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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Il faut toujours qu'il y ait en France quelque maladie épidémique et très souvent elle tombe sur les cervelles . Si la g

 ... Les unes commandant les autres dans l'ordre qu'il vous plaira, je ne suis pas maître de vos pensées, pas plus au dessus du nombril qu'au dessous . Tout comme en météo on trouve dépressions et anticyclones, tempêtes sous un crâne et calmes plats sous l'équateur anatomique . Les deux pôles de l'humain soufflent chacun le chaud et le froid ; que je sois préservé de la tiédeur sirupeuse !

 

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« A Pierre-Robert Le Cornier de Cideville

A Lausanne 3 mars 1758

Je reçois de vous, mon cher et ancien ami, deux lettres charmantes, vers et prose . Tout me rappelle la bonté de votre cœur et les grâces de votre esprit . J'aime mieux vous dire bien vite et tout simplement combien j'en suis touché que d'attendre l'inspiration, et le moment heureux de faire des vers pour vous remercier dignement . D'ailleurs je suis plongé dans les détails de l'histoire attendu qu'on va réimprimer cette Histoire générale, ce portrait des sottises et des horreurs du genre humain pendant huit à neuf siècles . Un peu d'histrionage partage encore mon temps . Nous avons joué une pièce nouvelle sur un très joli théâtre . Mme Denis a été applaudie comme Mlle Clairon, et elle l'aurait été de même à Paris . Je vous avertis sans vanité que je suis le meilleur vieux fou qu'il y ait dans aucune troupe . Croyez que vous auriez été bien surpris si vous aviez vu sur le bord de notre lac une tragédie nouvelle très bien jouée , très bien sentie, très bien jugée, suivie de danses exécutées à merveille, et d'un opera buffa encore mieux exécuté, le tout par de belles femmes, par des jeunes gens bien faits qui ont de l'esprit et devant une assemblée qui a du goût .

Les acteurs se sont formé en un an . Ce sont des fruits que les Alpes et le mont Jura n'avaient point encore portés . César ne prévoyait pas quand il vint ravager ce petit coin de terre qu'il y aurait un jour plus d'esprit qu'à Rome . Comptez que les Iphigénie et les Astarbé 1 ne nous épouvantent pas, et que notre pays roman n'est point à dédaigner . Je suis malheureusement obligé de quitter tout cela pour aller faire quelques jours le métier de jardinier aux Délices . Chacun a son Launay 2 . Je cours du théâtre à mes plans, à mes vignes, à mes tulipes, et de là je reviens au théâtre, du théâtre à l'histoire , et de tout cela à votre amitié qui est la première des consolations .

Les vers du roi de Prusse dont vous me parlez étaient fourrés dans une lettre qu'il m'écrivit trois jours 3 avant la journée de Rosbac . La date rend les vers très beaux . Je lui avais gardé le secret mais il a donné lui-même des copies, et vous savez que les rois qui sont les maîtres du bien d'autrui sont aussi les maîtres du leur . Ce diable d'homme est sans contredit celui de tous les rois qui fait le plus de vers et qui donne le plus de batailles . Nous verrons comment le tout finira .

La canaille de vos convulsionnaires est sans doute digne des petites maisons , mais il y a eu des corps , des ordres qui méritent d'y être admis . Il faut toujours qu'il y ait en France quelque maladie épidémique et très souvent elle tombe sur les cervelles . Si la guerre continue elle tombera sur les bourses – j'entends supra loculos 4.

Vous ne me dites rien du grand abbé 5. On parlait d'un voyage qu'il devait faire au pays roman, mais il n'osera, ni vous non plus . Je vous embrasse avec bien de la tendresse et des regrets .

V.

1 Tragédie de Colardeau, jouée le 27 février 1758. Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles-Pierre_Colardeau

et : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6113221h

2 Terre de Cideville, près de Rouen.

3 Lisez vingt-sept jours. La bataille de Rosbach est du 5 novembre 1757; la lettre du roi de Prusse est du 9 octobre 1757 : voir lettre 333 : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-avec-le-roi-de-prusse-annee-1757-partie-81-116702169.html

4 Sur les cassettes .

 

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28/06/2013 | Lien permanent

Vous vous amusez, monsieur, à faire des enfants comme les pauvres gens. Vous aurez bientôt une famille nombreuse , tant

... J'adore ce genre de compliment voltairien qui mêle la moquerie à la louange .

