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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Ce sang innocent crie, mon cher ange, et moi je crie aussi ; et je crierai jusqu'à ma mort

Permettez-moi de vous inviter à faire un don , de vous-même, très exactement, un peu de votre sang et de votre temps .

Rendez-vous à Gex le lundi 18 avril pour ceux qui vivent dans le pays de Gex ou alors renseignez vous grâce à ce lien :

http://www.dondusang.net/rewrite/site/37/etablissement-francais-du-sang.htm?idRubrique=756

Voir aussi le lien ci joint dans le rubrique "J'y tiens et vous y viendrez"

 

http://www.deezer.com/listen-7246038  An innocent man !

http://www.acupoftim.com/article-16029409.html

je crie.jpg

 

 

 

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

16è avril 1775

 

Mon cher ange, je reçois votre lettre du 10è avril . Mme de Luchet n'est plus que garde-malade i. Vous l'avez vue marquise très plaisante, et très amusante, mais les mines de son mari ont un peu allongé la sienne ii. Ce mari est à la vérité un homme de condition, plus marquis que le marquis de Florian ; mais il a bien plus mal fait ses affaires que Florian . Il est actuellement à Chambéry, et ni lui ni sa femme ne m'ont pleinement instruit de leur désastre . Il y a dans toutes les confessions un péché qu'on n'avoue pas .

 

J'avais cru longtemps que la maladie de Mme Denis n'était qu'un rhume ordinaire . Nous n'avons été détrompés que depuis le premier jour d'avril . La maladie a été depuis ce temps-là très sérieuse et très inquiétante jusqu'au 16 . Je ne commence à être rassuré que d'aujourd'hui ; nous avons été dans des transes continuelles . Malheureusement je ne suis bon à rien avec mes quatre-vingt et un ans, et ma constitution déplorable ; je ne suis qu'un vieux malade qui en garde un autre, et qui s'acquitte fort mal de cette fonction . Jugez si je suis en état de courir après une soixantaine de vers épars dans une vieille copie mise dès longtemps au rebut, et à moitié brûlée iii. Altri tempi, altri cure iv. La tête me tourne , mon cher ange, de l'affaire de notre jeune homme v. Il est plus sage que moi, il est tranquille sur son sort, et moi je m'en meurs .

 

Il y a peut-être quelque légère différence entre son mémoire et l'extrait de M. d'Hornoy . Je lui mande qu'il peut aisément corriger ces petites erreurs en deux traits de plume . Mais nous ne fondons point du tout notre consultation sur des interrogatoires faits par des scélérats à des enfants intimidés vi. Nous la fondons principalement sur l'illégalité punissable avec laquelle un procureur marchand de cochons, soi-disant avocat, et déclaré non admissible en cette qualité par un acte juridique de tous les avocats du siège, a osé se porter pour juge dans une affaire criminelle, et verser le sang innocent de la manière la plus barbare . Voila notre grief, ou plutôt le crime que nous dénonçons, et dont nous n'avons que trop de preuves . Pourquoi s'attacher à des minuties quand il s'agit d'un objet si important ?

 

Ce fait ne se trouve certainement pas dans l'énorme procédure dont M. d'Hornoy a bien voulu faire l'extrait . Il a lu cet extrait à M. le garde des Sceaux vii, mais il ne lui a point parlé du seul objet principal dont il s'agit ; et voilà ce qui arrive dans presque toutes les affaires .

 

Nous venons de découvrir un mémoire fait en 1766, pour trois coaccusés dans cet infâme procès criminel, mémoire qui ne fut malheureusement imprimé avec la consultation des avocats que quelque temps après l'arrêt du parlement . La consultation est signée par huit avocats, Cellier, d'Outremont, Muyart de Vouglans, Gerbier, Timbergue, Benoît, Turpin, Linguet .

 

Les moyens de nullité sont très bien discutés dans le mémoire et dans la consultation . C'est dans ce mémoire, pages 16 et 17, qu'il est dit expressément que la compagnie des avocats d’Abbeville s'est opposée par un acte juridique à la réception de notre prétendu avocat, prétendu juge, réellement procureur, et marchand de cochons et de bœufs .

 

C’est là qu'il est dit que les sentences des consuls d’Abbeville enjoignent à ce procureur marchand, à ce juge aussi infâme que barbare, de produire ses livres de comptes .

 

Y a-t-il rien de plus monstrueux, mon cher ange ? y a-t-il rien qui doive plus exciter l'indignation du roi et de son garde des Sceaux ? faut-il chercher d'autres preuves de l'injustice la plus horrible, et d'un assassinat plus prémédité ? pourquoi n'en a-t-on pas parlé à M. de Miromesnil ? Hélas ! c'était la seule chose qu'il lui fallait dire . N'est-il pas palpable que ce misérable marchand de bestiaux n'avait été choisi pour assassiner juridiquement d'Etallonde et La Barre, que par la vengeance du conseiller nommé Saucourt qui voulait perdre à quelque prix que ce fût des enfants innocents , et se venger sur eux de trois procès que les pères de ces enfants, et Mme Faydeau de Brou lui avaient fait perdre ?

 

Ce sang innocent crie, mon cher ange, et moi je crie aussi ; et je crierai jusqu'à ma mort viii. Je crie à vous, je vous dis : vous êtes ami de MM. Target ix et de Beaumont x; parlez-leur, je vous en conjure . Je suis outré, je suis désespéré . Quoi ! Le sage et brave d'Etallonde ne pourra pas trouver en 1775 un avocat, tandis que des enfants accusés des mêmes choses que lui en ont trouvé huit en 1766 ? Cela est affreux, cela est incompréhensible . Il n'y a donc plus ni raison, ni humanité dans le monde ?

 

Au nom de cette humanité qui est dans votre cœur, parlez à M. Target, dites-lui tout ce que je vous dis. Je vous répète que nous ne voulons point de lettres de grâce, que grâce, de quelque manière qu'elle soit tournée, suppose crime, et que nous n'en avons point commis . De plus grâce exige qu'on la fasse entériner à genoux et c'est ce que nous ne ferons jamais xi. Il n'y a ni l'ombre de la justice, ni de la pitié, ni de la raison dans tout ce qu'on m'a écrit sur cette aventure exécrable .

 

Comment voulez-vous, mon cher ange, que dans l'effervescence où est l'intérieur de ma pauvre vieille machine, je vous parle à présent de l'édition in-4° de Corneille ? Il y a sans doute beaucoup de choses nouvelles dans les notes, mais ces choses là vous les savez mieux que moi . Vous savez combien les froids raisonnements alambiqués, écrits en style bourgeois, sont impertinents dans une tragédie ; que le boursouflé est encore plus condamnable, que l’impropriété continuelle des expressions est ridicule etc. J'ai fait sentir tous ces défauts dans la nouvelle édition, et j'ai dû le faire ; j'ai dû n'avoir aucune condescendance pour le mauvais goût et pour la mauvaise foi de ceux qui m'avaient fait des reproches trop injustes . J'ai dit enfin la vérité dans toute son étendue, comme elle doit toujours être dite . De Tournes et Panckoucke, qui ont fait cette édition, ne m'en ont donné qu'un seul exemplaire . Si j'en avais deux, il y a longtemps que vous auriez le vôtre .

 

Je ne puis, mon cher ange, finir ma lettre sans vous dire un mot de l'homme dont j'avais pris le parti , et dont vous me parlez xii. M. de Malesherbes , qui est assurément une belle âme, m'a mandé que c'était ce même homme qui avait déterminé l'arrêt funeste xiii dont l'Europe a eu tant d'horreur, que sans lui les voix auraient été partagées . Je me tais, et je me tairai sur cet homme ; mais cette nouvelle a achevé de m'accabler . Je me jette entre vos bras .

 

V. »

 

i  Auprès de Mme Denis .

ii  V* se moquera un peu de ce chercheur d'or ; Luchet avait fait de malheureuses spéculations sur des mines d'or .

