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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Ce travail a pu augmenter ma maladie, mais il valait mieux mourir que de ne pas se justifier

Note rédigée le 28/4/2011 . Eh ! oui !!

- Allo ! tonton ! pourquoi tu tousses ?

http://www.youtube.com/watch?v=BNOmZPUFU4Q

- J'me sens pas bien portant :

http://www.youtube.com/watch?v=dLAnSPY9hHI

et cette version de Jean Yanne, homme pour qui je garde une affection fidèle :

http://www.youtube.com/watch?v=-vAYzTEA8Zc&feature=re...

çavapafort.gif

 

 

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

27è fév[rier] 1773

 

De profundis.

Avec le fièvre tierce, une toux convulsive, la goutte et la strangurie, je ne perdrai pas des moments précieux avec ce polisson de Valade i. Je les emploierai à dire à mon cher ange que je l'aimerai jusqu'au tombeau, dont je suis assez près .

 

Je lui envoie ma déclaration sur le procès de M. de Morangiès, et ma réponse à cet avocat Lacroix qui fait je ne sais quel Spectateur ii. Je suis devenu, par une singulière fatalité, partie dans cette affaire iii. Je me défends , et je crois me défendre en honnête homme et en homme modéré . Ce travail a pu augmenter ma maladie, mais il valait mieux mourir que de ne pas se justifier .

 

J'embrasse mes anges mort ou vif .

 

V. »

i Le libraire qui vend l'édition pirate des Lois de Minos ;

voir lettre du 30 janvier à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/01/30/j...

et du 1er février à Richelieu : page 147 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800416/f152.image.r...

ii Déclaration de M. de Voltaire sur le procès entre le comte de Morangiès et les Verron, (page 344 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800269/f349.image) publiée avec la Réponse à l'écrit d'un avocat (Falconet) intitulé Preuves démonstratives en fait de justice, (page 350 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800269/f355.image) 1773 .

Sur le procès Morangiès, voir lettre du 30 mai 1772 à Richelieu : page 36 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800416/f41.image.r=...

Jacques-Vincent Delacroix est bien rédacteur du Spectateur français, mais il n'est pas l'auteur des Preuves démonstratives auxquelles répond V*.Voir : http://cths.fr/an/prosopo.php?id=1495

iii V* écrit à Rochefort d'Ally le 3 mars : « C'est vous qui par amitié pour M; le marquis de Morangiès le lieutenant général son père, me pressâtes d'écrire en faveur de son fils . Un avocat nommé Lacroix ... a fait un libelle infâme ... » Page 167 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800416/f172.image.r

Les Preuves démonstratives que V* attribue à Delacroix sont une réponse aux Nouvelles probabilités en fait de justice de V*.

 

 

 

 

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27/02/2011 | Lien permanent

Il y a un casuiste qui a examiné si la Vierge eut du plaisir dans la coopération de l'obombration du Saint Esprit ; il t

 

 

 

 

« A Frédéric II de Prusse

 

A Bruxelles [vers le 5 novembre 1742]

 

Sire,

 

Je suis bien heureux que le plus sage des rois soit un peu content de ce vaste tableau que je fais des folies des hommes [i]. Votre Majesté a bien raison de dire que le temps où nous vivons a de grands avantages sur ces siècles de ténèbres et de cruauté,

 

Et qu'il vaut mieux, ô blasphèmes maudits !

Vivre à présent qu'avoir vécu jadis.[ii]

 

Plût à Dieu que tous les princes eussent pu penser comme mon héros ; il n'y aurait eu ni guerre de religion ni bûchers allumés pour y brûler de pauvres diables qui prétendaient que Dieu est dans un morceau de pain d'une manière différente de celle qu'entend saint Thomas. Il y a un casuiste [iii] qui a examiné si la Vierge eut du plaisir dans la coopération de l'obombration du Saint Esprit ; il tient pour l'affirmative, et en apporte de fort bonnes raisons. On a écrit contre lui de beaux volumes, mais il n'y a eu dans cette dispute ni hommes brûlés ni villes détruites. Si les partisans de Luther, de Zwingle, de Calvin et du pape en avaient usé de même, il n'y aurait eu que du plaisir à vivre avec ces gens là.

 

Il n'y a plus guère de querelles fanatiques qu'en France. Le janséniste et le moliniste y entretiennent une discorde qui pourrait bien devenir sérieuse, parce qu'on traite ces chimères sérieusement.

 

Le prince n'a qu'à s'en moquer, et les peuples en riront ; mais les princes qui ont des confesseurs sont rarement des rois philosophes.

 

J'envoie à Votre Majesté une petite cargaison d'impertinences humaines [iv] qui seront une nouvelle preuve de la grande supériorité du siècle de Frédéric sur les siècles de tant d'empereurs ; mais Sire, toutes ces preuves-là n'approchent point de celles que vous en donnez.

 

J'ai ouï dire que, tout général que vous êtes d'une armée de cent cinquante mille hommes, Votre Majesté se fait représenter paisiblement des comédies dans son palais. La troupe qui a joué devant elle n'est pas probablement comme ses troupes guerrières ; elle n'est pas , je crois, la première de l'Europe.[v]

 

Je pense avoir trouvé un jeune homme d'esprit [vi] et de mérite, qui fait fort joliment des vers, et qui sera très capable de servir aux plaisirs de mon héros, de conduire ses comédiens, et d'amuser celui qui peut tenir la balance entre les princes de ce monde. Je compte être dans quinze jours à Paris, et alors j'en donnerai des nouvelles plus positives à Votre Majesté.

 

J'espère aussi lui envoyer deux ou trois siècles de plus [vii], mais il me faut autant de livres que vous avez de soldats, et ce n'est guère qu'à Paris que je pourrai trouver ces immenses recueils dont je tire quelques gouttes d'élixir.

 

Je me flatte qu'à présent Votre Majesté jouit de la belle collection du cardinal de Polignac [viii].

 

Roi très sage, voila donc comme

Vous avez, pour vingt mille écus,

Tout le salon de Marius !

Mais pour ces antiques vertus

Qu'on ne rapporte plus de Rome,

Le don de penser toujours bien,

D'agir en prince, et vivre en homme,

Tout cela ne vous coûte rien.

 

Je viens de voir les Hanovriens et les Hessois en ordre de bataille, ce sont de belles troupes, mais cela n'approche pas encore de celles de Votre Majesté, et elles n'ont pas mon héros à leur tête. On ne croit pas que cet hiver elles sortent de leur garnison. On disait qu'elles allaient à Dunkerque ; le chemin est un peu scabreux, quoiqu'il paraisse assez beau.

 

Sire, que Votre Majesté conserve ses bontés à son éternel adorateur ! »

 

i V* reçut de grands compliments de Frédéric le 13 octobre sur les chapîtres, qu'il avait envoyés, de l'Histoire universelle ( qui deviendra l'Essai sur les Moeurs) : « cette histoire singulière ... réfléchie, impartiale, et chatrée de tous les dé&tails inutiles ... »

 

ii Défense du Mondain.

 

iii Thomas Sanchez dans les Disputationum de sancto matrimonii sacramento libri (1598).

 

iv Nouveaux chapitres de l'Histoire, d'après la réponse de Frédéric du 15 novembre.

 

v Frédéric partage ce jugement : «... ce sont proprement des danseurs, dont la famille de Cochoi (Marianne et Barbe Cochois) font la comédie. » dira-t-il.

