Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

soit qu’on se dérobe à l’orage, soit qu’on le soutienne, la situation est également déplorable

...

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

25è janvier, partira le 26

Je reçus hier, mes divins anges, une lettre de M. de Chauvelin, qui est de votre avis sur les longueurs de la scène d’Obéide avec son père, au cinquième acte. J’étais bien de cet avis aussi, et au lieu de retrancher dix à douze vers, comme je l’avais promis à M. de Thibouville, j’en aurais retranché vingt-quatre. Nous répétâmes la pièce ; le cinquième acte nous fit un très-grand effet, au moyen de quelques corrections que vous verrez dans les deux copies que je vous envoie.

L’état où je suis ne me permet pas de songer davantage à cette pièce : la voilà entre vos mains ; il y a un terme où il faut enfin s’arrêter. Voyez si en effet les comédiens seront en état de vous en amuser pendant le carême ; pour moi, je suis assez malheureux dans ma Scythie pour que vous me pardonniez de m’occuper un peu moins de la Scythie, d’Obéide et d’Indatire.

Parmi les malheurs imprévus qui me sont survenus du côté de Genève et de celui du Virtemberg, ce n’en est pas un médiocre pour moi que l’aventure de la Doiret. On me mande qu’on pourra bien renvoyer toute l’affaire à la Tournelle de Dijon. Si la chose est ainsi, elle est funeste. On avait demandé à monsieur le vice-chancelier, par plusieurs mémoires, qu’il laissât au cours de la justice ordinaire le différend consistant dans le payement des habits achetés par la prétendue Doiret et dans l’estimation de l’équipage, et l’on se flattait que la malle, dans laquelle les commis avaient enfermé la contrebande de la Doiret, serait envoyée à monsieur le vice-chancelier selon l’usage . Il y en avait déjà plusieurs exemples. Monsieur le vice-chancelier avait lui-même ordonné au receveur de ce bureau de lui envoyer, en droiture, toutes les marchandises de cette espèce qu’il pourrait saisir. On espérait donc avec raison que ces effets lui parviendraient bientôt, qu’il les garderait, qu’il en ferait ce qu’il lui plairait, que des amis et de la protection étoufferaient tout éclat sur cette partie du procès, le reste n’étant qu’une bagatelle.

Mais si malheureusement le tribunal, à qui cette affaire a été renvoyée, juge qu’elle est entièrement de la compétence de la Tournelle de Dijon, qu’arrivera-t-il alors ? La malle de la Doiret sera portée à Dijon ; la personne accusée dans le procès-verbal par un quidam sera confrontée avec ce quidam ; on soupçonnera violemment cette personne d’avoir fourni elle-même des marchandises prohibées, trouvées dans son équipage. Son nom et la nature des effets exciteront une rumeur épouvantable, et, quel que soit l’événement de ce procès criminel, il ne peut être qu’affreux.

La personne en question, en réclamant la justice ordinaire contre la prétendue Doiret, n’intenterait qu’un procès imaginaire, et celui qu’on lui ferait craindre aujourd’hui n’est que trop réel. J’ai écrit un petit mot à M. de Chauvelin 1 pour le prier d’agir auprès de M. de La Reynière, qui peut aisément écarter le quidam trop connu. Je suis bien sûr que vous en aurez parlé à M. de Chauvelin.

Enfin, si cette affaire est jugée au Conseil de la façon qu’on nous le mande, si le tout est renvoyé à la Tournelle de Dijon, ne pourrait-on pas prévenir cet éclat horrible ? Le prétexte du renvoi à Dijon serait, ce me semble, le litige concernant la validité de la saisie. Ce ne serait donc réellement qu’un procès ordinaire entre la propriétaire de l’équipage saisi et le receveur saisissant. L’accessoire dangereux de ce procès serait la malle saisie, dans laquelle les juges trouveraient le corps du délit le plus grave et le plus punissable. Cet accessoire alors deviendrait l’objet principal, et vous en voyez toutes les conséquences. Pourrait-on prévenir un tel malheur en s’accommodant avec les fermiers généraux, en payant au receveur saisissant la somme dont on conviendrait sous le nom de la Doiret ?

Voilà, ce me semble, une manière de terminer cette cruelle affaire. Mais s’il arrive qu’on la traite comme un délit dont le procureur général doit informer, le remède alors paraît bien plus difficile. On ne peut éviter un ajournement personnel, qui se change en prise de corps lorsqu’on ne comparaît point ; et soit qu’on se dérobe à l’orage, soit qu’on le soutienne, la situation est également déplorable.

Je soumets toutes ces réflexions à votre cœur autant qu’à la supériorité de votre esprit. Vous voyez les choses de près, et je les vois dans un lointain qui les défigure ; je les vois à travers quarante lieues de neiges qui m’assiègent, accablé de maladies, entouré de malades, bloqué par des troupes, manquant des choses les plus nécessaires à la vie, chargé pendant toute l’année de l’entretien d’une maison immense, et n’ayant de tous côtés que des banqueroutes pour la faire subsister, ne pouvant dans le moment présent ni rester dans le pays de Gex ni le quitter. La philosophie, dit-on, peut faire supporter tant de disgrâces . Je le crois, mais je compte beaucoup plus sur votre amitié que sur ma philosophie.

J’envoie deux exemplaires 2 exactement corrigés, sous l’enveloppe de M. le duc de Praslin. »

2 Des Scythes .

Lire la suite

18/05/2022 | Lien permanent

Il ne convient ni à ma qualité d'étranger, ni à ma situation, ni à mon goût, d'entrer dans ces querelles

Pour un 11 novembre, remontons le temps : L'Etranger , de Damia :

http://www.youtube.com/watch?v=XBCFmWmB9YE

Selon Camus :

http://www.youtube.com/watch?v=fF7X_fHExP0

Baldé :

http://www.youtube.com/watch?v=qBdZmO6gTnY&feature=fvst

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

 

13 novembre 1765

 

Le petit ex-jésuite i, mes anges, est toujours très docile, mais il se défie de ses forces ; il ne voit pas jour à donner une passion bien tendre et bien vive à un triumvir ; il dit que cela est aussi difficile que de faire parler un lieutenant criminel en madrigaux.

 

Permettez-moi de ne point me rendre encore sur l'article des filles de Genève ii. Non seulement la loi du couvent n'est pas que les filles seront cloitrées dans la ville, mais la loi est toute contraire. Les choses sont rarement comme elles paraissent de loin. Le cardinal de Fleury iii regardait les derniers troubles de Genève comme une sédition des halles. M. de Lautrec iv arriva plein de cette idée, il fut bien étonné quand il apprit que le pouvoir souverain réside dans l'assemblée des citoyens ; que le Petit conseil avait excédé son pouvoir, et que le peuple avait marqué une modération inouïe jusqu'au milieu même d'un combat où il y avait eu du sang répandu.

 

Rousseau n'est plus en Suisse, il est à Potsdam v, ainsi on ne peut plus soupçonner les citoyens de Genève d'être conduits par lui. Les mécontentements réciproques entre les citoyens et le Conseil subsistent toujours. Il ne convient ni à ma qualité d'étranger, ni à ma situation, ni à mon goût, d'entrer dans ces querelles. Je dois comme bon voisin les exhorter tous à la paix quand ils viennent chez moi, c'est à quoi je me borne.

 

On vient malheureusement de m'adresser une fort mauvaise ode, suivie d'une histoire des troubles de Genève jusqu'au temps présent vi. Cette histoire vaut bien mieux que l'ode, et plus elle est bien faite, plus je parais compromis par un parti qui veut s'attacher à moi. Cet ouvrage doit d'autant plus alarmer le Petit conseil, que nous sommes précisément dans le temps des élections. J'ai sur le champ écrit la lettre ci-jointe à l'un des Tronchin qui est conseiller d'État vii. Je veux qu'au moins cette lettre me lave de tout soupçon d'esprit de parti, je veux apparaitre impartial comme je suis.

