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28/01/2009

S’il y a quelque sottise nouvelle...

« A Frederic II, roi de Prusse

 

                            Sire,

                           

                   Je mets aux pieds de Votre Majesté un ouvrage [ Le Siècle de Louis XIV  ] que j’ai composé en partie dans votre maison . Et je lui en présente les prémices longtemps avant qu’il soit publié . Votre Majesté est bien persuadée que dès que ma malheureuse santé pourra me le permettre je viendrai à Potsdam sous son bon plaisir .

 

                   Je suis bien loin d’être dans le cas d’un de vos bons mots : qu’on vous demande la permission d’être malade. J’aspire à la seule permission de vous voir et de vous entendre . Vous savez que c’est ma seule consolation et le seul motif qui m’a fait renoncer à ma patrie, à mon roi, à mes charges, à ma famille, à des amis de quarante années ; je ne me suis laissé de ressource que dans vos promesses sacrées qui me soutiennent contre la crainte de vous déplaire.

                   Comme on a mandé à Paris que j’étais dans votre disgrâce, j’ose vous supplier très instamment de daigner me dire si je vous ai déplu en quelque chose [ V. avait fait des « tracasseries » à propos d’ « éditions subreptices » du Siècle de Louis XIV ce qui fâcha le roi ]. Je peux faire des fautes ou par ignorance ou par trop d’empressement . Mais mon cœur n’en fera jamais . Je vis dans la plus profonde retraite, donnant à l’étude le temps que les maladies cruelles peuvent me laisser . Je n’écris qu’à ma nièce, ma famille, et mes amis ne se rassurant contre les prédictions qu’ils m’ont faites que par les assurances respectables que vous leur avez données [ Mme Denis et les d’Argental entre autres ]. Je ne lui  parle que de vos bontés, de mon admiration pour votre génie, du bonheur de vivre auprès de vous [ c’est ce qu’il fait dans les lettres aux correspondants autres que sa nièce ]. Si je lui envoie quelques vers où mes sentiments pour vous sont exprimés, je lui recommande même de n’en jamais tirer de copie et elle est d’une fidélité exacte.

                   Il est bien cruel que tout ce qu’on m’a mandé à Paris la détourne de venir s’établir ici avec moi et d’y recueillir mes derniers soupirs . Encore une fois, Sire, daignez m’avertir s’il y a quelque chose à reprendre dans ma conduite. Je mettrai cette bonté au rang de vos plus grande faveurs . Je la mérite m’étant  donné à vous sans réserve ; le bonheur de me sentir moins indigne de vous  me fera soutenir patiemment les maux dont je suis accablé .

 

                            V.

                            27 janvier 1752. »

 

 

Un bon résumé de la volonté de Volti* :"...celui qui rit de toutes les sottises qui sont frivoles, et qui tâche de réparer celles qui sont barbares ". Humoristes de tous temps et optimistes de tout poil, Hommes de bonne volonté , je vous le dis, je trouve que c'est une bonne attitude .

 

« A Jean Ribote-Charron, à Montauban

 

                   D’une main on donne le fouet aux parlements, et de l’autre on les caresse ; on déclare que les commandants n’ont fait qu’obéir aux ordres supérieurs, et on les rappelle [ allusion au duc de Fitz-James qui ayant fait arrêter des membres du parlement de Toulouse qui refusaient d’appliquer les édits du roi, fut relevé de ses fonctions par le roi après libération des parlementaires décembre 1763 ]. On chasse les jésuites, et on en garde quatorze à la cour qui confessent, ou font semblant de confesser. On est irrité des remontrances, et on invite à en faire ; ce monde est gouverné par des contradictions . Nous verrons quelle contradiction résultera du procès des Calas qui est actuellement sur le bureau . Est-il vrai que votre parlement s’est avisé de casser l’arrêt de celui de Paris, qui cassait le décret d’appréhension au corps du duc commandant de la province [ duc de Fitz-James ]?

