15/12/2008
plaisir des dieux, plaisir adieu !?
« A Charles –Augustin Ferriol, comte d’Argental
Mon aimable ange gardien, si j’avais eu quelque chose de bon à dire j’aurais écrit à MM. d’Ussé, mais écrire pour dire : j’ai reçu votre lettre, et j’ai l’honneur d’être, et des compliments et du verbiage, ce n’est pas la peine.
Je ne saurais écrire en prose quand je ne suis pas animé par quelque dispute, quelque fait à éclaircir, quelque critique etc. J’aime mieux cent fois écrire en vers, cela est beaucoup plus aisé, comme vous le sentez bien.
Voici donc des vers que je leur griffonne. Qu’ils les lisent, mais qu’ils les brûlent.
Venons à l’épître sur la preuve de l’existence de Dieu par le plaisir .[5ème Discours sur l’homme]. Ne pourrait-on pas y faire une sauce pour faire avaler le tout aux dévots ?
Il est très vrai que le plaisir a quelque chose de divin philosophiquement parlant, mais théologiquement parlant il sera divin d’y renoncer. Avec ce correctif on pourrait faire passer l’épître ; car tout passe. J’ai corrigé encore beaucoup les autres. Un petit mot, s’il vous plait, sur la dernière, sur l’aventure de la Chine [« …je lus hier dans un livre chinois… » : 6ème Discours sur l’homme]. J’aime vos critiques, elles sont fines, elles sont justes, elles m’encouragent. Pousuivez .
Je ne crois avoir fait qu’une action de bon chrétien et non un bon ouvrage dans ce que vous savez [ la pièce L’Envieux donnée à La Marre], et comme il faut que les bonnes œuvres soient secrètes je vous prie de recommander à La Marre le plus profond secret. D’ailleurs qu’il fasse tout ce que vous lui prescrirez. C’est ainsi que j’en userais si j’étais à Paris.
Mme du Chatelet fait mille compliments à l’ange gardien et à cet autre ange Mme d’Argental.
Ce Blaise, c’est ne vous en déplaise, Blaise Pascal mais il faudrait un autre nom. Je vous prie d’engager M. d’Argenson à donner des ordres positifs pour que mes ouvrages n’entrent point en France. Je crains toujours qu’on y ait glissé quelque chose qui troublerait, je ne dis pas mon repos, mais celui d’une personne que je préfère à moi comme de raison.
Voltaire
Cirey, le 15 décembre 1738 »
« la preuve de l’existence de Dieu par le plaisir », à 44 ans Voltaire a déjà bien travaillé pour accumuler les preuves sur le sujet ; il n’a pas été en retard pour trouver cette réponse par menus et grands plaisirs recherchés dès son adolescence, il faut avouer qu’il est naturellement doué et l’abbé de Chateauneuf, son parrain, n’a pas eu à rougir de son filleul.
« théologiquement parlant il sera divin d’y renoncer » : renonce qui veut, en tout cas , moi je ne veux pas rivaliser avec Dieu ni ses saints ; que les dévots, grenouilles de bénitiers et punaises de sacristies avalent cette sauce , je reste un homme , pas un ange ( ou alors sérieusement déplumé, à poil(s) en quelque sorte !).
J’envie ce sacré bonhomme philosophe qui fait jouer ses relations de collège, je dirais même qui joue avec ses relations – quelle vérité, quelle sincérité quand il demande « que mes ouvrages n’entrent point en France . Je crains toujours qu’on y ait glissé quelque chose qui troublerait… » ? Troublant trublion que ce turbulent’auteur !
18:47 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, plaisir, divin, envieux, chatelet, argental
happy Xmas ? hey , y're crazy man !!
Just for the fun, a little scribouillage to Gulliver’s father.
“A Jonathan Swift
in London, Maiden Lane, at the White perruke, Covent garden
Sir,
You will be surprised in receiving an English essay from a French traveller. Pray, forgive an admirer of you who ows to yr writings the love he bears to yr language which as betray’d him into the rash attempt of writing in English.[ V. a écrit un “Essay upon the civil wars of France…the epick poetry of the European’s nations from Homer to Milton”, paru le 6 decembre]
You will see by the Advertisement that I have some designs upon you, and that I must mention you fort the honour of yr country and for the improvement of mine. Do not forbid ma to grace my relation with yr name. Let me indulge the satisfaction of talking of you as posterity will do.