Voir lettre du 1er mai à d'Argental : page 43 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80042j/f48.image.r=...

et 5 mai à Mme de Saint-Julien : page 45, même adresse .

iii  C'est Dom Pèdre , pièce à propos de laquelle il écrivait à d'Argental le 3 avril : page 30 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80042j/f35.image.r=... : «J'ai abandonné totalement dom Pèdre et Duguesclin ... » 

Dom Pèdre

voir : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113232/f242.image

iv  Autres temps, autres soucis .

v  D'Etallonde condamné, en même temps que La Barre, par contumace ; voir lettres de juillet 1766 .

vi  C'est-à-dire à Moinel, dont V* proposait d'escamoter le témoignage ; voir lettre du 11 décembre 1774 à Condorcet : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2008/12/11/c...

et 30 décembre à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/12/30/f...

vii  Miromesnil .

viii  Daté 30 juin, il va publier Le Cri du sang innocent . http://www.voltaire-integral.com/VOLTAIRE/Crisang.htm

Élie de Beaumont s'est occupé des affaires Calas et Sirven .

xi  Vers le 30 avril, V* écrira

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17/04/2011 | Lien permanent

Vous verrez ... que le temps se consume en frais, et que chaque moment accumule les intérêts que les banques exigent

... Ce n'est que trop vrai, et les dettes de la France en sont un monumental exemple à ne pas suivre . 50 milliards d'économie à faire ,OK, rien à redire , on n'a pas le choix, et comme le dit si bien Voltaire  " il faut vouloir ce qu'on ne peut éviter" .

 Mais, dans toute la mesure du possible, que le fisc et mon banquier cessent de vouloir me faire les poches .

banque centrale.jpg

 

« Au baron Heinrich Anton von Beckers

Au château de Tournay

par Genève, pays de Gex 16 mars 1759

Monsieur, quoique vous ayez bien des occupations, je suis pourtant obligé de vous importuner . Vous verrez par le mémoire ci-joint 1 le tort qu'on me fait dans votre absence de Manheim . J'envoie à Manheim pareil mémoire à M. eɛb Dhoir [sic] . C'est ainsi que signe celui qui m'écrit sans me donner d'autre renseignement . Je suis persuadé, monsieur, qu'un mot de votre excellence mettra fin à toutes les difficultés . J'attends tout de votre équité, de vos promesses, de celles de Son altesse Électorale, et de la bonté dont vous m'honorez . Vous verrez, monsieur, par mon mémoire très exact et très détaillé, que le temps se consume en frais, et que chaque moment accumule les intérêts que les banques exigent . Votre Excellence est occupée de plus grandes affaires dans lesquelles je lui souhaite tout le succès qui a toujours secondé vos négociations . Pour moi je suis sûr du succès de la petite prière que je vous fais . Et j'espère vous venir remercier à Shwetzingen au milieu de l'été . Je conserverai toute ma vie les sentiments respectueux d'attachement et de reconnaissance avec lesquels j'ai l'honneur d'être,

monsieur,de Votre Excellence

le très humble et très obéissant serviteur,

Voltaire. »

1 « Au département des finances du Palatinat

Lorsque j'eus l'honneur de placer 130 000 livres argent de France sur les caisses de Son Altesse Sérénissime Électorale, elle eut la bonté de vouloir bien permettre que je fusse toujours payé des arrérages en argent de France, et M. le baron de Beckers en conséquence m'a toujours fait toucher mon revenu aux termes accoutumés du 1er juillet et du 1er janvier sans aucune diminution et par les dernières lettres que j'eus l'honneur de recevoir de lui avant son départ pour Paris, il daigna me confirmer les intentions de Son Altesse Électorale, et m'assurer que je serais toujours payé sans supporter aucun frais de change, de différence d'espèces, ni de retardement de la part des banquiers .

C'est sur ce pied que j'ai toujours été payé, et c'est ainsi qu'en use avec moi la chambre des finances de M . le duc de Virtemberg qui a daigné passer avec moi la même transaction .

Cette bonté de Son Altesse Sérénissime Électorale Mgr l’Électeur Palatin est d'autant plus juste que quand je donnai mon capital de 130 000 livres je supportai tous les frais du change, et de la remise, et au lieu de débourser cent trente mille livres, je payai 130 389 livres 8 s., comme il est porté sur les registres des banquiers de Lyon J.-R. Tronchin et Camp, et comme ils me l'ont porté en compte le 12 août 1757, ce qui est aisé à vérifier, et ce que je certifie . Outre ces 130 389 livres il faut compter la commission ordinaire qui est de 1/2 %, 652 livres . Ainsi je déboursai de capital 131 041 £ 18 s.

C'est donc en vertu de ce déboursé de 1041 livres 18 s. de capital par-delà la somme principale de 130 000 livres stipulée, que, je suis fondé à demander à la chambre des finances, qu'elle veuille bien supporter les frais du paiement de mon revenu , comme j'ai supporté les frais du paiement du capital .

Je ne suis pas moins fondé en vertu de la bonté et de l'équité de Son Altesse Sérénissime Électorale et des promesses positives de M. le baron de Beckers .

Je n'ai rien reçu de trop l'année passée, parce qu'étant à la cour de Son Altesse Sérénissime Électorale je fus payé en louis d'or au cours du jour ; ce fut M. le baron de Beckers qui eût la bonté , et la politesse de m'apporter cet argent lui-même . Il n'y a pas d'apparence qu'il se soit trompé, ni que j'aie voulu recevoir plus qu'il ne m'est dû .

Au terme échu cette année 1759 au 1er janvier, j'ai eu besoin d'argent, et en conséquence des lettres de M. le baron de Beckers, j'ai pris la demi-année échue, chez Bontemps, banquier de Genève, correspondant de Finguerlin et Stolzemberg à Francfort . Le sieur Bontemps m'a compté 6500 livres de France , le 13 janvier, et les dits Finguerlin et Stolzemberg ne les ont point payées . Le banquier Bontemps exige les intérêts de cette somme par lui avancée ; et aujourd'hui il m'envoie un compte de 6672 £ 5 s., compte qui augmentera tous les jours, si messieurs de la chambre des fiances n'ordonnent aux banquiers de Francfort de payer les 6672 £ 5S. argent de France au banquier Bontemps de Genève .

Je ne doute pas que ma requête très claire, et très juste ne soit favorablement écoutée, et je supplie Messieurs de la chambre d'avoir la bonté d'ordonner qu'à l’avenir je sois payé de six mois en six mois sans frais de la somme de 6500 livres de France aux termes ordonnés du 1er juillet et 1er janvier, et en conséquence je donne ici ma quittance .

J'ai reçu de M. Bontemps, banquier de Genève, la somme de 6500 livres de France, à la décharge de la chambre des fiances de Son Altesse Sérénissime Mgr l’Électeur Palatin pour les derniers six mois de l'année 1758, de la rente de 130 00 livres argent de France, que Mgr l’Électeur a bien voulu me constituer .

Voltaire.

Fait au château de Tournay 17 mars 1759. »

Cette lettre du 17 mars 1759 fut nommée mémoire par Voltaire . Le 24 mars , l'Electeur palatin ordonna à la Caisse générale de payer correctement V*, ce qui fut fait, et même avec un certain excédent .

 

 

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01/05/2014 | Lien permanent

D. – Pourquoi Dieu vous a-t-il créé et mis au monde ?           R. – Pour le servir et pour être libre.           D. –

... Et dire qu'il fut un temps où j'appris ces âneries et affirmations péremptoires du même tonneau , sacré nom de Zeus ! Je les ai heureusement oubliées, par Bacchus !

