qu’on a dit qu’il jugeait que l’écarlate ressemblait au son d’une trompette, parce ce que l’écarlate est éclatant et le son de la trompette aussi ; mais malheureusement il n’y a point en anglais de mot qui réponde à notre éclatant, et qui puisse signifier à la fois brillant et bruyant ; on dit shining pour les couleurs, sou[n]ding pour les sons.
Bassesse au figuré vient de bas au propre, comme tendresse vient de tendre 9.
Vous donnez de belles ouvertures pour la géométrie. L’idée qu’on peut faire passer une infinité de lignes courbes entre la tangente et le cercle, m’a toujours paru une fanfreluche de Rabelais. Les géomètres qui veulent expliquer cette fadaise avec leur infini du second ordre, sont de grands charlatans. Dieu merci, Euclide, autant que je m’en souviens, ne traite point cette question.
Je vais lire le reste. Je vous remercie du plaisir que je vais avoir, et de celui que vous m’avez donné.
Permettez à présent que je vous parle de la petite affaire de M. Boursier ; il a essayé de trois ou quatre formules pour faire passer les ordonnées de ses courbes ; mais il dit que la géométrie transcendante qui règne aujourd’hui s’y oppose entièrement 10. Il n’y a aucun bon mathématicien à Lyon qui puisse l’aider ; cependant il ne désespère point de son problème, mais il faudra du temps.
Vous allez, je crois, bientôt examiner les discours présentés pour un nouveau prix à l’Académie ; le sujet n’est pas neuf assurément 11, et ne prête guère qu’à la déclamation, puisque je vous recommande une déclamation 12, dont la devise est humanum paucis vivit genus 13; il m’a paru qu’il y avait de bonnes choses. L’écriture n’en est pas agréable aux yeux. Cette négligence fait quelquefois tort. Si vous pouviez vous charger de la lire à la séance, après voir accoutumé vos yeux à ce griffonnage, elle acquerrait un nouveau prix dans votre bouche. Elle est de ce jeune homme à qui vous voulez bien vous intéresser ; mais je ne veux et je ne dois demander que justice.
Quel est le jean-f…. de janséniste qui a dit que c’est tenter Dieu que de mettre à la loterie du roi 14 ?
Quel est le conseiller usurier qui a fait banqueroute ?
Qu’a fait le duc de Mazarin 15? le cardinal de ce nom était un grand fripon.
Vous devriez bien au moins me mettre dans une partie de votre secret, et me dire à qui il faudrait que votre ami La Harpe écrivît une lettre en général. Il me semble que cela serait convenable. »
1 Edition de Kehl ; Renouard et Lettres inédites (1884) ajoutent toute la fin à partir de Quel est le jean-f..., tandis que la dernière édition citée corrige la date de 20 en 2 .
2 Dans le § VI des Éléments de philosophie, de d’Alembert. (Georges Avenel.) : http://www.corpus-philo.fr/alembert-elements-philosophie.html
Dans ses « Éclaircissements sur différents endroits des éléments de philosophie », Mélanges, V, p. 3 et suiv., d'Alembert propose la publication d'une Antiphysique contre ceux qui prétendent expliquer toute chose, attitude sympathique à V* ; voir : : https://fr.wikisource.org/wiki/D%E2%80%99Alembert/Texte_entier
3 Réflexions philosophiques et mathématiques sur l'application du calcul des probabilités à l'inoculation de la petite vérole », Mélanges, V, p. 305-430.Voir : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00004289/document
4 Vol. V, p. 79 des Mélanges, où d'Alembert traite de la peine capitale .
5 Voltaire lui-même. (G.A.)
6 John Craig a écrit des Theologiae christianae principia mathematica, 1699, que d'Alembert discute dans son Mélanges, V. Voir : http://www.jehps.net/juin2011/Craig.pdf
Auteur des Principes mathématiques de théologie chrétienne. Voyez encore les Éléments de philosophie, de d’Alembert, même paragraphe. (G.A.)
