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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Autrefois les ministres ne faisaient jamais de tels aveux.

J'en conclus fort aisément que nous sommes revenus à une époque d'Ancien Régime (quoique tous les régimes amaigrissants aient été mis au ban de la médecine récemment, ils ont cela de commun avec la politique de faire maigrir les petits et engraisser les gros ! ).

Des ministres ! faire des aveux !

Non, mais , Volti, tu rêves .

Plutôt crever la bouche pleine que  recracher des mensonges , telle est la règle de nos jours .

"Il a noblement avoué son tort" 

Alors là !!

Reconnaitre le tort des autres partis ? oui !

Celui de son parti ? presque, si on est en froid avec ses dirigeants !

Jamais, si on vise une place juteuse ou si on veut la garder ! 

Je réactualise donc : "Aujourd'hui, les ministres ne font jamais de tels aveux."

aveux.jpg

Aveux de banlieue : Yo ! man ! : http://www.deezer.com/listen-524271

Aveux de rigolade : petit retour vers le feuilleton radiophonique qui berça mes dernières années lycéennes : http://www.deezer.com/listen-235991

et http://www.deezer.com/listen-235991

et encore http://www.deezer.com/listen-235895

Et puis, aveux d'amour : http://www.deezer.com/listen-1150376

Ceux-ci coûtent autant à faire, je crois même plus, que ceux qu'on doit faire sur la place publique . Dans l'intime on risque sa vie , dans le public on ne risque que sa place . Alors ...

 

 Au passage, je vous recommande de lire les lettres de d'Alembert qui fait jeu égal en humour et esprit avec Volti. C'est un magnifique scientifique et un érudit qui me plait .

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

 

28 novembre [1762]

 

Mon cher confrère, mon grand philosophe, vous ne me paraissez pas trop compter sur l'amitié des grands i. N'avez-vous jamais éprouvé que les petits n'aiment guère mieux ? Pour moi qui ai le bonheur d'être petit, je vous avertis que je vous aime de tout mon cœur.

 

A l'égard du duc de Choiseul, convenez que je lui ai une très grande obligation puisque je lui dois d'être libre chez moi ii, et de ne pas dépendre d'un intendant. Vous en savez pas ce que c'est qu'un intendant de province. Le frère d'Omer iii me manda un jour qu'il n'était en place que pour faire du mal. Aussi voulut-il m'en faire ; et j'eus les franchises de ma terre malgré lui. Vous voyez que je me suis toujours moqué de la famille d'Omer. C'est à M. le duc de Choiseul que je dois tout cela. S'il a eu le malheur de croire sur une écriture rapide que j'avais écrit une sotte lettre iv, il a bien réparé son erreur. Il a noblement avoué son tort. Autrefois les ministres ne faisaient jamais de tels aveux.

 

Pour Luc, quoique je doive être très fâché contre lui, je vous avoue qu'en qualité d'être pensant, et de Français je suis fort aise qu'une très dévote maison v n'ait pas englouti l'Allemagne et que les jésuites ne confessent pas à Berlin. L'Infâme est bien puissante vers le Danube. Vous me dites qu'elle perd de son crédit vers la Seine vi. Je le souhaite, mais songez qu'il y a trois cent mille hommes gagés vii pour soutenir ce colosse affreux, c'est à dire plus de combattants pour la superstition que la France n'a de soldats. Tout ce que peuvent faire les honnêtes gens, c'est de gémir entre eux quand cette superstition est persécutante, et de rire quand elle n'est qu'absurde, d'éclairer le plus d'esprits bien nés que l'on peut et de former insensiblement dans l'esprit [des hommes]viii destinés aux places une barrière contre ce fléau abominable. Ils doivent savoir que sans les disputes sur la transsubstantiation et sur la bulle, Henri III, Henri IV et Louis XV n'auraient pas été assassinés . C'est un bon arbre, disent les scélérats dévots, qui a produit de mauvais fruits. Mais puisqu'il en a tant produit ne mérite-t-il pas qu'on le jette au feu ?ix Chauffez-vous en donc tant que vous pourrez, vous et vos amis.

 

Vous pensez bien que je ne parle que de la superstition car pour la religion chrétienne je la respecte et je l'aime comme vous .

 

Courage donc, mes frères, prêchez avec force et écrivez avec adresse. Dieu vous bénira.

 

Protégez, mon frère, tant que vous pourrez la veuve Calas . C'est une huguenote imbécile, mais son mari a été la victime des pénitents blancs. Il importe au genre humain que les fanatiques de Toulouse soient confondus. Un autre fanatique, Patouillet, aidé de Caveirac, a écrit deux volumes contre l'Histoire générale x. Tant mieux. Si on lit leur livre, cela fera naître des éclaircissements. J'avais levé un coin du voile dans la première édition, je le déchire un peu dans la seconde. Vous y trouverez de quoi vous édifier. En attendant j'enverrai à l'Académie l'Héraclius de Calderon : il fera connaitre le génie espagnol xi. En vérité ils sont dignes d'avoir chez eux l'Inquisition.

 

Que faites-vous à présent ? travaillez-vous en géométrie, en histoire, en littérature ? Quoi que vous fassiez, écrasez l'Infâme, et aimez qui vous aime. »

i D'Alembert moqueur a écrit : « ... à l'égard de ses bontés (de Choiseul) je vous en souhaite la continuation. » ; lettre du 17 novembre : http://books.google.fr/books?pg=PA592&lpg=PA592&i...

ii En mai 1759, Choiseul a fait obtenir à V* et Mme Denis le brevet de conservation des droits seigneuriaux de Ferney ; ces droits seront à nouveau contestés en mai 1763.

iii Le frère d'Omer Joly de Fleury était intendant de Bourgogne. V* l'avait reçu chez lui en octobre 1760, fort bien, avec le fils même d'Omer : http://fr.wikipedia.org/wiki/Famille_Joly_de_Fleury

et cf. lettre du 16 octobre 1760 à Mlle Clairon : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/10/16/a...