 

Je vous supplie, mes divins anges, de bien garder ma lettre, et de vouloir bien même la montrer à M. le duc de Praslin en cas de besoin, afin que je ne perde pas tout le fruit de ma sagesse.

 

Si je tiens la balance égale entre les citoyens et le Conseil de Genève, il n'en est pas ainsi des querelles de votre parlement et de votre clergé. Je me déclare net pour le parlement ; mais sans conséquence pour l'avenir, car je trouve fort mauvais qu'il fatigue le roi et le ministère pour des affaires de bibus viii, et je veux qu'il réserve toutes ses forces contre les usurpations ecclésiastiques, surtout contre les romainesix. Il m'a fallu en ressassant l'histoire relire la Constitution x; je ne crois pas qu'on ait jamais forgé une pièce plus impertinente et plus absurde. Il faut être bien prêtre, bien welche, pour faire de cette arlequinade jésuitique et romaine, une loi de l'Église et de l'État. Ô Welches ! vous n'avez pas le sens d'une oie.

 

M.l'abbé le coadjuteur m'a envoyé son portrait xi. Je lui ai envoyé quelques rogatons qui me sont tombés sous la main ; je me flatte qu'on entendre parler de lui dans l'affaire des deux puissances et que ce Bellérophon écrasera la chimère du pouvoir sacerdotal qui n'est qu'un blasphème contre la raison, et même contre l'évangile.

 

J'ai chez moi un jésuite xii et un capucin xiii, mais par tous les dieux immortels ils ne sont pas les maîtres.

 

Respect et tendresse.

 

V.

 

N.B.- Ou que M. de Pralin garde sa place, ou qu'il la donne à M. de Chauvelin. Voilà mon dernier mot. "

 

ii Les filles qu'on empêche d'aller en Russie ; cf. lettre du 14 octobre .

L'impératrice «daignait faire venir quelques femmes de genève pour montrer à lire et à coudre à de jeunes filles de Pétersbourg, que le Conseil de Genève a été  assez fou et assez tyrannique pour empêcher des citoyennes libres d'aller où il leur plaît et assez insolent pour faire sortir de la ville un seigneur envoyé par cette souveraine . » (Bülow).

iii Voir et son action dans ces évènements : Cf. lien de la note iv suivante.

 iv Il fut ambassadeur extraordinaire à Genève du 18 octobre 1737 au 21 juin 1738. Sa médiation aboutit à une promulgation d'un édit ,qui mis fin à un conflit de cinq ans, le 8 mai 1738.

v En réalité à Strasbourg, d'où il partit vers Paris puis l'Angleterre.

vi Jean-Antoine Comparet : La Vérité, Ode à M. de Voltaire, suivie d'une dissertation historique et critique sur le gouvernement de Genève et ses révolutions, 1765. C'est un ouvrage « en faveur des représentants » dédiée à V* ; le Conseil de Genève le condamna au feu après avoir pris soin de faire consulter V*.

vii Jacob Tronchin . V* y propose « d'offrir un repas où (les deux partis) pourraient s'entendre. » et « que  deux de vos magistrats des plus conciliants me fissent l'honneur de venir dîner à Ferney, et qu'ils trouvassent bon que deux des plus sages citoyens s'y rencontrassent . On pourrait ... inviter un avocat en qui les deux partis auraient confiance. »

Les élections évoquées sont celles du procureur général et du lieutenant de police.

viii Choses de peu de valeur, de peu d'importance.

ix Le 24 novembre : « On a, ce me semble, trop fatigué le roi et le ministère par des expressions pleines d'aigreur. On a hasardé de perdre jusqu'aux libertés de l'Eglise anglicane dont tous les parlements ont toujours été si justement et si invariablement les défenseurs. Cela fait de la peine à un pauvre historien qui aime sa patrie... »

x La Constitution Unigenitus.

xii Le père Adam.

xiii Bastian, capucin de Chambéry, « persécuté » et pour qui V* demande la protection de Fabry, le 7 octobre : il « était venu demander ... un asile aux domestiques (ceux de V*)... Il se plaignait d'avoir été fouetté trois fois par semaine, pendant seize mois, avec une discipline de fer. » Le provincial a averti qu'il pourrait le faire saisir ; « ...s'il était repris, il serait enfermé nu dans un cachot, et chargé de chaînes. »

Lire la suite

11/11/2010 | Lien permanent

Il me semble qu’un bénéfice simple de chef du conseil des finances, avec cinquante mille livres de rente, est beaucoup p

... C'est ainsi que pourrait répondre, pour une piètre défense, Me Dupont-Moretti . Quoi qu'il lui soit reproché, n'ayons aucun souci pour lui, cet animal du barreau a la griffe acérée et une grande gueule .

L'œil de SEB - Septembre 2020 : Eric Dupond-Moretti - LE MONDE DU DROIT :  le magazine des professions juridiques

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

18è avril 1766 1

Je remercie bien l’une de mes anges de son aimable lettre. Je conviens avec elle que la première maxime de la politique est de se bien porter. Il est certain que le travail forcé abrège les jours ; mais vous conviendrez aussi, mes anges, que la correspondance avec les cabinets de tous les princes de l’Europe est plus agréable qu’une relation suivie avec des charpentiers de vaisseaux, et avec des entrepreneurs vous faisant le détail de leur équipement et de tous leurs agrès ; c’est une langue toute nouvelle, et que je soupçonne d’être fort rebutante 2. Il me semble qu’un bénéfice simple de chef du conseil des finances, avec cinquante mille livres de rente, est beaucoup plus plaisant. Je tiens d’ailleurs qu’il n’est beau d’être à la tête d’une marine que quand on a cent vaisseaux de ligne, sans compter les frégates.

À propos de marine, le Sextus-Pompée 3 de mon petit ex-jésuite était un très-grand marin ; il désola quelque temps ces marauds de triumvirs sur mer. L’auteur a bien retravaillé, il a radoubé son vaisseau tant qu’il a pu ; mais il dit que sa barque n’arrivera jamais à Tendre 4. Ce qui lui plaît actuellement de cet ouvrage, c’est qu’il a fourni des remarques assez curieuses sur l’histoire romaine, et sur les temps de barbarie et d’horreur que chaque nation a éprouvés. Le tout pourra faire un volume qui amusera quelques penseurs ; c’est à quoi il faut se réduire.

Mlle Clairon me mande qu’elle ne rentrera point. On veut s’en tenir à la déclaration de Louis XIII. On ne songe pas, ce me semble, que du temps de Louis XIII les comédiens n’étaient pas pensionnaires du roi, et qu’il est contradictoire d’attacher quelque honte à ses domestiques. Je ne puis blâmer une actrice qui aime mieux renoncer à son art que de l’exercer avec honte. De mille absurdités qui m’ont révolté depuis cinquante ans, une des plus monstrueuses, à mon avis, est de déclarer infâmes ceux qui récitent de beaux vers par ordre du roi. Pauvre nation, qui n’existe actuellement dans l’Europe que par les beaux-arts, et qui cherche à les déshonorer !

Je vois rarement M. le chevalier de Beauteville, tout grand partisan qu’il est de la comédie ; il y a deux ans que je ne sors point de chez moi, et je n’en sortirai que pour aller où est Pradon. Pour le peu que j’ai vu M. de Beauteville, il ma paru beaucoup plus instruit que ne l’est d’ordinaire un chevalier de Malte et un militaire. Il a de la fécondité dans la conversation, simple, naturel, mettant les gens à leur aise ; en un mot, il m’a paru fort aimable. M. Hennin est fort fâché de la retraite de M. le duc de Praslin, et de celle de M. de Saint-Foix 5. M. de Taulès, qui a aussi beaucoup d’esprit, ne me paraît fâché de rien.

