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21/02/2009

Le diable est partout , tout est sous les armes

« A Charles-Joseph Panckoucke

 

                   Consolez-vous, Monsieur ; il est impossible que les captifs qui sont à Alger [ les 3 premiers volumes de l’Encyclopédie, sous scellés à la Bastille ] ne soient pas délivrés par les mathurins [ ordre créé pour racheter les captifs chrétiens ] quand le temps sera favorable ; puisqu’on a rendu les premiers [ les volumes suspendus en 1759, première édition ], on rendra les seconds. Les cadets ne peuvent être traités plus durement que les ainés.

                   J’ai dû à M. d’Alembert et à M. Diderot la politesse que j’ai eue pour eux. Il n’était pas juste que mon nom parût avant le leur [dans le Prospectus de l’Encyclopédie ], et il faut surtout qu’il n’y paraisse point. Ceux qui travaillent à deux ou trois volumes de Questions sur l’Encyclopédie croient vous rendre un très grand service. Ils donnent les plus grands éloges à la première édition, ils annoncent la seconde ; ils espèrent décréditer un peu les contrefaçons, et ils s’amusent.

 

                   Je n’ai point vu mon ami Cramer ; tout est en combustion dans Genève, tout est sous les armes ; on a assassiné sept ou huit personnes juridiquement dans les rues, dans les maisons ; un vieillard de quatre-vingts ans a été tué en robe de chambre ; une femme grosse bourrée à coups de crosse de fusil est mourante ; une autre est morte. Cramer [Gabriel ] commande la garde. Il faut espérer que son magasin ne sera pas brûlé. Le diable est partout. J’espère que je l’exorciserai en qualité de capucin ; car il faut que vous sachiez que je suis agrégé dans l’ordre des capucins par notre général Amatus de Lamballa, résidant à Rome, qui m’a envoyé mes lettres patentes. C’est une obligation que j’ai à saint Cucufin [voir sa Canonisation de Saint Cucufin ], et j’en sens tout le prix. Je prie Dieu pour vous. Recevez ma bénédiction.

 

                            Frère François V., capucin indigne .

                            21 février 1770. »

Pour rester dans l'indignité, petit cadeau d'un poète du XXI ème siecle ; vous me remercierez plus tard !!

http://video.google.fr/videoplay?docid=699540148749833844...

Cette querelle n’est pas prête à finir,

 

 

La journée commence bien, soleil, bon gel, air sec, vent nul, Banania, miel. Jusque là tout va bien. Et puis, vers 8h20, sur la RSR1 (émission « le grand 8 ») où il est question de la « rédemption » de Mickey Rourke, je ne sais pas exactement quel journaliste –Antoine Duplan, je pense- admirateur éclairé de quelques films tournés avec Mickey R*, ose émettre cette co…ie magistrale : « James Dean n’a tourné que trois films, tous les trois mauvais ! ». Bougre de tête à claques ! « La fureur de vivre », « A l’est d’Éden » et « Géant » : mauvais ?! Je n’aurais pas eu la patience de Jean-Luc Bideau, invité de l’émission, qui a pris la défense de ces films, à mon gré trop mollement, - pour une fois  infidèle à son image de trublion et rentre-dedans. Dommage !! Monsieur le critique de cinéma, je vous laisse à votre admiration du Mickey et son œuvre impérissable (car bien conservée dans l’alcool !!). Me faire un coup comme ça, au petit déj, ce n’est pas charitable ! Si vous avez l’occasion de voir les trois films cités, allez-y sans crainte. Je vous parle sans haine et sans peur, et je dois ajouter qu’un de mes livres favoris est « A l’est d’Éden » de John Steinbeck. Cet auteur est « top niveau » à mes sentiments. En cette période de crise, certains seraient bien inspirés de lire « Les raisins de la colère » ! Colère surchauffée dans nos iles tropicales où l’on retrouve une ambiance de république bananière : hors-la-loi et dictature de la peur. Le sang a coulé, des chômeurs malintentionnés ont trouvé un nouveau job : fauteur de trouble. « Vacances » musclées pour les gardes mobiles ; ils ne reviendront surement pas bien bronzés, le casque est supérieur comme isolant et pour arrêter les cailloux meilleur que l’ « écran total ». Tristes tropiques !!!