In the mean time, can I make bold to intreat you to make some use of yr interest in Ireland abaout some subscriptions for the Henriade, which is almost ready and does not come out yet for want a little help. The subscriptions will be but one guinea in hand.
I am with the hightest esteem and the utmost gratitude, Sir,
Yr most humble and most obedient servant.
Voltaire
14 december 1727 [25n.s.]” les Anglais avaient gardé l’ancien calendrier, d’où deux dates : o. s. = old style et n.s. = new style = calendrier grégorien.
17:44 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, swift, henriade
13/12/2008
rich man, very poor men
« A Jean-Robert Tronchin
Je suis bien plus coupable encore que vous ne dites, mon cher correspondant, et je crois vous avoir fait ma confession par ma dernière lettre, car outre la terre de Ferney que j’ai achetée pour les miens, et où je bâtis, j’ai encore acheté à vie la comté de Tournay du président De Brosses et lui ai donné une lettre de change sur vous payable aux Saints, de 16 mille livres, et une pour les Rois, de 19 000 livres, qui seront payées à moins qu’il ne survienne quelque accident qui rompe cette affaire et en ce cas je vous donnerais avis.
Après vous avoir fait ma confession, voici comme je prétends à l’absolution. 1° les 130 000 livres données à l’Electeur palatin assurent une rente considérable à Mme Denis, et je regardais comme un devoir de prendre soin de sa fortune. 2° les 90 000 livres entre les mains de notre ami Labat [qui les prête à la duchesse de Saxe Gotha] sont une très bonne affaire, et le capital rentre dans les 3 ans ½.
Je vais actuellement vous ouvrir mon cœur sur le reste. Ce cœur est trop à vous pour vous être caché. Après avoir pris le parti de rester auprès de votre lac, il fallait soutenir ce parti. Mais vous savez qu’à Genève il y a des prêtres comme ailleurs. Vous n’ignorez pas qu’ils ont voulu me jouer quelques tours de leur métier. Ils ont continuellement répandu dans le peuple que j’étais venu chercher un asile dans le territoire de Genève et ils ont feint d’ignorer que j’avais fait à Genève l’honneur de la croire libre et digne d’être habitée par des philosophes. J’ai opposé la patience et le silence à toutes leurs manœuvres. J’ai pris une belle maison à Lausanne pour y passer les hivers. Et enfin je me vois forcé d’être le seigneur de deux ou trois prédicants, et d’avoir pour mes vassaux ceux qui osaient essayer de m’inquiéter. J’ai tellement arrangé l’achat de Tournay que je jouis pleinement et sans partage de tous les droits seigneuriaux, et de tous les privilèges de l’ancien dénombrement.
La terre de Ferney est moins titrée, mais non moins seigneuriale. Je n’y jouis des droits de l’ancien dénombrement que par grâce du ministère, mais cette grâce m’est assurée. J’aime à planter, j’aime à bâtir et je satisfais les seuls goûts qui consolent la vieillesse. J’étais las d’acheter pour 3000 livres de bois de chauffage par an, et de n’avoir pas chez moi assez de fourrage pour mes chevaux. J’avais parmi mes domestiques un vigneron en titre d’office, pour cultiver deux arpents de vigne [environ 1 ha]. J’avais deux jardiniers pour un petit potager, et un équipage de charrue au semoir pour semer deux coupes de blé. Ces domestiques seront mieux employés dans de plus grands domaines, et ne me coûteront pas davantage. Les deux terres l’une compensant l’autre me produisent le denier vingt, et le plaisir qu’elles me donnent est le plus beau de tous les deniers.
Je réduirai à la modestie le château que je bâtis à Ferney. J’ai d’ailleurs d’entrée de jeu les pierres, la chaux et presque tous les bois. Vous voyez dans quels détails j’entre avec vous. J’y suis autorisé par votre amitié. Enfin je me suis rendu plus libre en achetant des terres en France que je ne l’étais n‘ayant que ma guinguette de Genève et ma maison de Lausanne. Vos magistrats sont respectables, ils sont sages, la bonne compagnie de Genève vaut celle de Paris, mais votre peuple est un peu arrogant, et vos prêtres un peu dangereux. Vos parents et vos amis me dirent il y a plusieurs mois, qu’ils croyaient nécessaire de me faire recommander à Genève par le ministère de France. J’ai pris le parti de me recommander moi-même, et d'être chez moi maître absolu. J’en serai beaucoup plus maître dans l’ermitage des Délices.