Vous reverrez bientôt M. de Chabanon avec un plan 6, et ce plan me parait prodigieusement intéressant. L’ex-jésuite dit que, s’il y avait songé, il lui aurait donné la préférence sur ce maudit Triumvirat, qui ne peut être joué que sur le théâtre de l’abbé de Caveyrac, le jour de la Saint-Barthélemy. Je lui ai proposé de donner les Vêpres Siciliennes 7 pour petite pièce.

Je viens de lire une seconde édition des Nouveaux Mélanges de Cramer 8. Je me suis mis à rire à ces mots : « L’âme immortelle a donc son berceau entre ces deux trous ! Vous me dites, madame, que cette description n’est ni dans le goût de Tibulle, ni dans celui de Quinault ; d’accord, ma bonne ; mais je ne suis pas en humeur de te dire ici des galanteries.9 »

J’ai demandé à Cramer quel était l’original qui avait écrit tout cela. Il m’a répondu que c’était un vieux philosophe fort bizarre, qui tantôt avait la nature humaine en horreur, et tantôt badinait avec elle.

Je me mets sous les ailes de mes anges pour le reste de mes jours. Mme Denis et moi, nous vous remercions d’avoir lavé la tête à Pierre 10. M. Dupuits n’en sait encore rien, parce qu’il est en Franche-Comté . Sa petite femme, qui en sait quelque chose, est à vos pieds ; elle est très avisée. »

1 Beuchot ajoute un membre de phrase omis dans le premier paragraphe de l'édition de Kehl (des entrepreneurs vous faisant le détail de leur équipement et de ) ainsi que le avant Sextus ,au début du deuxième paragraphe, ce qui indique qu'il a disposé de l'original .

2 Allusion au passage de Praslin à la Marine ; voir lettre du 10 avril 1766 à Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/07/12/le-grand-point-mon-cher-caro-c-est-d-imprimer-correctement-6326657.html

3 Personnage de la tragédie du Triumvirat.

4 La carte du pays de Tendre est au premier livre de Clélie, roman de Mlle de Scudéri. Voir : http://www.cosmovisions.com/textClelie.htm

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Cl%C3%A9lie,_histoire_romaine

5 Ou plutôt Sainte-Foix, trésorier général de la Marine.

6 Le plan de la tragédie d'Eudoxie, qui sera publiée en 1769, mais non représentée . Voir : https://www.whitman.edu/VSA/visitors/Chabanon.html

8 Le 17 avril 1766, dans une lettre qui « ne p[ouvait] partir que le 19 » , La Condamine écrit à Trublet : « Il paraît trois volumes de mélanges de V. pour servir de supplément à l'édition de Genève. » . Dans le contenu de ces volumes, il mentionne le Traité sur la tolérance, la Philosophie de l'histoire, les pièces sur les Calas, l'Examen de la religion attribué à Saint-Evremond, et l’Évangile de la raison .

9 Ceci figure dans l'article « Ignorance », actuellement inclus dans le Dictionnaire philosophique ; la première phrase apparaît sous une forme non textuelle dans la première édition des Nouveaux mélanges ; le reste fut ajouté dans la seconde édition .

Cette première phrase est la seule qu’on lise dans le tome III des Mélanges, page 92, de la première édition. Tout le passage doit se trouver dans la seconde édition, qui est de la même année ; il est dans l’édition in-4° ; voir la note, tome XIX, page 425 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvre....

10 Pierre Corneille, père de Mme Dupuits.

Lire la suite

17/07/2021 | Lien permanent

réparer par sa bienveillance (s’il est possible) l’opprobre dont Elle m’a comblé.

Mes bonnes résolutions pour 2010 et au delà :

 

bonnes résolutions 2010.jpg

  Je vous souhaite d'avoir une année passionnée, passionnante, comme cette musique.

http://www.youtube.com/watch?v=xlcVu8SLDdo&feature=re...

http://www.youtube.com/watch?v=8gdUWdDVriI&NR=1

http://www.youtube.com/watch?v=4o3eiEHmJUA&feature=ch...

 

appasionnata Le-cerf-volant.jpg

Je vous souhaite de ne pas connaitre les affres de la disgrâce que connait Volti et qui lui donnent bien du tourment ce jour de l'an 1753 .

« Au chevalier Charles-Nicolas de La Touche

 

1er janvier  [1753]

 

                            J’ai l’honneur de vous confier, Monsieur, la copie de la lettre que j’envoie au roi de Prusse et que j’ai minutée devant vous [V* s’y disait « obligé de mettre aux pieds (du roi) (s)on sort et les bienfaits et les distinctions dont (il) (l’)av(ait) honoré » -ordre du mérite et clé de chambellan – «  (s)a résignation est égale à sa douleur . (Il) ne (s)e souviendra que de ces mêmes bienfaits »…]. Elle n’est pas d’un homme qui ait à se reprocher d’avoir jamais manqué personnellement à Sa Majesté. Elle ne peut me refuser la liberté de sortir de ses Etats. J’ose espérer même qu’après m’avoir arraché à ma patrie et à tout ce que j’avais de plus cher, après m’avoir demandé au roi par son ministre, après m’avoir donné des assurances si réitérées et si tendres de me rendre heureux, elle ne me laissera point partir sans quelques paroles de consolation. Elle doit cet adoucissement à mon état, et je l’attends de la générosité de son caractère ; et je me mets sous votre protection, Monsieur, comme un Français, comme un domestique du roi, comme un officier de sa maison. Je n’ai jamais cessé de lui appartenir ; il me fait même une pension, outre le brevet de son gentilhomme ordinaire qu’il m’a conservé. Il ne m’a cédé à Sa Majesté prussienne qu’en me conservant tous mes droits dans ma patrie. Vous êtes ici le protecteur des Français ; je vous demande instamment , Monsieur, de couronner vos bontés ; de parler à M. de Podevils d’une manière touchante, et de l’engager par la plus pressante sollicitation à représenter au roi son maître combien il est digne de sa grandeur et de sa bonté de laisser sortir à son gré un étranger malheureux et malade, qu’il a eu deux ans et demi auprès de sa personne, et qui conservera toujours pour ses anciennes bontés la plus respectueuses reconnaissance, et combien il est digne encore d’un monarque tel que lui d’adoucir par des paroles de bienveillance le tort à jamais irréparable qu’il m’a fait.

 

                            Personne n’est plus en état que vous, Monsieur, de me rendre les meilleurs offices, et par le poste que où vous êtes et par la confiance qu’on doit avoir en vous. Je vous supplie d’ajouter cette marque de bonté à toutes celles que vous m’avez données. Je ne peux vous offrir que les tristes témoignages d’une reconnaissance aussi tendre, aussi respectueuse qu’inutile ; mais c’est assez pour une âme aussi belle que la vôtre.

 

                            V.

 

                            J’ajoute que je vous supplie de demander le secret à M. de Podevils jusqu’à mon départ, comme j’ose le demander au roi de Prusse.

 

 

 

clef-de-chambellan.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

« A Frédéric II, roi de Prusse

 

[1er janvier 1753]

 

                            Sire,

 

                            Ce n’est sans doute que dans la crainte de ne pouvoir plus me montrer devant Votre Majesté que j’ai remis à vos pieds des bienfaits qui n’étaient pas des liens dont j’étais attaché à votre personne [clé de chambellan et ordre du mérite]. Vous devez juger de ma situation affreuse, de celle de toute ma famille. Il ne me restait qu’à m’aller cacher pour jamais et déplorer mon malheur en silence. M. Federsdoff [a rapporté de la part du roi clé et croix] qui vient me consoler dans ma disgrâce me fait espérer que Votre Majesté daignerait écouter envers moi la bonté de son caractère, et qu’Elle pourrait réparer par sa bienveillance (s’il est possible) l’opprobre dont Elle m’a comblé. Il est bien sûr que le malheur de vous avoir déplu n’est pas le moindre que j’éprouve. Mais comment paraître ? comment vivre ? Je n’en sais rien. Je devrais être mort de douleur. Dans cet état horrible, c’est à votre humanité à avoir pitié de moi. Que voulez-vous que je devienne et que je fasse ? Je n’en sais rien. Je sais seulement que vous m’avez attaché à vous depuis seize années. Ordonnez d’une vie que je vous ai consacrée et dont vous avez rendu la fin si amère. Vous êtes bon, vous êtes indulgent, je suis le plus malheureux homme qui soit dans vos Etats, ordonnez de mon sort.