 

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

 

 

Mon cher frère, j’ai lu une partie de ce Pluquet [Examen du fatalisme, ou Exposition et réfutation des différents systèmes de fatalisme qui ont partagé les philosophes sur l’origine du monde, sur la nature de l’âme… 1757,  abbé André-Adrien Pluquet]. Cet homme est ferré à glace pour la métaphysique ; mais je ne sais s’il n’a pas fourni un souper dont plusieurs plats seraient assez du goût des spinozistes. Je voudrais bien savoir ce que les d’Alembert, les Diderot pensent de ce livre.

 

La Destruction doit être partie ou partira à la fin de cette semaine. Je ne suis pas exactement informé, trois pieds de neige interrompent un peu la communication. Je crois que cette neige refroidira les esprits de Genève qui étaient un peu échauffés ; on disputera, mais il n’y aura point de guerre civile [V* : « Le peuple qui se croit le souverain veut culbuter le pauvre petit gouvernement… Cette querelle n’est pas prête à finir, la démocratie ne pouvant subsister quand les fortunes sont trop inégales… » 25 janvier. Le 7 février, mille Représentants  avaient apporté leurs revendications à la Maison de Ville, demandant entre autre la convocation de Conseil général].

 

            Je crois que j’ai très bien pris mon temps pour me tirer de la cohue, et pour me défaire des Délices, [V*, 12 janvier : « Je remets à Monsieur Robert Tronchin la maison sur le territoire Saint Jean nommée les Délices avec toutes les dépendances suivant l’accord fait entre nous »], d’autant plus que mon bail était fini, et que je ne l’avais pas renouvelé. Un M. Labat qui avait dressé les articles du contrat me faisait quelques difficultés [ les transformations faites par V* sont qualifiées de « dégradations », M. Labat dit que si on a changé les cheminées de plâtre pour du marbre, il doit payer le plâtre ! ] comme vous l’avez pu voir. Ces difficultés ont du vous paraître extraordinaires, aussi bien que le contrat même. On ne ferait pas de tels marchés en France. Celui-là est plus juif que calviniste.

 

Je me flatte que tout s’accommodera à l’amiable, et beaucoup plus facilement que les affaires de Genève. MM. Tronchin qui sont mes amis m’y aideront [ de J-R Tronchin à son frère François : « il ne faut avoir ni difficultés ni procès, et je t’avoue que j’aime mieux être lésé que de lutter contre V. » ]; mais je serai toujours bien aise d’avoir le sentiment de M. Elie de Beaumont au bas de mes petites questions. J’attends avec impatience son mémoire pour les Calas [ Mémoire pour dame Anne-Rose Cahibel, veuve Calas, et pour ses enfants ]. Voilà un véritable philosophe, il venge l’innocence opprimée ; il n’écrit point contre la comédie ; il n’a point un orgueil révoltant, il n’est point le délateur de ceux dont il aurait dû être l’ami et le défenseur. Le cœur me saigne de deux grandes plaies, la première que Rousseau soit fou ; la seconde que nos philosophes de Paris soient tièdes. Dieu merci vous ne l’êtes pas. Vous m’avez glissé deux lignes dans votre lettre du 12 février qui font la consolation de ma vie.

 

Je soupçonne que le paquet de Franche-Comté est tombé entre les mains des barbares. Il faut mettre cette petite tribulation aux pieds du crucifix. Je me recommande à vos saintes prières. anniversaire_edouard.jpgJ’entre aujourd’hui dans ma soixante et douzième année, car je suis né en 1694, le 20 février et non le 20 novembre comme le disent les commentateurs mal instruits [ le petit François-Marie, « né tué » comme il le dira, est déclaré né le 21 novembre 1694 sur son acte de baptême ; en réalité il serait né le 20 février, ondoyé, et seulement baptisé en novembre ]. Me persécuterait-on encore dans ce monde à mon âge ? Cela serait bien  welche .Je me flatte au moins qu’on ne me fera pas grand mal dans l’autre. Je vous embrasse bien tendrement. Ecr[asez] l’Inf[âme].

