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20/03/2024

Répéter ce que les autres ont dit, c’est ne savoir que dire ...Quoi qu’il en soit, ogn'uno faccia secondo il suo cervello

...

 

« A Etienne-Michel Bouret 1

31 auguste 1768

Monsieur, 

M. Marmontel, votre ami et le mien, vous a dit sans doute, ou vous dira combien notre langue répugne au style lapidaire, à cause de ses verbes auxiliaires et de ses articles. Il vous dira qu’une épigraphe en vers est encore plus difficile, et que de cent il n’y en a pas une de passable, excepté celles qui sont en style burlesque : tant le génie de la nation est tourné à la plaisanterie .

Il est triste d’emprunter deux vers d’un ancien auteur latin pour Louis XV. Répéter ce que les autres ont dit, c’est ne savoir que dire . De plus, le roi viendra chez vous : il verra votre statue 2, et n’entendra pas l’inscription. Si quelque savant duc et pair lui dit que cela signifie qu’on souhaite qu’il vive longtemps, on avouera que la pensée n’en est ni neuve ni fine. Il y a bien pis . Si j’ai la hardiesse de vous faire une inscription en vers pour la statue du roi, il faut rencontrer votre goût, il faut rencontrer celui de vos amis ; et vous savez que la première idée qui vient à tout convive, soit à table, soit en digérant, c’est de trouver détestable tout ce qu’on nous présente, à moins que ce ne soit d’excellent vin de Tokai. Les choses se passaient ainsi de mon temps, et je doute que les Français se soient corrigés. Je ne vous enverrai donc point de vers pour le roi. Le temps des vers est passé chez la nation, et surtout chez moi. Tout ce que je vous dirai, c’est que si j’étais encore officier de la chambre du roi, si j’avais posé sa statue de marbre sur un beau piédestal, s’il venait voir sa statue, il verrait au bas ces quatre petits vers-ci, qui ne valent rien, mais qui exprimeraient que c’est un de ses domestiques 3 qui a érigé cette statue, qu’on aime beaucoup celui qu’elle représente, et qu’on craint de choquer son indifférente modestie :

Qu’il est doux de servir ce maître,
Et qu’il est juste de l’aimer !
Mais gardons-nous de le nommer ;
Lui seul s'y pourrait méconnaître !

Je sais bien que les beaux-esprits ne trouveraient pas ces vers assez pompeux ; et en effet je ne les ferais pas graver dans une place publique, mais je les trouverais très convenables dans ma maison. Ils le seraient pour moi, ils le seraient pour l’objet de mon quatrain : cela me suffirait ; et les critiques auraient beau dire, mon quatrain subsisterait ; mais ce que je ferais dans mon petit salon de vingt-quatre pieds, vous ne le ferez pas dans votre salon de cent pieds.

Mes vers trop familiers seront vus de travers,
Et pour les grands salons il faut de plus grands vers.

Quoi qu’il en soit, ogn'uno faccia secondo il suo cervello 4.

Je vous réponds que si jamais le roi passe par ma chaumière, et s’il trouve sa statue, il n’y lira pas d’autres vers au bas. J’aurais pu lui donner, comme un autre, de l’héroïque, et du plus grand roi du monde, et de la terre et de l’onde par le nez ; mais Dieu m’en préserve, et lui aussi !

Mais, si j’étais à votre place, voici comme je m’y prendrais : je collerais du papier sur mon piédestal, et j’y mettrais, le jour de l’arrivée du roi :

Juste, simple, modeste, au-dessus des grandeurs,
Au-dessus de l’éloge, il ne veut que nos cœurs.
Qui fit ces vers dictés par la reconnaissance ?
Est-ce Bouret ? Non, c’est la France.

Le roi aurait le plaisir de la surprise. Enfin, si j’étais Louis XV, je serais plus content de ce quatrain que de l’autre.

Mais, je vous le répète, il y a des courtisans qui ne sont jamais contents de rien.

Le résultat de tout ceci, monsieur, c’est que vous n’aurez point de vers de moi pour votre statue ; mais je vous aime de tout mon cœur, et cela vaut mieux que des vers. Je vous supplie de dire à M. de La Borde combien je lui suis attaché, et combien mon cœur est plein de ses bontés. Si j’avais son portrait, il aurait une statue dans mon petit salon.

Avec tous les talents le destin l’a fait naître ;
Il fait tous les plaisirs de la société :
Il est né pour la liberté,
Mais il aime bien mieux son maître.

J’ai l’honneur d’être, etc. »

2 Ayant eu l'honneur de recevoir Louis XV dans sa demeure de La Croix Fontaine, près de Fontainebleau, Bouret a obtiendra la permission d'ériger sa statue .