 

vi La Bruère.

 

vii V* le 14 novembre écrit au roi qu'il en est à Chrles Quint dans son Essai sur les moeurs.

 

viii Il l'a achetée à la mort du cardinal en avril 1742 ; elle comprenait une collection de staues et d'antiquités.

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05/11/2010 | Lien permanent

je baise mille fois vos beaux tétons et vos belles fesses...Voilà de plaisants discours, ... pour un malade !

"Je ne songe qu'à profiter du peu de temps qui me reste pour travailler et pour vous aimer"

... Belle déclaration d'amour !

 

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Volti connait le démon de midi, -Marie-Louise, pour ne rien vous cacher-,  et lui rend hommage sans fard et sans hypocrisie, quoique en toute discrétion aux yeux du monde .

 

 

 

« A Mme Denis

 

A Strasbourg 3 septembre [1753]

 

Je reçois, ma chère enfant, votre lettre du 27 août qui m'est probablement renvoyée par M. Gayot. Je vous prie dorénavant de m'écrire sous le couvert de M. Defresnay, directeur général des postes, ou sous le nom de M. Darsin [i]. Les lettres me seront rendues sur-le-champ, soit sous le nom de Darsin soit sous l'enveloppe de M. Defresnay. M. Gayot est à Plombières. Je ne doute pas que vous ne lui ayez écrit pour le remercier de tous ses soins. J'ai toujours votre boîte [ii]. J'attends une occasion. Je suis à la campagne. Je n'ai point osé aller au gouvernement [iii] sans billet. J'attends celui de M. Bernard que vous m'avez promis. Venons à nos affaires. Vous ne me parlez point de votre santé. Elle est donc bonne. C'est là ma première affaire et je ne suis malheureux qu'à moitié.

 

Mon cœur est pénétré de tout ce que vous faites. Je n'ai point dans mes tragédies d'héroïne comme vous. Moi, ne vous point aimer ! Mon enfant, je vous adorerai jusqu'au tombeau. Je vous aime tant que je n'irai point dans ce château où il y a un tiers qui vous aime aussi [iv]; je deviens jaloux à mesure que je m'affaiblis, ma chère enfant. Je voudrais être le seul qui eût le bonheur de vous foutre, et je voudrais à présent n'avoir jamais eu que vos faveurs, et n'avoir déchargé qu'avec vous . Je bande en vous écrivant, et je baise mille fois vos beaux tétons et vos belles fesses. Eh! Bien, direz-vous que je ne vous aime pas ! Pagnon [v] serait bien étonné s'il lisait cela. Voilà de plaisants discours, dirait-il pour un malade ! Mais c'est un malade à qui vous rendez la vie par-ci par-là.

 

Je ne suis pas si content de l'imbécile abbé Godin [vi] que de vous . A qui en veut-il ? pourquoi plutôt dans un endroit que dans un autre ? Le plat homme ! Les deux grelots [vii] de Frémont [viii] me plaisent beaucoup, ils feront d'ailleurs enrager Lemeri et Le Sec [ix].

 

En attendant voici ce que je vais faire . J'ai achevé à peu près mon histoire de l'empire [x]. Je tâcherai de la faire imprimer à Strasbourg. J'y aurai pour la perfectionner un secours que je n'aurais point ailleurs. M. Sheffling [xi], le meilleur professeur d'histoire, est à Strasbourg. Il est mon ami, il me vient voir tous les jours dans mon ermitage. Il m'aidera. Je suis bien loin de me promener dans l'Alsace et dans la Lorraine. Je ne songe qu'à profiter du peu de temps qui me reste pour travailler et pour vous aimer. Un moment perdu me parait un siècle. Dieu merci je n'ai rendu aucune visite pas même à l'intendant. Il est venu souvent chez moi. Je renvoie mon monde sans façon en qualité de malade. Travailler et penser à vous, voila ma vie. Au nom de notre amitié, ma chère enfant, peignez-moi à tout le monde comme mourant, vous ne mentirez guère, car je ne vis que quand votre idée me ressuscite.

 

Envoyez-moi, je vous prie la malle aux papiers par le premier roulier à l'adresse de M. Defresnay et ne manquez pas d'y mettre toutes mes lettres. J'ai une besogne en tête que vous m'avez conseillée, qui est nécessaire, et que je veux faire en forme de lettres. Je tâcherai de rendre la chose sage, agréable, plaisante ; et quoique mesurée je vous promets qu'elle couvrira d'opprobre dans la postérité ceux qui vous ont fait traîner par des soldats [xii] et qui prétendent à la gloire parce qu'ils ont été heureux. Je rappellerai dans ces lettres beaucoup de faits qui seront d'ailleurs attestés par les originaux qui sont dans mes papiers [xiii]. Soyez sûre que ce recueil sera un jour plus intéressant que celui de Rousseau [xiv]. Je vous remettrai le tout fidèlement et vous le garderez comme mon testament, après quoi je mourrai content. Pourriez-vous mettre dans le coffre six assiettes et six couverts d'argent , cela peut servir quoique je ne sois pas un homme à tenir table sans vous, comme vous le faites si gaiement. Je ne soupe plus, vous ne dînez plus. Vola la plus grande de mes afflictions.

 

Je vous avoue que j'ai été bien affligé que vous ayez envoyé à Francfort la révocation de votre procuration [xv]. Elle est arrivée précisément dans le temps qu'on allait rendre l'argent. Votre résiliation a tout gâté. On s'est prévalu de l'apparence de notre mésintelligence. C'est cent louis de perdu à la suite de beaucoup d'autres. Vous vous êtes trop pressée de croire vos pauvres Parisiens qui croient connaître l'Allemagne. C'est moi qui la connais. J'ai eu plusieurs conférences tête à tête avec l'Électeur palatin. Je vous réponds que j'étais mieux à Mayence, à Manheim, à Gotha que partout ailleurs. Je vous dirais d'autres choses qui vous émerveilleraient, mais je ne veux songer à présent qu'à vous, à mon histoire de l'empire, à ces lettres, et Dieu sait si après je ne ferai pas une tragédie. J'ai un sujet admirable [xvi], et le diable me bat. Laissez-moi faire et que je vive.

 

Ce fou de Maupertuis n'a donc pas imprimé l'apologie de ses géants et de l'art d'exalter son âme ?[xvii] Ce fou devient un sot . L'amour-propre et l'eau-de-vie l'ont abruti. Adieu, aimez-moi pour que je vive, mais parlez toujours de moi comme d'un mourant . Ce coquin de Cernin [xviii] écrivait à sa sœur : Il fait le malade à Francfort, et sa nièce fait semblant de le secourir en l'épuisant. Je vous recommande Du Billon [xix] dans vos moments de loisir.

 

Je crois qu'il est de la plus grande importance que vous fassiez envoyer au roi de Prusse par milord Maréchal la lettre où je traite comme il faut l'impertinent auteur de la satire contre le roi de Prusse [xx]. Voici des vers qu'on m'envoie [xxi], ils méritent d'être connus. Adieu ma chère enfant.

 

V.