 

            Voltaire

            20 février 1765. »

 

PS- cette note aurait dû paraître hier vendredi mais j'avais plusieurs fers au feu, entre autre, la préparation d'une assemblée générale de donneurs de sang bénévoles qui a mon grand plaisir s'est bien déroulée.

 

     Puisqu'on parle d'anniversaire et que Volti n'aime pas trop les contrats juifs :       http://www.juif.org/video/3925,gad-elmaleh-l-anniversaire...

17/02/2009

ils sacrifient le genre humain à un seul homme

Vous avez peut-être remarqué que mes notes ne sont pas quotidiennes ! Pourquoi donc ceci-celà ? Flemmardise ? Non! Manque d'inspiration ? Non !! Manque de liaison Web ? Yes !! Aujourd'hui, fidèle à la RSR 1 (radio suisse romande) j'ai ouï une déclaration de ce gourou -coucou- de Séguéla (j'ai corrigé "Slégela" !) prenant la défense de Sarko qui  arborait des montres à épater les minettes dans sa période bling-bling :"si à 50 ans on n'a pas une Rolex, c'est qu'on n'a pas réussi sa vie" !Eh bien moi, Monsieur,  à 19 ans j'avais déjà un Solex !Et ça m'était bien plus utile pour aller à la fac qu'une Rolex qui pesait à ctte époque autant qu'un âne mort (un âne au bras ou un(e) bardot, c'est tout comme pour faire de l'épate ).

J'ai aussi une pensée émue (sniff!) pour les habitants de Guadeloupe, Martinique et Réunion  qui sont en grève, manifestent contre la vie chère ! Je suis seulement ébahi qu'on s'en soit aperçu . De très mauvaises langues, dont la mienne, disent que vu le travail qu'ils font en temps ordinaire, ne rien faire laisse voir une maigre différence ! Advienne que pourra, mais comme dit JJ : "si tu veux têter, il faut pleurer !"

 

 

          Ci-dessous, en voici un qui savait défendre son ouvrage en vérité, lui qui excellait dans l'art de la dissimulation pour la bonne cause, -cela va sans dire !.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« A Marie-Louise Denis, rue Traversière, près de la fontaine Richelieu à Paris

 

 malesherbes.jpg

                            Je suis encore obligé, ma chère nièce, de vous importuner au sujet de ces impertinentes éditions d’une Histoire prétendue universelle qu’on a osé mettre sous mon nom. Mon indignation redouble tous les jours. Un des plus savants hommes de l’Europe, M. Vernet, professeur d’histoire à, Genève, que je vis il y a douze    ans à Paris chez le cardinal de Polignac, et qui a conservé une copie du commencement de mon véritable ouvrage, me mande qu’il a vu avec horreur combien il est défiguré. L’insolent éditeur de Hollande [ Néaulme ] a mis dans l’introduction ces paroles : Les historiens, semblables en cela aux rois, sacrifient le genre humain à un seul homme ; et il y a dans mon manuscrit : Les historiens imitent en cela quelques tyrans dont ils parlent ; ils sacrifient le genre humain à un seul homme. Il y a cent passages aussi indignement falsifiés ; vous en avez la preuve dans le manuscrit qui est dans ma maison. Je ne puis trop répéter que je vous conjure de montrer ces différences essentielles à M. de Malesherbes. Tout le monde me doit la justice de concourir avec moi pour condamner l’insolence avec laquelle un éditeur de Hollande m’a imputé ses propres sottises, et pour me justifier dans l’esprit des honnêtes gens. J’écrivis il y a six semaines  à M. de Malesherbes ces propres paroles : si M. de Malesherbes veut ajouter à ses bontés celle d’empêcher que cette partie de l’Histoire universelle imprimée en Hollande, n’entre en France, je lui aurai une nouvelle obligation.