 

                            V. »

 

 

 

 

 

appasionnata ballon.png

 

 

 

 

 

 

« Au chevalier Charles-Nicolas de La Touche

 

A vous seul [1er janvier 1753]

 

                            Voici, Monsieur, une aventure que je vous confie avec le secret qu’on me recommande, et avec un abandonnement entier à votre protection et à vos conseils. J’ai renvoyé au roi ma clef et mon ordre et ma pension à trois heures et demie. Il m’a envoyé Federsdoff à quatre me dire de n’en rien faire, qu’il réparerait tout, que je lui écrivisse une autre lettre. Je lui ai écrit, mais sans démentir la première, et je ne prendrai aucune résolution sans vos bontés et sans  vos conseils. Comme j’ai eu l’honneur de vous prendre à témoin de mes sentiments dans ma première lettre, et que le roi sait que selon mon devoir je vous ai confié mes démarches, ce sera à vous à être arbitre. Vous êtes actuellement un ministre de paix, on la propose, dictez les conditions. Je ne peux sortir, je ne peux que vous renouveler ma respectueuse reconnaissance.

 

                            V.

 

                            On parle de souper, je ne peux être assez hardi, si vous n’y êtes pas pour me seconder. Moi, souper ?

 

 

 

 

 

boules fete noel.jpg

Lire la suite

01/01/2010 | Lien permanent

il faut prendre son parti sans pusillanimité dans toutes les occasions de la vie, tant que l’âme bat dans le corps

... Alors on vote ?

 

 

« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

9è février 1767 à Ferney

Vous connaissez, monseigneur, la main qui vous écrit 1, et le cœur qui dicte la lettre. Les neiges m’ôtent l’usage des yeux cet hiver-ci avec plus de rigueur que les autres ; mais j’espère voir encore un peu clair au printemps. L’aventure 2 dont vous avez la bonté de me parler dans vos deux lettres est une de ces fatalités qu’on ne peut pas prévoir. Je pense que vous croyez à la destinée ; pour moi, c’est mon dogme favori. Toutes les affaires de ce monde me paraissent des boules poussées les unes par les autres. Aurait-on jamais imaginé que ce serait la sœur de ce brave Thurot tué en Irlande 3 qui serait envoyée, à cent cinquante lieues, à un homme qu’elle ne connaît pas, qui s’attirerait une affaire capitale pour le plus médiocre intérêt, et qui mettrait dans le plus grand danger celui qui lui rendrait gratuitement service ? L’affaire a été extrêmement grave, elle à été portée au conseil des parties. On a voulu la criminaliser, et la renvoyer au parlement. C’est principalement monsieur le vice-chancelier dont les bontés et la justice ont détourné ce coup. Cette funeste affaire avait bien des branches. Vous ne devez pas être étonné du parti qu’on allait prendre, c’était le seul convenable ; et, quoiqu’il fût douloureux, on y était parfaitement résolu : car il faut prendre son parti sans pusillanimité dans toutes les occasions de la vie, tant que l’âme bat dans le corps. On risquait, à la vérité, de perdre tout son bien en France ; on jouait gros jeu ; mais, après tout, on avait brelan de roi quatrième 4. Je vous donne cette énigme à expliquer. J’ajouterai seulement qu’il y a des jeux où l’on peut perdre avec quatre rois, et qu’il vaut mieux ne pas jouer du tout. Je crois que la personne à laquelle vous daignez vous intéresser ne jouera de sa vie.

Cette affaire d’ailleurs a été aussi ruineuse qu’inquiétante ; et la personne en question 5 vous a une obligation infinie de la bonté que vous avez eue de la recommander à M. l’abbé de Blet.

On aura l’honneur, monseigneur, de vous envoyer, par l’ordinaire prochain, ce qui doit contribuer à vos amusements du carnaval 6 ou du carême ; il faut le temps de mettre tout en règle, et de préparer les instructions nécessaires. Si on n’avait que soixante-dix ans, ce qui est une bagatelle, on viendrait en poste avec ses marionnettes, et on aurait la satisfaction de vous voir dans votre gloire de Niquée 7.

Voici une requête d’une autre espèce que le griffonneur de la lettre 8 vous présente, et par laquelle il vous demande votre protection. Quoiqu’il s’agisse de toiles, il n’en est pas moins attaché à l’histoire ; et il croit que, s’il dirigeait les toiles de Voiron, il pourrait très commodément visiter tous les bénédictins du Dauphiné. Il saurait précisément en quelle année un dauphin de Viennois fondait des messes, ce qui serait d’une merveilleuse utilité pour le reste du royaume.

Voici à présent d’une autre écriture 9. Vous voyez, monseigneur, que celle de votre protégé s’est assez formée ; s’il continue, il se rendra digne de vous servir, ce qui vaudra mieux que l’inspection des toiles de son village. Je doute fort que M. de Trudaine déplace un homme qui est dans son poste depuis longtemps, pour favoriser un enfant de cet emploi.

Quoi qu’il en soit, je joins toujours sa requête 10 à cette lettre. Agréez le tendre et profond respect avec lequel je serai jusqu’au dernier moment de ma vie

V.

L’aventure de la sœur de Thurot n’est plus bonne qu’à oublier. »

1 Cette lettre de la main est écrite par Gallien, protégé de Richelieu ; voir lettre du 8 octobre 1766 à Richelieu : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/01/10/il-n-y-a-point-assurement-de-facon-de-pisser-plus-noble-que-6359638.html

2 L’affaire Le Jeune.

4Voir lettre du 9 février 1767 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/06/17/tachez-donc-enfin-que-ce-memoire-paraisse-avant-que-les-parties-soient-mort.html

Voltaire serait allé chercher asile chez l’un des quatre rois protecteurs des Sirven .

5 Voltaire ; il s’agit des deux cents louis versés par Richelieu.

7Niquée est une héroïne d'Amadis de Gaule . Voir lettre à d’Arnaud du 19 mai 1750 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1750/Lettre_2085

8 Claude Gallien.

9 Celle de Wagnière et non de V* comme l'indiquent les éditions ..

10 Cette requête est donnée par l'édition de Kehl suivant la copie Beaumarchais : « Il y a à Voiron, village du Grésivaudan en Dauphiné, une fabrique de toiles, dont l'inspection ne se donnait qu’à un des habitants de l'endroit ; cependant une personne qui demeure à Romans, et qui possède déjà plusieurs autres inspections considérables a trouvé e moyen de se faire encore revêtir de celle-ci . / M. de Trudaine est le maître d'accorder ce petit appui au sieur Claude Gallien, natif de Voiron . Il soulagerait une famille nombreuse connue depuis très longtemps, domiciliée et estimée dans ledit endroit . Le père, l'oncle et les frères de Claude Gallien ont été au service ; son frère fut tué à Crewel [Crefeld], étant pour lors sans les volontaires de Dauphiné . C'était l'aîné de la famille ./ Claude Gallien, demande très humblement la protection de M. de Trudaine. »

Plus tard V* dira que Gallien est né à Salmorenc ; lettres à Hennin : 4 janvier 1768 : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/07/correspondance-annee-1768-partie-1.html

et 13 janvier 1768 : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/07/correspondance-annee-1768-partie-3.html

et voir : https://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/326-timoleon-gallien-de-salmorenc

et : https://www.charles-de-flahaut.fr/dauphine/affiches_grenoble/2015_04_10.pdf

Lire la suite

19/06/2022 | Lien permanent

Je m’y suis ruiné, mais je ne suis pas découragé

Il en est qui dépourvus de talent se permettent de baver - je dis bien baver, pour moi ce sont des limaces - sur Voltaire . Ils le font à leur image, je n'en dirai pas plus, vous avez compris .