Somme totale j’ai ajouté deux grands degrés à ma félicité et je l’ai affermie, et somme totale par rapport aux finances, soyez sûr que si je vis encore quatre ans vous m’enverrez un compte pareil à celui de 1757. Pardonnez- moi donc, mon cher confesseur. J’ai reçu le groupe jaune et blanc [250 louis d’or et 50 d’argent]. Je vous remercie tendrement de tous vos soins et je suis encore plus sensible à l’amitié avec laquelle vous me parlez de mes intérêts.
V.
13 décembre 1758. »
Yes, il l’a fait ! Les revenus sont conséquents, offrons nous un territoire pour être (chez moi) maître absolu et éviter de se frotter davantage à ce peuple un peu arrogant . Il est titré, il va bâtir, il va faire cultiver, il va recevoir, il va briller, non pas quatre ans, mais vingt ans. Inespéré ! Fernex devient Ferney et enfin ça bouge dans ce coin insalubre du Pays de Gex.
Hier soir, j’ai vu le reportage Thalassa sur Haïti : j’ai du mal à concevoir que des humains en soient réduits à être des bousiers, oui des bousiers !! Comment nommer des êtres qui mangent de la terre, en galettes salées certes, mais de la boue quand même. Comment prendre au sérieux des présidents et des gouvernements qui lâchent des millions pour la recherche spatiale, pour des guerres, … J’en viens à me demander ce que je fiche ici, je devrais être à l’Assemblée nationale pour engueuler les députés qui se votent des augmentations , qui rajoutent des lois aux lois, qui ne comprennent même plus ces misérables textes qui oppriment plus souvent qu’ils ne libèrent ; ils grimpent sur leurs gradins et sur leurs petits ergots et ne voient pas plus loin que le fond de leurs maroquins. Quant à la valse des bagues aux doigts des ministres et aux voyages non-stop présidentiels, passons, d’autres pendant ce temps trépassent …
Haïti , haï T, ha E.T. : ça y est, je débloque moi aussi ; je suis, comme disait de lui-même un copain de régiment polytechnicien et parachutiste, « fondamentalement lâche » et accessoirement courageux. Quand pourrons nous dire comme Voltaire « j’ai fait un peu de bien, c’est mon meilleur ouvrage ». Hâtons nous …Engueulez moi , moi aussi...
18:45 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, genève, ferney, haïti, bousier, député, ministre
12/12/2008
je suis un peu maître chez moi
« A Claude – Adrien Helvetius
Mon cher philosophe, il y a longtemps que je voulais vous écrire. La chose qui me manque le plus c’est le loisir. Vous savez que ce La Serre volume sur volume incessamment desserre [vers attribués à Boileau]. J’ai eu beaucoup de besogne. Vous êtes un grand seigneur qui affermez vos terres. Moi je les laboure moi-même comme Cincinnatus, de façon que j’ai rarement un moment à moi. J’ai lu une héroïde d’un disciple de Socrate dans laquelle j’ai vu des vers admirables. J’en fais mon compliment à l’auteur sans le nommer [Marmontel ?]. La pièce est roide. Bernard de Fontenelle n’eut jamais osé ni pu en faire autant. Le parti des sages ne laisse pas d’être considérable, et assez fier. Je vous le répète, mes frères, si vous vous tenez tous par la main vous donnerez la loi. Rien n’est plus méprisable que ceux qui vous jugent. Vous ne devez voir que vos disciples.
Si vous avez reçu un Pierre [Commentaires sur Corneille], ce n’est pas Simon Barjone. Ce n’est pas non plus le Pierre russe que je vous avais dépêché par la poste. Ce doit être un Pierre en feuilles que Robin mouton devait vous remettre. Je vous en ai envoyé deux reliés, un pour vous et l’autre pour M. Saurin. Il a plu à messieurs les intendants des postes de se départir des courtoisies qu’ils avaient ci-devant pour moi. Ils ont prétendu qu’on ne devait envoyer aucun livre relié. Douze exemplaires ont été perdus –c’est l’antre du lion. J’ignore même si un gros paquet a été rendu à M. Duclos.
