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04/08/2022

c'est en qualité de bon Français que vous souffrez tribulation

... Imaginez un peu ce que ce serait quand vous ne le seriez pas ?

 

 

« A Gabriel Cramer

[février-mars 1767]

Mon cher Caro, c'est en qualité de bon Français que vous souffrez tribulation . Non seulement vous êtes du pays de Gex, mais la main de Dieu est appesantie sur tous les libraires qui vous doivent de l'argent . Croiriez-vous bien que c'est le parti jésuitique qui poursuit encore avec fureur Fantet à Besançon, et qui a fait mettre Le Clerc au cachot ?

Voici un exemplaire des Scythes tels qu'on va les jouer à Paris le mercredi des Cendres, jour d’humiliation . Je vous conseille, au lieu de jeter votre édition dans le feu, de mettre les variantes à la queue ou à la tête . Vous mettriez pour titre à cette addition : Variantes suivant lesquelles on représente cette tragédie à Paris . Vos pauvres diables de comédiens gagneraient quelque argent à Genève en jouant cette pièce, mais aux imprécations ils pourraient bien être lapidés par les représentants .

Vous n'êtes donc pas allé en Suisse et vous êtes foulé de toutes manières . »

 

 

03/08/2022

il y a même une espèce de ridicule à débiter avec emphase l’éloge d’un homme qu’on n’a jamais vu

... Et nos hommes politiques, de tous grades, s'adonnent à l'exercice sans frémir, avec plus ou moins d'hypocrisie . Que ne prennent-ils exemple sur Pierre Desproges et Guy Bedos , autrement plus couillus qu'eux : https://www.huffingtonpost.fr/culture/video/guy-bedos-mor...

 

 

« A Louis-Elisabeth de La Vergne, comte de Tressan

À Ferney, 28 février [1767]

Votre souvenir m’a bien touché, monsieur, et votre ouvrage 1 a fait sur moi l’impression la plus tendre. Voilà comme je voudrais qu’on fît les oraisons funèbres. Il faut que ce soit le cœur qui parle ; il faut avoir vécu intimement avec le mort qu’on regrette.

C’étaient les parents ou les amis qui faisaient les oraisons funèbres chez les Romains. L’étranger qui s’en mêle a toujours l’air charlatan ; il y a même une espèce de ridicule à débiter avec emphase l’éloge d’un homme qu’on n’a jamais vu. Mais où sont les courtisans dignes de louer un bon roi ? il n’y a peut-être que vous. Les patriciens romains savaient tous parfaitement leur langue ; les lettres de Brutus sont peut-être plus belles que celles de Cicéron ; César écrivait comme Salluste : il n’en est pas ainsi parmi nous autres Velches. Votre ouvrage est vrai, il est attendrissant, il est bien écrit. Je vous remercie tendrement de me l’avoir envoyé.

Je me suis informé de vous à tous ceux qui ont pu m’en donner des nouvelles ; je ne vous ai jamais oublié. Je savais que vous aviez fait des pertes, et je croyais qu’on vous avait dédommagé. Vous comptez donc aller vivre en philosophe à la campagne ? Je souhaite que ce goût vous dure comme à moi. Il y a treize ans que j’ai pris ce parti, dont je me trouve fort bien. Ce n’est guère que dans la retraite qu’on peut méditer à son aise.

Je signe de tout mon cœur votre profession de foi. Il paraît que nous avons le même catéchisme. Vous me paraissez d’ailleurs tenir pour ce feu élémentaire que Newton se garda bien toujours d’appeler corporel. Ce principe peut mener loin ; et si Dieu, par hasard, avait accordé la pensée à quelques monades de ce feu élémentaire, les docteurs n’auraient rien à dire . On aurait seulement à leur dire que leur feu élémentaire n’est pas bien lumineux, et que leur monade est un peu impertinente.

Je suis affligé que vous ayez la goutte, mais il paraît que ce n’est pas votre tête qu’elle attaque.

Vous faites donc actuellement des vers pour votre fille, après en avoir fait pour la mère. Si elle tient de vous, elle sera charmante ; elle aura du sentiment et de l’esprit. Il faut que vous me permettiez de lui présenter ici mes respects.

Je n’oublierai jamais mon cher Panpan 2; c’est une âme digne de la vôtre. Que fera-t-il quand vous ne serez plus en Lorraine ? Toute la cour de votre bon roi va s’éparpiller, et la Lorraine ne sera plus qu’une province. On commençait à penser : ces belles semences ne produiront plus rien, c’est vers la Marne qu’il faudra voyager.

Notre lac de Genève fait bien ses compliments à la Marne. Ne tremblez point pour les personnes dont vous vous souvenez ; jamais querelle ne fut plus pacifique. Nous avons à la vérité des dragons, mais ils sont aussi tranquilles que les Genevois.

Adieu, monsieur ; conservez-moi des bontés qui font la consolation de ma vieillesse. Votre paquet m’est venu par Paris, après bien des cascades. » 

2 François-Etienne Devaux lecteur de Sa majesté le Roi de Pologne à Lunéville , voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/10/21/on-disait-qu-il-etait-plus-aise-de-battre-les-suisses-que-de-5863966.html

02/08/2022

Tout ce qui me viendra de vous me sera précieux

... Chère Mam'zelle Wagnière-LoveVoltaire, votre absence est angoissante . Qui sait des nouvelles de vous ?