La vie continue (et complique celle du DRH ! ), que disent les seize papas ?

 Les enfants de ces infirmières seront-ils des infirmiers tels que leurs mamans ? https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/etats-unis-seize-in...

 

 

« A Bernard-louis Chauvelin

25 auguste 1763 à Ferney

Votre Excellence saura que je deviens quinze-vingts, que je suis des mois entiers sans pouvoir écrire. Si l’air de Turin vous a donné un anthrax 1 ou un clou, l’air du lac pourrait bien m’ôter entièrement la vue.

Vous vous amusez, monsieur, à faire des enfants comme les pauvres gens. Vous aurez bientôt une famille nombreuse 2, tant mieux ; il ne saurait y avoir trop de gens qui vous ressemblent. Je ne suis pas si content de monsieur le coadjuteur que de vous. Vous savez sans doute que nous appelions autrefois monsieur l’abbé le coadjuteur 3. Il a oublié l’ancienne amitié dont il m’honorait, parce qu’il a cru que je ne criais pas assez haut : Vive monsieur le coadjuteur !

Je sais que je devrais, plus humble en ma misère,

Me souvenir du moins que je parle à son frère.4

Aussi je lui pardonne de tout mon cœur. Il est impossible de ne pas aimer la rage qu’il a pour le bien public.

J’avais bien recommandé aux Cramer de vous envoyer toutes les misères dont vous voulez bien me parler ; mais l’un est allé à Paris, l’autre à la campagne, et je vois que Votre Excellence n’a point été servie. Je leur ferai bien réparer leur faute . Je vous demande très humblement pardon de leur négligence.

Le bruit a couru que l’Infant 5 voyagerait l’année prochaine, et qu’il passerait par Genève ; je souhaite que vous en fassiez autant. Je sais que vos amis de Paris soupirent après votre retour. Je sais que tous les lieux sont égaux pour les esprits bien faits ; mais il n’en est pas de même quand les esprits bien faits ont des cœurs sensibles.

Je crois que vous verrez à Turin M. de Schouvaloff, ci-devant empereur de Russie 6. Je l’attends à Ferney dans le mois prochain. Il ira de là à Turin et à Venise, et il y soupera probablement avec les six autres rois qui mangeaient à table d’hôte avec Candide et son valet de chambre 7.

Votre Excellence n’aura que l’hiver prochain Pierre Corneille et ses commentaires. J’ai fait une 8 tâche plus vite que les libraires ne font la leur. Vous trouverez que mon commentaire n’est pas comme celui de dom Calmet, qui loue tout sans distinction. Il est vrai que Corneille est pour moi un auteur sacré ; mais je ressemble au père Simon 9, à qui l’archevêque de Paris demandait à quoi il s’occupait pour mériter d’être fait prêtre : Monseigneur, répondit-il je critique la Bible.

Conservez-moi vos bontés, je vous en prie. Permettez-moi de me mettre aux pieds de celle qui fait le bonheur de votre vie, et qui l’augmentera dans un mois.

L’aveugle V. »

1 Une édition donne par erreur entrave , le furoncle ou anthrax est nommé aussi communément clou.

2 Chauvelin eut trois enfants mais aucun d'entre eux ne fit souche, si bien que cette branche de la famille disparut . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard-Louis_Chauvelin

et : http://data.bnf.fr/10696354/bernard_louis_chauvelin/

3 L'abbé Chauvelin, dit le coadjuteur ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Philippe_de_Chauvelin

4 Mithridate, I, 1, de Racine .

5 Le duc de Parme

6 Il a été l'amant de l'impératrice Élisabeth .

8 On est tenté de lire ma pour une ; la faute est paléographiquement possible .

9 Richard Simon, de l'Oratoire, fondateur de la critique biblique au XVIIè siècle : https://fr.wikipedia.org/wiki/Richard_Simon

et voir : https://journals.openedition.org/rhr/7899

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20/08/2018 | Lien permanent

Il faut qu'ils sachent que je suis heureux, et qu'ils crèvent .