 

iv « ... sotte lettre » : version très falsifiée et antigouvernementale publiée dans le St James's chronicle du 17 juillet 1762 de la lettre adressée à d'Alembert le 29 mars ; cf. lettre du 15 septembre à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/15/tachez-de-votre-cote-d-eclairer-la-jeunesse-autant-que-vous.html

et lettre 104 et suivantes,pages 587-... : http://books.google.fr/books?pg=PA592&lpg=PA592&i...

 

Cela faisait sa « vraie tribulation » que le duc de Choiseul le « crû l'auteur de cette belle rhapsodie anglaise » et «  qu'il le (lui)( eût) écrit avec bonté... » disait-il aux d'Argental le 25 octobre ; il ajoutait : « J'en ai été outré et je lui ai dit bien des injures qu'il mérite. » Pour détromper Choiseul

il lui envoyait la véritable lettre avec un billet de d'Alembert ; le 12 décembre, Choiseul le tranquillisait : « Vous avez raison, vous n'avez point écrit la lettre supposée ; personne n'en parle, ni ne songe actuellement à vous l'imputer ... ma chère marmotte, je vous aimerai toujours de tout mon cœur. »

v La maison d'Autriche. Luc = Frédéric II de Prusse.

vi Le 17 novembre d'Alembert lui a écrit : « il y a , dit-on, 24 jésuites retirés à Versailles ...Le parlement ne les y voit pas d'un bon œil et se propose d'enfumer le terrier ..., ils ne sont plus guère renards. » Sur les avatars des jésuites, cf. lettre du 19 mai 1762 . La dissolution de l'ordre a été prononcée le 6 août 1762 par le Parlement.

vii Prêtres et moines.

viii Mots omis par V*.

ix Tel qu'il est dit dans les évangiles.

x V* évoque les Erreurs de M. de Voltaire sur les faits historiques, dogmatiques..., 1762, ouvrage anonyme dont il a demandé le nom de l'auteur à Damilaville ; cf. lettre du 9 septembre 1762, et page 407 lettre CCLIX : http://books.google.be/books?id=9EUQAAAAYAAJ&pg=PA407...

 

. L'auteur est le jésuite Nonnotte (qui figure dans le tableau dit Le triomphe de Voltaire au château à Ferney-Voltaire, -en enfer bien entendu !-.)

Le père Patouillet avait publié entre autre l'Apologie de Cartouche, ou le scélérat sans reproche par la grâce du P. Quesnel, 1731,http://books.google.be/books?id=EewFAAAAQAAJ&pg=PA5&a...

et Novi de Caveirac, auteur de l'Apologie de Louis XIV et de son conseil, sur la révocation de l'Édit de Nantes ... avec une dissertation sur la journée de la Saint Barthélémy, 1758 : http://books.google.be/books?id=708A7rLJkwAC&printsec...

 

xi V* a joint à ses Commentaires sur Corneille une traduction de la pièce de Calderon qu'il juge très sévèrement ; cf. lettre du 4 juin à Capacelli et lettres du 17 juin et 15 septembre 1762 à d'Alembert.

Je ne résiste pas, je vous fais cet aveu, j'ai apprécié cette fable : http://www.micheloud.com/FXM/Lafontaine/aveux.htm
quoiqu'elle ne me concerne pas, ou plus ...

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28/11/2010 | Lien permanent

Puissent tous les prélats être faits comme eux !

N'ayant pas fréquenté, et pour cause, les abbés Aidie et Sade, je recommande à vos prières le père Guy Gilbert et l'abbé Pierre ; le premier agit encore sur notre terre, le second vit par ses disciples .

L-arche-de-Guy-Gilbert.jpg

http://jean-yves.larbanet13.perso.neuf.fr/sommaire.htm


abbé pierre.jpg

http://www.fondation-abbe-pierre.fr/

 

 

 

 

« A M. Thieriot

 

 

 

7 février [1755]

 

 

 

Tâchez toujours, mon ancien ami, de venir avec Mme de Fontaine i et de M. de Prangins ii; nous parlerons de vers et de prose, et nous philosopherons ensemble . Il est doux se se revoir, après cinq ans d'absence et quarante ans d'amitié . Je vous avertis d'ailleurs que ma machine , délabrée de tous côtés, va bientôt être entièrement détruite, et que je serais fort aise de vous confier bien des choses avant qu'on mette quelques pelletées de terre transjurane sur mon squelette parisien . Vous devriez apporter avec vous toutes les petites pièces fugitives que vous pouvez avoir de moi, et que je n'ai point . On pourrait choisir sur la quantité, et jeter au feu tout ce qui ne serait pas dans le goût des derniers vers de *** . Je m'imagine enfin que vous ne seriez pas mécontent de votre petit voyage, avant que votre ami fasse le grand voyage dont personne ne revient .

 

Je vous embrasse très tendrement ; mes respects à MM. les abbés d'Aidie et de Sade . Puissent tous les prélats être faits comme eux !

 

Vous me parlez de cette Histoire universelle qui a paru sous mon nom ; c'est un monstre, c'est une calomnie atroce , inhumaniorum litterarum foetus . Il faut être bien sot ou bien méchant pour m'imputer cette sottise ; je la confondrai, si je vis . »


 

i Nièce de V*, soeur ainée de Marie-Louise Denis .

 

ii Louis-François Guiger, baron de Prangins, propriétaire du château prêté à V* sur la demande de Mme de Fontaine .

 

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18/11/2011 | Lien permanent

Il est temps que l'opéra-comique et le singe de Nicolet ne soient pas les seuls qui fassent l'honneur de la nation

... Tous mes respects et mon admiration pour tous ces athlètes qui prennent des risques énormes pour concourir aux J. O. Même le dernier a du mérite . Tous ceux qui font un peu de sport savent combien il faut en  baver pendant des années  pour oser se frotter aux concurrents, pour soi et pour son pays .