Dans le même temps, je les soupçonne -à tort peut-être ?- d'être des fans de Napoléon Ier qui, Ô merveille, sut si bien rétablir l'esclavage.

Ce Voltaire qu'ils se permettent de rabaisser (car eux ne peuvent s'élever ! ) était cet homme capable d'indignation devant les travers de ses contemporains , et ce n'est qu'un petit exemple parmi tant d'autres que je vous cite ci-après, en fonction de l'actualité.

Le 11 août 1770, Voltaire écrit à Catherine II de Russie :

"On apprend à Paris le tremblement de terre qui a bouleversé trente lieues de pays à Saint Domingue, on dit : "C'est dommage", et on va à l'opéra. Les affaires les plus sérieuses sont tournées en ridicule."

Ce tremblement de terre a eu lieu le jour de la Pentecôte , 3 juin 1770 . Voir détails ci-après : http://www.lnbtp.gouv.ht/publications/Seismes%20en%20Hait...

DSC06941.JPG

 

 

« A Charles–Augustin Ferriol, comte d’Argental

et

à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental

 

19è janvier 1772

 

                            Or mes anges, voici le fait. Cette lettre sera pour vous et pour M. de Thibouville puisqu’il a trouvé son jeune homme [Le 6 février 1771, V* écrivait à Thibouville :"Trouvez quelque jeune homme ... qui passerait pout l'auteur, et qui pourra même lire la pièce aux comédiens ..." Il s'agissait des Pélopides . V* sera déçu :" ce jeune homme était un mauvais comédien de la troupe de Paris" (letr du 8 février 1773 à Thibouville).]; et je suppose que ce jeune homme lira bien et fera pleurer son monde.

 

                            Mon jeune homme à moi [le prétendu auteur], m’est venu trouver hier, et m’a dit ces propres paroles :

         « A l’âge où je suis j’ai grand besoin d’avoir des protections à la cour comme par exemple auprès du secrétaire de  M. le trésorier des Menus, ou auprès de MM. les comédiens ordinaires du roi. On m’a dit que Sophonisbe n’étant qu’un réchauffé [un « réchauffé » de Mairet, 1770 ], et les Pélopides ayant déjà été traités [par Crébillon qui avait écrit Atrée et Thyeste.], ces deux objets me procureraient difficilement la protection que je demande.

 

         D’ailleurs des gens bien instruits m’ont assuré que pour balancer le mérite éclatant de l’opéra-comique et de Fax-hall [Il s’agit des Fêtes de Tempé, ouvertes par Torre en 1769 près de la porte Saint Martin ; voir article « franc » des Questions sur l’Encyclopédie :  «  du salon du sieur Vaux à Londres, nommé Vaux-hall, on a fait facs-hall à Paris. »] , pour attirer l’attention des Welches, et pour forcer la délicatesse de la cour à quelque indulgence, il fallait un grand spectacle, bien imposant, et bien intéressant ; qu’il fallait surtout que ce spectacle fût nouveau, et j’ai cru trouver ces conditions dans la pièce ci-jointe [Les Lois de Minos.] que je soumets à vos lumières . Elle m’a coûté beaucoup de temps, car je l’ai commencée le 18è septembre, et elle a été achevée le 12è janvier.

 

         Il serait triste d’avoir perdu un temps si précieux. »

 

                            J’ai répondu au jeune candidat que je trouvais sa pièce fort extraordinaire, et qu’il n’y manquait que de donner bataille sur le théâtre, que sans doute on en viendrait là quelque jour, et qu’alors on pourrait se flatter d’avoir égalé les Grecs.

 

         « Mais mon cher enfant, quel titre donnez-vous à votre tragédie ?

-         Aucun, Monsieur. On ferait cent allusions, on tiendrait cent mauvais discours, et les Welches feraient tant que ma pièce ne serait point jouée. Alors je serais privé de la protection du secrétaire de M. le trésorier des Menus, et de celle de MM. les comédiens ordinaires du roi, et je serais obligé d’aller travailler aux feuilles de M. Fréron pour me pousser dans le monde. »

 

                            J’eus pitié de ce pauvre enfant, et je vous envoie  son œuvre, mes chers anges. Si M. de Thibouville veut se trémousser et conduire cette intrigue, cela pourra l’amuser beaucoup, et vous aussi.

 

                            Il y a vraiment dans ce drame je ne sais quoi de singulier et de magnifique qui sent son ancienne Grèce, et si les Welches ne s’amusent pas de ces spectacles grecs, ce n’est pas de ma faute. Je les tiens pour réprouvés à jamais. Pour moi qui ne suis que Suisse, j’avoue que la pièce m’a fait passer une heure agréable dans mon lit où je végète depuis longtemps.

 

                            Je vous remercie mes chers anges, des ouvertures que vous me donnez avec tant de bonté pour établir un bureau d’adresse en faveur de mes montriers [fabricants de montre de Ferney]. Mme Lejeune [ La femme du libraire qui avait été arrêtée en décembre 1766, revenant de Ferney, pour avoir voulu faire entrer en France des livres prohibés, dont le Recueil nécessaire de Voltaire ] ne pourrait-elle pas être la correspondante ? On s’arrangerait avec elle.

 

                            Il est arrivé de grands malheurs à notre colonie [V* a accueilli des émigrants de Genève suite aux troubles de février 1770, leur a prêté de l’argent pour fonder une fabrique de montres à Ferney, bâti des maisons, mais perdu le soutien de Choiseul disgracié en décembre]. Je m’y suis ruiné, mais je ne suis pas découragé. J’aurai toujours dans mon village le glorieux titre de fondateur. J’ai rassemblé des gueux. Il faudra que je finisse par leur fonder un hôpital.

 

                            Je me mets à l’ombre de vos ailes plus que jamais, mes divins anges.

 

                            Vous devez recevoir la drôlerie de mon jeune homme par M. Bacon, non pas le chancelier, mais le substitut du procureur général, lequel doit l’avoir reçue dûment cachetée de la main de M. le procureur général .Si ces curieux ont ouvert le paquet, je souhaite qu’ils aiment les vers, mais j’en doute.

 

                            Voltaire. »

 

 

 

 

Lire la suite

19/01/2010 | Lien permanent

Mes méchancetés à moi se terminent

Oh ! joie incommensurable de connaitre les nouvelles d'un petit peuple que Volti a lui aussi fréquenté !

Ce matin, entre deux attentats, la radio RSR 1 (Radio Suisse Romande) m'apprend que les organisateurs de l'éléction de miss Suisse avaient prévu comme épreuve la simulation d'un orgasme dans un restaurant, tel qu'on a pu le voir dans un film dont j'ai oublié le nom . Verra-t-on ces morceaux de haute volée bientôt ? Que nenni !

Cette "magnifique" idée, je dis bien magnifique, suivez-moi bien, aurait amené un public masculin et féminin face à son quotidien intime ; quel homme est vraiment capable de détecter si sa partenaire simule, si ce n'est celui qui est encore assez lucide pour se rendre compte que le résultat est disproportionné par rapport à sa prestation ; quelle femme supportera d'en voir d'autres qui sont meilleures comédiennes qu'elle ?

Toujours est-il qu'une solution moins grivoise a été trouvée ! Ouf ! nous l'avons échappé belle !... Ce sera donc, tenez-vous bien, une épreuve de repassage . Trop top ! Tros sexy ! Non ?

Si on voulait rester dans la logique première, je leur suggèrerais bien de faire accomplir cette tâche ménagère en monokini, ça relancerait l'audimat !