Voir page 452 et suiv. : https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Ch%C3%A2teau_Bouret

3 Voltaire emploie de nouveau cette expression, au sens ancien de « personne attachée au service de quelqu'un », comme Jean-Jacques Rousseau ; voir page 531 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome36.djvu/534#cite_ref-3

; et page 33. : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome26.djvu/43

4 Que chacun fasse à sa tête.

19/03/2024

Vous êtes bien peu curieux de ne pas demander Les Droits des hommes et les Usurpations des papes

... Ouvrage tout à fait recommandable .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

31 auguste 1768

Mon cher ange, j’ai montré votre lettre du 23 août ou d’auguste, au possédé 1. Il vous prie encore de lui renvoyer sa facétie, et donne sa parole de démoniaque qu’il vous renverra la bonne copie au même instant qu’il recevra la mauvaise. Son diable l’a fait raboter sans relâche depuis qu’il fit partir son croquis ; mais il jure, comme un possédé qu’il est, qu’il ne fera jamais paraître l’empereur deux fois ; qu’il s’en donnera bien de garde ; que cela gâterait tout ; que l’empereur n’est en aucune manière deus in machina, puisqu’il est annoncé dès la première scène du premier acte, et qu’il est attendu pendant toute la pièce de scène en scène, comme juge du différend entre le commandant du château et les moines de l’abbaye. S’il paraissait deux fois, la première serait non-seulement inutile, mais rendrait la seconde froide et impraticable. C’est uniquement parce qu’on ne connaît point le caractère de l’empereur qu’il doit faire un très grand effet lorsqu’il vient porter à la fin un jugement tel que n’en a jamais porté Salomon. Le bon de l’affaire, c’est que c’est un jardinier qui fait tout ; et cela prouve évidemment qu’il faut cultiver son jardin, comme dit Candide.

Comme cette facétie ne ressemble à rien, Dieu merci, mon possédé croit qu’il faut de la naïveté, que vous appelez familiarité ; et il croit que cette naïveté est quelquefois horriblement tragique.

Ne trouvez-vous pas qu’il y a dans cette pièce du remue-ménage comme dans l’Écossaise. Je suis persuadé que cela vous aura amusés, vous et Mme d’Argental, pendant une heure. Il est doux de donner du plaisir, à cent lieues de chez soi, à ceux à qui on est attaché.

Je ne répondrais pas que la police ne fît quelques petites allusions qui pourraient empêcher la pièce d’être jouée ; mais, après tout, que pourra-t-on soupçonner ? que l’auteur a joué l’Inquisition sous le nom des prêtres de Pluton ? En ce cas, c’est rendre service au genre humain ; c’est faire un compliment au roi d’Espagne, et surtout au comte d’Aranda ; c’est l’histoire du jour avec toute la bienséance imaginable, et tout le respect possible pour la religion.

Voyez, mon divin ange, ce que votre amitié prudente et active peut faire pour ces pauvres Guèbres ; mais je n’ai point abandonné les Scythes : ils ne sont pas si piquants que les Guèbres, d’accord ; mais, de par tous les diables, ils valent leur prix. La loi porte qu’ils soient rejoués, puisque les histrions firent beaucoup d’argent à la dernière représentation. Les comédiens sont bien insolents et bien mauvais, je l’avoue ; mais il faut obéir à la loi. J’ignore quel est le premier gentilhomme de la loi cette année 2 ; mais, en un mot, j’aime les Scythes. J’ai envie de finir par les Corses ; je suis très fâché qu’on en ait tué cent cinquante d’entrée de jeu ; mais M. de Chauvelin m’a promis que cela n’arriverait plus 3.

Vous êtes bien peu curieux de ne pas demander Les Droits des hommes et les Usurpations des papes ; c’est, dit-on, un ouvrage traduit de l’italien 4, dont un envoyé de Parme doit être très friand.

Une chose dont je suis bien plus friand, mon cher ange, c’est de vous embrasser avant que je meure. Je suis, à la vérité, un peu sourd et aveugle ; mais cela n’y fait rien. Je recommence à voir et à entendre au printemps ; et j’ai grande envie, si je suis en vie au mois de mai, de venir présenter un bouquet à Mme d’Argental. Je devais aller cet automne chez l’électeur palatin ; mais je me suis trouvé trop faible pour le voyage. Je me sentirai bien plus fort quand il s’agira de venir vous voir. Il est vrai que je n’y voudrais aucune cérémonie. Nous en raisonnerons quand nous aurons fait les affaires des Scythes et des Guèbres. Vous êtes charmant de désirer de me revoir ; j’en suis pénétré, et mon culte de dulie en augmente. Je trouve plaisant qu’on ait imaginé que j’irais voir ma Catau, moi âgé de septante-quatre  ! Non, je ne veux voir que vous.