7 Le 8 décembre 1763, d'Alembert a écrit à V* qu'un envoyé du sultan se trouvait à la cour de Frédéric II ; il ajoutait : « J'écrivais l'autre jour en ce pays-là que si le roi voulait seulement dire un mot, ce serait une belle occasion pour engager le sultan à faire rebâtir le temple de Jérusalem. »
8 Nicholas Saunderson : voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Lettre_sur_les_aveugles_%C3%A0_l%27usage_de_ceux_qui_voient
Célèbre aveugle. (G.A.) Voir lettre du 10 décembre 1766 de d'Alembert : http://dalembert.academie-sciences.fr/Correspondance/oeuvres.php?Datedeb=01-01-1766&Datefin=31-12-1766
9 Voyez le § IX des Éléments de d’Alembert. (G.A.)
10 C’est-à-dire que Voltaire a essayé de quatre moyens pour envoyer à d’Alembert la Lettre à M. ***, mais qu’un redoublement de surveillance l’a empêché de réussir. (G.A.)
11 Sur les malheurs de la guerre et les avantages de la paix. (G.A.) : https://books.google.fr/books?id=_1wGAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
12 C’est le discours de La Harpe, alors à Ferney. Il remporta le prix. (G.A.)
13 Le genre humain vit pour un petit nombre d'hommes : Lucain, Pharsale, V, 343 . C'est la devise sous laquelle La Harpe a présenté le discours Des malheurs de la guerre et des avantages de la paix .
14 Dissertation théologique sur les loteries, Christophe Coudrette, 1742 : https://books.google.fr/books?id=G150L0RKq5cC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
15 Louis-Marie-Guy d'Aumont, marquis de Villequier, devenu duc de Mazarin en épousant Charlotte-Antoinette de La Porte-Mazarini ; voir : http://www.histoireeurope.fr/RechercheLocution.php?Locuti... et http://www.chateauversailles-recherche-ressources.fr/jlbw... ; sur l'incident évoqué par V*, voir Croÿ, II, 240-241 :https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2063813/f243.item.texteImage
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04/03/2022
j’en suis réduit là. Je suis comme les habitants de nos colonies *, qui ne savent plus comment faire quand ils attendent de l’Europe des aiguilles et des peignes
... Conclusion temporaire après discussion du président Macron avec le dictateur-menteur Poutine : https://www.bfmtv.com/international/europe/tu-te-racontes...
* Ex-colonies (NDLR).
« A Charles Michel, marquis du Plessis-Villette
J’ai une plaisante grâce à vous demander. Je remarquai, lorsque vous me faisiez l’honneur d’être dans mon taudis, que vous ne soumettiez jamais votre visage à la savonnette et au rasoir d’un valet de chambre qui vient vous pincer le nez et vous échauder le menton. Vous vous serviez de petites pincettes fort commodes, assez larges, ornées d’un petit ciseau qui embrasse la racine du poil sans mordre la peau. J’en use comme vous, quoiqu’il y ait une prodigieuse différence entre votre visage et le mien. Mais il faut que cet art soit bien peu en vogue, puisque je n’ai pu trouver à Genève ni à Lyon une seule pince supportable ; il n’y en a pas plus que de bons livres nouveaux. Je vous demande en grâce de vouloir bien ordonner à un de vos gens de m’acheter une demi-douzaine de pinces semblables aux vôtres. Il n’y aurait qu’à les envoyer à M. Tabareau, en le priant de me les faire parvenir à Genève.
Il est vrai que voilà une commission très ridicule. J’aimerais bien mieux pincer tous les mauvais poètes, tous les calomniateurs, tous les envieux que de me pincer les joues. Mais enfin j’en suis réduit là. Je suis comme les habitants de nos colonies, qui ne savent plus comment faire quand ils attendent de l’Europe des aiguilles et des peignes. Enfin les petits présents entretiennent l’amitié, et je vous serai très obligé de cette bonté.
A Ferney, ce 1er décembre 1766 .1 »
1 Copie contemporaine incomplète de la dernière phrase du dernier paragraphe ; éditions Œuvres du marquis de Villette, 1782 . Cette lettre est placée par erreur , par Beuchot, en date du 8 juillet 1765 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1765/Lettre_6061
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