Ah! l'inconscient masculin, décidément depuis Adam et Eve, a du mal à se hausser au dessus du nombril (je dis nombril pour ne pas heurter les plus jeunes d'entre vous, ô innocents si peu nombreux en ce XXI ème siècle!).

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental et à Jeanne-grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental

 

 

                            O mes anges ! après avoir beaucoup écrit de ma main, je ne peux plus écrire de ma main. Je ne m’aviserai pas de vous envoyer corrections additions, pour la tragédie de mes roués [Octave ou le Triumvirat]. Une autre farce vient à la traverse. On prétend que notre ami Fréron, très attaché à l’Ancien testament, a fait imprimer la facétie de Saül et David qui est dans le goût anglais, et qui ne me parait pas trop faite pour le théâtre de Paris [le relieur Pierre Hallé a été emprisonné le 8 août pour avoir eu des copies « de la tragédie du Saül par Voltaire »]. Ce scélérat, plus méchant qu’Achitophel [Achitophel, conseiller de David, complota avec son fils Absalon qui se pendit plutôt que de suivre ses mauvais conseils] a mis bravement mon nom à la tête ; c’est du gibier pour Omer [Omer Joly de Fleury, procureur général du Parlement de Paris]. Je n’y sais autre chose que de prévenir Omer, et de présenter requête, s’il veut faire réquisitoire. Je me joins d’esprit et de cœur à Messieurs, en cas qu’ils veuillent poser sur le réchaud Saül et David, au pied de l’escalier du May [c’est là qu’on brulait les livres condamnés à la requête d’Omer]. C’étaient, je vous jure, deux grands polissons que ce Saül et David, et il faut avouer que leur histoire et celle des voleurs de grand chemin se ressemblent parfaitement. Maitre Omer est tout à fait digne de ces temps là. Quoi qu’il en soit, je déshérite mon neveu le conseiller au parlement [D’Hornoy, fils de Mme de Fontaine, devenue Marquise de Florian, à qui V* écrit la veille :  « Il est important pour votre salut que votre oncle ne soit pas excommunié, attendu qu’étant mon héritier vous seriez damné aussi par le troisième concile de Latran. ». V* avait fermement insisté pour qu’il devint conseiller.], s’il n’instrument pas pour moi dans cette affaire, en cas qu’il faille instrumenter.

 

 

                            Je lui donne tous pouvoirs par les présentes ; et mes anges sont toujours le premier tribunal auquel je m’adresse.

 

 

                            Je vous supplie donc d’envoyer chercher aux plaids mon gros neveu, et de l’assurer de ma malédiction s’il ne se démène pas dans cette affaire.

 

 

                            De plus, j’envoie à frère Damilaville un petit avertissement pour mettre dans les papiers publics, conçu en ces termes :

« Ayant appris qu’on débite à Paris sous mon nom, et sous le titre de Genève [à Damilaville :  « S’il y avait une étincelle de justice dans messieurs de la justice, ils verraient bien que l’affectation de mettre mon nom à la tête de cet ouvrage est une preuve que je n’en suis point l’éditeur, ils verraient que le titre qui porte Genève est encore une preuve qu’il n’a pas été imprimé à Genève. »], je ne sais quelle farce, intitulée Saül et David, je suis obligé de déclarer que l’éditeur calomnieux de cette farce abuse de mon nom, qu’on ne connait point à Genève cette rhapsodie, qu’un tel abus n’y serait pas toléré, et qu’il n’est pas permis de tromper ainsi le public. »

 

 

                            Nul ange n’a jamais eu depuis le démon de Socrate un si importun client ; tantôt tragédies, tantôt farces, tantôt Omer, je ne finis point, je mets la patience de mes anges à l’épreuve. Si l’affaire est sérieuse, je les supplie d’envoyer chercher mon gros cochon de neveu, sinon mes anges jetteront au feu la lettre qui est pour lui ; en tout cas, je crois qu’il sera bon que frère Damilaville fasse mettre dans les papiers publics le petit avertissement daté de la sainte ville de Genève. Il faut être bien méchant pour avoir mis mon nom là. Mes méchancetés à moi, se terminent au Pauvre Diable, au Russe à Paris, aux Pompignades, aux Bertiades [Pamphlets contre Lefranc de Pompignan et contre Berthier], à L’Écossaise ; mais aller au criminel ! ah fi !

 

 

                            Respect et tendresse au bout de vos ailes.

 

 

                            V.

 

                            Et M. le duc de Praslin a-t-il gagné son procès pour le Gazette littéraire ? [V* se réjouira du gain du procès le 1 er février 1764, le duc de Choiseul-Praslin s’étant heurté à l’hostilité du Journal des Savants en particulier ]

 

 

                            14è auguste 1763. »

 

 

Guilleret et matinal :  Bénabar , pour moi campagnard qui ai connu les affres de la ville : http://www.youtube.com/watch?v=P4wy8olSBuk

 

Lire la suite

15/08/2009 | Lien permanent

que Mme la duchesse de Gotha soit mangée, et le roi de Prusse dépouillé, cela ne doit pas m'empêcher d'orner mon cabinet

... Show must go on ! On ne va tout de même pas se priver pour le roi de Prusse !

 show must go on .png

 

« A Jean-Robert Tronchin

A Lausanne 27 octobre [1757]

Je suis très flatté mon cher monsieur que mes rêves n'aient pas déplu à un homme qui a autant de solidité dans l'esprit que la personne respectable 1 à qui vous les avez communiqués . Ce qui me fait croire encore que les songes peuvent devenir des vérités, c'est que j'ai lieu de penser qu'on travaille déjà à ce que j'ai proposé . Il est question à ce que je présume d'une négociation entre le roi de Prusse et M. le maréchal de Richelieu, et elle pourrait bien finir par quelque chose de semblable à celle de M. le duc de Cumberland 2. C'est de quoi vous pourriez parler à Son Excellence qui peut être en est déjà instruite .

Je reçois dans le moment des lettres de Londres en date du 13 . Il n'est nullement question dans ces lettres de la maladie du roi d'Angleterre, et il faut bien que les ports ne soient pas fermés puisque les paquebots vont et viennent .

Au milieu des malheurs de tant de peuples il faut que je vous prie de vouloir bien me procurer soixante et quatre pieds des plus belles et des plus larges baguettes dorées, car, que Mme la duchesse de Gotha soit mangée, et le roi de Prusse dépouillé, cela ne doit pas m'empêcher d'orner mon cabinet .

Il y a d'assez plaisantes chansons en Angleterre sur l'expédition de leur flotte . Il vaut encore mieux faire des chansons que de pendre un amiral 3.

Mme Denis vous fait mille compliments et le Suisse V. vous embrasse de tout son cœur .

V.

Permettez que je vous adresse l'incluse . »

1 Le cardinal de Tencin .Voir lettre de Jean-Robert Tronchin du 24 octobre 1757 et la note du cardinal : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/01/19/on-arrive-au-vrai-par-la-communication-des-idees.html

2 Le 26 juillet 1757, le maréchal d'Estrées remporte, près de Hastembeck et de Hameln, au pays de Hanovre, une victoire complète sur le duc de Cumberland, qui commandait les Hanovriens, Anglais et Hessois. Le 10 septembre, capitulation de Closterseven, conclue entre le maréchal de Richelieu et le duc de Cumberland, pour une suspension d'armes. Avantageuse pour les Français, elle sera rompue peu après par les Hanovriens du prince Ferdinand de Brunswick .

3 Allusion à l'exécution de l'amiral Byng .

 

Lire la suite

18/01/2013 | Lien permanent

Et cependant cela joue encore un rôle dans l’Europe !

Satisfaction-life.jpg

 

 http://www.youtube.com/watch?v=ulVDM0a49Lw

 Pourquoi cette insatisfaction qui m'a rappelé ce titre des seventies ? sarkozydeux-presidence-sondage-satisfaction-a-L-2.pngUn amour contrarié ? Mal aux pieds ? Médaille de bronze ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Allez! cette insatisfaction je la chasse avec mon antidote favori : Voltaire !