 

                            Je vous écrivis trois lettres consécutives pour vous prier d’exiger cette grâce de M. de Malesherbes [en décembre 1753, le 11 déjà ]; vous étiez malade alors ; et ce fripon de libraire hollandais faisait déjà débiter son impertinent ouvrage à Paris où il l’avait apporté lui-même dans des ballots de toile. M. de Malesherbes ne put donc malgré ses soins empêcher que la France ainsi que l’Europe ne fut inondée de ce livre que j’ai condamné si hautement [ le 5 janvier, édition Duchesne, et le 17 il y a cinq éditions connues de Voltaire : France, Hollande, Genève, Leipzig ; il enverra des errata à Lambert et à Walther ] ; mais assurément sa probité courageuse doit l’engager à faire parvenir au roi mon innocence . On est bien fort quand on demande justice, et surtout quand cette justice se borne à faire reconnaître seulement la vérité. Je vous prie donc avec la plus vive instance de montrer cette lettre à M. de Malesherbes ; il peut parler fortement à M. le chancelier son père ; il peut parler à Mme de Pompadour. Ce n’est point ici une affaire qui demande des démarches délicates et des négociations ; il s’agit uniquement de dire la vérité, et de s’en tenir là. C’est ce que j’attends de votre amitié, et ce que je ne cesserai de vous demander. Je vous embrasse tendrement et je vous prie de m’écrire en droiture.

 

                            Je suis trop malade pour vous écrire de ma main.

 

 

                   Voltaire

                   Seconde lettre du 17 février 1754. »

13/02/2009

Le trou du cul est quelque chose !

Je ne résiste pas  au plaisir de vous faire connaître cette lettre, vous trouverez sans doute de vous-même le passage qui m’a motivé.

 

« A Jean Le Rond d’Alembert

 

                Si j’ai lu la belle jurisprudence de l’Inquisition ! [envoyé par d’Alembert : Manuel des inquisiteurs à l’usage des inquisitions d’Espagne et du Portugal, ou Abrégé de l’ouvrage intitulé : Directorium inquisitorum…1762]! Eh ! oui, mordieu, je l’ai lue ; et elle a fait sur moi la même impression que fit le corps sanglant de César sur les Romains. Les hommes ne méritent pas de vivre puisqu’il y a encore du bois et du feu et qu’on ne s’en sert pas pour brûler ces monstres dans leurs infâmes repaires. Mon cher frère, embrassez en mon nom le digne frère qui a fait cet excellent ouvrage [l’abbé Morellet]. Puisse-t-il être traduit en portugais et en castillan !

 

                Plus nous sommes attachés à la sainte religion de notre sauveur Jésus-Christ, plus nous devons abhorrer l’abominable usage qu’on fait tous les jours de sa divine loi.

 

                Il est bien à souhaiter que vos frères et vous donniez tous les mois quelque ouvrage édifiant qui achève d’établir le royaume de Christ, et de détruire les abus. Le trou du cul est quelque chose [l’abbé Morellet pour l’article « Figures » de l’Encyclopédie dit que St Ambroise ou St Augustin a comparé «les dimensions de l’Arche à celles du corps de l’homme, et la petite porte de l’Arche au trou du derrière »]. Je voudrais qu’on mît en sentinelle un jésuite à cette porte de l’arche.

 

                On a imprimé en Hollande le Testament de Jean Meslier [Extraits des sentiments de Jean Meslier, adressés à ses paroissiens sur une partie des abus et des erreurs en général et en particulier , ed. Genève 1762]. Ce n’est qu’un très petit extrait du testament de ce curé [Voltaire demandait dès 1735 à Thiriot de lui fournir le manuscrit original ]. J’ai frémi d’horreur à la lecture [ «  Cet homme discute et prouve . Il parle au moment de la mort, au moment où les menteurs disent vrai… Jean Meslier doit convertir la terre . »V* 12 juillet 1762 ]. Le témoignage d’un curé qui en mourant demande pardon à Dieu d’avoir enseigné le christianisme peut mettre un grand poids dans la balance des libertins .Je vous enverrai un exemplaire de ce testament de l’antéchrist puisque vous voulez le réfuter. Vous n’avez qu’à me demander par quelle voie vous voudrez qu’il vous parvienne. Il est écrit avec une simplicité grossière qui par malheur ressemble à la candeur.