 

Ne dîtes à personne que je vais faire imprimer une histoire d'Allemagne. »


i Darsin ou d'Arcin, encore un des pseudonymes de V*.

ii Sa tabatière.

iii  A la résidence du gouverneur ; il avait demandé à Mme Denis le 17 août de « parler à Bernard (= Pierre-Joseph Bernard, dit Gentil-Bernard), et de voir si M. le maréchal de Coigny voudrait permettre qu'(il) loge(ât) à Strasbourg dans son hôtel »

iv Chez Cideville, en Normandie ; le 22, lettre explicite :  « Vous renoncez donc à la Normandie. Votre état (=grossesse) l'exige et les sentiments de Cideville l'auraient exigé. »

Par contre, le 11 novembre à Cideville : « On dit que votre campagne est charmante, mais vous en faites le plus grand agrément. Je ne me console pas de n'y pouvoir aller. »

v Pseudonyme de Franz Varrentrapp, imprimeur à Francfort ? Ou Paignon, parent de Mme Denis ?

vi Est-ce Louis XV, comme il le désignait dans d'autres lettres.

vii Terme utilisé par V* pour désigner des distinctions .

viii D'Argenson.

ix Frédéric et Maupertuis.

x Annales de l'Empire.

xi Johann Daniel Schoepflin.

xii  A Francfort ; cf. lettres du 20 juin et 8 juillet 1753.

xiii Il s'agit de réécrire les lettres adressées de Prusse à sa nièce et en faire un recueil vengeur à publier après sa mort (comme prévu aussi pour ses Mémoires) ; il reviendra à plusieurs reprises sur ce projet, réclamant à chaque fois les papiers qu'elle hésite à envoyer. Cf. lettre du 20 décembre.

xiv Jean-Baptiste Rousseau : Lettres sur différents sujets ; cf. lettre à Mme Denis du 12 août 1749.

xv 25 juillet.

xvi  L'Orphelin de la Chine ; il lui reprochera d'avoir « parlé des Chinois » le 18 septembre.

xvii Dans la Diatribe du Docteur Akakia : Maupertuis a « imaginé de connaître la nature de l'âme par le moyen de l'opium et en disséquant des têtes de géants ... » ; « avec de l'opium et des rêves, il modifie l'âme » ; « il espère qu'un peu plus de chaleur et d'exaltation dans l'imagination pourra servir à montrer l'avenir... »

xviii Frédéric, qui écrivait en réalité à sa sœur Wilhelmine le 7 juillet : « J'ai vu la lettre de Voltaire et de la Denis ... Vous ne sauriez croire ... jusqu'à quel point ces gens jouent la comédie ; toutes ces convulsions, ces maladies, ces désespoirs, tout cela n'est qu'un jeu... »

xix  Est-ce encore Frédéric comme dans d'autres lettres ?

xx  V* attribue cette satire à La Beaumelle : Idée de la personne, de la manière de vivre et de la Cour du Roi de Prusse, juin 1752 ; elle vient d'être publiée suivie de deux textes authentiques de V* qui craint donc qu'on ne croie « que tout est de lui » (lettre du 27 août 1753), d'où urgence à fustiger l'auteur de la satire et faire transmettre ce mot à Frédéric.

xxi  Vers envoyés par Sébastien Dupont à V* en août 1753.

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03/09/2010 | Lien permanent

il a joint des traits qui ne sont pas d’une bonne âme... Intimement persuadé qu’on doit lui élever une statue

... Cet Eric Zemmour est bel et bien un malfaisant avéré quand bien même il fait appel de sa récente condamnation , il a un mauvais fond , et menteur, ne se rend pas même compte de ses incohérences .

Mineurs isolés : des départements portent plainte contre Eric Zemmour -  ChalonTV

Il y a quelque chose de pourri chez cet homme là .

 

« A David Hume 1

J’ai lu, monsieur, les pièces 2 du procès que vous avez eu à soutenir par devant le public contre votre ancien protégé 3. J’avoue que la grande âme de Jean-Jacques a mis au jour la noirceur avec laquelle vous l’avez comblé de bienfaits ; et c’est en vain qu’on a dit que c’est le procès de l’ingratitude contre la bienfaisance.

Je me trouve impliqué dans cette affaire. Le sieur Rousseau m’accuse de lui avoir écrit en Angleterre une lettre 4 dans laquelle je me moque de lui. Il a accusé M. d’Alembert du même crime.

Quand nous serions coupables au fond de notre cœur, M. d’Alembert et moi, de cette énormité, je vous jure que je ne le suis point de lui avoir écrit. Il y a sept ans que je n’ai eu cet honneur. Je ne connais point la lettre dont il parle ; et je vous jure que si j’avais fait quelque mauvaise plaisanterie sur M. Jean-Jacques Rousseau, je ne la désavouerais pas.

Il m’a fait l’honneur de me mettre au nombre de ses ennemis et de ses persécuteurs 5. Intimement persuadé qu’on doit lui élever une statue, comme il le dit dans la lettre polie et décente de Jean-Jacques Rousseau, citoyen de Genève, à Christophe de Beaumont, archevêque de Paris 6, il pense que la moitié de l’univers est occupée à dresser cette statue sur son piédestal, et l’autre moitié à la renverser.

Non seulement il m’a cru iconoclaste, mais il s’est imaginé que j’avais conspiré contre lui avec le conseil de Genève, pour faire décréter sa propre personne de prise de corps, et ensuite avec le conseil de Berne pour le faire chasser de la Suisse 7.

Il a persuadé ces belles choses aux protecteurs qu’il avait alors à Paris, et il m’a fait passer dans leur esprit pour un homme qui persécutait en lui la sagesse et la modestie. Voici, monsieur, comment je l’ai persécuté.

Quand je sus qu’il avait beaucoup d’ennemis à Paris, qu’il aimait comme moi la retraite, et que je présumai qu’il pouvait rendre quelques services à la philosophie, je lui fis proposer, par M. Marc Chapuis, citoyen de Genève, dès l’an 1759, une maison de campagne appelée l’Ermitage, que je venais d’acheter.

Il fut si touché de mes offres, qu’il m’écrivit ces propres mots :

« Monsieur, je ne vous aime point ; vous corrompez ma république en donnant des spectacles dans votre château de Tournay, etc.8 »

Cette lettre, de la part d’un homme qui venait de donner à Paris un grave opéra 9 et une comédie 10, n’était cependant pas datée des Petites-Maisons. Je n’y fis point de réponse, comme vous le croyez bien, et je priai M. Tronchin, le médecin, de vouloir bien lui envoyer une ordonnance pour cette maladie. M. Tronchin me répondit que, puisqu’il ne pouvait pas me guérir de la manie de faire encore des pièces de théâtre à mon âge, il désespérait de guérir Jean-Jacques. Nous restâmes l’un et l’autre fort malades, chacun de notre côté.

En 1762, le conseil de Genève entreprit sa cure, et donna une espèce d’ordre de s’assurer de lui pour le mettre dans les remèdes. Jean-Jacques, décrété à Paris et à Genève, convaincu qu’un corps ne peut être en deux lieux à la fois, s’enfuit dans un troisième. Il conclut, avec sa prudence ordinaire, que j’étais son ennemi mortel, puisque je n’avais pas répondu à sa lettre obligeante. Il supposa qu’une partie du conseil genevois était venue dîner chez moi pour conjurer sa perte, et que la minute de son arrêt avait été écrite sur ma table, à la fin du repas. Il persuada une chose si vraisemblable à quelques-uns de ses concitoyens. Cette accusation devint si sérieuse, que je fus obligé enfin d’écrire au conseil de Genève une lettre très forte 11, dans laquelle je lui dis que, s’il y avait un seul homme dans ce corps qui m’eût jamais parlé du moindre dessein contre le sieur Rousseau, je consentais qu’on le regardât comme un scélérat, et moi aussi, et que je détestais trop les persécuteurs pour l’être.