Et puis, si ça intéresse un psy, je passe à l'ange : Angie (au volant, je passe aussi à l'or-ange ! ) :

http://www.youtube.com/watch?v=JMkFjYRWM4M&feature=re...

 

 

 

« A Frédéric II , roi de Prusse

 

A Ferney, 15 février [1775]

 

             Sire,

 

             Je ne suis point étonné que le grand baron de Polnitz se porte bien à l’âge de quatre-vingt-huit ans ; il est grand, bien fait, bien constitué . Alexandre, qui était très bien constitué aussi, et très bien pris dans sa taille  , mourut à trente ans, après avoir seulement remporté trois victoires ; mais c’est qu’il n’était pas sobre, et qu’il s’était mis à être ivrogne.

 

Quand je le loue d’avoir gagné des batailles en jouant de la flûte comme Achille, ce n’est pas que je n’aie toujours la guerre en horreur ; et certainement j’irais vivre chez les quakers en Pensilvanie[m1] ,  si la guerre était partout ailleurs.

 

             Je ne sais si Votre Majesté a vu un petit livre qu’on débite actuellement à Paris, intitulé Le Partage de la Pologne, en sept dialogues, entre le roi de Prusse, l’impératrice-reine et l’impératrice russe. On le dit traduit de l’ anglais ; il n’a pourtant point l’air d’une traduction [m2] . Le fond de cet ouvrage est surement composé par un de ces Polonais qui sont à Paris. Il y a beaucoup d’esprit, quelquefois de la finesse, et souvent des injures atroces . Ce serait bien le cas de faire paraître certain poème épique   [m3] que vous eûtes la bonté de m’envoyer il y a deux ans . Si vous savez vaincre et vous arrondir[m4] , vous savez aussi vous moquer des gens mieux que personne. Le neveu de Constantin[m5] , qui a rit et qui a fait rire aux dépens des Césars, n’entendait pas la raillerie aussi bien  que vous.

 

             Je suis très maltraité  [m6] dans les sept dialogues ; je n’ai pas soixante mille hommes pour répondre ; et Votre Majesté me dira que je veux me mettre à l’abri sous votre égide . Mais en vérité, je me tiens glorieux de souffrir pour votre cause.

 

             Je fus attrapé comme un sot quand je crus bonnement, avant la guerre des Turcs, que l’impératrice de Russie s’entendait avec le roi de Pologne pour faire rendre justice aux dissidents, et pour établir seulement la liberté de conscience. Vous autres rois, vous nous en donnez bien à garder, vous êtes comme les dieux d’Homère, qui font servir les hommes à leurs desseins sans que ces pauvres gens s’en doutent.

 

             Quoi qu’il en soit, il y a des choses horribles dans ces sept dialogues qui courent le monde.

 

             A l’égard de d’Etallonde-Morival, qui ne s’occupe à présent que de contrescarpes et de tranchées, je remercie Votre Majesté de vouloir bien me le laisser encore quelque temps. Il n’en deviendra que meilleur meurtrier, meilleur canonnier, meilleur ingénieur ; et il vous servira avec un zèle inaltérable dans toutes les journées de Rosbac qui se présenteront.

 

             J’espère envoyer à Votre Majesté, dans quelque mois, un petit précis de son aventure velche[m7] , vous en serez bien étonné . Je souhaiterais qu’il ne plaidât que devant votre tribunal . C’est une chose bien extraordinaire que la nation velche ! Peut-on réunir tant de superstition et tant de philosophie, tant d’atrocité et tant de gaieté, tant de crimes et tant de vertus, tant d’esprit et tant de bêtises ?  Il ne faudrait qu’un Louvois et qu’un Colbert pour rendre ce rôle passable ; mais Colbert, Louvois et Turenne ne valent pas celui dont le nom commence par une F, et qui n’aime pas qu’on lui donne de l’encens par le nez .

 

             En toute humilité, et avec les mêmes sentiments que j’avais il y a environ quarante ans.

 

             Le vieux malade de Ferney. »


 [m1] Pour les idées que se fait V* sur la Pennsylvanie, voir les Lettres philosophiques, et l’Histoire de Jenni (1775)

 

 [m2] Le Partage de la Pologne en septt dialogues en forme de drame (Londres 1774), traduction de Joseph Mathias Gérard de Rayneval du texte attribué à Théophilus Lindsey (alias Gottlieb Pansmouser) ou à John Lind. Le 26 mars, réponse de F II : « L’auteur de cet ouvrage est un anglais nommé Lindsey, théologien de profession, et précepteur du jeune prince Poniatowski », qu’il a « composé sa satire en anglais », qu’on a envoyé ces Dialogues à traduire « à un certain Gérard » consul de France à Dantzig, que ce Gérard  qui le « hait cordialement » a retouché les Dialogues où « il y a par-ci par-là des grossièretés et des platitudes insipides » mais aussi « des traits de bonne plaisanterie ».

 

 [m3] La Guerre des Confédérés, poème de Frédéric envoyé à V* en novembre , imité de La Guerre civile de Genève de V* ; F II répondra le 2 mars qu’il a fait ce poème « pour se désennuyer » quand il était « alité de la goutte », que « dans cet ouvrage il est question de bien des personnes qui vivent encore, et (qu’il) ne doi(t) ni ne veu(t) choquer personne ni plus ni moins » . Le 26 mars, après avoir lu les Dialogues, il dit qu’il « n’ira point ferrailler à coups de plume contre ce sycophante ».

 

 

 

 [m5] L’empereur, dans ces Césars, sorte de tragi-comédie. Le 10 mars 1771, F II avait écrit à V* qu’il appréciait peu cette plaisanterie.

 

 [m6] On y dit que V* « a survécu à son influence » (celle de F II).

 

 [m7] Le 4 février, V* écrivait au roi : « … d’Etallonde-Morival … compte écrire dans quelque temps, ou au chancelier de France, ou au roi de France lui-même … Il ne fera partir sa lettre qu’après que … vous l’aurez approuvée . Vous serez étonné de cette affaire qui est … cent fois pire que celle des Calas  Vous y verrez un jeune gentilhomme innocent, condamné au supplice des parricides, par trois juges de province, dont l’un était un ennemi déclaré, et l’autre un cabaretier, marchand de cochons, autrefois procureur, et qui n’avait jamais fait le métier d’avocat… ». Le 28 mars, V* envoie « le mémoire de d’Etallonde … fondé sur les pièces originales qu’on (leur) cachait » et qu’ils ont « résolu d’envoyer à tous les jurisconsultes de l’Europe » pour avoir « l’Europe entière contre trois gredins d’Abbeville ». cf lettre du 16 avril à d’Argental ; Pour l’affaire de La Barre, cf lettres des 14 et 28 juillet 1766, des 13 et 31 décembre 1773, du 11 décembre 1774.

 

 

 

 

 

 

 

Une chanson que l'on aimerait vivre : http://www.dailymotion.com/video/x2ed4y_nicole-croisille-...

 

Lire la suite

15/02/2010 | Lien permanent

Malheur aux détails : la postérité les néglige tous : c'est une vermine qui tue les grands ouvrages

Le diable est dans les détails :  http://www.deezer.com/listen-3756837

 Détails mineurs : http://www.deezer.com/listen-3266127

  Et si en plus les détails sont tout petits : http://www.deezer.com/listen-3734083 , chanson parfaitement et justement négligée (style bouche-trou pour boucler un disque ! oublions ! continuons à oublier ou à ignorer ! )

     Frais et sans prétention, j'aime bien cet air guilleret : http://www.deezer.com/listen-291806 

 

Et je vous passe les détails !