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

21è mai 1764 aux Délices 1

Vos dernières lettres, mon cher frère, m’ont fait un plaisir bien sensible. Tout ce que vous me dites m’a touché. J’ai écrit sur-le-champ à Mlle Catherine Vadé . Elle m’a envoyé le papier ci-joint 2, et elle m’a dit que c’est tout ce qu’elle peut faire pour les Welches. Les véritables Welches, mon cher frère, sont les Omer, les Chaumeix, les Fréron, les persécuteurs, et les calomniateurs . Les philosophes, la bonne compagnie, les artistes, les gens aimables, sont les Français, et c’est à eux à se moquer des Welches.

Il est fort plaisant qu'on dise que Jérôme carré a proposé la paix à maître Aliboron . En vérité, c'est comme si on prétendait que Moran en disséquant Cartouche lui fit proposer un accommodement .

Je me doutais bien que quelque libraire de Paris ferait bientôt une sottise à l'égard des Commentaires sur Corneille et qu'on imprimerait à part 3 ce qui de doit l'être qu'avec le texte, et c’était pour prévenir cet abus welche que j'avais imaginé de faire les propositions les plus honnêtes aux libraires qui ont le privilège ; cela conciliait ; et Pierre, neveu de Pierre, aurait eu le temps de se défaire de sa cargaison, par les mesures que je voulais prendre ; mais tout se vend avec le temps, excepté la belle édition du galimatias de Crébillon, faite au Louvre. Frère Cramer m'a dit qu'il ferait tenir un exemplaire cornélien à M. Héron . Il doit l'avoir déjà reçu . Il ne sera pas mal pour l'édification des frères, et pour la confusion des méchants, que la Tolérance se débite sans éclat . Ne m'avez-vous pas dit qu'on en avait fait une petite édition à Rouen ?4 Celle de Cramer trouvera des débouchés ailleurs .

Je ne suis point fâché que Mlle Clairon n’ait pas repris Olympie ; il faut la laisser désirer un peu au public. Cette pièce forme un spectacle si singulier qu’on la reverra toujours avec plaisir, à peu près comme on va voir la rareté, la curiosité 5 ; elle ne doit pas être prodiguée.

Est-il vrai que frère Helvétius est en Angleterre ? On dit que la France a fait l’échange d’Helvétius contre Hume 6. Je viens de passer une journée entière avec le comte de Creutz 7, ambassadeur de Suède à Madrid. Plût à Dieu qu’il le fût en France ! c’est un des plus dignes frères que nous ayons. Il m’a dit que le nouveau Catéchisme, imprimé à Stockholm, commençait ainsi :

          D. – Pourquoi Dieu vous a-t-il créé et mis au monde ?

          R. – Pour le servir et pour être libre.

          D. – Qu’est-ce que la liberté ?

          R. – C’est de n’obéir qu’aux lois.

etc. 

Ce n’est pas là le catéchisme des Welches. Bonsoir ; j’ai trente lettres à dicter ; mon imagination se refroidit, mais mon cœur est toujours bien chaud pour vous.

Ecr. l’inf. »

1 L'édition de Kehl donne une version altérée, augmentée de fragments d'autres lettres et sous une autre date ; voir lettre du 7 mai 1764 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/06/07/nous-manquons-d-hommes-presque-en-tous-les-genres-si-nous-n-avons-point-de.html

2La Jeune Indienne, comédie de Chamfort jouée le 30 avril 1764 .

3 Allusion à des entreprises du libraire Duchesne à qui V* fit écrire, sous le nom et la main de Wagnière deux lettres qu'il dicta certainement ; voici le texte de la première ( on trouvera le texte de la seconde à propos de la lettre du 6 juin 1764 aux d'Argental .

A Monsieur Guy Duchesne/ Libraire/ rue Saint-Jacques, / au Temple du goût/ à Paris.

« Aux Délices 21è mai 1764

« M. de Voltaire, monsieur, ne se porte pas assez bien pour vous répondre lui-même ; il me charge de vous dire qu'il est très sensible au soin que vous prenez d'imprimer ses ouvrages ; mais il sait que vous avez eu de très infidèles copies de la tragédie de Zulime, et de la comédie du Droit du Seigneur ; il vous sera très aisé de substituer les deux véritables pièces aux fausses, dont vous vous êtes malheureusement chargé . Il entrera avec plaisir dans les frais que vous coûtera cette petite entreprise .

« Vous vous êtes trop pressé aussi d'imprimer les remarques sur Corneille, parce qu’étant détachées du texte, elles ne répondent pas aux dernières éditions des libraires de Paris, elle exigent une infinité de renvois, sans lesquels le lecteur en peut savoir à quoi ces notes se rapportent . Si vous n’avez pas pris ces précautions, il est à craindre que l’édition ne vous demeure .

« au reste, M. de Voltaire vous rendra tous les services qui dépendront de lui . J'ai l'honneur d'être, monsieur, votre tr_=s humble et très obéissant serviteur./Wagnière »

4 On a déjà mentionné cette édition dans la lettre du 15 avril 1764 à Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/05/13/nous-retombons-dans-la-barbarie-du-douzieme-et-treizieme-siecle.html

5 Sur cette expression , refrain d'une chanson, voir lettre du 16 décembre 1760 à Lekain : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1760-partie-48-121093171.html

6 Ces voyages de Hume et Helvétius se sont bien déroulés .

7 Le comte Gustaf Filip Creutz devint plus tard ambassadeur de Suède à Paris ; voir une lettre de lui à David Hume du 4 février 1765 ; voir page 3 : http://excerpts.numilog.com/books/9782876231573.pdf

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Gustaf_Philip_Creutz

et : https://data.bnf.fr/fr/12088774/gustav_philip_creutz/

 

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21/06/2019 | Lien permanent

j’aime passionnément Cicéron, parce qu’il doute 

... Douter, oui, et puis, malgré tout, prendre une décision est nettement plus courageux que d'agir selon des croyances inamovibles .

 

Mis en ligne le 15/11/2020 pour le 9/8/2015

In dubio pro reo. | TV83

 

 

 

« A Jean-Jacques Dortous de Mairan

9è août 1760 au château de Tournay

pays de Gex par Genève

Je vous remercie bien sensiblement, Monsieur, d’une attention qui m’honore, et d’un souvenir qui augmente mon bonheur dans mes charmantes retraites ; il y a longtemps que je regarde vos lettres au père Parrenin et ses réponses 1, comme des monuments bien précieux ; mais n’allons pas plus loin, s’il vous plait ; j’aime passionnément Cicéron, parce qu’il doute ; vos lettres à Père Parrenin sont sans doutes de Cicéron ; mais quand M. Guignes 2 a voulu conjecturer après vous il a rêvé très creux. J’ai été obligé en conscience de me moquer de lui (sans le nommer pourtant) dans la préface de l’Histoire de Pierre Le Grand. On imprimait cette histoire l’année passée, lorsqu’on m’envoya cette plaisanterie de M. Guignes ; je vous avoue que j’éclatai de rire en voyant que le roi Yu était précisément le roi d’Égypte Menès, comme Platon était chez Scarron l’anagramme de Chopine, en changeant seulement Pla en Cho, et ton en pine. J’étais émerveillé qu’on fût si doctement absurde dans notre siècle. Je pris donc la liberté de dire dans ma préface : Je sais que des philosophes d’un grand mérite ont cru voir quelque conformité entre ces peuples, mais on a trop abusé de leurs doutes etc.

Or ces philosophes d’un grand mérite, c’est vous, Monsieur, et ceux qui abusent de vos doutes, ce sont les Guignes. Je lui en devais d’ailleurs à propos des Huns : j’ai vu des Huns, moi qui vous parle, j’ai vu chez moi de petits Huns, nés à trois cents lieues de l’est de Tobolskoy 3, qui ressemblaient comme deux gouttes d’eau à des chiens de Boulogne 4, et qui avaient beaucoup d’esprit ; ils parlaient français comme s’ils étaient nés à Paris, et je me consolais de nous voir battus de tous côtés, en voyant que notre langue triomphait dans la Sibérie ; cela est, par parenthèse, bien remarquable. Jamais nous n’avons écrit de si mauvais livres et fait tant de sottises qu’aujourd’hui ; et jamais notre langue n’a été si étendue dans le monde.