                   S’il y a quelque sottise nouvelle, Monsieur Ribote est prié d’en faire part à celui qui rit de toutes les sottises qui sont frivoles, et qui tâche de réparer celles qui sont barbares .

 

                   Voltaire

                   Le 27 janvier 1764. »

 

                              

 

 

25/01/2009

l’avidité du public malin ...!

Qui emploie sa journée fait bien des choses, j'ajouterai, mérite un bon repos !

Volti n'aurait rien à changer dans sa manière de décrire le "public malin" (inspiré par le malin, ce fichu diable que certains tirent par la queue !) ; les revues people , le fameux "poids des mots" (poids plume, alourdi par un cadre publicitaire envahissant) et "choc des photos" ont un avenir radieux, la richesse des uns ébahissant la pauvreté des autres . "Les amateurs, un jour..." : mais quel jour et combien d'amateurs ?

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental

 

                Mon cher ange, vous avez été bien étonné du dernier paquet de Zulime ; mais qui emploie sa journée fait bien des choses. Je travaille, mais guidez –moi.

 

                Primo, je persiste dans l’idée de faire un procès criminel à l’abbé Desfontaines. Je n’ai rien à craindre du Préservatif. L’auteur s’en déclare [Mouhy, V. écrit, les 19 et 20 février, « Le chevalier de Mouhy… avoue Le Préservatif »] preservatif.jpgJe n’ai rien à craindre non plus des Lettres philosophiques ; j’ai désavoué le livre. Il n’y a aucune preuve, aucun écrit de ma main.

 

                2° Je vous envoie les lettres pour M. l’avocat général, et pour M. le chancelier.

 

                3° J’ai écrit à M. Hérault aux étrennes, avec beaucoup de zèle et d’attachement.

 

                4° J’ai écrit à M. de Maurepas en général sur le même ton, mais encore plus vivement.

 

                5° Autant à M. d’Argenson – réponse affectueuse des trois.

 

                6° J’ai envoyé à M. d’Argenson mon dernier mémoire [ contre Desfontaines ], mais je ne compte le faire imprimer qu’avec permission tacite dans un recueil à la tête duquel on mettra les deux premiers chapitres de l’Histoire de Louis XIV, un écrit sur la manière de faire les journaux, les épîtres corrigées [ Discours sur l’Homme ], et quelques autres pièces. Mais alors, il me semble qu’il sera très convenable de laisser dans mon mémoire justificatif tout ce qui est littéraire, car si l’avidité du public malin ne désire actuellement que du personnel, les amateurs un jour préféreront beaucoup le littéraire. J’ai fait cet ouvrage dans le goût de Pellisson et peut-être de Cicéron. Je serais confondu si ce style était mauvais. Je vous demande en grâce de faire transcrire plusieurs copies de la lettre de Mme de Bernières, afin qu’elles soient montrées à M. le chancelier, à MM. d’Aguesseau, à M. d’Argenson, à M. Hérault. Il ne faut transcrire que jusqu’à l’article où elle demande le secret. Je vous prie aussi de m’en envoyer une copie. Je compte que vous en mettrez copie dans mes lettres que je vous renvoie.

 

                Mme du Châtelet rendra service à Linant, et moi aussi. Je ne sais pourquoi il ne m’écrit point ; Prault devait lui donner de l’argent de ma part, et il devait m’envoyer sa pièce.

 

                Qu’est devenu L’Envieux, qu’est devenu l’Œdipe ?

 

                Si vous voyez Prault, ordonnez-lui donc d’être plus exact.

 

                Adieu, mon cher ange gardien, le temps presse, adieu, je suis pénétré.

 

                V.

                Ce 26 (janvier 1739)

 

                Je vous envoie une lettre que je reçois dans ce moment ; elle vous fera voir encore ce que c’est que l’abbé Desfontaines.