 

                Vraiment il s’agit bien de Zulime, et du Droit du seigneur ou de l’Écueil du sage, que le philosophe Crébillon [ censeur ] a mutilé et estropié en croyant qu’il égorgeait un de mes enfants ! Jurez bien que cette petite bagatelle est d’un académicien de Dijon [ ce qui au fond est vrai, car V* est aussi académicien de Dijon ]; soyez sûr que vous direz la vérité. Mais ces misères ne doivent pas vous occuper. Il faut venir au secours de la sainte vérité qu’on attaque de toutes parts. Engagez vos frères à prêter continuellement leur plume et leur voix à la défense du dépôt sacré.

 

                Vous m’avez envoyé un beau livre de musique à moi qui sait à peine solfier [ Elements de musique théorique et pratique sur les principes de M. Rameau éclaircis, développés et simplifiés ]. Je l’ai vite mis ès mains de notre nièce virtuose. Je suis le coq qui trouva une perle dans son fumier et qui la porta au lapidaire. Mlle Corneille a une jolie voix, mais elle ne peut comprendre ce que c’est qu’un dièse.

 

                Pour son oncle [Pierre Corneille, sur lequel V* écrit un livre critique ], le rabâcheur et le déclamateur, le cardinal de Bernis dit que je suis trop bon, et que je l’épargne trop.

 

                J’ai fait très sérieusement une très grande perte dans l’impératrice de toutes les Russies [Elisabeth, le 29 décembre 1762 ]. On a assassiné Luc, et on l’a manqué [fin 1761 : tentative d’enlèvement à Strhlen]. On prétend qu’on sera plus adroit une autre fois. C’est un maître fou que ce Luc .Un dangereux fou .Il fera une mauvaise fin, je vous l’ai toujours dit. Interim vale ; te saluto in christo salvatore nostro.

 

                Voltaire

                10 février 1762. »

 

 

 

 

tomber amoureux.jpg

 

 

PS : comme je le craignais, - il est 12h45 -, TNT ne m'a pas fait sauter de joie . Je pense qu'ils ont mis une mèche lente...

Si vous m’avez donné de fausses espérances

« A TNT Express France [opérations de transport ou de commissionnaire de transport]

 

         Eh bien, ce colis, - cette livraison que vous m’avez promise - , que je devais avoir le 11 février au matin, à midi au plus tard ? Que me sert votre ridicule avis de passage sans heure signalée ? Savez-vous encore appuyer sur un bouton de sonnette, sot que vous êtes ?

         Si je ne le reçois pas ce vendredi 13 je pense que votre chance va tourner, et les fausses espérances vont se payer express.

 

         Le Château de Voltaire

         13 février 2009. »

 

 

 

 

Plus sérieusement –quoi que ? !- voici un solde de courrier en retard.

 

 

« A Gabriel Cramer

 

                   Eh bien, ce manuscrit de – ce mémoire si intéressant -[Mémoire et certificat qu’il veut envoyer aux curateurs de l’académie de Lausanne, concernant la prise de corps contre Grasset, commis chez les Cramer,  suite à des vols pendant dix huit ans] que vous m’avez promis -, que je devais avoir à huit heures du matin, à midi, à une heure, à deux heures ?

 

                   Si vous m’avez donné de fausses espérances, je ne vous le pardonnerai jamais.

 

                        V.

                   10 février 1759. »

 

« A Elie Bertrand

 

             Vous connaissez peut-être les nouvelles ci-jointes, mon cher ami. J’envoie aux seigneurs curateurs un mémoire accompagné du certificat du décret de prise de corps contre Grasset [par le Magnifique Conseil de Genève en 1756] convaincu de vol à Genève.

 

             Le libelle [La Guerre littéraire ou choix de quelques pièces de M. de V*** ] est saisi et défendu à Genève. Je sais que ce fatras est très ennuyeux, mais un fripon n’en est pas moins punissable parce qu’il est un sot. Je vous prie de voir le mémoire envoyé aux seigneurs curateurs dont un double a té dépêché à l’académie de Lausanne. Je le supprime ici pour ne pas grossir le paquet.

 

             Je vous conjure de dire à M. Freydenrik [Freudenreich, banneret de Berne qui a écrit au bailli de Lausanne Albrecht von Tscharner] que mon cœur est pénétré de respect, d’estime, et de reconnaissance pour lui au-delà de toute expression. Mes sentiments pour vous sont les mêmes.

 

             V.