De quelles tracasseries me parlez-vous ? Je n’en ai essuyé ni pu essuyer aucune. Est-ce de frère Menoux ?Ah ! rassurez-vous. Les jésuites ne peuvent me faire de mal, c’est moi qui ai l’honneur de leur en faire. Je m’occupe actuellement à déposséder les frères jésuites d’un domaine qu’ils ont acquis près de mon château [Ornex]. Ils l’avaient usurpé sur des orphelins et avaient obtenu lettres royaux pour avoir permission de garder la vigne de Naboth. Je les fais déguerpir mort-Dieu ; je leur fais rendre gorge, et la province me bénit. Je n’ai jamais eu un plaisir plus pur. Je suis un peu le maître chez moi par parenthèse.
Vous ai-je dit que le frère et le fils d’Omer sont venus chez moi et comme ils ont été reçus ? Vous ai-je dit que j’ai envoyé Pierre au roi, et qu’il l’a mieux reçu que le discours et le mémoire de Lefranc de Pompignan ? Vous ai-je dit que Mme de Pompadour et M. le duc de Choiseul m’honorent d’une protection très marquée . Croyez moi, croyez mes frères, notre petite école de philosophes n’est pas si déchirée. Il est vrai que nous ne sommes ni jésuites ni convulsionnaires, mais nous aimons le roi sans vouloir être ses tuteurs, et l’Etat sans vouloir le gouverner. Il peut savoir qu’il n’a point de sujets plus fidèles que nous, ni de plus capables de faire sentir le ridicule des cuistres qui voudraient renouveler les temps de la Fronde.
N’avez-vous pas bien ri du voyage de Pompignan à la cour avec Fréron, et de l’apostrophe de monsieur le dauphin : et l’ami Pompignan pense être quelque chose ? Voila à quoi les vers sont bons quelquefois. On les cite comme vous voyez dans les grandes occasions. J’ai vu un Oracle des anciens fidèles. Cela est hardi, adroit et savant. Je soupçonne l’abbé Mords-les [Morellet] d’avoir rendu ce petit service.
Dieu vous conserve dans la sainte union avec le petit nombre. Frappez et ne vous commettez pas. Aimons toujours le roi et détestons les fanatiques.
Voltaire
12 décembre 1760. »
Pour les connaisseurs, et je crois que vous l’êtes,
ce texte est bien sûr en fonte Helvetica ;-)
De « cher philosophe » à « cher philosophe », je trouve que le Patriarche distribue les bons points et , soupçonnant à juste titre des espionnages de ses écrits, fidèle à son style, est à mes yeux capable de dire encore une fois une chose et son contraire : le roi « n’a point de sujets plus fidèles que nous » alors que plus haut « Je vous le répète, mes frères, si vous vous tenez tous par la main vous donnerez la loi. Rien n’est plus méprisable que ceux qui vous jugent ».
J’aime aussi ce coté gamin qui « se la pète » : «Je les fais déguerpir mort-Dieu ; je leur fais rendre gorge, et la province me bénit. Je n’ai jamais eu un plaisir plus pur. Je suis un peu le maître chez moi par parenthèse. », je lui trouve un coté Zorro qui me fait rigoler . Voltaire -Zorro avec son fidèle écuyer le père Adam-Bernardo, couple d’enfer !
Autre couple d’enfer, Fréron et Lefranc de Pompignan que vous pourrez voir représenté entre autres sur le tableau dit « Le triomphe de Voltaire » au château de Voltaire . Il vaut son pesant de cacahuètes. Voir : http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://mr_sedivy.tr...
Après quelques récriminations contre la poste locale (Ferney) car à 13h toujours pas de courrier (donc pas de journal), je vois que ces ennuis ne datent pas d’aujourd’hui et je comprends que le facteur n’a peut-être pas de talents de dompteur pour collecter le courrier dans « l’antre du lion » ! Je n’ai pour ma part pas l’art d’attendrir et motiver nos préposés. Avez –vous une ou des recettes ?
Et bien sûr détestons les fanatiques.
16:52 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, helvetius, freron, tracasserie, fanatique, frère
11/12/2008
coupe-jarrets ou bouchers ?