                Je vous enverrai par le premier ordinaire une lettre pour M. Hérault si vous le trouvez bon. »

 

Je préviens tout de suite les malotrous qui feront les gorges chaudes en lisant "adieu, je suis pénétré "que le signataire, tout comme moi est pénétré d'innocence ! Honni soit qui mal y pense, quoi que ...

Ou les hommes deviendront entièrement fous, ou ...

Mon menteur préféré, correspondant recherché des têtes couronnées, je le prends encore la main dans le sac à malices .

 

« A Catherine II, impératrice de Russie

 

 

                        Madame,

 

                        La lettre dont Votre Majesté impériale m’honore m’a tourné la tête ; elle m’a donné des patentes de prophète. Je ne me doutais pas que l’archevêque de Novgorod se fût en effet déclaré contre le système absurde des deux puissances ? J’avais raison sans le savoir,[dans son Mandement du Révérendissime père en Dieu Alexis, réplique aux Actes de l’assemblée générale du clergé de France de septembre 1765 ] , ce qui est encore un caractère de prophétie. Les incrédules pourront m’objecter que cet archevêque ne s’appelle pas Alexis, mais Demetri. Je pourrais répondre avec tous les commentateurs qu’il faut de l’obscurité dans les prophéties, et que cette obscurité rend toujours la vérité plus claire. J’ajouterai qu’il n’y a qu’à changer Alex en Deme, et is en tri, pour avoir le véritable nom de l’archevêque. Il n’y aura certainement que les impies qui  puissent ne se pas rendre à des preuves si évidentes.catherine II.jpg

 

                Je suis si bien prophète que je prédis hardiment à Votre Majesté la plus grande gloire et le plus grand bonheur. Ou les hommes deviendront entièrement fous, ou ils admireront tout ce que vous faites de grand et d’utile ; cette prédiction même vient un peu comme les autres après l’évènement.

               

                Il me semble que si cet autre grand homme, Pierre Ier, s’était établi dans un climat plus doux que sur le lac Ladoga, s’il avait choisi Kiovie ou quelque autre terrain plus méridional, je serais actuellement à vos pieds en dépit de mon âge. Il est triste de mourir sans avoir admiré de près celle qui préfère le nom de Catherine aux noms des divinités de l’ancien temps et qui le rendra préférable [il lui avait cependant écrit en novembre qu’il était un peu fâché qu’elle s’appellât Catherine, ce à quoi elle avait répondu qu’il correspondait exactement à sa « tête si peu docile, si peu flexible » ]. Je n’ai jamais voulu aller à Rome, j’ai senti toujours de la répugnance à voir des moines dans le Capitole et les tombeaux des Scipions foulés aux pieds des prêtres ; mais je meurs de regret de ne point voir les déserts changés en villes superbes, et deux mille lieues de pays civilisées par des héroïnes. L’histoire du monde entier n’a rien de semblable, c’est la plus belle et la plus grande des révolutions ; mon cœur est comme l’aimant, il se tourne vers le nord. D’Alembert a bien tort de ne pas avoir fait le voyage, lui qui est encore jeune. Il a été piqué de la petite injustice qu’on lui faisait, mais l’objet, qui est fort mince, ne troublait point sa philosophie [ difficultés à recevoir la pension de feu Clairaut ]. Tout cela est réparé aujourd’hui. Je crois que l’Encyclopédie est en chemin pour aller demander une place dans la bibliothèque de votre palais.

 

                Que Votre Majesté Impériale daigne recevoir avec bonté ma reconnaissance, mon admiration, mon profond respect.

 

                Feu l’Abbé Bazin

                24 janvier 1766. »

 Pourquoi Abbé Bazin ? Wait and see :

http://books.google.fr/books?id=FrATAAAAQAAJ&dq=volta...

 

Une Sandwich pour Thiriot ! Avec ou sans beurre ?

Ah! AH! Ah! Voltaire ne sait plus écrire, Voltaire ne connait plus le genre des mots ; une "sandwich", et puis quoi encore ? Eh bien lisez et vous croirez mes frères !