             10 février 1759. »

 

12/02/2009

De bon vin vaudrait pourtant mieux au milieu des neiges

vin.jpg« De bon vin vaudrait pourtant mieux au milieu des neiges qui commencent à m’ennuyer beaucoup. » : je suis tout à fait d’accord avec Volti* ce matin après être resté coincé derrière un gros bahut qui patinait, puis avoir trainé dans un longue file menée par un conducteur de 4x4 ( VW pour ne rien cacher, -vous savez bien que je suis pour la paix des ménages !) qui craignait sans doute pour l’intégrité de sa bête à soucis aussi peu fiable qu’une savonnette sur une toile cirée ! neige.jpgDonc neige sur tout ce qui bouge et ne bouge pas, et ce qui devrait bouger. Vive la neige et le bon vin, avec une préférence avouée pour celui-ci ! Lot de consolation : jolies photos à prendre dès que ça va se calmer .

 

Deuxième lettre voltairienne d’un 9 février.

 

 

« A Jean-Robert Tronchin, à Lyon

 

             La triste lettre est partie [lettre écrite par le cardinal de Tencin sur instructions de Bernis, adressée à la margravine de Bayreuth, mettant fin aux négociations et devant passer par les mains de Voltaire], mon cher correspondant. Si on osait, on vous dirait qu’il est à craindre que la France ne fasse la guerre en dupe, et qu’elle ne perde beaucoup d’argent et beaucoup d’hommes, pour ne rien gagner du tout, et pour aguerrir et agrandir ses ennemis naturels . Peut-être eut-il mieux valu bâtir des vaisseaux et envoyer dix mille hommes prendre les possessions anglaises. Le gain aurait au moins dédommagé de la dépense.

 

             En vérité sans les commerçants qui sont occupés sans cesse à réparer les pertes que fait le gouvernement, il y a longtemps que la France serait ruinée. Vous ne me saurez pas mauvais gré de cette petite réflexion.

 

             Je vous supplie de présenter mes respects et mes regrets à son Excellence [cardinal du Tencin].

 

             Quand vous serez à Paris je m’adresserai à M. Camp pour le temporel, et je m’adresserai toujours à vous pour tout ce qui dépend de l’amitié. Ce n’est pas, par parenthèse, que je ne compte aussi beaucoup sur l’amitié de M. Camp.

 

             Voilà un plaisant envoi, que des habits de théâtre ! [demandés par Mme Denis à Lekain] .Mais il faut contenter Mme Denis. C’est bien le moins que je lui doive. De bon vin vaudrait pourtant mieux au milieu des neiges qui commencent à m’ennuyer beaucoup.

 

             Mme Denis ne vous souhaite pas encore un heureux voyage, car elle ne sait pas que vous irez à Paris. Vous m’avez enjoint de ne le dire à personne . Adieu mon très cher correspondant.

 

             Voltaire

             A Lausanne, 9 février 1758. »

11/02/2009

Il faut que la guerre soit par elle-même quelque chose de bien vilain

Pendant un instant, « un instant seulement » comme disait le Grand Jacques, j’ai eu la sensation de lire du Proust (par sa longueur) en parcourant cette phrase sur la guerre avec une vision « philosophique ». A cette différence près, qu’en bon béotien qui persiste et signe, Proust m’a laissé froid (comme une vieille madeleine rassie dans un thé de la veille) et m’est tombé des mains alors que Volti* m’emballe !

« Il faut que la guerre soit par elle-même quelque chose de bien vilain puisque les détails en sont si ennuyeux » : doux euphémisme !! La presse d’aujourd’hui, sans doute en réponse au public, ou forçant le public (selon mon avis !), nous inonde inutilement de ces « détails… si ennuyeux ». Inutilement, oui, cent fois oui, mille fois oui !! L’ONU, « le machin » du Grand Charles, n’est pas en état de s’interposer valablement entre les belligérants, juste capable de compter les morts et les estropiés. Juste capable d’héberger certains représentants « faux-culs » défenseurs de leurs chefs d’états qui les ont nommés ; quelle indépendance d’esprit peut-on en attendre ? bien sûr, aucune ! Quel pas vers la paix ? Aucun ! « tout le monde criant la paix, la paix, et faisant la guerre à outrance » : toujours vrai ! Bla-bla et Cie !

 le machin recherché.jpg

Je passe la parole à un roi du bon sens.