« A Marie-Jean-Antoine-Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet
Le voici enfin cet exécrable procès-verbal [sur le chevalier de La Barre et d’Etallonde]; le voici avec toutes se contradictions, ses imbécillités et ses noirceurs, accumulées par une cabale d’Hottentots welches. Deux coquins suscitèrent ce procès horrible uniquement pour perdre Mme l’abbesse de Villancour, qui n’avait pas voulu coucher avec eux.
J’envoie aux deux Bertrands l’extrait fidèle des dépositions avec la réfutation en marge. Il faut espérer que la France se lavera de cet opprobre d’une façon ou d’une autre.
Je donne avis à M. d’Hornoy que j’ai entre les mains la procédure. Je pense qu’il faut absolument purger la contumace, les cinq ans sont passés, on a besoin de lettres du Sceau, mais elles ne sont jamais refusées, c’est une chose de droit.
Il serait plus difficile de réhabiliter le chevalier de La Barre au parlement même. Jamais ces assassins ne voudront convenir qu’ils ont été des coupe-jarrets absurdes. On ne pourrait parvenir à cette réhabilitation qu’en cas que la famille obtint la révision à un autre tribunal.
Mais songez que la famille des de Thou n’a jamais pu parvenir à faire revoir le procès de son parent juridiquement assassiné pour s’être conduit en honnête homme. [décapité avec Cinq-Mars sans avoir révélé le complot]
D’ailleurs je crois qu’il y a eu quelques profanations prouvées contre le chevalier de La Barre. Ainsi, tout ce qu’on pourrait obtenir serait une condamnation à une moindre peine ; à moins qu’on ne portât l’affaire à un tribunal tout à fait philosophe, ce qui n’arrivera pas sitôt.
Toute notre ressource est donc de purger la contumace d’Etallonde. Le succès me parait sûr, et fera le même effet que si on cassait le jugement rendu contre La Barre. Car le public croira avec raison que La Barre était aussi innocent que son camarade ; et en justifiant l’un, nous les justifions tous les deux.
Pour parvenir à cette justification, nous écartons un ou deux témoins des Hottentots d’Abbeville. Personne ne paraissant plus pour l’accuser, il sera en ce cas absous infailliblement, et il pourra même obtenir la permission de procéder contre ses accusateurs.
Voilà où nous en sommes. La générosité du grand-duc de Russie envers M. de La Harpe [qui en reçoit une pension] est une belle leçon pour nos Welches.
J’embrasse tendrement nos deux Ajax qui combattent vaillamment pour la cause des Grecs.
J’allais faire partir cette lettre par la voie indiquée, lorsque M. de Villevieille a eu la bonté de s’en charger. Alors je l’ai mis dans la confidence ; bien sûr qu’il nous gardera le secret et qu’il pourra même nous aider des ses bons offices. Son cœur est digne du vôtre.
Il faut encore que je vous dise, et que l’avocat sache qu’il y a dans la déposition de Moinel, page 2, que ledit Moinel avait entendu dire que d’Etallonde avait donné des coups de canne au crucifix du grand chemin. J’ai mis insulter pour ne pas effaroucher les Welches.
V.
11 décembre 1774 »
Voltaire fait encore du rentre-dedans contre les « coquins » qui mènent une justice diablement partiale, malheureusement , dans cette affaire il n’aura pas gain de cause de son vivant : « Jamais ces assassins ne voudront convenir qu’ils ont été des coupe-jarrets absurdes », cri du cœur contre la peine de mort et ceux qui la décident !
Dans un autre domaine qui me touche de près, je serais heureux que le commissaire russe d’une exposition qui est prévue au château de Voltaire en 2010, en l’honneur des liens France – Russie, Voltaire et Catherine II ne nous oublie pas dans ses prières et ne fasse pas à notre propos de la procrastination (eh oui ! quand on m’énerve je trouve des grands mots à tirette ; à vos dicos mes amis !). Allez, je balance : le prénom commence par D et le nom finit par ov. N'insistez pas, il est très discret, mais je vous donnerai peut-être le lien qui vous permettra de le voir en interview avec une journaliste qui mérite le détour, si vous êtes sages ou si vous me le demandez ...
Allez, je mets mes raquettes et je vais faire chauffer la soupe.