Juste une remarque d'humour à une roupie, vous allez voir que le Grand Turc "MAHMUT Ier" était un goinfre imprévoyant que ses copains nommaient "MATMUT au Tiers limité" . Bon, oui, pour un dimanche matin ça suffira . That's all, folks !!

 

« A Nicolas-Claude Thiriot

 

                    Le Grand Turc [ Mahmut Ier, mort le 13 décembre 1754 ], notre ambassadeur de la Porte ottomane      [Roland Puchot des Alleurs, mort le 23 novembre 1754 ], et Royer [ musicien mort le 11 janvier 1755 ] sont donc morts d’une indigestion. Je suis très fâché pour M. des Alleurs que j’aimais, mais je me console de la perte de Royer et du Grand Turc. Puissent les lois de la mécanique qui gouvernent ce monde faire durer la machine de Mme de Sandwich [ qui versa une pension à Thiriot et mourut le 27 juillet 1757 ] et que son corps soit aussi vigoureux que son âme laquelle est douée de la fermeté anglaise, et de la douceur française.

 

                    Vous voyez, mon ami, que Dieu est juste : Royer est mort parce qu’il avait fait accroire à Sireuil que c’était moi qui l’étais. Il faut enterrer avec lui son opéra [ Pandore , « vieil opéra » de Voltaire, texte remanié par Sireuil à la demande de Royer ] qui aurait été enterré sans lui. Royer avait engagé ce Sireuil dans la plus méchante action du monde, c’est-à-dire à faire des mauvais vers, car assurément on n’en peut pas faire de bons sur des canevas de musiciens. C’est une méthode très impertinente qui ne sert qu’à rendre notre poésie ridicule, et à montrer la stérilité de nos ménétriers. Ce n’est point ainsi qu’en usent les Italiens nos maîtres. Metastasio et Vinci [ Vinci  compositeur, collabora avec Métastase ] ne se gênaient point ainsi l’un l’autre ; aussi Dieu merci, on se moque de nous par toute l’Europe. Je vous prie, mon ancien ami, d’engager M. Sireuil à ne plus troubler son repos et le mien par un mauvais opéra. C’est un honnête homme, doux et modeste ; de quoi s’avise–t-il d’aller se fourrer dans cette bagarre ? Donnez-lui un bon conseil, et inspirez –lui le courage de le suivre.

 

                    Avez-vous sérieusement envie de venir à Prangins, mon ancien ami ? Arrangez-vous de bonne heure avec Mme de Fontaine et le maître de la maison. Vous trouverez la plus belle situation de la terre, un château magnifique, des truites qui pèsent dix livres, et moi qui n’en pèse guère davantage, attendu que je suis plus squelette et plus moribond que jamais. J’ai passé ma vie à mourir ; mais ceci devient sérieux ; je ne peux plus écrire de ma main. Cette main peut pourtant encore griffonner que mon cœur est à vous.

 

             VoltairePrangins.jpg

             A Prangins

             23 janvier 1755

             Pays de Vaud. »

 

http://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas-Claude_Thieriot

 