J’aurai l’honneur de vous soumettre incessamment le premier volume de L’empire de Russie sous Pierre le Grand. Il commence par une description des provinces de la Russie, et l’on y verra des choses plus extraordinaires que les imaginations de M. Guignes, mais ce n’est pas ma faute ; je n’ai fait que dépouiller les archives de Pétersbourg et de Moscou qu’on m’a envoyées. Je n’ai point voulu faire paraitre ce volume avant de l’exposer à la critique des savants d’Arcangel et du Canchatka, mon exemplaire a resté un an en Russie, on me le renvoie, on m’assure que je n’ai trompé personne, en avançant que les Samoyèdes ont le mamelon d’un beau noir d’ébène, et qu’il y a encore des races d’hommes gris pommelé fort jolis : ceux qui aiment cette variété seront fort aise de cette découverte, on aime à voir la nature s’élargir ; nous étions autrefois trop resserrés, les curieux ne seront pas fâchés de voir ce que c’est qu’un empire de deux mille lieues ; mais on a beau faire, Ramponneau, les comédiens du boulevard et Jean-Jacques mangeant sa laitue à quatre pattes, l’emporteront toujours sur les recherches philosophiques.

Je ne peux finir cette lettre, Monsieur, sans vous dire un petit mot de vos Égyptiens : je vous avoue que je crois les Indiens et les Chinois plus anciennement policés que les habitants de Mesraïm 5; ma raison est qu’un petit pays très étroit inondé tous les ans , a dû être habité plus tard que le sol des Indes et de la Chine beaucoup plus favorable à la culture et à la construction des villes ; et comme les pêchers nous viennent de Perse, je crois qu’une certaine espèce d’homme à peu près semblable à la nôtre, pourrait bien nous venir d’Asie. Si Sésostris a fait quelques conquêtes, à la bonne heure, mais les Égyptiens n’ont pas été taillés pour être conquérants. C’est de tous les peuples de la terre le plus mou, le plus lâche, le plus frivole, le plus sottement superstitieux 6. Quiconque s’est présenté pour lui donner les étrivières l’a subjugué comme un troupeau de moutons ; Cambyse, Alexandre, les successeurs d’Alexandre, César, Auguste, les califes, les Circasses, les Turcs n’ont eu qu’à se montrer en Égypte pour en être les maîtres. Apparemment que du temps de Sésostris ils étaient d’une autre pâte, ou que leurs voisins de Syrie et de Phénicie étaient encore plus méprisables qu’eux.

Pour moi, Monsieur, je me suis voué aux Allobroges, et je m’en trouve bien ; je jouis de la plus heureuse indépendance, je me moque quelquefois des Allobroges de Paris ; je vous aime, je vous estime, je vous révèrerai jusqu’à ce que mon corps soit rendu aux éléments dont il est tiré.

J’ai l’honneur d’être, avec le respect que je dois à votre mérite et la tendresse que méritent vos mœurs aimables, v[otre] t[rès] h[umble] ob[éissant] s[ervi]t[eu]r.

Le Suisse Allobroge V. »

1 Mairan avait dû envoyer à V* les Lettres de M. de Mairan au R.P. Parrenin [...] contenant diverses questions sur la Chine, 1759 . Dans cet ouvrage, Mairan, comme Guignes dans son Mémoire, se rallie à la thèse selon laquelle les Chinois descendraient des Égyptiens .

2 Joseph De guignes, Histoire des Huns et des peuples qui en sont sortis, 1752 ; Histoire générale des Huns, des Turcs, des Mogols, et des autres Tartares occidentaux, 1756-1758

3 Tobolsk ; on attendait plutôt à l'est de .

4 Les chiens de Boulogne sont des bassets artésiens .

5 Mesraïm est le nom hébreux pour l’Égypte .

6 C'est cette conception des mœurs des Égyptiens que V* illustrera dans Le taureau blanc .

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09/08/2015 | Lien permanent

je ne désapprouve pas qu’on dise bénédicité , mais je souhaite qu’on s’en tienne là, parce que si l’on va plus loin, on

... Bénédicité à la scout : "Ego sum pauper" : oui, surtout en esprit :

Benedicite ! Pauperibus saturabuntur…
Que vienne votre Bénédiction,
Et que les pauvres en soient rassasiés. 

Ridicule , à en pleurer ! Rassasiés ? les pauvres en ont même une indigestion . Ô religieux de tout poil comment faites-vous pour trouver des âneries pareilles ?

On peut, heureusement, parfois trouver un poil d'humour catho : https://fr.calameo.com/read/00292724462ae09cdaf3c

 

 

 

« A Henri-Jean-Baptiste Fabry de Moncault, comte d'Autrey 1

6è septembre 1765

Ce n’est donc plus le temps, monsieur, où les Pythagore voyageaient pour aller enseigner les pauvres Indiens 2 ; vous préférez votre campagne à mes masures. Soyez bien persuadé que je mourrai très affligé de ne vous avoir point vu. J’ai eu l’honneur de passer quelque temps de ma vie avec madame votre mère 3 dont vous avez tout l’esprit avec beaucoup plus de philosophie.

Si j’avais pu vous posséder cet automne, vous auriez trouvé chez moi un philosophe 4 qui vous aurait tenu tête, et qui mérite de se battre avec vous . Pour moi, je vous aurais écouté l’un et l’autre, et je ne me serais point battu . J’aurais tâché seulement de vous faire une bonne chère plus simple que délicate. Il y a des nourritures fort anciennes et fort bonnes, dont tous les sages de l’antiquité se sont toujours bien trouvés. Vous les aimez, et j’en mangerais volontiers avec vous ; mais j’avoue que mon estomac ne s’accommode point de la nouvelle cuisine. Je ne puis souffrir un ris de veau qui nage dans une sauce salée, laquelle s’élève quinze lignes au-dessus de ce petit ris de veau. Je ne puis manger d’un hachis composé de coq d'Inde, de lièvre, et de lapin, qu’on veut me faire prendre pour une seule viande . Je n’aime ni le pigeon à la crapaudine, ni le pain qui n’a pas de croûte. Je bois du vin modérément, et je trouve fort étranges les gens qui mangent sans boire, et qui ne savent pas même ce qu’ils mangent.

Je ne vous dissimulerai pas même que je n’aime point du tout, qu’on se parle à l’oreille, quand on est à table, et qu’on dise ce qu’on a fait hier à son voisin, qui ne s’en soucie guère ou qui en abuse ; je ne désapprouve pas qu’on dise bénédicité , mais je souhaite qu’on s’en tienne là, parce que si l’on va plus loin, on ne s’entend plus ; l’assemblée devient cohue et on dispute à chaque service.

Quant aux cuisiniers, je ne saurais supporter l’essence de jambon, ni l’excès des morilles, des champignons, et de poivre et de muscade, avec lesquels ils déguisent des mets très sains en eux-mêmes, et que je ne voudrais pas seulement qu’on lardât.

Il y a des gens qui vous mettent sur la table un grand surtout 5 où il est défendu de toucher ; cela m’a paru très incivil ; on ne doit servir un plat à son hôte que pour qu’il en mange ; et il est fort injuste de se brouiller avec lui, parce qu’il aura entamé un cédrat qu’on lui aura présenté . Et puis, quand on s’est brouillé pour un cédrat, il faut se raccommoder et faire une paix plâtrée 6, souvent pire que l’inimitié déclarée.

Je veux que le pain soit cuit au four, et jamais dans un privé. Vous auriez des figues au fruit, mais dans la saison.7

Un souper sans apprêts, tel que je le propose, fait espérer un sommeil fort doux et fort plein, qui ne sera troublé par aucun songe désagréable.