Spécial pour Jacques : "Mais il est tard monsieur, il faut que je rentre chez moi !"
18:43 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, la barre, assassins, exposition, russie
09/12/2008
VRP de luxe = Voltaire
« A Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental
J’ai commandé sur le champ, Madame, à mes Vulcains quelque chose de plus galant que la ceinture de Vénus pour madame la marquise de Chalvet, la Toulousaine. Elle aura cercle de diamants, boutons, repoussoir, aiguilles de diamants, crochet d’or, chaîne d’or colorié. Vous aurez du très beau et du très bon. J’ai un des meilleurs ouvriers de l’Europe. C’était lui qui faisait à Genève les montres à répétition, où les horlogers de Paris mettaient leur nom impudemment. Je ne saurais vous dire le prix actuellement, cela dépendra de la beauté des diamants.
Vous voulez, peut-être, Madame, des chaines de marcassites séparément ; c’est sur quoi je vous demande vos ordres. Les chaînes ordinaires sont d’argent doré, dont chaque chaton porte une pierre. Ces chaînes valent six louis d’or.
Celles dont les chatons portent des pierres appelées jargon, qui imitent parfaitement le diamant, valent onze louis.
Voilà tout ce que je sais de mes fabricants, car je ne les vois guère : ils travaillent sans relâche. Vous prétendez que j’en fais autant de mon côté ; vous me faites bien de l’honneur. Je n’ai guère de moments à moi ; il m’a fallu bâtir plus de maisons que le président Hénault n’en avait dans le quartier Saint Honoré ; et il me faut à présent combattre la famine. Le pain blanc vaut chez nous huit sols la livre. J’ai envie d’en porter mes plaintes aux Ephémérides du citoyen. [édité par le physiocrate Dupont de Nemours]
Vous me dites que du temps des sorciers j’aurais été brûlé. Vraiment, Madame, je le serais bien à présent si on en croyait l’honnête gazetier ecclésiastique. Mais n’appelez point l’Epitre au roi de la Chine un ouvrage. Ce sont les vers de Sa Majesté chinoise qui sont un ouvrage considérable. On y trouve sa généalogie : il descend en droite ligne d’une vierge. Cela n’est point du tout extraordinaire en Asie.
Je ne sais pas encore ce qui s’est passé au parlement. Il a du trouver fort mauvais qu’on veuille le policer, lui qui prétend avoir la grande et la petite police. Il ferait bien mieux, peut-être de ne point ordonner des autodafés pour des chansons.
La Sophonisbe de Lantin deviendra ce qu’elle pourra. On tâchera de trouver un quart d’heure pour envoyer quelques pompons à cette Africaine ; mais la journée n’a que vingt-quatre heures, et on n’est pas sorcier comme vous le prétendez.
On dit que Lekain est plus gras que jamais et se porte à merveille ; cela doit réjouir infiniment M. d’Argental, il aura enfin des tragédies bien jouées.
Je me mets à l’ombre des ailes de mes anges. Mme Denis leur est attachée autant que moi : c’est beaucoup dire.
Mille respects.
V.
7 décembre 1770 »
La vente est une chose pour laquelle le Patriarche semble avoir des dispositions, grand connaisseur en bijoux (il était généreux envers les dames qu'il aimait ), placier en montres et bas de soie . Le luxe, il connait bien. Et la mise en boîte aussi : "Sa Majesté chinoise" et le monde asiatique ont droit à un revers lifté imparable qui me réjouit .
Faute d'autodafés pour des chansons, contentons nous des attaques en justice pour des poupées ou des photos de people.
Le Vieux ferneysien montre encore qu'il a du coeur en lançant un combat contre la famine...
ps: je fais un petit saut ailleurs et je reviens ...