23/01/2009

Manu, Carole, frère et soeur de coeur

Hier soir, j’ai échappé aux séries plus ou moins policières, plus ou moins « gore » (souvent plus que moins d’ailleurs ) et j’ai vu qu’il y avait encore quelques espoirs à avoir dans l’humanité . Il est vrai que j’ai encore eu les boules en voyant le reportage sur la guerre de la bande de Gaza ;  triste spectacle que celui d’humains fous : de peur, de colère, d’incompréhension . Puis zapping aidant, j’ai vu les Français qui se débrouillent avec des revenus très modestes ( ce n’est pas rassurant dans ce cas de se sentir concerné ) : système D, utilisation du réseau social, bon cœur, bon courage . Carole Bouquet, femme somptueusement belle, a montré aussi qu’elle n’est pas seulement du monde « paillettes » et « bling bling » et qu’elle peut s’engager dans la défense des sans abris, n’hésitant pas à faire jouer ses relations, tout comme Voltaire le faisait dans la défense des victimes d’injustice et le « piston » pour ceux qu’il voulait aider . Des âmes  « bien pensantes » , puisque de droite majoritaire, se sont visiblement émues d’une telle démarche qu’ils mettent au rang de publicité personnelle de star en mal de reconnaissance ! Messieurs, je ne vous salue pas, je vous déteste,  vous qui , il n’y a pas si longtemps , faisiez des courbettes et du lèche-bottes à vos électeurs , promettant à tour de bras ce que vous seriez incapables de donner, frileux de vous engager dans une politique qui réduise la misère ! Restez dans vos bureaux douillets, nourris par les impôts que vous décidez de faire payer à ce peuple que vous ne voyez même pas .

Ensuite, joie et tristesse se sont mêlées au reportage sur Manu ( de la République, la place )et sa compagne ; émotion de voir les duretés des jetés à la rue et l’amour qui arrive et qui fait espèrer un avenir meilleur . Manu, tu as fait des « co… », tu le sais, tu le regrettes, ; tu es meilleur que ceux qui vont s’étonner que Benoit lève l’excommunication des évêques à deux sous intégristes et meilleur que les intégristes qui d’un seul coup vont perdre un statut de martyrs de la foi à courte vue .

 

Voltaire qui a beaucoup fréquenté le clergé se serait encore réjouit.

 

 

 

« A Pierre-Joseph Thoulier, Abbé d’Olivet, de l’Académie Française, à Paris

 

                           

                   Mon cher Cicéron, qui ne vivez pas dans le siècle des Cicéron, n’allez pas faire comme l’abbé Sallier [ mort le 9 janvier ], et l’abbé de Saint-Cyr [ mort le 14 janvier ]; vivez  pour empêcher que la langue et le  goût ne se corrompent de plus en plus ; vivez et aimez moi. Je vous prie d’avoir la bonté de me recommander de temps en temps à l’Académie, comme un membre encore plus attaché à son corps qu’il n’en est éloigné ; dites-lui que je respecterai, et que j’aimerai jusqu’au dernier moment de ma vie ce corps, dont la gloire m’intéresse. Tâchez, mon cher maître, de nous donner un véritable académicien, à la place de l’abbé de Saint-Cyr, et un véritable savant à la place de l’abbé Sallier. Pourquoi n’aurions –nous pas cette fois M. Diderot ? Vous savez qu’il ne faut pas que l’Académie soit un séminaire et qu’elle ne doit pas être la cour des pairs. Quelques ornements d’or à notre lyre sont convenables ;  mais il faut que les cordes soient à boyau, et qu’elles soient sonores.

 

                   On m’a mandé que vous aviez été à une représentation de Tancrède. Vous ne dûtes pas y reconnaître ma versification ; je ne l’ai pas reconnue non plus . Les comédiens qui en savent plus que moi, avaient mis beaucoup  de vers de leur façon dans la pièce. Ils auront à la reprise la modestie de jouer ma tragédie telle que je l’ai faite.

 

                   Je ne peux m’empêcher de vous dire ici que je suis saisi d’une indignation académique quand je lis nos nouveaux livres. J’y vois qu’une chose est au parfait, pour dire qu’elle est bien faite. J’y vois qu’on a des intérêts à démêler vis-à-vis de ses voisins, au lieu d’avec ses voisins ; et ce malheureux mot de vis-à-vis employé à tort et à travers.