Amis athlètes, je vous salue, chapeau bas !

 

 

« A Henri-Louis Lekain

27è janvier 1769

J'ai prié, mon cher ami, le libraire Panckoucke de vous faire avoir le grand et le petit Siècle … On dit que vous empêchez le petit siècle de tomber dans la fange, et que vous êtes presque le seul qui le soutenez de vos talents . Non seulement vous êtes un très grand acteur, mais vous en formez . Tâchez donc de ramener le bon goût comme vous avez ressuscité la belle déclamation . Dites à Mlle Vestris 1, je vous en prie, combien je m’intéresse à ses succès.

J'ai entendu parler des choses dont vous me dites quelques mots 2. J'imagine qu'elles iront bien puisque vous vous en mêlez . Vous n'êtes pas homme à faire les choses à demi ; et quand on a pour soi les anges, on est bien fort . Il est temps que l'opéra-comique et le singe de Nicolet ne soient pas les seuls qui fassent l'honneur de la nation .

Il y avait autrefois une jolie dame qui avait beaucoup de goût 3, elle protégeait le Catilina de Crébillon, et ne voulait pas que vous fussiez reçu à la Comédie . Le public est un peu plus juste, mais il ne l'est qu'à la longue ; c'est un cheval indompté et capricieux qui ne marche bien que quand il a été longtemps mené .

Je vous embrasse, mon cher ami, vous êtes le meilleur cavalier du monde 4.

V. »

1 Voir lettre du 27 décembre 1768 à Grimm : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/07/04/on-passe-sa-vie-a-s-indigner-et-a-gemir-6505554.html

Lekain a été son professeur .

2La réforme du théâtre et du statut des acteurs .

3 Mme de Pompadour .

4 Ceci est la suite de la métaphore précédente,mais aussi une allusion probable au rôle de Lekain dans Gaston et Bayard.

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07/08/2024 | Lien permanent

Pas un mot sur l'établissement des manufactures, rien sur les communications des fleuves, sur les travaux publics, sur l

... Pour une fois , on dirait que ceci est une déclaration de la droite à M. Montebourg, à quelques menus détails près ! Est-ce la rupture avec Audrey Pulvar qui lui ôte le sens commun ?

 

 

 

« A M. Ivan Ivanovitch SCHOUVALOW.

Des Délices, près de Genève 11 août 1757

Monsieur, celle-ci est pour informer Votre Excellence que je lui ai envoyé une esquisse de l'Histoire de l'empire de Russie sous Pierre le Grand, depuis Michel Romanof 1 jusqu'à la bataille de Narva. Il y a des fautes que vous reconnaîtrez aisément. Le nom du troisième ambassadeur qui accompagna l'empereur dans ses voyages est erroné. Il n'était point chancelier, comme le disent les Mémoires de Le Fort, qui sont fautifs en cet endroit. Je ne vous ai envoyé, monsieur, ce léger crayon qu'afin d'obtenir de vous des instructions sur les erreurs où je serais tombé. C'est une peine que vous n'aurez pas sans doute le temps de prendre; mais il vous sera bien aisé de me faire parvenir les corrections nécessaires. Le manuscrit que j'ai eu l'honneur de vous adresser n'est qu'une tentative pour être instruit par vos ordres. Le paquet a été envoyé à Paris, le 8 août (nouveau style 2), à M. de Becktejef 3, et, en son absence, à monsieur l'ambassadeur 4.
Je me suis muni, monsieur, de tout ce qu'on a écrit sur Pierre le Grand, et je vous avoue que je n'ai rien trouvé qui puisse me donner les lumières que j'aurais désirées. Pas un mot sur l'établissement des manufactures, rien sur les communications des fleuves, sur les travaux publics, sur les monnaies, sur la jurisprudence, sur les armées de terre et de mer. Ce ne sont que des compilations très-défectueuses de quelques manifestes, de quelques écrits publics, qui n'ont aucun rapport avec ce qu'a fait Pierre Ier de grand, de nouveau, et d'utile. En un mot, monsieur, ce qui mérite le mieux d'être connu de toutes les nations ne l'est en effet de personne. J'ose vous répéter que rien ne vous fera plus d'honneur, rien ne sera plus digne du règne de l'impératrice que d'ériger ainsi, dans toute la terre, un monument à la gloire de son père. Je ne ferai qu'arranger les pierres de ce grand édifice. Il est vrai que l'histoire de ce grand homme doit être écrite d'une manière intéressante c'est à quoi je consacrerai tous mes soins. J'observerai d'ailleurs avec la plus grande exactitude tout ce que la vérité et la bienséance exigent. Je vous enverrai tout le manuscrit dès qu'il sera achevé. Je me flatte que ma conduite et mon zèle ne déplairont pas à votre auguste souveraine, sous les auspices de laquelle je travaillerai sans discontinuer, dès que les mémoires nécessaires me seront parvenus. 

J'ai l'honneur d'être avec les sentiments respectueux d'un attachement véritable

Monsieur

de Votre Excellence

le près humble et très obéissant serviteur

Voltaire »

1  Michel Romanov avait été élu tsar en 1613 ; voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Ier_de_Russie

la bataille de Narva eut lieu le 30 novembre 1700 ; voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Narva

Voir aussi lettre du 7 août au même : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/08/07/n-peut-encore-parler-de-quelques-faiblesses-d-un-grand-homme.html

3 Becktejeff (ou Beckteieff ou Beckteiew) figure dans l'Almanach royal de 1757 comme chargé des affaires de l'impératrice Élisabeth auprès de Louis XV.