Le conseil me répondit 12, par un secrétaire d’État, que je n’avais jamais eu, ni dû avoir, ni pu avoir la moindre part, ni directement ni indirectement, à la condamnation du sieur Jean-Jacques.

Les deux lettres sont dans les archives du conseil de Genève .

Cependant M. Rousseau, retiré dans les délicieuses vallées de Moutier-Travers, ou Môtiers-Travers, au comté de Neuchâtel, n’ayant pas eu, depuis un grand nombre d’années, le plaisir de communier sous les deux espèces, demanda instamment au prédicant de Môtiers-Travers, homme d’un esprit fin et délicat, la consolation d’être admis à la sainte table ; il lui dit 13 que son intention était, 1° de combattre l’Église romaine ; de s’élever contre l’ouvrage infernal de l’Esprit, qui établit évidemment le matérialisme ; de foudroyer les nouveaux philosophes vains et présomptueux. Il écrivit et signa cette déclaration, et elle est encore entre les mains de M. de Montmolin prédicant de Motiers-Travers et de Boveresse.

Dès qu’il eut communié, il se sentit le cœur dilaté, il s’attendrit jusqu’aux larmes. Il le dit au moins dans sa lettre 14 du 8 août 1765.

Il se brouilla bientôt avec le prédicant et les prêchés de Môtiers-Travers et de Boveresse. Les petits garçons et les petites filles lui jetèrent des pierres ; il s’enfuit sur les terres de Berne ; et, ne voulant plus être lapidé, il supplia Messieurs de Berne de vouloir bien avoir la bonté de le faire enfermer le reste de ses jours dans quelqu’un de leurs châteaux, ou tel autre lieu de leur État qu’il leur semblerait bon de choisir. Sa lettre 15 est du 20 octobre 1765.

Depuis madame la comtesse de Pimbêche, à qui l’on conseillait de se faire lier 16, je ne crois pas qu’il soit venu dans l’esprit de personne de faire une pareille requête. Messieurs de Berne aimèrent mieux le chasser que de se charger de son logement.

Le judicieux Jean-Jacques ne manqua pas de conclure que c’était moi qui le privais de la douce consolation d’être dans une prison perpétuelle, et que même j’avais tant de crédit chez les prêtres, que je le faisais excommunier par les chrétiens de Motiers-Travers et de Boveresse.

Ne pensez pas que je plaisante, monsieur. Il écrit, dans une lettre du 24 de juin 1765 17 : Être excommunié de la façon de M. de V. m’amusera fort aussi. Et, dans sa lettre du 23 de mars, il dit : M. de V. doit avoir écrit à Paris qu’il se fait fort de faire chasser Rousseau de sa nouvelle patrie 18.

Le bon de l’affaire est qu’il a réussi à faire croire, pendant quelque temps, cette folie à quelques personnes ; et la vérité est que, si, au lieu de la prison qu’il demandait à Messieurs de Berne, il avait voulu se réfugier dans la maison de campagne que je lui avais offerte, je lui aurais donné cet asile, où j’aurais eu soin qu’il eût de bons bouillons avec des potions rafraîchissantes, bien persuadé qu’un homme dans son état mérite beaucoup plus de compassion que de colère.

Il est vrai qu’à la sagesse toujours conséquente de sa conduite et de ses écrits il a joint des traits qui ne sont pas d’une bonne âme. J’ignore si vous savez qu’il a écrit des Lettres de la Montagne. Il se rend, dans la cinquième lettre, formellement délateur contre moi : cela n’est pas bien. Un homme qui a communié sous les deux espèces, un sage à qui l’on doit élever des statues, semble dégrader un peu son caractère par une telle manœuvre ; il hasarde son salut et sa réputation.

Aussi la première chose qu’ont faite MM. les médiateurs de France, de Zurich, et de Berne, a été de déclarer solennellement les Lettres de la Montagne un libelle calomnieux 19. Il n’y a plus moyen que j’offre une maison à Jean-Jacques, depuis qu’il a été affiché calomniateur au coin des rues.

Mais, en faisant le métier de délateur et d’homme un peu brouillé avec la vérité, il faut avouer qu’il a toujours conservé son caractère de modestie.

Il me fit l’honneur de m’écrire 20, avant que la médiation arrivât à Genève, ces propres mots :

« Monsieur, si vous avez dit que je n’ai pas été secrétaire d’ambassade à Venise, vous avez menti ; et si je n’ai pas été secrétaire d’ambassade, et si je n’en ai pas eu les honneurs, c’est moi qui ai menti. »

J’ignorais que M. Jean-Jacques eût été secrétaire d’ambassade ; je n’en avais jamais dit un seul mot parce que je n’en avais jamais entendu parler.

Je montrais cette agréable lettre à un homme véridique, fort au fait des affaires étrangères, curieux et exact ; ces gens-là sont dangereux pour ceux qui citent au hasard . Il déterra les lettres originales, écrites de la main de Jean-Jacques, du 9 et du 13 d’auguste 1743 21, à M. du Theil, premier commis des affaires étrangères, alors son protecteur. On y voit ces propres paroles :

« J’ai été deux ans le domestique de M. le comte de Montaigu (ambassadeur à Venise)… J’ai mangé son pain … : il m’a chassé honteusement de sa maison… ; il m’a menacé de me faire jeter par la fenêtre… ; et, de pis, si je restais plus longtemps dans Venise…, etc. »

Voilà un secrétaire d’ambassade assez peu respecté, et la fierté d’une grande âme peu ménagée. Je lui conseille de faire graver au bas de sa statue les paroles de l’ambassadeur au secrétaire d’ambassade.

Vous voyez, monsieur, que ce pauvre homme n’a jamais pu se maintenir sous aucun maître, ni se conserver aucun ami, attendu qu’il est contre la dignité de son être d’avoir un maître, et que l’amitié est une faiblesse dont un sage doit repousser les atteintes.

Vous dites qu’il fait l’histoire de sa vie ; elle a été trop utile au monde, et remplie de trop grands événements, pour qu’il ne rende pas à la postérité le service de la publier. Son goût pour la vérité ne lui permettra pas de déguiser la moindre de ces anecdotes, pour servir à l’éducation des princes qui voudront être menuisiers comme Émile.

A dire vrai, monsieur, toutes ces petites misères ne méritent pas qu’on s’en occupe deux minutes ; tout cela tombe bientôt dans un éternel oubli. On ne s’en soucie pas plus que des baisers âcres de la Nouvelle Héloïse 22, et de son faux germe, et de son doux ami, et des lettres de Vernet 23 à un lord qu’il n’a jamais vu. Les folies de Jean-Jacques et son ridicule orgueil, ne feront nul tort à la véritable philosophie, et les hommes respectables qui la cultivent en France, en Angleterre, et en Allemagne, n’en seront pas moins estimés.