Voilà, monsieur, comme je désirerais d’avoir l’honneur de manger avec vous. Je suis un peu malade à présent ; je n’ai pas grand appétit, mais vous m’en donneriez et vous me feriez trouver plus de goût à mes simples aliments.

Madame Denis est très sensible à l’honneur de votre souvenir. Elle est entièrement à mon régime. C’est d’ailleurs une fort bonne actrice ; vous en auriez été content dans une assez mauvaise pièce à la grecque, intitulée Oreste, et vous l’auriez écoutée avec plaisir, même à côté de mademoiselle Clairon.

Conservez-moi au moins vos bontés, si vous me refuser votre présence réelle.

V. »

2Ceci fait penser à l'Aventure indienne et suggère que ce qui suit a une valeur symbolique . Tous les détails culinaires suivants peuvent être interprétés comme des symboles de l'Eucharistie, du déisme et athéisme (antiquité et « nouvelle cuisine » ), confession, etc . dont V* se moque . Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Aventure_indienne

3 Marie-Thérèse Fleuriau d'Armenonville : voir https://gw.geneanet.org/pierfit?lang=fr&p=marie+therese&n=fleuriau+d+armenonville

Elle est mentionnée dans une lettre du 23 octobre 1734 de la marquise Emilie du Châtelet au comte de Forcalquier : https://www.ader-paris.fr/lot/103637/12608654?npp=50&offset=50&

4 Damilaville ; le 6 août 1765, Cramer écrit à Grimm : « Je pense tout le bien possible de la personne qui va venir ici [...] mais je vous avoue que je ne suis pas content de voir que l'on abuse des passions d'un homme dont on se fait l'apôtre et dont on se dit l'ami ; que l'on échauffe sa tête sur le point qui la rend plus inflammable, tandis que nous ne pouvons pas suffire ici à jeter de l'eau dessus ; en un mot qu'on l'excite à faire des folies dangereuses, et qu'on lui en fasse faire tous les jours . Il est bien déplorable, il est bien abominable qu'un homme pour qui la nature et la fortune Se sont épuisées [...] passe sa vie à faire des sottises, à les replâtrer, à les nier, à s'en vanter, et finisse toujours par mourir de peur ... »

5 « Grande pièce de vaisselle qui couvre le milieu d'une table pendant le repas et que laquelle on met des fleurs, des fruits, etc. »

6 Expression employée par Mme de Sévigné : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62940272/texteBrut, lettre XXXVI .

Plâtrer ici c'est « revêtir d'un apparence spécieuse », comme on le trouve chez le Tartuffe de Molière :  « Sous le dehors plâtré d'un zèle spécieux. », Ac. I, sc. 5, vers 360, http://www.toutmoliere.net/img/pdf/tartuffe.pdf

7 Ce paragraphe et les deux suivants sont à interpréter à la façon du « catéchisme du Japonais » du Dictionnaire philosophique . Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_philosophique/Garnier_(1878)/Cat%C3%A9chisme_du_Japonais

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06/01/2021 | Lien permanent

les Genevois ne sont guère sages ; mais c’est que le peuple commence à être le maître dans cette petite république

... Traduisez "peuple" par "banquiers", et "banquiers" par "pétro-dollars" et vous serez dans le vrai .

Les Suisses se hissent au 3e rang mondial pour le PIB par habitant, seulement devancés par les pétrodollars de la Norvège et du Qatar.

https://www.tdg.ch/economie/argentfinances/suisses-podium...

 

 

« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

13è mars 1765 à Ferney

Mon héros,

Je fais donc parvenir, suivant vos ordres, à M. Jeannel, l’ouvrage de Belzébuth 1, que vous voulez avoir, en supposant, comme de raison, que vous vous entendez avec M. Jeannel, et qu’il vous donne la permission d’avoir des livres défendus. J’adresse le paquet, à double enveloppe, à M. Tabareau, à Lyon, afin que ce paquet ne porte pas sa condamnation sur le front avec le timbre d’une ville hérétique.

Je vous félicite d’aimer surtout les livres d’histoire. On m’en a promis un de Hollande 2 qui vous fera voir, si vous avez le temps de le lire, combien on s’est moqué de nous en nous donnant des Mille et une Nuits pour des événements véritables.

Je vais actuellement vous présenter avec humilité mon petit commentaire sur votre lettre du 3è mars. Vous avez donc vu ma lettre à M. l’évêque d’Orléans 3? Vous y aurez vu que je me loue beaucoup de M. l’abbé d’Estrées. Cet abbé d’Estrées vint prendre possession d’un prieuré que M. l’évêque d’Orléans lui a donné auprès de Ferney. Il se fit passer pour le petit-neveu du cardinal d’Estrées, et, en cette qualité, il reçut les hommages de la province. Il m’écrivit en homme qui attendait le chapeau, et m’ordonna de venir lui prêter foi et hommage pour un pré dépendant de son bénéfice.

C’est dommage que votre doyen l’abbé d’Olivet 4 ne se trouva pas là ; il m’aurait obtenu la protection de M. l’abbé d’Estrées, car il le connaît parfaitement. L’abbé d’Estrées lui a servi souvent à boire, lorsqu’il était laquais chez M. de Maucroix. Cela forme des liaisons dont on se souvient toujours avec tendresse.

Cet abbé d’Estrées, après avoir quitté la livrée, se fit aide-de-camp dans les troupes de Fréron ; il composa l’Almanach des Théâtres ; ensuite il se mit à faire des Généalogies, et surtout il a fait la sienne.

J’eus le malheur de ne lui point faire de réponse, et même de me moquer un peu de lui. Il s’en alla chez M. de La Roche-Aymon à la campagne ; le procureur-général a une terre tout auprès ; il ne manqua pas de dire au procureur-général que j’étais l’auteur du Portatif. Je parai ce coup comme je le devais. Il est incontestable que le Portatif est de plusieurs mains, parmi lesquelles il y en a de respectables et de puissantes ; j’en ai la preuve assez démonstrative dans l’original de plusieurs articles écrits de la main de leurs auteurs. Je vous remercie infiniment, mon héros, d’avoir bien voulu me défendre ; il est juste que vous protégiez les philosophes.

Je viens aux reproches que vous me faites de n’avoir pas parlé du débarquement des Anglais auprès de Saint-Malo, et de l’échec qu’ils y reçurent 5. Je vous supplie de considérer que l’Essai sur l’Histoire générale n’entre dans aucun détail de cette dernière guerre ; que l’objet est d’indiquer les causes des grands événements, sans aucune particularité ; que les conquêtes des Anglais ne contiennent pas quatre pages ; que je n’ai même dit qu’un mot de la prise de Belle-Isle 6, parce que ce n’est pas un objet de commerce, et que cette prise n’influait pas sur les grands intérêts de la France. Je n’ai fait voir les choses, dans ce dernier volume, qu’à vue d’oiseau. Je n’ai guère particularisé que la prise de Port-Mahon 7; et, en vérité, je ne crois pas que ce soit à mon héros à m’en gronder.

Si j’avais détaillé un seul des derniers événements militaires, je n’aurais pas manqué assurément de dire comment les Anglais furent repoussés auprès de Saint-Malo, et je ne manquerai pas d’en parler dans la nouvelle édition qu’on va faire 8.

Vous avez bien raison de dire, monseigneur, que les Genevois ne sont guère sages ; mais c’est que le peuple commence à être le maître dans cette petite république. Loin d’être une aristocratie comme Venise, la Hollande, et Berne, elle est devenue une démocratie qui tient actuellement de l’anarchie ; et si les choses s’aigrissent, il faudra une seconde fois avoir recours à la médiation 9, et supplier le roi de daigner mettre la paix une seconde fois dans ce petit coin de terre dont il a déjà été le bienfaiteur.