4 Le comte de Bestucheff.

 

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03/12/2012 | Lien permanent

Mon cher philosophe, ce siècle-ci ne vous parait-il pas celui des révolutions

 http://www.deezer.com/listen-7199245

 

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

 

16è septembre 1772

 

Mon cher philosophe, ce siècle-ci ne vous parait-il pas celui des révolutions, à commencer par les jésuites et à finir par la Suède [i], et peut-être à ne point finir ? Voici une révolution qui m'arrive à moi . Vous avez sans doute entendu parler d'un abbé Pinzo qui a écrit , ou a laissé écrire sous son nom, une lettre à la Jean-Jacques, prodigieusement folle et insolente [ii]. On a imprimé cette lettre, l'imprimeur s'est servi de mon orthographe [iii], les sots l'ont crue de moi [iv], et un fripon l'a envoyée au pape [v]. Voilà où j'en suis avec Sa Sainteté . Elle est infaillible, mais je ne sais si c'est en fait de goût, et s'il démêlera que ce n'est pas là mon style.

 

Mandez-moi, je vous prie, ce que c'est que cet abbé Pinzo, et au nom du grand être dont Ganganelli est le vicaire, da mi consiglio.

 

Nous avons ici Lekain ; il enchante tout Genève [vi]. Il a joué dans Adélaïde Du Guesclin, il jouera Mahomet et Ninias [vii], après quoi je vous le renverrai.

 

Voici mon petit remerciement au remerciement de M. Wattelet.

 

Je vous embrasse de toutes mes forces.

 

V. »

i « Relation de ce qui est arrivé à Stockholm du 19 août 1772 au 21 inclusivement » dont V* vient de prendre connaissance, après avoir déjà composé une Épître au roi de Suède Gustave III sur l'évènement « qui vient de réunir les bonnets et les chapeaux » ( à savoir les deux partis qui se disputaient le pouvoir) et dont il dira qu'il « aime surtout passionnément sa renonciation au pouvoir arbitraire » (cf. lettre à d'Alembert du 13 novembre 1772). V* va dire à ses correspondants que sa dernière tragédie Les Lois de Minos , faite « il y a plus de trois mois » , « est à quelque différences près, la révolution de Suède » ; pour la vérité historique Cf. lettre du 13 novembre à d'Alembert.

ii Lettre de M. l'abbé Pinzo au surnommé Clément XIV, son ancien camarade de collège, qui l'a condamné à une prison perpétuelle après lui avoir fait demander pardon d'avoir dit la vérité, 1772.

iii V* tenait, entre autres, à la graphie « ai », conforme à la prononciation, pour les imparfaits et pour « français »,...

iv La Correspondance littéraire du 15 septembre et les Mémoires secrets du 20 octobre la lui attribuent.

v Au cardinal de Bernis dès le 10 septembre : « L'on m'assure qu'on a envoyé cette lettre au pape comme étant mon ouvrage ... Comme il se peut faire qu'une telle imposture prenne quelque crédit dans Rome chez des gens moins éclairés que Sa sainteté, vous me pardonnerez de vous en prévenir, et même de joindre à cette lettre le témoignage de M. le Résident de France à Genève. » Le président Hennin écrivit le 12 septembre au duc d'Aiguillon que la lettre avait été envoyée de Paris.

vi Ce jour-même, du Pan écrit : « Le Kain ... veut bien, sans être payé, monter trois fois sur le théâtre de Châtelaine pour jouer Adélaïde du Guesclin, Mahomet et Sémiramis ... La première fur représentée lundi. Demain on donnera Mahomet, samedi la dernière... » Par la suite il ajoute : « George entendit hier Mahomet avec admiration, le théâtre était aussi plein qu'il pouvait l'être. Voltaire criait : bravo, bravo ! » V* écrira à La Harpe, le 29 septembre : « M. Lekain est chez moi ; il a joué six de mes pièces. »

vii Ninias, dans Sémiramis.

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16/09/2010 | Lien permanent

les échafauds et les bordels anglais l’emportent

Aujourd'hui, sauf erreur ou omission, jour de paye que je salue comme il se doit avec ce titre qui me plait depuis toujours : Money : http://www.lastfm.fr/music/Pink+Floyd/_/Money

 

De money à monkey il n'y a qu'une lettre de différence (-argent - singe-) le passage de l'humain au singe se fait-il quand il y a de l'argent ou quand il manque ?

Vaste question !

Mais j'aime bien vous embêter parfois.

Pour ma part je vais de ce pas consulter le (maigre)solde de mon compte ("a moi, compte, deux mots !...)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

«  A Charles Augustin Ferriol, comte d’Argental

 

 

           Mon cher ange, l’abomination de la désolation [évangile selon Matthieu] est dans le temple du Seigneur . Lekain, aussi en colère que vous l’êtes dans votre lettre du 24, me dit que presque toute la jeunesse de Paris est pour Le Tourneur,[traducteur et panégyriste de Shakespeare, au détriment des tragiques français] que les échafauds et les bordels anglais l’emportent sur le théâtre de Racine et les belles scènes de Corneille,bordel-11.jpg qu’il n’y a plus rien de grand et de décent à Paris que les Gilles de Londres, et qu’enfin on va donner une tragédie en prose où il y a une assemblée de bouchers qui fera un merveilleux effet [Maillard ou Paris sauvée, de Sedaine, qui ne fut pas jouée à la Comédie Française]. J’ai vu finir le règne de la raison et du goût. Je vais mourir en laissant la France barbare, mais heureusement vous vivez, et je me flatte que la reine ne laissera pas sa nouvelle patrie, dont elle fait le charme, en proie à des sauvages et à des monstres. Je me flatte que M. le maréchal de Duras ne nous aura pas fait l’honneur d’être de l’Académie pour nous voir manger par les Hottentots. Je me suis quelquefois plaint des Welches, mais j’ai voulu venger les Français avant de mourir. J’ai envoyé à l’Académie un petit écrit,[Lettre … à l’Académie française lue dans cette Académie à la solennité de la saint Louis le 25 août 1776] dans lequel j’ai essayé d’étouffer ma juste douleur, pour ne laisser parler que ma raison. Ce mémoire est entre les mains de M. d’Alembert, mais il me semble que je ne dois le faire imprimer qu’en cas que l’Académie y donne une approbation un peu authentique. Elle n’est pas malheureusement dans cet usage.[en l’envoyant à d’Alembert le 26 juillet, V* avait écrit :  « Voyez si vous pourrez, et si vous oserez m’écrire une lettre ostensible, un mot de votre secrétairerie, en réponse de ma requête. »] Voilà pourtant le cas où elle devrait donner des arrêts contre la barbarie. Je vais tâcher de rassembler les feuilles éparses dans ma minute pour vous en faire tenir une copie au net. Je sais que je me faire de cruels ennemis, mais peut-être un jour la nation me saura gré de m’être sacrifié pour elle.