Il y a des sottises et des querelles dans toutes les conditions de la vie. Quelques ex-jésuites 24 ont fourni à des évêques des libelles diffamatoires sous le nom de Mandements ; les parlements les ont fait brûler ; cela s’est oublié au bout de quinze jours. Tout passe rapidement, comme les figures grotesques de la lanterne magique.

L’archevêque de Novogorod, à la tête d’un synode, a condamné l’évêque de Rostou à être dégradé et enfermé le reste de sa vie dans un couvent, pour avoir soutenu qu’il y a deux puissances, la sacerdotale et la royale. L’impératrice a fait grâce du couvent à l’évêque de Rostou. A peine cet événement a-t-il été connu en Allemagne et dans le reste de l’Europe.

Les détails des guerres les plus sanglantes périssent avec les soldats qui en ont été les victimes. Les critiques mêmes des pièces de théâtre nouvelles, et surtout leurs éloges, sont ensevelis le lendemain dans le néant avec elles, et avec les feuilles périodiques qui en parlent. Il n’y a que les dragées du sieur Keyser 25 qui se soient un peu soutenues.

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20/01/2022 | Lien permanent

Tout homme qui pense devrait s'élever contre ces fanatiques hypocrites . Ils méritent d'être rendus exécrables à leur si

... Tous les fanatiques sans exception.

 

Mis en ligne le 19/11/2020 pour le 24/9/2015

 

 

« A Charles Palissot de Montenoy

Au château de Ferney, par Genève

24 septembre [1760] 1

Je dois me plaindre, monsieur, de ce que vous avez imprimé mes lettres sans mon consentement . Ce procédé n'est ni de la philosophie ni du monde . Je réponds cependant à votre lettre du 13 septembre 2, mais c'est en vous priant par tous les devoirs de la société de ne point publier ce que je ne vous écris que pour vous seul .

J'ai commencé par vous remercier de la part que vous voulez bien prendre au petit succès de Tancrède . Vous avez raison de ne vouloir l'appareil et l'action au théâtre qu'autant que l'un et l'autre sont liés à l'intérêt de la pièce ; vous écrivez trop bien pour ne pas vouloir que le poète l'emporte sur le décorateur .

Je suis encore de votre avis sur les guerres littéraires mais vous m'avouerez que, dans toute guerre, l'agresseur seul a tort devant Dieu et devant les hommes . La patience m'a échappé au bout de quarante années ; j'ai donné quelques petits coups de patte à mes ennemis pour leur faire sentir que, malgré mes soixante-sept ans, je ne suis pas paralytique . Vous vous y êtes pris de meilleure heure que moi ; vous avez fait des estafilades à des gens qui ne vous attaquaient pas, et malheureusement je suis l'ami de quelques personnes à qui vous avez fait sentir vos griffes . Je me suis donc trouvé entre vous et mes amis que vous déchirez ; vous sentez que vous me mettiez dans une situation très désagréable : j'avais été touché de la visite que vous m'aviez faite aux Délices ; j'avais conçu beaucoup d'amitié pour vous et pour M. Patu avec qui vous aviez fait le voyage, et mes sentiments partagés entre vous et lui se réunissaient pour vous après sa mort . Vos lettres m'avaient beaucoup plu ; je m'intéressais à vos succès, à votre fortune ; votre commerce, qui m'était très agréable, a fini par m'attirer les reproches les plus vifs de la part de mes amis . Ils se sont plaints de ma correspondance avec un homme qui les outrageait . Pour comble de désagrément, on m'a envoyé des notes imprimées en marge de vos lettres . Ces notes sont de la plus grande dureté .

Vous ne devez pas être étonné que des esprits offensés ne ménagent pas l'offenseur . Cette guerre avilit les lettres ; elles étaient déjà assez méprisées et assez persécutées par la plupart des hommes qui ne connaissent que la fortune . Il est très mal que ceux qui devraient être unis par leur goût et leur sentiment, se déchirent comme s'ils étaient des jansénistes et des molinistes . De petits scélérats en robe noire ont opprimé des gens de lettres, parce qu'ils osaient en être jaloux . Tout homme qui pense devrait s'élever contre ces fanatiques hypocrites . Ils méritent d'être rendus exécrables à leur siècle et à la postérité . Jugez combien je dois être affligé que vous ayez combattu sous leurs étendards !

Ce qui me console, c'est qu'enfin on rend justice . L'Académie entière a été indignée du discours de Lefranc ; vous auriez pu un jour être de l'Académie, si vous n'aviez pas insulté publiquement deux de ses membres sur le théâtre . Vous savez que nos amis nous abandonnent aisément, et que les ennemis sont implacables .

Toute cette aventure m'a ôte ma gaieté, et ne me laisse avec vous que des regrets . Pompignan et Fréron m'amusaient, et vous m'avez contristé .

Tout malingre que je suis , je prends la plume pour vous dire que je ne me consolerai jamais de cette aventure qui fait tant de tort aux lettres ; que les lettres sont un métier devenu avilissant, abominable, et que je suis fâché de vous avoir aimé et elles aussi . »

1 Copie par Wagnière ; éd. Œuvres de M. Palissot, 1788 donne le même texte ; Supplément au recueil .

Renouard, qui déclare son texte imprimé « sur la missive originale qui [lui] a été communiquée » et s'accorde en substance avec l'édition des Œuvres de M. Palissot, nous suivons donc son texte . L'édition 1, imprimée sur ms., est très différente, peut-être parce que ms . représente une ébauche ; en voici le texte :

« J'ai reçu , monsieur, votre lettre du 13 . Je dois me plaindre d'abord à vous de ce que vous avez publié mes lettres sans me demander mon consentement . Ce procédé n'est ni de la philosophie , ni du monde . Je vous réponds cependant en vous priant par tous les devoirs de la société de ne point publier ce que ne vous écris que pour vous seul . Je dois vous remercier de la part que vous voulez bien prendre au succès de Tancrède, et vous dire que vous avez très grande raison de ne vouloir d'appareil et d'action au théâtre qu'autant que l'un et l'autre sont liés à l'intérêt de la pièce . Vous écrivez trop bien pour ne pas vouloir que le poète l'emporte sur le décorateur . Je dois aussi vous dire que la guerre n'est pas de mon goût, mais qu'on est quelquefois forcé à la faire . Les agresseurs en tout genre ont tort devant Dieu et devant les hommes . Je n'ai jamais attaqué personne . Fréron m'a insulté des année entières sans que je l'aie su . On m'a dit que ce serpent avait mordu ma lime avec des dents aussi envenimées que faibles . Lefranc a prononcé devant l'Académie un discours insolent dont il doit se repentir toute sa vie, parce que le public a oublié ce discours, et se souvient seulement des ridicules qu'il lui a valus . Pour votre pièce des Philosophes, je vous répèterai toujours que cet ouvrage m'a sensiblement affligé . J'aurais souhaité que vous eussiez employé l'art du dialogue et celui des vers que vous entendez si bien, à traiter un sujet qui ne dût pas une partie de son succès à la malignité des hommes, et que vous n'eussiez point écrit pour flétrir des gens d'un très grand mérite dont quelques uns sont mes amis, et parmi lesquels il y en eu de malheureux et de persécutés . Le public finit par prendre leur parti . On ne veut pas que l'on immole sur le théâtre ceux que la cour a opprimés . Ils ont pour eux tous les gens qui pensent, tous les esprits qui ne veulent point être tyrannisés, tous ceux qui détestent le fanatisme ; et vous qui pensez comme eux, pourquoi vous êtes vous brouillés avec eux ? il faudrait ne se brouiller qu'avec les sots . On a envoyé un recueil de la plupart des pièces concernant cette querelle . Un des intéressés a fait des notes bien fortes sur les accusations que vous avez malheureusement intentées aux philosophes, et sur les méprises où vous êtes tombé dans ces imputations cruelles . Il n'est pas permis, vous le savez, à un accusateur de se tromper . C'est encore un grand désagrément pour moi que notre commerce de lettres ait été empoisonné par les reproches sanglants qu'on vous fait dans ce recueil, et par ceux qu'on m'a fait à moi d'entretenir commerce avec celui qui se déclare contre mes amis .J'avais été gai avec Lefranc, avec Trublet et même avec Fréron, j'avais été très touché de la visite que vous me fîtes aux Délices, j'ai regretté vivement votre ami M. Patu, et mes sentiments partagés entre vous et lui, se réunissaient pour vous ; j'avais pris un intérêt extrême aux succès de vos talents ; vous m'avez fait jouer un triste personnage quand je me suis trouvé entre vous et mes amis que vous avez déchirés . Je vous avais ouvert une voie pour tout concilier, mais au lieu de la prendre vous avez redoublé vos attaques . C'est aux jésuites et aux jansénistes à se détruire, et nous aurions dû les manger tranquillement au lieu de nous dévorer les uns les autres . »