 

Dubos.jpg

 

 

 

« A Jean-Baptiste Dubos

[i]

 

A Cirey, 30 octobre [1738]

 

 

3

Il y a déjà longtemps, Monsieur,que je vous suis attaché par la plus forte estime ; je vais l'être par la reconnaissance. Je ne vous répèterai point ici que vos livres doivent être le bréviaire des gens de lettres, que vous êtes l'écrivain le plus utile et le plus judicieux que je connaisse ; je suis si charmé de voir que vous êtes le plus obligeant, que je suis tout occupé de cette dernière idée.

 

Il y a longtemps que j'ai assemblé quelques matériaux pur faire l'histoire du siècle de Louis XIV : ce n'est point simplement la vie de ce prince que j'écris, ce ne sont point les annales de son règne ; c'est plutôt l'histoire de l'esprit humain, puisé dans le siècle le plus glorieux à l'esprit humain.

 

Cet ouvrage est divisé en chapitres ; il y en a vingt environ destinés à l'histoire générale : ce sont vingt tableaux des grands évènements du temps. Les principaux personnages sont sur le devant de la toile ; la foule est dans l'enfoncement. Malheur aux détails : la postérité les néglige tous : c'est une vermine qui tue les grands ouvrages. Ce qui caractérise le siècle, ce qui a causé les révolutions, ce qui sera important dans cent années : c'est là ce que je veux écrire aujourd'hui.

 

Il y a un chapitre pour la vie privée de Louis XIV ; deux pour les grands changements faits dans la police du royaume, dans le commerce, dans les finances ; deux pour le gouvernement ecclésiastique, dans lequel la révocation de l'édit de Nantes et l'affaire de la régale [ii] sont comprises ; cinq ou six pour l'histoire des arts, à commencer par Descartes et à finir par Rameau.

 

Je n'ai d'autres mémoires pour l'histoire générale qu'environ deux cents volumes de mémoires imprimés que tout le monde connaît ; il ne s'agit que de former un corps bien proportionné à tous ces membres épars, et de peindre avec des couleurs vraies, mais d'un trait, ce que Larrey, Limiers, Lamberty, Roussel [iii]etc., etc. falsifient et délaient dans des volumes.

 

J'ai pour la vie privée de Louis XIV les mémoires de M. Dangeau, en quarante volumes dont j'ai extrait quarante pages ; j'ai ce que j'ai entendu dire à de vieux courtisans, valets, grands seigneurs, et d'autres ; et je rapporte les faits dans lesquels ils s'accordent. J'abandonne le reste aux faiseurs de conversations et d'anecdotes. J'ai un extrait de la fameuse lettre du roi au sujet de M. de Barbésieux [iv] dont il marque tous les défauts auxquels il pardonne en faveur des services du père : ce qui caractérise Louis XIV bien mieux que les flatteries de Péllisson [v].

 

Je suis assez instruit de l'aventure de l'homme au masque de fer, mort à la Bastille [vi]. J'ai parlé à des gens qui l'ont servi.

 

Il y a une espèce de mémorial [vii], écrit de la main de Louis XIV, qui doit être dans le cabinet de Louis XV, M. Hardion le connait sans doute ; mais je n'ose en demander communication.

 

Sur les affaires de l'Église, j'ai tout le fatras des injures de parti ; et je tâcherai d'extraire une once de miel de l'absinthe des Jurieu, des Quesnel, des Doucin, etc.

 

Pour le dedans du royaume, j'examine les mémoires des intendants, et les bons livres qu'on a sur cette matière. M. l'abbé de Saint-Pierre a fait un journal politique [viii] de Louis XIV que je voudrais bien qu'il me confiât. Je ne sais s'il fera cet acte de bienfaisance [ix] pour gagner le paradis.

 

A l'égard des arts et des sciences, il n'est question, je crois, que de tracer la marche de l'esprit humain en philosophie, en éloquence, en poésie, en critique ; de marquer les progrès de la peinture, de la sculpture, de la musique, de l'orfèvrerie, des manufactures de tapisserie, de glaces, d'étoffes d'or, de l'horlogerie. Je ne veux que peindre, chemin faisant, les génies qui ont excellé dans ces parties. Dieu me préserve d'employer 300 pages à l'histoire de Gassendi ! La vie est trop courte, le temps trop précieux pour dire des choses inutiles.

 

En un mot, voyez , Monsieur, mon plan mieux que je ne pourrais vous le dessiner. Je ne me presse point d'élever mon bâtiment . Pendent opera interrupta, minaeque merorum ingentes [x]. Si vous daignez me conduire, je pourrai dire alors : aequataque machina coelo [xi]. Voyez ce que vous pouvez faire pour moi, pour la vérité, pour un siècle qui vous compte parmi ses ornements [xii].

 

A qui daignerez-vous communiquer vos lumières, si ce n'est à un homme qui aime sa patrie et la vérité, et qui ne cherche à écrire l'histoire ni en flatteur, ni en panégyriste, ni en gazetier, mais en philosophe ? Celui qui a si bien débrouillé le chaos de l'origine des Français m'aidera sans doute à répandre la lumière sur les plus beaux jours de la France. Songez, Monsieur, que vous rendrez service à votre disciple et à votre admirateur.

 

Je serai toute ma vie avec autant de reconnaissance que d'estime etc.

 

Voltaire.

 

 

Je vous prie de me dire si le livre de La Hode [xiii] mérite que je l'achète et ce que c'est que La Hode. »

 

ii Droit que possédéait le roi de toucher les revenus des évêchés vacants et d'y faire lui-même des nominations écclésiastzaiqueq, ce qui fut l'occasion d'un conflit entre Louis XIV et le pape.

http://www.histariege.com/regale.htm

 

iii Roussel ou Rousset (de Missy) ?

iv « Mémoire ..., sur l'inconduite du marquis de Barbésieux », Revue encyclopédique, 1925.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Fran%C3%A7ois_Marie_Le...

 

v Paul Pellisson, historiographe de Louis XIV. Il « abusait de la permission que les hommes ont d'être laids ! » dit une de ses contemporaines.

http://books.google.be/books?id=TQYUAAAAQAAJ&printsec...

 

 

vi Dans Le siècle de Louis XIV, V* en parle sous « Particularités et anecdotes du règne... »

http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Si%C3%A8cle_de_Louis_XIV...

 

vii Les Mémoires du roi, publiés en 1806 seulement.

http://books.google.be/books?id=4rxWAAAAMAAJ&printsec...

 

viii Les Annales politiques -de Charles-Irénée Castel, abbé de Saint-Pierre,-qui paraitront en 1757 seulement.

http://books.google.be/books?id=PHQ2AAAAMAAJ&printsec...

http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles-Ir%C3%A9n%C3%A9e_Cas...

 

 

ix On attribua -à tort- à l'abbé la création du mot « bienfaisance » qui « plait » à V* ; cf. Septième Discours sur l'homme : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-poeme-sur-la-vr...

http://www.monsieurdevoltaire.com/article-dictionnaire-ph...

 

x Les ouvrages interrompus restent en suspens, ainsi que les murs qui dressaient leurs énormes menaces.

 

xi Et tout un appareil élevé jusqu'au ciel.

 

xii Dubos est secrétaire perpétuel de l'Académie française et a écrit entre autres, Histoire de l'établissement de la monarchie française dans les Gaules et Réflexions critiques sur la poésie et la peinture.

 

xiii La Mothe appelé La Hode, auteur de la Vie de Philippe d'Orléans, 1736 et de l'Histoire des Révolutions de France ; La Martinière va publier l'Histoire de la vie et du règne de Louis XIV ... rédigée sur les mémoires de feu M. le cte de ***, 1740-1742.

 

Faire recherche « La Mothe » dans : http://www.marelibri.com/search/current?maximumPrice=0&am...

 

Voir aussi : http://books.google.be/books?id=iE4OAAAAQAAJ&printsec...

 

Lire la suite

30/10/2010 | Lien permanent

Page : 136 137 138 139 140 141 142 143 144 145 146