 

 

           Secondez ma faiblesse, mon cher ange, et mettez-moi à l’ombre de vos ailes.

 

 

           V.

       30è juillet 1776. »     

 

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30/07/2009 | Lien permanent

J’aime tant les Chinois et Confucius, que je ne peux croire qu’ils tiennent rien du peuple frivole et superstitieux d’Ég

... comme il est encore ce moment de crise .

Si on veut un exemple d'infantilisme populaire, il n'est qu'à écouter maître Mélenchon, grand gourou , toujours en mal de publicité personnelle, toujours prêt à se battre contre des moulins avec des idées parfaitement ridicules, telle la manif' virtuelle "Plus jamais ça" . Ah ! que j'aimerais que ça soit vrai ! Plus jamais tant d'âneries politiques . Mais c'est sans doute trop demander à ces professionnels politicards qui vivent des deniers publics .

Pendant que j'y pense, la RATP et la SNCF-RER croient bien faire en raréfiant leurs fréquences de rames, et on peut alors assister à des quais et des wagons trop chargés pour que les règles d'espacement soient respectées . Ne serait-il pas plus intelligent de garder un rythme 3 ou 4 fois plus grand pour diviser par 3 ou 4 la densité des voyageurs ? D'autre part, les syndicats se plaignent des pertes dues au Covid-19 en oubliant  les millions perdus dont ils sont responsables par leurs grèves, pires que toute épidémie : cervelles de linottes .

DESSIN DE PRESSE: Mélenchon le balayeur citoyen du monde

Mais ça va plus !

 

 

« A Jean-Jacques Dortous de Mairan, de l'Académie

française et de celle des sciences etc.

au Louvre

à Paris

21è janvier 1765 au château de Ferney

par Genève

Il faut, monsieur, que vous ayez eu la bonté de m’envoyer, il y a six mois, votre horoscope d’Auguste 1, car M. Thieriot me l’a fait tenir depuis huit jours 2. Souffrez que je vous remercie en droiture . Si je m’adressais à lui, ma lettre ne vous parviendrait qu’en 1766. J’aurais, si je voulais, un peu de vanité, car j’ai toujours été de votre avis sur tout ce que vous avez écrit. Souvenez-vous, je vous prie, de la dispute sur la masse multipliée par le carré de la vitesse. Je soutins votre opinion contre la mauvaise foi de Maupertuis, qui avait séduit madame du Châtelet. Vous m’avez éclairé de même sur plusieurs points de physique. Je vous trouve partout aussi exact qu’ingénieux. Il n’y a que les Égyptiens sur lesquels je ne me suis pas rendu. J’aime tant les Chinois et Confucius, que je ne peux croire qu’ils tiennent rien du peuple frivole et superstitieux d’Égypte.

De toutes les anciennes nations, l’égyptienne me paraît la plus nouvelle ; il me semble impossible que l’Égypte, inondée tous les ans par le Nil, ait pu être un peu florissante avant qu’on eût employé dix ou douze siècles à préparer le terrain. La plupart des régions de l’Asie, au contraire, se prêtaient naturellement à tous les besoins des hommes. Le pays le plus aisément cultivable est toujours le premier habité. Les Pyramides sont fort anciennes pour nous ; mais, par rapport au reste de la terre, elles sont d’hier ; et à l’égard de nous autres Gaulois ou Welches, il y a deux minutes que nous existons . C’est peut-être ce qui fait que nous sommes si enfants.

Adieu, monsieur ; vous mériteriez d’exister toujours. Agréez, avec votre bonté ordinaire, la très tendre et très respectueuse reconnaissance de votre très humble et très obéissant serviteur

V. »

2 Si Thieriot avait fait cet envoi, il n'a pas écrit pour autant . Sa lettre suivante sera du 3 juillet 1765 .

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03/04/2020 | Lien permanent

Genève est une pétaudière ridicule

... Je remercie Voltaire de me fournir ce titre qui me vaudra la détestation d'un canton  et l'approbation des vingt-cinq autres , la Suisse étant une confédération exemplaire, où le chauvinisme est supérieur à celui de Français, ce qui vous donne une idée de l'ampleur du sujet  . Le Genevois roule avec sa plaque d'immatriculation GE que les francophones se plaisent à traduire Gueule Enfarinée, chaque citoyen de cette parvulissime république se croyant maître de toute la Suisse . Ma seule excuse : ce sont des paroles de Frouze !

Arvi pâ .

Genève, mon humour - Histoire - Les Éditions Labor et Fides

Je ne suis pas le seul de mon avis , ou pas !