 

2 Lettre non connue .

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24/09/2015 | Lien permanent

vale et ride

... Sans plus, sans moins !

 

 

« A Pierre-Michel Hennin

en son hôtel

à Genève 1

La représentation des Scythes ne sera que pour samedi . Monsieur le Résident est supplié de vouloir bien donner au porteur toutes les guirlandes de fleurs qu'il pourra .

M. de Bournonville n'en a pas semé sur nos pas, mais nous pourrons bien en avoir sans lui .

Tâchez aussi , je vous en prie, de nous envoyer le volume que vous avez fait relier dans lequel se trouve l'épître de ce fanatique abbé de Rancé 2 à ses sots moines .

N. B. – Il se pourrait bien faire que la pièce ne fût jouée que de demain en huit, au lieu d'aujourd'hui en huit . Cela sera, je crois, plus commode pour vous . Je vous prie de le dire à mon cher corsaire .

Adieu, monsieur, vale et ride 3.

Samedi [14 mars 1767] au matin à Ferney . »

1 L'édition Correspondance inédite, 1825, date, comme les autres éditions, du 15 mars 1769 ; en fait la date se déduit, en général des diverses allusions, et plus précisément de la réponse de Hennin à V* du 16 mars 1767 qui fait totalement allusion à la Lettre de l'abbé de Rancé .

3Porte-toi bien et ris .

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23/08/2022 | Lien permanent

Celui qui défriche un champ rend plus de services au genre humain que tous les barbouilleurs de papier de l’Europe.

... Il serait heureux que les fonctionnaires et parlementaires européens soient bien conscients de cet état de fait . Rendez-vous au Salon de l'Agriculture .

 

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 Qui nous nourrit ?

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

11 mars 1763, aux Délices

Pour peu que mes anges soient curieux, ils pourront se mettre au fait de mon aventure des trois brancards 1, car me voici avec trois Corneille. La véritable est madame Dupuits, les deux autres sont les descendants en ligne directe de Pierre, et sa sœur, dont on me menace, est la troisième ; mais Pierre est beaucoup plus embarrassant que les trois autres. Il n’y a pas, révérence parler, le sens commun dans ses dix dernières pièces ; et, à la réserve de la conférence de Sertorius et de Pompée, et de la moitié d’une scène d’Othon, qui ne sont, après tout, que de la politique très froide, tout le reste est fort au-dessous de Pardon et de Danchet.

L’embarras du commentateur est plus grand chez moi que celui du père de famille. Madame Dupuits m’amuse par sa gaieté et par sa naïveté ; mais son oncle Pierre est bien loin de m’amuser. M. Dupuits et elle présentent leurs très humbles et très tendres reconnaissances à leurs anges ; il y a beau temps qu’ils ont écrit au père. J’ai vraiment grand soin que mes deux marmots remplissent leurs devoirs. Savez-vous bien que je les fais aller à la messe tout comme s’ils y croyaient ?

Je ne sais si mes anges sont de la paroisse de Saint-Eustache ; je les crois de Saint-Roch , et cela est fort égal, car Roch n’a pas plus existé qu’Eustache 2; mais je hais Eustache, où l’on ne voulut point enterrer Molière, qui valait mieux que lui. Mes anges connaîtront sans doute quelque marguillier d’honneur de ce Saint-Eustache, quelque honnête dame, amie du curé, et on obtiendra aisément de lui qu’il fasse examiner les registres de la paroisse. Voici un petit mémoire 3 qui mettra au fait. N’avez-vous pas la plus grande envie du monde de savoir comment mon confrère Pierre, gentilhomme ordinaire de Louis XIV, et fils de Pierre mon maître, a eu un fils mort à l’hôpital ?

J’en reviens toujours à la destinée. L’arrière-petit-fils de Pierre Corneille demande l’aumône ; Marie Corneille, qui est à peine sa parente, a fait fortune sans le savoir.

Le  prince Ferdinand de Brunswick nous a battus pendant quatre ou cinq ans, et son frère 4, régent de Russie, est en prison depuis vingt-trois ans, dans une île de la mer Glaciale. L’empereur Ivan 5 est enfermé chez des moines, et la fille de cette princesse de Zerbst 6, que vous avez vue à Paris gouverne gaiement deux mille lieues de pays. George III nous a pris le Canada, tandis que le prétendant 7 dit son chapelet  à Rome, et que son fils 8 s’enivre à Bouillon, et donne des coups de pied au cul à toutes les femmes qu’il rencontre. Ne voilà-t-il pas un monde bien arrangé !

Vivez gaiement mes anges ; jouissez tranquillement de cette courte vie. Tout ce que j’ai vu et tout ce que j’ai fait n’a pas l’ombre du bon sens. Celui qui a pris le nom de Salomon pour dire que tout est vanité 9, et que tout va comme il peut, était un philosophe d’Alexandrie bien raisonnable. Il faut que l’Église ait eu le diable au corps pour attribuer cet ouvrage à Salomon, et pour le mettre dans le canon 10.

Les hommes sont bien fous, mais les ecclésiastiques sont les premiers de la bande. Je n’ai fait qu’une chose de raisonnable dans ma vie, c’est de cultiver la terre. Celui qui défriche un champ rend plus de services au genre humain que tous les barbouilleurs de papier de l’Europe.

Madame Denis est toujours bien malingre, et moi toujours un petit Homère, un petit La Motte 11, versifiant et n’y voyant goutte, me moquant de tout, et surtout de moi, vous aimant de tout mon cœur, et persistant pour vous dans mon culte de dulie, jusqu’à ce que je rende mon corps aux quatre éléments qui me l’ont donné.

V. »

2 La rue de la Sourdière était dans la paroisse St Roch, ce saint qui a certainement existé est mort en 1327 .

Eustathius vivait au début du IVè siècle, mais en l'absence de documents pour cette époque, son existence n'est connue que par des traitions incertaines .