V. »

2 C’est depuis 1741 André-Hercule de Rosset , duc de Fleury .

3 Bernard-Louis Chauvelin est arrivé le 25 août en Corse pour prendre le commandement des troupes et achever la pacification de l'île . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_Corse

 

Peut-être on exagérait trop d'un côté, et on diminuait trop de l'autre . La vérité prend d’ordinaire un juste milieu, et quand nous supposerons qu'il n'y eut qu'environ quatre-vingt-dix mille personnes ou brûlées ou pendues, ou noyées, ou égorgées...

... Ça ressemble au terrible bilan des morts, blessés, affamés qui constitue , en sus de la brutalité des chiffres, une des armes de propagande des camps ennemis les plus au premier plan que sont la Russie et l'Ukraine, et Israël contre Hamas , ravageurs , insoutenables , inoubliables :

https://www.lefigaro.fr/international/guerre-israel-hamas-tsahal-mene-une-operation-a-al-shifa-le-plus-grand-hopital-de-gaza-20240318

et : https://www.courrierinternational.com/grand-format/infographie-les-chiffres-de-la-guerre-en-ukraine

 

 

 

« A François Achard Joumard Tison, marquis

d'Argence, Brigadier des armées du

roi etc.

à Angoulême

par Limoges

31è auguste 1768

Je ne puis qu'approuver le patriotisme de M. Fitzgeral 1 qui veut diminuer autant qu'il peut l'horreur de la Saint-Barthélemy d'Irlande 2. J'en ferais bien autant si je le pouvais de la Saint- Barthélemy de France . Il a raison de citer M. Brouk 3qui paraît prouver en effet que les catholiques n'égorgèrent que quarante mille protestants en comptant les femmes et les enfants, et les filles qu'on pendait au cou de leurs mères . Il est vrai que dans la première chaleur de ce saint évènement le parlement d'Angleterre spécifia expressément le massacre de cent cinquante mille personnes, mais il pouvait avoir été trompé par les plaintes indiscrètes des parents des massacrés . Peut-être on exagérait trop d'un côté, et on diminuait trop de l'autre . La vérité prend d’ordinaire un juste milieu, et quand nous supposerons qu'il n'y eut qu'environ quatre-vingt-dix mille personnes ou brûlées ou pendues, ou noyées, ou égorgées pour l'amour de Dieu, nous pourrons nous flatter de ne nous être pas beaucoup écartés du vrai ; d'ailleurs je ne suis qu'un simple historien, et il ne m'appartient pas de condamner une action qui, ayant la gloire de Dieu pour objet, avait des motifs si purs et si respectables .

Il est bon pourtant, mon cher ami, que de si grands exemples de charité n'arrivent pas souvent . Il est beau de venger la religion . Mais pour peu qu'on lui fit de tels sacrifices deux ou trois fois chaque siècle, il ne resterait enfin sur le terre personne pour servir la messe .

Votre correspondant vous envoie à l'adresse ordinaire un petit paquet qu'il a reçu pour vous . Je finis tout doucement ma carrière ; mes maux et ma faiblesse augmentent, il faut que ma patience augmente aussi, et que tout finisse .

V. »

1Il ; s'agit certainement de William Robert Fitzgerald, marquis de Kildare, deuxième duc de Leinster . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/William_FitzGerald_(2e_duc_...)

2 Des massacres de protestants pendant les années 1641-1643, mais dans des circonstances très différentes de celles de la Saint-Barthélémy: rébellion irlandaise . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9bellion_irlandaise_de_1641

3 Henry Brooke : The Tryal of the Roman Catholics , 1762 : https://archive.org/details/tryalromancatho00broogoog/page/n3/mode/2up

18/03/2024

je souhaite que les hommes soient justes

...

 

« A Jean-Paul Rabaut de Saint-Étienne 1etc.

à Nîmes

29è auguste 1768 au château de Ferney 2

Monsieur,

Plus je deviens vieux et malade, moins j'ai de crédit ; mais j'ai écrit fortement à un ami qui en a beaucoup . Je lui ai envoyé votre mémoire 3 , et je souhaite que les hommes soient justes ; c'est tout ce que peut vous mander un pauvre vieillard qui n'en peut plus .

J'ai l'honneur d'être avec les sentiments que je vous dois,

monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

gentilhomme ordinaire

de la chambre du roi. »

2 Original, cachet « Genève ». Le destinataire de cette lettre était le fils de Paul Rabaut actif comme lui dans le parti protestant.

3 Ce mémorandum peut avoir eu un rapport avec l'affaire de Sainte-Foy ; voir « Une lettre inédite de Voltaire à Paul Rabaut », de N. Weiss, Bulletin historique et littéraire de l'histoire du protestantisme français, 15 octobre 1891.

cette dissertation ne regarde ni les fétiches, ni la manière dont on tourne sa langue dans sa bouche

... Au fait, qu'est-ce que l'OTAN ? https://www.diploweb.com/Carte-L-Organisation-du-traite-d...