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

[vers le 10 août 1766]1

Vous pensez bien, mon vrai philosophe, que mon sang a bouilli quand j’ai lu ce mémoire 2 écrit avec un cure-dent ; ce cure-dent grave pour l’immortalité. Malheur à qui la lecture de cet écrit ne donne pas la fièvre ! Il doit au moins faire mourir d’apoplexie le…, et le…, et le… N’admirez-vous pas les sobriquets que le sot peuple donne à de certaines gens ? C’est donc de tous les côtés à qui se couvrira d’horreur et d’infamie. Je vous plains d’être où vous êtes. Vous pouvez me dire : ubicumque calculum ponas, ibi naufragium invenies 3. »

Vous avez des liens, des pensions, vous êtes enchaîné . Pour moi, je mourrai bientôt, et ce sera en détestant le pays des singes et des tigres, où la folie de ma mère me fit naître il y a bientôt soixante et treize ans. Je vous demande en grâce d’écrire de votre encre au R[oi] d[e] P[russe], et de lui peindre tout avec votre pinceau. J’ai de fortes raisons pour qu’il sache à quel point on doit nous mépriser. Un des plus grands malheurs des honnêtes gens, c’est qu’ils sont des lâches. On gémit, on se tait, on soupe, on oublie. Je vous remercie par avance des coups de foudre dont vous écrasez les jansénistes. Il est bon de marcher sur le basilic 4 après avoir foulé le serpent. Donnez-vous le plaisir de pulvériser les monstres sans vous commettre. Genève est une pétaudière ridicule, mais du moins de pareilles horreurs n’y arrivent point. On n’y brûlerait pas un jeune homme pour deux chansons faites il a quatre-vingts ans 5. Rousseau n’est qu’un fou et un plat monstre d’orgueil. Adieu ; je vous révère avec justice, et je vous aime avec tendresse.

Gardons pour nous notre douleur et notre indignation ; gardons-nous le secret de nos cœurs. »

1 La présente lettre semble être un peu antérieure à la réception d'une lettre de d''Alembert du 11 août 1766 ( https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6455 ) . Par ailleurs d'Alembert ne semble pas non plus avoir reçu cette lettre de V* .

2 Mémoires de M. de La Chalolais, procureur général au parlement de Bretagne, in-12 de 80 pages, contenant deux mémoires. Voir lettre du 6 août 1766 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/11/01/toujours-fache-de-voir-des-singes-devenus-tigres-6347133.html

3 Où que tu fasses un bilan, tu trouves un naufrage , d'après Pétrone, Le Satyricon, CXV : Si bene calculum ponas, ubique naufragium est ( trad. Google : Si vous réglez correctement le calcul, il y a un naufrage partout )

5 Voir lettre du 28 juillet 1766 au marquis de Florian : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/10/25/il-est-doux-de-cultiver-son-jardin-mais-il-me-semble-qu-on-y-6345811.html

« Un des principaux corps du délit est une vieille chanson grivoise qu’on chante dans tous les régiments. L’une est intitulée la Madelène ; et l’autre, la Saint-Cyr. « 

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05/11/2021 | Lien permanent

Je le mettrai dans les rayons de ma petite bibliothèque destinés aux faiseurs de projets; j'en ai déjà bon nombre

... Dirent en choeur un sénateur et un député  en reposant le Bulletin officiel rapportant la loi du 4 août 2014 pour l'égalité entre les femmes et les hommes (NDLR - notez bien l'ordre des sexes) : http://www.vie-publique.fr/actualite/panorama/texte-discussion/projet-loi-pour-egalite-entre-femmes-hommes.html

- Hep ! là-bas ! j'ai entendu des rires , des "j'en parlerai à mon cheval" . Est-ce ainsi qu'on doit traiter une loi si bonne ?

Il est vrai que ce même jour on fait aussi paraître des lois aussi essentielles au bien être de mes compatriotes : http://www.vie-publique.fr/actualite/panorama/texte-discussion/proposition-loi-facilitant-deploiement-reseau-infrastructures-recharge-vehicules-electriques-espace-public.html

et : http://www.vie-publique.fr/actualite/panorama/texte-discussion/projet-loi-portant-reforme-ferroviaire.html

 En accord avec les textes, je veux être un homme/femme branché(e) et je tiens à rester sur de bonnes voies .

Souvenirs, souvenirs ...

 

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Alors pour le reste ...

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

Aux Délices, 18 juin [1759].
Cette dépêche sicilienne doit être adressée à madame l'Envoyée de Parme, qui s'est donné la peine de faire un si beau mémoire, et de l'écrire tout entier de sa main 1. Il paraît bien qu'elle doit partager toutes les négociations de monsieur l'Envoyé; elle connaît à fond toutes les affaires de la Sicile 2; toutes ses réflexions sont justes, profondes, et fines; ses raisonnements, forts et pressants, bien déduits, clairement exposés, prouvés, appuyés. C'est un petit chef-d'œuvre que ce mémoire ; et, ce qui n'est jamais arrivé et n'arrivera plus, c'est que l'auteur adopte sans restriction toutes les critiques qu'elle a eu la bonté d'envoyer. Il en a fait aussi honneur à tous les anges, et baise le bout de leurs ailes avec une profonde humilité et les remerciements les plus tendres et les plus sincères.