6 La mère de Catherine II, est Sophie Frédérique Augusta d' Anhalt-Zerbst . Zerbst est une petite ville du Anhalt, ancienne principauté rattachée de nos jours à la Saxe par le gouvernement mis en place par les Russes en 1945 . voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Anhalt-Zerbst

7 James Francis Edward Stuart, dit « le vieux prétendant » (1688-1766) . https://www.saor-alba.fr/le-prince-jacques-francois-stuart-le-vieux-pretendant/

8 Charles Edward (1720-1788) , le « jeune prétendant », qui, après l'échec de ses tentatives antérieures au traité d'Aix-la-Chapelle, avait trouvé refuge dans les voyages et l'ivrognerie .https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_%C3%89douard_Stuart

9 Ecclésiaste, I, 2 et passim . http://saintebible.com/ecclesiastes/1-2.htm

10 Le déplaisir manifeste de V* à l'égard de la Bible annonce Le Taureau blanc .

11 La Motte, dans sa vieillesse était aveugle .

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21/02/2018 | Lien permanent

Ô Welches ! vous n’avez pas le sens d’une oie

... Hey ! Frenchies , you hear me ?

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

13 novembre 1765 1

Le petit ex-jésuite, mes anges, est toujours très-docile ; mais il se défie de ses forces, il ne voit pas jour à donner une passion bien tendre et bien vive à un triumvir ; il dit que cela est aussi difficile que de faire parler un lieutenant criminel en madrigaux.

Permettez-moi de ne point me rendre encore sur l’article des filles de Genève . Non-seulement la loi du couvent n’est pas que les filles seront cloîtrées dans la ville, mais la loi est toute contraire. Les choses sont rarement comme elles paraissent de loin. Le cardinal de Fleury regardait les derniers troubles de Genève comme une sédition des halles. M. de Lautrec 2 arriva plein de cette idée ; il fut bien étonné quand il apprit que le pouvoir souverain réside dans l’assemblée des citoyens ; que le Petit Conseil avait excédé son pouvoir, et que le peuple avait marqué une modération inouïe jusqu’au milieu même d’un combat où il y avait eu du sang de répandu.

Rousseau n'est plus en Suisse, il est à Potsdam 3, ainsi on ne peut plus soupçonner les citoyens de Genève d'âtre conduits par lui . Les mécontentements réciproques entre les citoyens et le Conseil subsistent toujours. Il ne convient ni à ma qualité d’étranger, ni à ma situation, ni à mon goût, d’entrer dans ces querelles. Je dois, comme bon voisin, les exhorter tous à la paix quand ils viennent chez moi ; c’est à quoi je me borne.

On vient malheureusement de m’adresser une fort mauvaise ode 4, suivie d’une histoire des troubles de Genève jusqu’au temps présent 5. Cette histoire vaut bien mieux que l’ode ; et plus elle est bien faite, plus je parais compromis par un parti qui veut s’attacher à moi. Cet ouvrage doit d’autant plus alarmer le Petit Conseil que nous sommes précisément dans le temps des élections. J’ai sur-le-champ écrit la lettre ci-jointe à l’un des Tronchin qui est conseiller d’État 6. Je veux qu’au moins cette lettre me lave de tout soupçon d’esprit de parti ; je veux paraître impartial comme je le suis.

Je vous supplie, mes divins anges, de bien garder ma lettre, et de vouloir bien même la montrer à M. le duc de Praslin en cas de besoin, afin que je ne perde pas tout le fruit de ma sagesse.

Si je tiens la balance égale entre les citoyens et le conseil de Genève, il n’en est pas ainsi des querelles de votre parlement et de votre clergé. Je me déclare net pour le parlement, mais sans conséquence pour l’avenir : car je trouve fort mauvais qu’il fatigue le roi et le ministère pour des affaires de bibus 7, et je veux qu’il réserve toutes ses forces contre les usurpations ecclésiastiques, surtout contre les romaines. Il m’a fallu, en ressassant l’histoire, relire la constitution ; je ne crois pas qu’on ait jamais forgé une pièce plus impertinente et plus absurde. Il faut être bien prêtre, bien welche, pour faire de cette arlequinade jésuitique et romaine une loi de l’Église et de l’État. Ô Welches ! vous n’avez pas le sens d’une oie.

Monsieur l’abbé le coadjuteur 8 m’a envoyé son portrait . Je lui ai envoyé quelques rogatons qui me sont tombés sous la main ; je me flatte qu’on entendra parler de lui dans l’affaire des deux puissances, et que ce Bellérophon écrasera la chimère du pouvoir sacerdotal, qui n’est qu’un blasphème contre la raison, et même contre l’Évangile.

J’ai chez moi un jésuite et un capucin 9 ; mais, par tous les dieux immortels, ils ne sont pas les maîtres.

Respect et tendresse.

V.

N. B. -- Ou que M. de Praslin garde sa place, ou qu’il la donne à M. de Chauvelin . Voilà mon dernier mot. »

 

1 L'édition de Kehl suivant la copie Beaumarchais, et suivie par les éditions, supprime la première phrase du 3è paragraphe : « Rousseau... »

2 Allusion à la mission de Daniel-François de Gélas de Voisins d'Ambres, comte de Lautrec, envoyé comme ambassadeur extraordinaire à Genève entre le 18 octobre 1737 et le 21 juin 1738 ; il procura par sa médiation la promulgation d'un édit voté le 8 mai 1738 , L’Illustre médiation, qui mettait fin à cinq ans de guerre civile . Voir : https://data.bnf.fr/fr/14642240/daniel-francois_de_gelas_de_voisins_d_ambres_lautrec/

et https://fr.wikipedia.org/wiki/Daniel_Fran%C3%A7ois_de_G%C3%A9las_de_Lautrec

et https://ge.ch/archives/8-geneve-1707-1738

3 Non, seulement à Strasbourg, et de là il ira en Angleterre, et non en Prusse .

4 La Vérité, ode à M. de Voltaire, suivie d’une Dissertation historique et critique sur le gouvernement de Genève et ses révolutions ; à Londres, 1765, in-8° de XVI et 145 pages.

6 V* prend soin d'en envoyer une copie pour faire connaître à Paris l'influence qu'il exerce à Genève .

8 L'abbé de Chauvelin .

9 Dans une lettre postérieure , du 27 juillet 1767 à Tabareau ( 6954 ), V* lui donne le nom de Bastian : « Voici le troisième chant de la très-ridicule Guerre de Genève je crois qu'on m'a volé le second. Un misérable capucin, très digne, s'étant échappé de son couvent en Savoie, et s'étant réfugié chez moi, m'a volé, au bout de deux ans, des manuscrits, de l'argent et des bijoux. Son nom est Bastian il s'appelait chez moi Ricard. Il porte encore un habit rouge que je lui ai donné. Il est à Lyon depuis quelques jours; c'est lui probablement qui a fait courir ce second chant. Il faut l'abandonner à la vengeance de saint François d'Assise. » , voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411361p/texteBrut

Les éditeurs de Kehl disent que ce capucin se réfugia a Londres, où il mourut de la vérole. (Beuchot.)

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07/03/2021 | Lien permanent

Des systèmes établis dans des temps de ténèbres doivent disparaître dans notre siècle ; et vous aurez la gloire d’avoir

... en envisageant -enfin- une dégressivité de l'indemnité de chômage pour les mieux lotis , Monsieur Edouard Philippe . Pour les mieux lotis seulement ! j'insiste .