 

                   On m’envoya il y a quelque temps une brochure, dans laquelle une fille était bien éduquée, au lieu de bien élevé. Je parcours un roman du citoyen de Genève moitié galant, moitié moral, où il n’y a ni galanterie, ni vraie morale, ni goût ; et dans lequel il n’y a d'autre mérite que celui de dire des injures à notre nation . L’auteur dit qu’à la comédie les Parisiens calquent les modes françaises sur l’habit romain. Tout le livre est écrit ainsi ; et à la honte du siècle, il réussira peut-être.[ Voltaire est en train d’écrire les Lettres de M. de Voltaire sur la Nouvelle Héloïse, qui paraitront sous le nom de Ximenes ]

 

                   Mon cher doyen, le siècle passé a été le précepteur de celui-ci ; mais il a fait des écoliers bien ridicules. Combattez pour le bon goût. Mais voudrez-vous combattre pour les morts ?

 

                   Adieu, je voudrais que vous fussiez ici, vous m’aideriez à rendre Mlle Corneille digne de lire les trois quarts de Cinna, et presque tout le rôle de Chimène et de Cornélie ; je dis presque tout, et non tout, car je ne connais aucun grand ouvrage parfait ; et je crois même que la chose est impossible.

 

                   Le Suisse V.

                   Au château de Ferney 22 janvier 1761 »

21/01/2009

Hosannah Obama, Koh Lanta et coetera !

Je n’ai pas regardé, je n’ai pas été ému par les cérémonies d’accession à la présidence de M. Obama . J’ai eu seulement le temps et l’immense joie, avant de zapper sur TF1 pour voir Koh Lanta (avouez qu’il y a des priorités dans la vie d’un homme normalement constitué ! ), d’admirer (sic) le chapeau kitsch ( à mi-chemin entre la patisserie décorative pour gogos et la bouse de vache enrubannée !) d’une chanteuse dont je vais m’enquérir, bien que le ridicule ne tue plus de nos jours ( Aretha Franklin ? may be ?! Oh my God, it’s so funny brothers bloggers and sisters too !!)

       Après ça, revenons à la dure réalité : baston en Guyane . Moundir, gros tas de muscles aussi excité qu’une puce sur un fourneau, grand cœur primaire et courte compréhension, quand ce n’est pas court de souffle, carrosserie de poids lourd, moteur de cinque cento s’est heureusement fait éjecter . Sa nouvelle copine (ce qui pourrait expliquer la hargne de Moundir ; non, réflexion faite elle me semble être terriblement quotidienne chez lui ) Christelle a malheureusement été sur le siège éjectable . Bye bye Guyane et caïmans, épreuves de oufs, Brogniard and Co !

 

 

             Reprise du courrier .

 

«

« A Jean-Robert Tronchin

 

                        Mon cher correspondant, j’ai voulu voir une fois en ma vie comment on nourrit (non pas cinq mille gredins avec cinq pains d’orge et trois poissons) mais cent cinquante personnes de ce siècle-ci avec rien du tout.

Il y a un mois que je suis absolument sans un sou ; et encore ais-je acheté des prés, car j’aime mieux les prés que l’argent. Mon miracle est fort beau, mais il faut être sobre sur les miracles, sans quoi on les décrédite. Je vous demande donc cinq cents louis pour établir mon crédit. Je compte encore ce crédit au rang des prodiges. Je suis né assez pauvre, j’ai fait toute ma vie un métier de gueux, celui de barbouilleur de papier, celui de Jean-Jacques Rousseau, et cependant me voilà avec deux châteaux, deux jolies maisons, 70 000 livres de rente, deux cent mille livres d’argent comptant et quelques feuilles de chêne en effets royaux [ sans valeur ] que je me donne garde de compter .