O anges! ne soyez en peine de rien; notre nièce et moi, nous pensions comme vous presque sur tous les points; mais nous n'avons pu résister à la rage de vous envoyer au plus vite notre chevalier, et de vous faire voir qu'à soixante et six ans on a encore du sang dans les veines. Tancrède a été fait comme Zaïre, en trois semaines ; nous en avons des témoins, et, à l'heure où nous faisons cette dépêche, nous attestons le ciel que tout est corrigé à peu près suivant vos divines intentions, que nous avons à moitié devinées, et à moitié suivies.
Nous sentons avec douleur que notre intrigue est fondée sur un billet équivoque, comme celle de Zaïre: nous avouons en cela notre insuffisance et la stérilité de notre imagination ; mais nous réparerons cela par un gros bon sens qui régnera dans toute la pièce. Notre bon sens est très-aidé par les lumières des anges.
Le message porté chez les Maures, pour arriver à Messine, n'était pas sans difficulté ; le balourd qui porte ce billet a aussi son embarras. Ce sont les cordes et les poulies qui font mouvoir la machine : il faut qu'elles aillent juste, j'en conviens ; mais il faut que cette machine soit brillante, pompeuse ; que tout intéresse, que le cœur soit déchiré, que les larmes coulent, qu'un grand et tendre intérêt ne laisse pas aux spectateurs le temps de la réflexion, et qu'ils ne songent aux poulies qu'après avoir essuyé leurs larmes.
Mon Dieu! que je fus aise quand j'appris que le théâtre était purgé de blanc-poudrés, coiffés au rhinocérot et à l'oiseau royal !3
Je riais aux anges en tapissant la scène de boucliers et de gonfanons. Je ne sais quoi de naïf et de vrai dans cette chevalerie me plaisait beaucoup ; et soyez vivement persuadée que, si mes foins étaient faits, la pièce en vaudrait beaucoup mieux.
M. le conseiller de grand'chambre d'Espagnac me glace encore l'imagination; messieurs les fermiers généraux la tourmentent, mes maçons l'excèdent; il faut que j'arrange une colonnade le matin, et que je rapetasse une scène le soir. Je vois encore que je serai obligé de présenter une incivile requête, par la main des anges, à M. le duc de Choiseul, et que j'abuserai à l'excès de leur bonté.
Au milieu de tout cela, il faut faire imprimer 4 l'Histoire d'une création de deux mille lieues par l'auguste barbare Pierre le Grand, et faire connaître cent peuples inconnus. Mais retournons à Syracuse. Je suppose que mes juges trouveront bon que les biens de Tancrède soient une dot que l'État donne à Orbassan pour son mariage ; ils verront sans doute que cette circonstance le rend plus odieux à Tancrède et à sa maîtresse ; ils seront convaincus qu'il serait inutile de parler de cette donation dans le conseil d'État, si ce n'était pas un des articles du mariage. Il ne faut pas, à la vérité, qu'Orbassan reproche au beau-père de s'y opposer ; mais il n'est peut-être pas mal qu'un autre chevalier fasse ce reproche au beau-père. J'aime assez ces contestations parmi des gens du temps passé, dont la politesse n'était pas la nôtre, et qui avaient plus de casques que de chemises.
Mes juges voient bien qu'à l'égard du billet porté par le balourd, quatre vers au plus suffiront pour graisser cette poulie.
Mes juges sentent que c'est une chose fort délicate de faire demander Aménaïde en mariage par un circoncis; c'est bien assez que quelque brutal de chevalier dise qu'en effet il y a quelque Sarrasin qui a fait du bruit dans la ville, qu'il nomme même ce jeune mahométan, et qu'il fasse tomber sur lui tous les soupçons les plus vraisemblables.
Mes juges verront combien il est aisé à ce soldat, intime ami de Tancrède, de dire, au commencement du troisième acte, qu'il fit un tour à la ville, il y a deux jours, et qu'il y entendit murmurer du mariage d'Orbassan.
Mes juges savent qu'il suffit de quatre vers dans un endroit, et d'une douzaine dans un autre, pour expliquer ce qui n'est pas assez clair, et pour rendre l'intérêt plus touchant. Le commencement du cinquième acte, par exemple, avait besoin d'être retouché, et je crois actuellement la scène du père et de la fille beaucoup plus intéressante; enfin il me paraît qu'on ne m'a prescrit que des choses aisées à faire.
J'avertis humblement que ces mots : ce billet adultéré 5, ne révolteront point quand il n'y aura pas de petits-maîtres sur le théâtre; ce n'est pas que je sois beaucoup attaché à ce mot, et qu'il ne soit très-facile d'en substituer un autre; mais je le crois bon, et je le dis pour la décharge de ma conscience.
Vous avez grande raison, madame, de vous écrier, et de m'accuser de barbarie allobroge, sur Ces beaux nœuds dont nos cœurs étaient joints, Dont on peut accuser ou vanter son courage.

Vous avez le nez fin, et moi aussi; cela ne vaut pas le diable, et cela fut corrigé un quart d'heure après avoir eu l'impertinence de vous l'envoyer.
Je vais sortir du Kamtschatka 6, où je suis à présent, et j'aurai l'honneur de vous envoyer la pièce avant qu'il soit un mois; mais, avant ce temps-là, il se pourrait bien faire que je couchasse par écrit un beau mémoire dans lequel je m'accuserais de l'énorme bêtise de m'être fié à des billets de garantie pour les privilèges de ma terre de Tournay.
M. d'Argental s'étant bien voulu charger des finances du sieur Pesselier 7, il les enverra quand il pourra ; je ne suis pas pressé d'argent. De quoi s'avise Pesselier, de gouverner les finances? A-t-il trouvé quelque chose de mieux que les actions sur les fermes? Cependant, si M. d'Argental a la condescendance de m'envoyer cet écrit, ne peut-il pas le faire contre-signer? Je le mettrai dans les rayons de ma petite bibliothèque destinés aux faiseurs de projets; j'en ai déjà bon nombre.
Dites-moi donc, mes anges, n'avez-vous pas douze mille parmesans au moins par an? Mais aussi n'êtes-vous pas obligés d'avoir une plus grosse maison? Je me flatte que vous avez renoncé entièrement à la grand'chambre 8; c'est un cul-de-sac bien ennuyeux. Et puis, quel bavard que cet avocat général 9!
Mes anges, je suis plus que jamais

votre Suisse V.

1 L'écriture de Mme d'Argental était belle et très-lisible. Il existe un manuscrit de l'Essai sur les Mœurs presque entièrement de sa main.

3 Les bancs placés sur l'avant-scène disparurent le 23 avril 1759, jour de la rentrée ou de l'ouverture après Pâques. Le comte de Lauraguais avait donné pour cela trente mille francs . V* écrit rhinocérot conformément à l'usage du temps, les blancs poudrés sont les petits maîtres .