Je finis par le tripot. J’avoue que je suis honteux, dans ma soixante et douzième année, de prendre encore quelque intérêt à ces misères ; mais si la raison que j’ai eu l’honneur de vous alléguer vous touche, je vous aurai beaucoup d’obligation de vouloir bien permettre que les meilleurs acteurs jouent mes faibles ouvrages. Je vous demande mille pardons de vous importuner de cette bagatelle. Je peux vous assurer et vous jurer, par mon tendre et respectueux attachement pour vous, que M. d’Argental n’a eu aucune part à la justice que je vous ai demandée. Je sais, à n’en pouvoir douter, qu’il est au désespoir d’avoir perdu vos bonnes grâces. Il vous a obligation, il en est pénétré, et il ne se console point que son bienfaiteur le croie un ingrat. Vous savez que le tripot est le règne de la tracasserie. Quelque bonne âme n’aura pas manqué de l’accuser d’avoir fait une brigue en ma faveur. Je crois que j’ai encore la lettre de Grandval, par laquelle il me demandait les rôles que je lui ai donnés ; mais, encore une fois je n’insiste sur rien ; je m’en remets à votre volonté et à votre bonté dans les petites choses comme dans les plus importantes.

Pardonnez à un vieux malade, presque aveugle, de s’être seulement souvenu qu’il y a un théâtre à Paris. Je ne dois plus songer qu’à mourir tout doucement dans ma retraite au milieu des neiges. C’est à la seule philosophie d’occuper mes derniers jours, et vos bontés seront ma consolation jusqu’au dernier moment de ma vie. »

1 Le Dictionnaire philosophique .

2 La Philosophie de l'histoire .

3 Cette lettre n'est pas connue .

5 En septembre 1758, une descente des Anglais a été repoussée avec de lourdes pertes pour eux .

7 Voir aussi lettre de la note précédente .

8 V* est de nouveau en train de travailler à la séparation du Siècle de Louis XIV et du Précis du siècle de Louis XV et de l'Essai sur les mœurs, et dans l'édition du Précis […] il inséra effectivement au chapitre XXXV une référence à l'incident de Saint-Malo, lequel, on l'observera, doit avoir joué un rôle dans la genèse de L'Ingénu (quoique V* place la scène de ce roman sous Louis XIV) ; voir le chapitre VII et les notes de ce roman

9 Sur la précédente médiation, voir lettre du 10 janvier 1765 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/03/18/j-emploie-mon-bon-oeil-mon-divin-ange.html

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28/05/2020 | Lien permanent

il est bon d’égayer les affligés

A force de fréquenter Volti, je prends goût de plus en plus pour ce gaillard étonnant en lisant sa prose, beaucoup moins ses vers, je suis allé voir une représentation de sa première tragédie qui lui a valu un succès monstre "Oedipe". Jusqu'à cet après-midi, je prononçais "Eu-dipe" alors que le bon usage est de dire "é-dipe" ; je me coucherai avec un modeste savoir de plus !

oedipe.jpg

 

Tragédie : oui ! Tout le monde connait cet Oedipe, parricide et époux de sa propre mère par ignorance et fatalité du destin , origine du trop fameux complexe d'Oedipe cher aux psy ! Pour moi, soirée agréable, bonne performance d'acteurs qui ont su me faire oublier une chaise mal placée (tant pis pour moi, j'aurais dû faire une réservation ; tant mieux pour moi, j'ai pu entrer ). Si un jour, vous avez l'occasion d'assister à cette pièce, allez-y sans crainte et sans haine ! Si vous êtes déçus, dîtes moi pourquoi !

Sans vouloir être trop moqueur -quoique, si ! - , attendez-vous à "un suspense" comme le dit si naïvement un présentateur enthousiaste (trop, à mon avis, trop !). C'est un peu le même "suspense" que dans Titanic ou dans les Dix commandements : le paquebot va-t-il couler, Moïse va-t-il redescendre du mont Sinaï ? Oedipe va-t-il vivre heureux et avoir beaucoup d'enfants ( qui seront du même coup ses frères et soeurs et les petits enfants de Jocaste, comprenne qui peut !! ) ? ou va-t-il être puni et subir le châtiment mérité par ses crimes ? Vous le saurez dans le prochain épisode de "Fantasia chez les Thébains I ".

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"A Claude-Philippe Fyot de La Marche

 

 

 

                            Il y a longtemps que je n’ai eu l’honneur d’écrire à celui qui sera toujours mon premier président. J’ai bien des choses à lui dire. Premièrement son parlement m’afflige [le parlement de Bourgogne a « cessé de rendre justice pour faire dépit au roi »]. Le roi se soucie fort peu qu’on juge ou non les procès auxquels je m’intéresse [Croze, contre le curé de Moëns qui a blessé gravement son fils, et les jeunes de Crassier contre les jésuites d’Ornex qui les ont spoliés] mais moi je m’en soucie .Voilà une plaisante vengeance d’écolier de dire : je ne ferai pas mon thème parce que je suis mécontent de mon régent. C’est pour cela au contraire qu’il faut bien faire son thème. J’apprends que vous faites tous vos efforts pour parvenir à une conciliation. Qui peut y réussir mieux que vous ? Vous serez le bienfaiteur de votre compagnie, c’est un rôle que vous êtes accoutumé à jouer. Je vous demande pardon de donner des fêtes quand la province souffre [le 24, représentation de Cassandre-Olympie, et le 7 mars il y avait eu Le Droit du Seigneur, suivi d’un bal], mais il est bon d’égayer les affligés. Il y en a de plus d’une sorte. Il vient de se passer au parlement de Toulouse une scène qui fait dresser les cheveux sur la tête. On l’ignore peut-être à Paris, mais si on en est informé, je défie Paris tout frivole, tout opéra-comique qu’il est, de n’être pas pénétré d’horreur. Il n’est pas vraisemblable que vous n’ayez appris qu’un vieux huguenot de Toulouse, nommé Calas, père de cinq enfants, ayant averti la justice que son fils ainé, garçon très mélancolique, s’était pendu, a été accusé de l’avoir pendu lui-même en haine du papisme pour lequel ce malheureux avait, dit-on, quelque penchant secret. Enfin le père a été roué ; et le pendu tout huguenot qu’il était a été regardé comme un martyr et le parlement a assisté pieds nus à des processions en l’honneur du nouveau saint. Trois juges [il corrigera plus tard : « Je me suis trompé sur le nombre des juges … Ils étaient treize, cinq ont constamment déclaré Calas innocent . S’il y avait eu une voix de plus en sa faveur, il était absous »]  ont protesté contre l’arrêt. Le père a pris Dieu à témoin de son innocence en expirant, a cité ses juges au jugement de Dieu, et a pleuré son fils sur la roue. Il y a deux de ses enfants dans mon voisinage qui remplissent le pays de leurs cris [ deux versions existent dans la relation des faits selon Voltaire , soit un –Donat Calas-, soit deux]. J’en suis hors de moi. Je m’y intéresse comme homme, un peu même comme philosophe. Je veux savoir de quel côté est l’horreur du fanatisme. L’intendant de Languedoc est à Paris .Je vous conjure de lui parler ou de lui faire parler. Il est au fait de cette aventure épouvantable. Ayez la bonté, je vous en supplie, de me faire savoir ce que j’en dois penser. Voilà un abominable siècle, des Calas, des Malagrida, des Damiens, la perte de toutes nos colonies, des billets de confession et l’opéra-comique.

 

                            Mon cher et respectable ami, ayez pitié de ma juste curiosité. Je soupçonne que c’est vous qui m’a écrit il y a environ deux mois, mais les écritures quelquefois ressemblent à d’autres .Quand vous aurez la bonté de m’écrire mettez un M au bas de la lettre, cela m’avertit .Je devrais vous reconnaitre à votre style et à vos bontés, mais mettez un M. car quand je  vous renouvelle mon tendre et respectueux attachement je mets un V.

 

 

                            V

                            A Ferney 25 mars 1762. »

 

 

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25/03/2009 | Lien permanent

Je voudrais vous engraisser dans ce tombeau, et que vous y fussiez mon vampire

http://www.deezer.com/listen-9983334  : Vampire, par Plateau repas !