Au passage, je peux vous donner le témoignage d'un proche qui a eu à passer par la case chômage, et qui alors s'en trouvait bien, financièrement parlant, n'ayant plus alors les frais de transport  qui grévaient son budget ; le bon côté de la chose est qu'il a pu ainsi reprendre des études complémentaires à sa formation, être diplômé et retrouver un emploi valable . Tout le monde n'est pas toujours apte à faire ce progrès .

 Et pendant ce temps un pourri , maître parmi les pourris, Patrick Balkany se fait voter une augmentation de 56% de son indemnité de maire . Jusqu'à quand va-t-on supporter cet enfoiré , intime de Sarkozy, coupable de blanchiment de fraude fiscale aggravée , corruption passive, blanchiment de corruption et prise illégale d'intérêts, excusez du peu . Et dire que cette engeance s'est reproduit ! https://www.youtube.com/watch?v=vU17tMsWh7Ehttps://www.yo...

 

 

 

« A Antoine Prost de Royer

Au château de Ferney le 1er octobre 1763 1

Je vous remercie, monsieur, du plus court et du meilleur livre qu’on ait écrit depuis longtemps. La raison et l’éloquence l’ont dicté ; on ne peut y répondre que par du fanatisme et du galimatias. Je ne doute pas que votre archevêque 2 ayant, comme vous, beaucoup d’esprit et de lumières, ne soit entièrement de votre avis dans le fond de son cœur. Il est trop bon citoyen pour soutenir une absurdité qui ruinerait l’État. Des systèmes établis dans des temps de ténèbres doivent disparaître dans notre siècle ; et vous aurez la gloire d’avoir détruit le plus pernicieux des préjugés. Il faut avouer que nous avons encore beaucoup de lois absurdes et contradictoires : on les doit à l’esprit monacal, qui a régné trop longtemps. Il est également triste et honteux pour nos tribunaux d’être réduits à éluder ce que sans doute ils voudraient abolir ; mais on trouve la superstition en possession de la maison, on n’ose pas l’en chasser tout d’un coup ; et on se contente d’y loger avec elle.

Ce que vous dites des cinq talents qui devaient en produire cinq autres m’a toujours frappé : mais j’avoue que cet intérêt à cent pour cent m’avait paru un peu trop fort. Cela fait voir qu’il y a bien des choses qu’il ne faut pas prendre au pied de la lettre.

Il est très vrai, monsieur, que MM. Tronchin et Camp me donnent quatre pour cent du peu d’argent qu’ils ont à moi . M. le cardinal de Tencin en tirait cinq  et si M. votre archevêque fait bien, il en tirera autant, attendu qu’au bout de l’année il donnera aux pauvres vingt-et-un mille livres au lieu de vingt mille.

Je crois monsieur que vous ne ferez pas mal d'envoyer un exemplaire de votre ouvrage à M. Rousseau, auteur du Journal encyclopédique à Bouillon . Vous pouvez le lui adresser sous l'enveloppe de M. Naudet, secrétaire de M. de Trudaine, et par dessus, sous celle de M. de Trudaine, conseiller d’État, intendant des Finances en son hôtel à Paris ; il lui parviendra sûrement . J'ai l'honneur d'être monsieur avec toute l'estime que je vous dois votre très humble et très obéissant serviteur .

Voltaire.

Gentilhomme ordinaire de la chambre du roi .

Il serait fort à souhaiter que votre libraire envoyât plusieurs exemplaires à Genève . »

1 Copie par Wagnière limitée aux trois premiers paragraphes ; d'autres copies contemporaines, d'une même main, apparemment littérales, qui pour cette raison ont été suivies . Sur le destinataire de cette lettre, voir Ernest Niepce : « Prost de Royer » dans Revue du Lyonnais, 1874 . L'édition de Kehl est limitée aux 3 premiers paragraphes, et l'édition de Droz limitée au reste de la lettre .

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28/09/2018 | Lien permanent

faites comme il vous plaira, il faut que chacun suive sa vocation, je n’en ai aucune pour jouer de la harpe

...

 

« Au cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis

18è février 1764 à Ferney 1

Il y a longtemps, monseigneur, que j’hésite à vous envoyer ce petit conte . Mais comme il m’a paru un des plus propres et des plus honnêtes, je passe enfin par-dessus tous mes scrupules ; vous verrez même, en le parcourant, que vous y étiez un peu intéressé ; et vous sentirez combien je suis fâché de ne pouvoir vous nommer. Votre Éminence a beau dire que le sacré-collège n’est pas heureux en poètes 2, j’ai dans mon portefeuille des choses qui feraient honneur à un consistoire composé de Tibulles ; mais les temps sont changés . Ce qui était à la mode du temps des cardinaux Du Perron 3 et Richelieu ne l’est plus aujourd’hui . Cela est douloureux.

Je ne sais si Votre Éminence est au Plessis ou à Paris ; si elle est à la campagne, c’est un vrai séjour pour des contes . Si elle est à Paris, elle a autre chose à faire qu’à lire ces rapsodies. On m’a dit que vous pourriez bien être berger d’un grand troupeau ; si cela est, adieu les belles-lettres. Je ne combattrai pas l’idée de vous voir une houlette à la main ; au contraire, je féliciterai vos ouailles, et je suis bien sûr que vos pastorales seront d’un autre goût que celles du Puy en Velay ; mais j’avoue qu’au fond de mon cœur j’aimerais mieux vous voir la plume que la houlette à la main. J’ai dans la tête qu’il n’y a personne au monde plus fait par la nature, et plus destiné par la fortune, pour jouir d’une vie charmante et honorée, que vous l’êtes . Toutes les houlettes du monde n’y ajouteront rien, ce ne sera qu’un fardeau de plus : mais faites comme il vous plaira, il faut que chacun suive sa vocation, je n’en ai aucune pour jouer de la harpe 4 dont vous m’avez parlé ; cet instrument ne me va pas, j’en jouerais trop mal. 

Tu nihil invita dices faciesve Minerva.5

J’ai été enchanté que vous ayez retrouvé à Versailles votre ancienne amie 6 ; cela lui fait  bien de l’honneur dans mon esprit. Je suppose que M. Duclos, notre secrétaire, est toujours très attaché à Votre Éminence. Il a le petit livre de la Tolérance ; je vous demande en grâce de le lire et de le juger.

Je n’ai plus de place que pour mon profond respect et mon tendre attachement.

Le vieux de la montagne. »

1 Bernis a écrit à V* le 26 janvier 1764 .

2 C'est à peu près ce que dit Bernis dans une lettre du 7 octobre 1763 ; en refusant de faire lui-même des vers, il ajoute : »Je crois que l'étiquette du sacré collège est fort contraire à la poésie française ; car il me semble que le cardinal Du Perron et celui de Richelieu ont fait de forts mauvais vers . »

3 Sans être poète lui-même, cet excellent prosateur, le cardinal Du Perron a traduit Les Épîtres d'Ovide, 1616, et Partie du premier et quatrième livre de l'Enéïde de Virgile, 1614 .

4 Faire des psaumes ou des hymnes .

5 Sans Minerve, tu ne diras ou feras rien de bon ; Horace , Art poétique .

6 Mme de Pompadour .

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06/03/2019 | Lien permanent

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