5 Voltaire a renoncé à cette expression, qui devait se trouver dans la scène II de l'acte IV de Tancrède. On a : « ce billet plein d'horreur »  et « ce billet malheureux »

6 L'Histoire de Russie sous Pierre le Grand, où Voltaire parle du Kamtschatka.

7 L’Idée générale des finances, par Pesselier, est un volume in-folio portant le millésime 1759. http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles-%C3%89tienne_Pesselier

8 D'Argental était conseiller à la Grand Chambre du Parlement de Paris, voir lettre du 29 juin 1759 au même .

9 Omer Joly de Fleury.

 

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06/08/2014 | Lien permanent

Je vous dis ce que je pense; je vous donne mon sentiment pour mien , et non pour bon

... A la suite de Montaigne et de Voltaire, je me permets de vivre et dire ce qui m'importe , et au diable ceux qui jouent les fauls-culs !

 bal des faux culs.jpg

 Mieux vaut brûler que danser avec les ânes

 

« A Bernard-Joseph SAURIN,
à Paris.
5 mai [1760]
Je vous remercie de tout mon cœur, monsieur. J'aime beaucoup Spartacus 1 : voilà mon homme ; il aime la liberté, celui-là.
Je ne trouve point du tout Crassus petit. Il me semble qu'on n'est point avili quand on dit toujours ce qu'on doit dire. J'aime fort que Noricus tourne ses armes contre Spartacus pour se venger d'un affront : cela vaut mieux que la lâcheté de Maxime, qui accuse son ami Cinna parce qu'il est amoureux d'Émilie. Cet emportement de Spartacus, et le pardon qu'il demande noblement, sont à l'anglaise ; cela est bien de mon goût. Je vous dis ce que je pense; je vous donne mon sentiment pour mien 2, et non pour bon. Peut-être le parterre de Paris aura désiré un peu plus d'intérêt.
Il y a quelques vers diuruscules 3 . Je ne hais pas qu'un Spartacus soit quelquefois un peu raboteux ; je suis las des amoureux élégants. Ma cabale veut donner malgré moi une pièce toute confite en tendresse ; il y a une espèce d'amoureux qui me paraît un grand benêt 4. Cela a un faux air de Bajazet; cela est bien médiocre. J'en ai averti; ils veulent la jouer : je mets le tout sur leur conscience.
Je vous avertis que je n'aime point du tout votre épître à M. Helvétius 5; quand je vous dis que je ne l'aime point, c'est que je ne connais personne qui l'aime. Tout est dit : non, tout n'est pas dit ; et vous auriez dû dire adroitement bien des choses.
J'ignore si on a joué la farce contre les philosophes ; on ne sait comment s'y prendre pour détruire cette pauvre raison. Me Joly de Fleury braille contre elle en parlement , Tamponet 6 en Sorbonne, Chaumeix dans les rues . On la joue à la Comédie. Lui donnera-t-on bientôt la ciguë ? Vous êtes plus fous que les Athéniens. Jansénistes, molinistes, cafés, bordels, tout se déchaîne contre les philosophes ; et les pauvres diables 7 sont désunis, dispersés, timides. En Angleterre, ils sont unis, et ils subjuguent.
Je viens de recevoir le Discours de Lefranc , et les Quand 8. Il me prend envie de les avoir faits. Ce discours est bien indécent, bien révoltant ; il met en colère. Je m'applaudis tous les jours d'être loin de ces pauvretés. Je méprise les hypocrites, et je hais les persécuteurs ; je brave les uns et les autres.

C'est ce coquin de Fréron qui a empêché Lambert de mettre dans Le Siècle de Louis XIV l'article concernant monsieur votre père 9. Il ne voulait pas que Rousseau eût tort . La preuve que Rousseau était un pervers c'est qu'il fit un pèlerinage à Notre Dame de Halle 10 . Je ne connais point de preuve plus complète . Tout cela ne contribue pas à faire aimer les hommes . Il en vient pourtant chez moi beaucoup, et quelques-uns me remercient d'avoir osé être libre, et écrire librement. Pour le peu de temps qu'on a à vivre, que gagne-t-on à être esclave? Je voudrais vous voir, vous et votre ami 11?
Faites-moi le plaisir de me mander le succès de la pièce contre les philosophes, et le nom de cet Aristophane. »

2 Inspirée de Montaigne.

3 Sic, sans doute un lapsus pour duriuscules, mot de la médecine de ce temps et que son emploi dans Le Malade imaginaire a rendu célèbre .

4 Ramire, l'un des personnages de Zulime.

5 A savoir la dédicace de Spartacus, à Helvétius.

6 Tamponet avait pris une part active à la condamnation de l'abbé de Prades ; V* qui le tourna en ridicule dans le Tombeau de la Sorbonne, devait aussi utiliser son nom comme pseudonyme dans Les Questions de Zapata (1767) et le donne encore comme celui du traducteur des Lettres d'Amabed (1769) .

7 V* était alors en train de composer Le Pauvre Diable .

8 Voyez cet écrit : Les Quand étaient sous-titrés : « Notes utiles sur un discours prononcé devant l'Académie Française le 10 mars 1760 » ; ils devaient être suivis des Si et des Pourquoi de Morellet, auxquels succédèrent, à nouveau de V* les Pour, les Que , les Qui, les Quoi, les Oui, les Non et enfin les Car et les Ah ! Ah ![http://www.monsieurdevoltaire.com/article-facetie-les-ah-ah-121590823.html ]

10 La statue de bois miraculeuse de Notre Dame de Halle en Belgique avait retenu dans les plis de sa robe les boulets qui tombaient sur la ville au cours d'un siège ; c'est là une des anecdotes que raconte longuement Julius Lipsius dans ses Diva virgo Hallensis benficia ejus miracula, 1604 . Voir : http://www.mariedenazareth.com/vivre-avec-marie/hal-notre-dame

11 Helvétius.

 

 

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05/05/2015 | Lien permanent

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