 

                        Savez-vous bien qu’en outre j’ai environ cent mille francs placés dans ce petit territoire où j’ai fixé mes tabernacles ? Quelquefois je prends toute ma félicité pour un rêve. J’aurais bien de la peine à vous dire comment j’ai fait pour me rendre le plus heureux de tous les hommes . Je m’en tiens au fait tout simplement sans raisonner. Je plains le roi mon maître dont les finances n’ont pas été si bien administrées que les miennes, je plains Marie-Thérèse et le roi de Prusse, et encore plus leurs sujets. Pour accroître mon bonheur, il vient à votre adresse un pâté de perdrix aux truffes d’Angoulême que je voudrais manger avec vous, mais que je vous supplie de m’envoyer aux Délices où nous sommes pour quelque temps parce que vos chiens de gypsiers de Genève ont fait à Ferney des cheminées qui fument. Mme Denis, Mlle Corneille et moi vous embrassons tendrement, vous et les vôtres.

       

                        M. le marquis de Chimène [ le baron de Ximenès qui lui a volé en 1755 un manuscrit de La Guerre de 1741 et dont Voltaire s'est cruellement moqué ] n’est-il pas venu prendre langue chez vous pour arriver aux Délices ?

 

                        Votre très humble et très obéissant serviteur.

 

                V.

             1761,  21 janvier, Délices. »

 

Bien que j'aie   mangé   à ma faim     l'évocation d'un paté de perdrix me fait encore saliver . Et aux truffes en plus .  Quel régal pour ce célèbre édenté !

 

20/01/2009

L'illusion du spectateur, et le comédien

"Le costume ajoute beaucoup à l'illusion du spectateur, et le comédien prend plus aisément le ton de son rôle " (Claire de La Tude Clairon)

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                   « A Claire-Josèphe-Hippolyte Léris de Latude Clairon

 

                            Vous avez dû recevoir, Mademoiselle, un changement très léger, mais qui est très important. Je ne crois pas m’aveugler ; je vois que tous les véritables gens de lettres rendent justice à cet ouvrage, comme on la rend à vos talents. Ce n’est que par un examen continuel et sévère de moi-même, ce n’est que par une extrême docilité pour de sages conseils, que je parviens chaque jour à rendre la pièce moins indigne des charmes que vous lui prêtez.

 

                            Si vous aviez le quart de la docilité dont je fais gloire, vous ajouteriez des perfections bien singulières à celles dont vous ornez votre rôle. Vous vous diriez à vous-même quel effet prodigieux font les contrastes, les inflexions de voix, les passages du débit rapide à la déclamation douloureuse, les silences après la rapidité, l’abattement morne et s’exprimant d’une voix basse, après les éclats que donne l’espérance, ou qu’a fournis l’emportement. Vous auriez l’air abattu, consterné, les bras collés, la tête un peu baissée, la parole basse, sombre, entrecoupée. Quand Iphise vous dit :

 

Pammène nous conjure

De ne point approcher de sa retraite obscure ;

Il y va de ses jours…

 

Vous lui répondriez, non pas avec un ton ordinaire, mais avec tous ces symptômes du découragement, après un ah très douloureux,

Ah !... que m’avez-vous dit ?

Vous vous êtes trompé …       

 

En observant tous ces  petits artifices de l’art, en parlant quelquefois sans déclamer, en nuançant ainsi les belles couleurs que vous jetez sur le personnage d’Électre, vous arriveriez à cette perfection à laquelle vous touchez, et qui doit être l’objet d’une âme noble et sensible. La mienne se sent faite pour vous admirer et pour vous conseiller ; mais, si vous voulez être parfaite, songez que personne ne l’a jamais été sans écouter des avis, et qu’on doit être docile à proportion de ses grands talents.

 

                   Voltaire

                   Vers le 20 janvier 1750. »

 

 

                   Voltaire, directeur d’acteurs, metteur en scène, auteur pinailleur pour ses créations, sait prendre ses interprètes dans le sens du poil, y met les formes avec quand même , - le naturel revient au galop et il a déjà assez souffert de l’indiscipline des acteurs -, la phrase qui booste et qui remet les pendules à l’heure : « si vous voulez être parfaite, songez que personne ne l’a jamais été sans écouter des avis, et qu’on doit être docile à proportion de ses grands talents. »

                   Quelle star du show biz serait capable d’appliquer cela ?