Reconnaissez que je suis parfaitement raccord avec le titre de la note .

http://www.deezer.com/listen-7406457   :  From the grave

http://www.deezer.com/listen-7406454  :  Drink me

 

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En tout cas, vampire ou pas, Volti, même pas peur !

 

 

 

 

« A Nicolas-Claude Thieriot

 

Aux Délices près de Genève

24 mars 1755

 

Je ne vous ai point écrit, mon ancien ami, depuis longtemps : je me suis fait maçon, charpentier, jardinier ; toute ma maison est renversée, et malgré tous mes efforts, je n'aurai pas de quoi loger mes amis comme je voudrais . Rien ne sera prêt pour le mois de mai ; il faudra absolument que nous passions deux mois à Prangins avec Mme de Fontaine avant qu'on puisse habiter mes Délices . Ces Délices sont à présent mon tourment . Nous sommes occupés, Mme Denis et moi, à faire bâtir des loges pour nos amis et pour nos poules . Nous faisons faire des carrosses et des brouettes, nous plantons des orangers et des oignons, des tulipes et des carottes, nous manquons de tout, il faut fonder Carthage . Mon territoire n'est guère plus grand que celui de ce cuir de bœuf qu'on donna à la fugitive Didon ; mais je ne l'agrandirai pas de même . Ma maison est dans le territoire de Genève, et mon pré dans celui de France . Il est vrai que j'ai à l'autre bout du lac une maison qui est tout à fait en Suisse 1: elle est aussi un peu bâtie à la suisse . Je l'arrange 2 en même temps que mes Délices ; ce sera mon palais d'hiver, et la cabane où je suis à présent sera mon palais d'été . Prangins est un véritable palais, mais l'architecte de Prangins a oublié d'y faire un jardin, et l'architecte des Délices a oublié d'y faire une maison . Ce n'est point un Anglais qui a habité mes Délices, c'est le prince de Saxe-Gotha . Vous me demanderez comment un prince a pu s'accommoder de ce bouge ; c'est que ce prince était alors un écolier, et que d'ailleurs les princes n'ont guère à donner de chambres d'amis . Je n'ai trouvé ici que de petits salons, des galeries, des greniers, pas une garde-robe ; il est aussi difficile de faire quelque chose de cette maison que des livres et des pièces de théâtre qu'on nous donne aujourd'hui . J'espère cependant qu'à force de soins je me ferai un tombeau assez joli . Je voudrais vous engraisser dans ce tombeau, et que vous y fussiez mon vampire . Je conçois que la rage de bâtir ruine les princes aussi bien que les particuliers . Il est triste que le prince des Deux-Ponts ôte à son agent littéraire 3 ce qu'il donne à ses maçons . Je vous conseillerais pour vous remplumer de passer un an sur notre lac ; vous y seriez alimenté, désaltéré, rasé, porté 4 de Prangins aux Délices, des Délices à Genève, à Morges qui ressemble à la situation de Constantinople, à Montriond qui est ma maison près de Lausanne : vous y trouveriez partout bon vin, et bon usage d'hôte ; et si je meurs dans l'année, vous ferez mon épitaphe 5. Je tiens toujours qu'il faudrait que M. de Prangins vous amenât avec Mme de Fontaine à la fin de mai . Je viendrais vous joindre à Prangins dès que vous y seriez, et je me chargerai de votre personne pour tout le temps que vous voudriez philosopher avec nous . Ne repoussez donc pas l'inspiration qui vous est venue de revoir votre ancien ami .

 

On m'a envoyé quelques fragments de La Pucelle qui courent Paris ; ils sont aussi défigurés que mon Histoire universelle 6. On estropie tous mes enfants ; cela fait saigner le cœur . J'attends Lekain ces jours-ci ; nous le coucherons dans une galerie, et il déclamera des vers aux enfants de Calvin : leurs mœurs se sont fort adoucies ; ils ne brûleraient pas aujourd'hui Servet, et ils n'exigent point de billets de confession . Je vous embrasse de tout mon cœur, et je prends beaucoup plus d'intérêt à vous qu'à toutes les sottises de Paris qui occupent si sérieusement la moitié du monde .

 

Je vous embrasse .

 

Le malade V. »

 

1 Montriond, près de Lausanne.

2 « la range » dans le manuscrit .

3 Thieriot était le correspondant de Christian IV, duc de Zweibrücken ( en allemand : Deux Ponts ).

4 Allusion au Joueur de Regnard : « alimenté, rasé, désaltéré, porté. »

5 Allusion à l'épitaphe de Montesquieu qu'on vient de demander à V* ;

voir lettre du 27 février : lettre MMCLXVII page 208 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80033k/f212.image.r=.langFR

6 Édition pirate de Néaulme ; voir lettres de décembre 1753 à août 1754 .

 

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Je ne sais pas vous, mais moi , cette tête me dit quelque chose ! Si vous trouvez, rassurez-moi ... je crois l'avoir vu récemment à la télé, mais je fais des prières et je mange des osties à l'ail pour éloigner cet esprit malin . On dit qu'il serait candidat à sa succession ... en 2012 . Achtung !!

 

 


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24/03/2011 | Lien permanent

Je n’ai point de recueillement dans l’esprit

Oui, mon côté manuel s'est fortement exprimé ces jours-ci, et Volti est resté sur la touche . Il y a une vie qui tient compte de la météo et des possibilités de travail en équipe !...

Quelques courbatures passées, quelques couleurs dues au soleil et à la lasure dégoulinante,  la satisfaction du devoir accompli pour le bien des usagers du terrain de tir (à l'arc ) me laissent retrouver une ambiance XVIIIème (siècle!). Il faut toucher à tout pour être heureux . Et optimiste pour entreprendre des travaux en plein air !!

http://www.arcclubprevessin.com/

 

 

 

 

Ce dimanche, je refréquente mon flatteur préféré, que certains -et je les comprend- iront qualifier de lèche-cul ! Soit ! mais méfiez-vous, il a la langue acide !! Poli, aimable, trop aimable ? C'est sa nature . A prendre tel quel sans se leurrer : "que votre imagination est riante et féconde !". Avouez que si quelqu'un vous fait un tel compliment - ici je parle pour moi- vous le prenez au premier degré si vous êtes imbu de vous même et flatté par "un maître" que vous avez "l'honneur" de fréquenter, ou vous vous souvenez de la fable "Le Corbeau et le Renard", et vous riez de vous même ; c'set mon option !

 

 

 

 

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« A Pierre-Robert Le Cornier de Cideville

 

 

                            Vraiment mon cher ami, je ne vous ai point encore remercié de cet aimable recueil que vous m’avez donné [Epître en vers accompagnant des écrits  de Cideville]. Je viens de le relire avec un nouveau plaisir. Que j’aime la naïveté de vos peintures ! que votre imagination est riante et féconde ! et ce qui répand sur tout cela un  charme inexprimable, c’est que tout  est conduit par le cœur. C’est toujours  l’amour ou l’amitié qui vous inspire. C’est une espèce de profanation à moi de ne vous écrire que de la prose après les beaux exemples que vous me donnez. Mais, mon cher ami, carmina secessum scribentis et otia quaerunt [= les vers requièrent pour le poête la retraite et les loisirs ]. Je n’ai point de recueillement dans l’esprit. Je vis de dissipation depuis que je suis à Paris, tendunt extorque poemata [= on est en train de m’arracher la composition poétique], mes idées poétiques s’enfuient de moi. Les affaires et les devoirs m’ont appesanti l’imagination. Il faudra que je fasse un tour à Rouen pour me ranimer. Les vers ne sont guère à la mode à Paris. Tout le monde commence à faire le géomètre et le physicien. On se mêle de raisonner. Le sentiment, l’imagination et les grâces sont bannis. Un homme qui  aurait vécu sous Louis XIV et qui reviendrait au monde ne reconnaitrait plus les Français. Il croirait que les Allemands ont conquis ce pays –ci. Les belles-lettres périssent à vue d’œil. Ce n’est pas que je sois fâché que la philosophie soit cultivée, mais je ne voudrais pas qu’elle devint un tyran qui exclût tout le reste. Elle n’est en France qu’une mode qui succède à d’autres et qui passera à son tour, mais aucun art, aucune science ne doit être de mode. Il faut qu’ils se tiennent tous par la main, il faut qu’on les cultive en tout temps. Je ne veux point payer de tribut à la mode, je veux passer d’une expérience physique à un opéra ou à une comédie, et que mon goût ne soit jamais émoussé par l’étude. C’est votre goût, mon cher Cideville, qui soutiendra toujours le mien, mais il faudrait nous voir, il faudrait passer avec vous quelques mois, et notre destinée nous sépare quand tout devrait nous réunir.