Coucou, me revoilou. Parler de famine m'a donné un petit creux et il me restait une demi-pomme avec un quignon de pain ! Il neige, il pleut, hiver rude, homme blanc planqué devant télé voir Inspecteur Harry (quand même moins sopo que les Experts à la mie de pain de tous les pays : aujourd'hui, qui n'a pas sa bande d'experts n'est pas digne d'émettre pour nos chères têtes blondes !). "Grande ou petite police", Clint Eastwood ne connait que la loi de l'efficacité du bien contre le mal, ou plutot du moins mauvais contre le pire.Il ne sera pas dit que seul le comte d'Argental aura des tragédies bien jouées...16:43 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, bijou, or, diamant, famine, sorcier
à têtes chaudes, marrons chauds
« A Jean Le Rond d’Alembert, secrétaire perpétuel de l’Académie française, au Louvre à Paris
C’est à votre lettre du 30 novembre, mon très cher philosophe, que je réponds aujourd’hui, et nous ne nous croiserons plus. Je vous remercie pour votre bonne volonté pour l’apprenti prêtre et apprenti évêque d’Espagnac. J’ai quelque lieu d’espérer un jour qu’il sera un prélat assez philosophe. Vous pouvez lui confier Saint Louis pour l’année 1778. Je crois qu’il a trop d’esprit pour justifier les croisades devant l’Académie. Il me semble qu’il avait parlé de la philosophie de Catinat avec effusion de cœur.
Luc [Frédéric II et aussi le singe que possède Voltaire !!] est un singulier corps. Profitez de l’extrême envie qu’il a de vous plaire. Il serait homme à faire comme Hume, si on avait le malheur de le perdre. [Hume avait fait un legs à d’Alembert]
Le secrétaire juif nommé Guénée n’est pas sans esprit et sans connaissances, mais il est malin comme un singe, il mord jusqu’au sang en faisant semblant de baiser la main. Il sera mordu de même. Heureusement un prêtre de la rue Saint Jacques, desservant d’une chapelle à Versailles, qui se fait secrétaire des juifs, ressemble assez à l’aumônier Pousssatin du « Comte de Grammont ». Tout cela fait rire le petit nombre de lecteurs qui peut s’amuser de ces sottises.
Savez-vous bien que nos ennemis sont déchainés contre nous d’un bout de l’univers à l’autre ? Connaissez-vous le jésuite Ko, résidant actuellement à Pékin ? C’est un petit Chinois, enfant trouvé, que les jésuites amenèrent il y a environ vingt-cinq ans à Paris. Il a de l’esprit, il parle français mieux que chinois, et il est plus fanatique que tous les missionnaires ensemble. Il prétend qu’il a vu beaucoup de philosophes à Paris, et dit qu’il ne les aime , ni ne les estime, ni ne les craint . Et où dit-il cela ? Dans un gros livre dédié à Monseigneur Bertin . Il parait persuadé que Noé est le fondateur de la Chine. Tout cela est plus dangereux qu’on ne pense. Son livre imprimé à Paris, chez Nyon, ne peut être connu de mon grand poète Kien-Long empereur de la Chine ; et il est difficile de l’en instruire. Les jésuites qu’il a eu la bonté de conserver à Pékin sont plus convertisseurs que mathématiciens. Ils aiment à travailler de leur métier. Il ne faut que deux à trois têtes chaudes pour troubler tout un empire. Il serait assez plaisant d’empêcher ces marauds-là de faire du mal à la Chine. On pourrait y parvenir par le moyen de la cour de Petersbourg, mais commençons par songer à Paris.
Raton se jette en mourant entre les bras de Bertrand.
V.
8 décembre 1776. »
Pour les curieux , voir :
Memoires du Comte de Grammont de Antoine Hamilton : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k29220q et http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k292212
« Il ne faut que deux à trois têtes chaudes pour troubler tout un empire » : c’est vrai au 18ème siècle, c’est vrai encore et toujours et les têtes chaudes ne manquent pas ; difficile de garder son sang-froid avec tous les bouillants qui nous entourent ; j’en viendrais à des extrémités fâcheuses qui seraient de couper les dites extrémités en surchauffe comme on coupa jadis les têtes de l’Hydre ou celles de Cerbère ! Pas étonnant que la planète se réchauffe à grande allure ! Euh, là , je mélange peut-être un peu les sujets, quoi que !?
Un petit coucou amical (sic) à nos amis chinois à qui j’apporte le soutien désintéressé de Voltaire (et de la Russie ) qui n’est pas encore au courant de la situation au Tibet et qui ne voit dans son timonier qu’un amical poète à la bonté proverbiale ! Comme les temps changent, ou plutôt, comme j’aimerais qu’ils changent . Comme disent mes voisins suisses : « j’aimerais être déçu en bien ! »
13:41 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, chine, tibet, tête, singe, bien, louvre