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« A Germain-Gilles-Richard de Ruffey

Au château de Ferney, ce 27 auguste 1768.

Mon cher président, je vous envoie un ouvrage d’un de vos académiciens, dédié à un autre académicien. Il est vrai que cette dissertation ne regarde ni les fétiches, ni la manière dont on tourne sa langue dans sa bouche 1 ; mais vous êtes juge des procédés autant que des recherches littéraires. Si M. de Brosses veut vous prendre pour arbitre, je m’en remets à votre jugement. S’il ne le veut pas, je mets tout sur sa conscience. S’il se laissait conduire par vous, je m’en rapporterais à son honneur.

Adieu, mon cher ami, conservez un peu de bonté pour votre ancien serviteur. 

V.»

1 Allusion au Traité de la Formation mécanique des langues et des principes physiques de l'étymologie, 1765, par M. de Brosses. Voir : https://archive.org/details/traitdelaformati01bros/page/n5/mode/2up

17/03/2024

je me flatte que vous aurez d’excellent vin cette année, et que vous voudrez bien que j’en boive cent bouteilles

... Hips !

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Santé gaillards !

 

 

« A Antoine-Jean-Gabriel Le Bault

Au château de Ferney ce 27 auguste 1768

Monsieur, je me flatte que vous aurez d’excellent vin cette année, et que vous voudrez bien que j’en boive cent bouteilles. M. le président de Brosses me fait boire la lie du vin de la terre de Tournay. Si vous vendiez votre vin aussi cher qu’il vend le sien, vous feriez une fortune immense. S’il veut vous prendre pour arbitre, vous êtes un gourmet en fait de procédés : j’en passerai par ce que vous ordonnerez. Au reste, si M. de Brosses ne veut pas me rendre justice, j’aime mieux souffrir que plaider ; et quoique j’aie beaucoup perdu avec lui dans cette affaire, j’aime mieux mon rôle que le sien.

Permettez-moi de présenter mes hommages à Mme Le Bault 1.

J’ai l’honneur d’être avec bien du respect,

monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur.

Voltaire. »

 

1 Née Jeanne-Jacquette Burteur , , morte à Dijon le 1er mai 1811.

Douée d’un talent musical très-remarquable, plusieurs personnes se souviennent d’avoir entendu Mme Le Bault, à quatre-vingt-cinq ou quatre-vingt-six ans, chanter des airs de Rameau, qui avait été à Dijon son premier maître de clavecin. Elle avait été fort belle. (Th. Foisset.)

Voir : http://www.archipicture.free.fr/france/bourgogne/cote_or/dijon33.html

Et en cas que vous me condamnassiez à ne recevoir aucun des adoucissements que je demande, je me croirais très-bien condamné

... J'aime trop l'imparfait du subjonctif pour vous en priver, ô vous qui massacrez le français sur les réseaux dits sociaux, et si vous criez haro sur moi, faites-le en respectant l'orthographe et la grammaire si vous pouvez, ça me consolerait !

 

 

« A Jean-Philippe Fyot de La Marche fils, premier président

26è auguste 1768, au château de Ferney.

Monsieur,

Après avoir perdu monsieur votre père 1, dont j’étais le contemporain, et ayant des organes bien moins forts que les siens, ne devant penser qu’à le suivre et à mettre quelque arrangement dans les affaires de ma famille, je prends la liberté de soumettre à votre opinion et à vos bontés la dernière lettre que j’ai été forcé d’écrire à M. le président de Brosses après dix années de vexations et de chagrins 2. Je me soumettrais sans aucune difficulté à tout ce que vous ordonneriez, s’il voulait vous prendre pour arbitre. Et en cas que vous me condamnassiez à ne recevoir aucun des adoucissements que je demande, je me croirais très-bien condamné.

M. de Brosses me réduit à manquer d’asile sur la fin de ma vie, en cas que je vende la terre de Ferney pour l’avantage de ma famille. Cette situation serait douloureuse, et en me faisant du mal il y perdrait lui-même, puisqu’en me retirant à Tournay il faudrait nécessairement que j’y fisse des dépenses qui tourneraient toutes à son profit. Son intérêt s’accorde visiblement avec l’humanité et la justice que je réclame, et qui sont si convenables à sa place.

Tous ces motifs semblent justifier, monsieur, la liberté que je prends auprès de vous ; j’espère que vous la pardonnerez aux sentiments qui m’ont attaché toute ma vie à vos parents, à vos amis, et surtout à votre personne, et que vous agréerez le profond respect avec lequel j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Voltaire. »

1 Mort le 3 juin 1768 .