 

 

 

 

 

 

 

« A Frédéric II, roi de Prusse

 

 

                Sire,

 

                Eh bien vous aurez Sémiramis [pièce de théâtre « ordonnée » pour les relevailles de la dauphine qui mourut le 21 août 1746 le jour où la pièce fût achevée]. Elle n’est pas à l’eau rose, c’est ce qui fait que je ne la donne pas à notre peuple de sybarites, mais à un roi qui pense comme on pensait en France du temps du grand Corneille et du Grand Condé, et qui veut qu’une tragédie soit tragique et une comédie comique.

 

                Dieu me préserve, Sire, de faire imprimer l’histoire de la guerre de 1741. Ce sont de ces fruits que le temps seul peut murir ; je n’ai fait assurément ni un panégyrique ni  une satire. Mais plus j’aime la vérité, et moins je dois la prodiguer. J’ai travaillé sur les mémoires et sur les lettres des généraux et des ministres .Ce sont des matériaux pour la postérité. Car sur quels fondements bâtirait-on l’histoire, si les contemporains ne laissaient pas de quoi élever l’édifice ? César écrivit ses Commentaires, et vous écrivez les vôtres [Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps], mais où sont les acteurs qui puissent ainsi rendre compte du grand rôle qu’ils ont joué ? Le maréchal de Broglie était-il homme à faire des Commentaires ? Au reste , Sire, je suis très loin d’entrer dans cet horrible et ennuyeux détail de journaux de siège, de marches, de contremarches, de tranchées relevées, et de tout ce qui fait l’entretien d’un vieux major et d’un lieutenant-colonel retiré dans sa province. Il faut que la guerre soit par elle-même quelque chose de bien vilain puisque les détails en sont si ennuyeux. J’ai tâché de considérer cette folie humaine un peu en philosophe ; j’ai représenté l’Espagne et l’Angleterre dépensant cent millions à se faire la guerre pour quatre-vingt mille livres portées en compte, les nations détruisant réciproquement le commerce pour lequel elles combattent, la guerre au sujet de la pragmatique devenue comme une maladie qui change trois ou quatre fois de caractère [ la Pragmatique Sanction signée en 1713 pour régler la succession d’Autriche ], et qui de fièvre devient paralysie, et de paralysie convulsion, Rome qui donne sa bénédiction et qui ouvre ses portes aux têtes de deux armées ennemies en un même jour [ en novembre 1744, entrée des Napolitains par une porte et sortie des Autrichiens par une autre ; « Quand le bonhomme de saint Père / Donne sa bénédiction / A plus d’une armée étrangère … »], un chaos d’intérêts divers qui se croisent à tout moment, ce qui était vrai au printemps devenu faux en automne, tout le monde criant la paix, la paix, et faisant la guerre à outrance, enfin  tous les fléaux qui fondent sur cette pauvre race humaine ; au milieu de tout cela un prince philosophe qui prend toujours bien son temps pour donner des batailles et des opéras, qui sait faire la guerre, la paix, et des vers et de la musique, qui réforme les abus de la justice, et qui est le plus bel esprit de l’Europe . Voilà à quoi je m’amuse, Sire, quand je ne meurs point, mais je me meurs fort souvent et je souffre beaucoup plus que ceux qui dans cette funeste guerre ont attrapé de grands coups de fusil.

 

                J’ai revu M. le duc de Richelieu qui est au désespoir de n’avoir pu faire sa cour [lors de sa mission à Dresde en décembre 1746] au grand homme de nos jours. Il ne s’en console point. Et moi je ne demande à la nature un ou deux mois de santé que pour voir encore une fois ce grand homme avant d’aller dans le pays où Achille et Thersite, Corneille et Danchet sont égaux ; je serai attaché à Votre Majesté jusqu’à ce beau moment où l’on va savoir à point nommé ce que c’est que l’âme, l’infini, la matière , et l’essence des choses . Et tant que je vivrai, j’admirerai et j’aimerai en vous l’honneur et l’exemple de cette pauvre espèce humaine.

 

                Voltaire

                A Paris, ce 9 février 1747. »