 

                            J’ai vu Jore à votre semonce [après l’édition des Lettres philosophiques en avril 1734, condamnation de V* et Jore perd sa maîtrise d’imprimeur ; V* dès le 12 avril 1735 désira voir Jore pour se « raccommoder entièrement avec lui »]. C’est un grand écervelé. Il a causé tout le mal pour s’être conduit ridiculement.

 

                            Il n’y a rien à faire pour Linant ni auprès de la présidente [Mme de Bernières], ni au théâtre [les comédiens ne désirent pas jouer la pièce de Linant]. Il faut qu’il songe à être précepteur [« ce qui est difficile attendu son bégaiement, sa vue basse et le peu d’usage qu’il a de la langue latine »]. Je lui fais apprendre à écrire, après quoi il faudra qu’il apprenne le latin, s’il le veut montrer. Ne le gâtez point si vous l’aimez.

 

                            Vale.

 

                            Voltaire

                            Ce 16 avril 1735. »

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19/04/2009 | Lien permanent

Je souhaite passionnément que les parlements puissent avoir le crédit de soutenir dans ce moment-ci les lois, la nation,

http://www.youtube.com/watch?v=3NjTYe_dBlg&feature=re...

 

http://www.youtube.com/watch?v=0ObXmnpGW9M&feature=re...

 

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Volti a des soucis avec ses voisins genevois et il a déjà appliqué le fameux :"on se téléphone et on fait une bonne bouffe" pour que les estomacs s'échauffent et le esprits se refroidissent .

Un peu en vain, semble-t-il !

Et pourtant, connaissant les Suisses (quelques uns ) et les Genevois (non , ce n'est pas une erreur de ma part ! on est d'abord de son canton, puis, si affinité de la confédération ! ), je peux vous assurer qu'ils sont, encore de nos jours, lents à la détente et longs à arrêter .

Grands coupeurs de cheveux en quatre (dans le sens de l'épaisseur évidemment, pays de la micro-mécanique oblige ! ), si vous voulez le fond de ma pensée ...

 

 

 

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental

et

à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental

 

 

14 décembre 1765

 

                            Mes anges, vous n’allez point à Fontainebleau, vous êtes fort sages ; ce séjour doit être fort malsain, et vous y seriez trop mal à votre aise. J’ai peur que la cour n’y reste tout l’hiver. J’ai peur aussi que vous n’ayez pas de grands plaisirs à Paris ; la maladie de M. le Dauphin doit porter partout la tristesse. Cependant, voilà une comédie de Sedaine qui réussit et qui vous amuse [ Le Philosophe sans le savoir, joué à partir du 2 décembre, mais la Comédie fermera  du 17 décembre au 11 janvier ].Celle de Genève ne finira pas de sitôt [« tracasseries » de Genève et « plan de pacification »de V*, oct . et nov . 1765 ; V* demandait le 25 nov. De « montrer à deux avocats de Paris (ces documents), afin de savoir si (il) ne répugne en rien au droit public et au droit des gens ».]; je crois, entre nous, que le Conseil s’est trop flatté que M. le duc de Praslin lui donnerai raison en tout. Cette espérance l’a rendu plus difficile, et les citoyens en sont plus obstinés. J’ai préparé quelques voies d’accommodement sur deux articles [le 12 février, il présentera le point « important » sur lequel doit porter la médiation de l’envoyé français Beauteville : « il s’agit des bornes qu’on doit mettre au droit que les citoyens de Genève réclament de faire assembler le Conseil général, soit pour interpréter des lois obscures, soit pour maintenir des lois enfreintes » ; « il faut savoir si le  Petit Conseil est en droit de rejeter quand il lui plait toutes les représentations des citoyens sur ces deux objets ; c’est ce qu’on appelle le droit négatif. »], mais le dernier surtout sera très épineux et demandera toute la sagacité de M. Hennin. Je lui remettrai mon mémoire, et la consultation de votre avocat ; cet avocat me parait un homme de grand sens, et d’un esprit plein de ressources. Si vous jugez à propos, mes divins anges, de me faire connaitre à lui, et de lui dire combien je l’estime, vous me rendrez une exacte justice.

 

                            Je ne chercherai point à faire valoir mes petits services, ni auprès des magistrats, ni auprès des citoyens ; c’est assez pour moi de les avoir fait diner ensemble à deux lieues de Genève, il faut  que M. Hennin fasse le reste, et qu’il en ait tout l’honneur [le 17 décembre, il écrira pour inviter  le nouveau résident Hennin, à Ferney, et lui remettre « un mémoire de deux avocats de Paris », à savoir le sien relu, et ajoutant :  « vous verrez que l’ordre des avocats en sait moins que vous »]. Tout ce que je désire c’est que M. le duc de Praslin me regarde comme un petit anti-Jean-Jacques [ V* écrit qu’il « jette de l’eau sur les charbons ardents que (Rousseau) avait répandus dans Genève ». Les « querelles se sont élevées en partie à l’occasion du sieur Jean-Jacques Rousseau » et de l’accusation –c-à-d. « calomnie »- lancée contre V* d’avoir fait condamner Rousseau et ses livres par le Conseil.], et comme un homme qui n’est pas venu apporter le glaive, mais la paix [contraire de ce que dit l’évangile de Matthieu].Cela est un peu contre la maxime de l’Evangile, cependant cela est fort chrétien.

 

                            Vous ne sauriez croire, mes divins anges, à quel point je suis pénétré de toutes vos bontés ; vous me permettez de vous faire part de mes idées, vous avez daigné vous intéresser à mon petit mémoire sur Genève, vous me ménagez la bienveillance de M. le duc de Praslin, vous avez la patience d’attendre que le petit ex-jésuite travaille à son ouvrage [Octave ou La Triumvirat], enfin, votre indulgence me transporte. Je souhaite passionnément que les parlements puissent avoir le crédit de soutenir dans ce moment-ci les lois, la nation, et la vérité contre les prêtres ; ils ont eu des torts, sans doute, mais il ne faut pas punir la France entière de leurs fautes [« On a, ce me semble, trop fatigué le roi et le ministère par des expressions pleines d’aigreur. On a hasardé de perdre jusqu’aux libertés de l’Eglise anglicane dont tous les parlements ont toujours été si justement et si invariablement les défenseurs . Cela fait de la peine à un pauvre historien qui aime sa patrie… »].  Vive l’impératrice de Russie ! Vive Catherine qui a réduit tout son clergé à ne vivre que de ses gages, et à ne pouvoir nuire !

 

                            Toute ma petite famille baise les ailes de mes anges comme moi-même.

 

                            V. »

 

 

 

 

Pour ceux qui ont eu l'occasion d'entendre ces bons vieux enregistrements sur bande magnétique avec une prise de son monopiste avec microphone au charbon . Il n'en reste pas moins que Bach s'en sort toujours bien sous les doigts de Benedetti-Michelangeli (1949 )

http://www.youtube.com/watch?v=BRhiphWE8fw&feature=re...

 

 

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