 

 

« A Charles-Joseph Panckoucke

28 février [1767]

J’ai reçu de vous, monsieur, une lettre charmante, et j’ai lu avec beaucoup de plaisir votre traduction de Lucrèce 1, et votre Mémoire sur l’impossibilité de la quadrature du cercle 2. Je vois que vous étiez fait pour être l’ami de M. de Buffon, et non pas de Catherin Fréron. Vous nous rappelez ces beaux jours où les Estienne honoraient la typographie par la science.

Je doute fort que M. de La Harpe, que je crois très supérieur au Tassoni, veuille s’abaisser à traduire le Tassoni. La Secchia rapita est un très plat ouvrage, sans invention, sans imagination, sans variété, sans esprit et sans grâces. Il n’a eu cours en Italie que parce que l’auteur y nomme un grand nombre de familles auxquelles on s’intéressait. Si on voulait faire un poème burlesque, il faudrait choisir pour sujet les querelles de Genève 3, et surtout être plus plaisant que Tassoni, qui ne l’est point du tout en cherchant toujours à l’être.

Je vous suis très obligé, monsieur, de la bonté que vous avez de m’envoyer le livre que j’estime le plus 4. Je vous supplie de vouloir bien me mander dans quel temps il doit arriver à Lyon, afin de prendre des mesures pour le faire venir à Ferney. Toute communication est interrompue entre Lyon et Genève, et entre Genève et le pays de Gex. J’espère que, malgré ces obstacles, je ne serai pas privé du beau présent que vous voulez bien me faire. J’ai reçu les volumes de M. de Buffon 5, et je vous en remercie. Tout ce qui me viendra de vous me sera précieux, excepté les feuilles de l’Année littéraire, auxquelles je me flatte que vous avez renoncé. Un homme de lettres comme vous, qui imprime M. de Buffon, n’est pas fait pour imprimer des sottises du Pont-Neuf.

Au reste, monsieur, je voudrais pouvoir vous prouver l’estime que vous m’avez inspirée, quand j’ai eu le plaisir de vous voir à Ferney. Tous les gens qui pensent doivent ambitionner votre amitié, et c’est avec ces sentiments que j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

1 L'essai de Traduction libre de Lucrèce (par Panckoucke) porte le millésime 1766, et est en deux volumes in-12. : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k67924c.texteImage

2 Mémoire adressé à MM. les auteurs du Journal des savants sur l’impossibilité de la quadrature du cercle, de Ch. Panckoucke, dont parle ici Voltaire, est peut-être celui qui porte absolument le même titre, et qui est dans le Journal encyclopédique, second cahier de décembre 1765, et premier de janvier 1766.

3 Voir La Guerre civile de Genève : https://books.google.fr/books?id=Gy8HAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

Sur le Tassoni et La Secchia rapita, voir lettre du 7 juillet 1760 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/07/06/ayant-sous-son-nez-80-mille-autrichiens-et-100-mille-russes-5732407.html

Finalement, La Harpe renoncera à traduire son ouvrage .

4 L’Encyclopédie.

5 On sait que les premières éditions de Buffon furent imprimées par l'Imprimerie royale ; voir par ex. : https://www.abebooks.fr/rechercher-livre/titre/histoire-naturelle/auteur/comte-de-buffon/edition-originale/

01/08/2022

j’ai la vanité de croire que je pense comme elle

... (comme elles) : https://charliehebdo.fr/2021/11/societe/feminisme/charlie...

 

 

« A Jean-François Marmontel [A madame de Geoffrin

rue et quartier St Honoré

à Paris]

Chancelier de Bélisaire, on me dit que la Sorbonne demande des cartons. Ce n’est pas Bélisaire qui est aveugle, c’est la Sorbonne. Voici les propres mots d’une lettre 1 de l’impératrice de Russie, en m’envoyant son édit sur la tolérance : « L’apothéose n’est pas si fort à désirer que l’on pense ; on la partage avec des veaux, des chats, des ognons, etc., etc., etc. Malheur aux persécuteurs ! Ils méritent d’être rangés avec ces divinités-là. »

Elle ambitionnera votre suffrage, mon cher confrère, dès qu’elle aura lu votre Bélisaire, et n’y fera pas assurément de cartons. Cet ouvrage fera du bien à notre nation, je peux vous en répondre. Tout ce que je vous écris est toujours pour Mme Geoffrin 2, car j’ai la vanité de croire que je pense comme elle. Si le roi de Pologne et l’impératrice de Russie ne s’entendaient pas sur la tolérance, je serais trop affligé.

Bonsoir, mon cher confrère ; jouissez de votre gloire, et du ridicule des docteurs.

V.

28è février 1767. »

2 Comme le confirme l'adresse .

il faut le laisser le maître absolu de l'affaire dont il est chargé

... Peut-être . A suivre ...

https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/07/31/le-cons...

 

 

«  A Charles Manoël de Végobre, Avocat

à Genève

Je crois, monsieur, que ce serait mal reconnaître les soins de M. de Beaumont que de s'adresser à un autre . Il se peut d'ailleurs qu'il choisisse lui-même un autre avocat pour plaider en faveur des filles de Sirven, il faut le laisser le maître absolu de l'affaire dont il est chargé . C'est une déférence qu'il mérite . Je cois que vous serez de mon avis . On ne peut vous être plus tendrement attaché que votre très humble et très obéissant serviteur .

V.

28è février 1767 à Ferney. »