... Soyons brefs et directs, point de gants à prendre en certains cas , ou alors des gants de boxe !

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

6 juillet [1760] 1

Mon cher ange, il faut faire ses foins et ses moissons à la fois, veiller à son bâtiment, apprendre ses rôles pour les comédies que nous allons jouer, avoir une correspondance suivie avec ma cousine Vadé, avec M. Kouranskoy 2, cousin germain de M. Aléthof, avec le frère de la doctrine chrétienne, auteur de la vanité ; cependant M. de Courteilles qui s'en va aux eaux de Vichy me laisse en proie aux publicains, maudits de l’Écriture, et quoiqu'il soit démontré que je ne suis point seigneur de La Perrière, on veut me faire payer les dettes du roi . Lefranc de Pompignan ne me traiterait pas plus rudement ; M. le duc de Richelieu s'enfuit à Bordeaux sans me faire réponse, et sans m'envoyer un passeport que je lui ai demandé pour un pauvre diable de gascon hérétique, et voilà mon hérétique sur le point d'être ruiné . Malgré tout cela, mon divin ange, voici encore quelques corrections nécessaires, que le traducteur de M. Hume vous envoie . Maitre Aliboron, dit Fréron, est un ignorant bien imprudent de dire que le poète prêtre Hume, n'est pas frère de Hume l'athée . Il ne sait pas que Hume le prêtre a dédié une de ses pièces à son frère .

J'avais tant crié après le mémoire du sieur Lefranc de Pompignan qu'on m'en a envoyé trois par la dernière poste ; heureusement le frère de la doctrine chrétienne , et M. de Kouranskoy, cousin germain de M. Aléthof, en avaient chacun un .

Mon divin ange je ne peux regarder Médime d'un mois, il ne faut pas se morfondre et s'apesantir sur son ouvrage, cela glace l'imagination .

A la façon dont vous parlez, on dirait que Mme de Robecq est morte 3; j'en suis fâché ; la mort d'une belle femme est toujours un grand mal . Est-il vrai que Mme du Deffand prend parti contre la philosophie, et qu'elle m'abandonne indignement  4? Comment suis-je auprès de M. le duc de Choiseul ? A-t-il fait voir à Mme de Pompadour l'élucubration de M. de Kouranskoy ?

Je vous conjure de vous servir de toute votre éloquence pour lui dire que s'il arrive malheur à Luc, il n'en résultera pas malheur à la France , que le Brandebourg restera toujours un électorat ; qu'il est bon qu'il n'y ait point d'électeur assez puissant pour se passer de la protection du roi ; que tous les princes de l'empire auront toujours recours à cette protection contra l'aquila grifagna 5. N.B. : que si Luc était déconfit cette année nous aurions la paix l'hiver prochain .

Mlle Vadé se recommande à Robin mouton .

Mon divin ange donnez des copies de ma lettre paternelle à Palissot 6. Où est donc la difficulté de mettre trois étoiles au lieu de votre nom ? De dire la personne à qui je me suis adressée, ou de mettre tout ce qui vous plaira ?

Mais revenons à l’Écossaise . Qui sont les malintentionnés qui veulent la mettre sous mon nom pour la faire tomber ? Ah les méchantes gens !

Il y a encore des malvivants 7 qui prétendent que je ne suis pas chez moi de mon bon gré , qui l'impriment, qui veulent le faire croire . Fi , que cela est vilain ! Il faut bien dire , bien soutenir qu'il ne tient qu'à moi d'aller rire à leur nez à Paris, mais que j’aime mille fois mieux rire où je suis . Il faut qu'ils sachent que je suis heureux, et qu'ils crèvent .

Il y a plus de deux mois qu'on m'a envoyé l'épigramme, assez plate, contre Fréron . Je joins à mon paquet les lettres originales de l'ami Palissot . Je vous prierai d'avoir la bonté de me les renvoyer .

J'ajoute, mon divin ange que le commentateur de M. Aléthoff s'est trompé dans ses notes . Il faut mettre le 14 au lieu du 10, jour de l'anniversaire de Henri IV 8. Mme Scaliger n'aurait pas fait cette faute . Je lui présente mes tendres respects, et me réjouis de sa santé et je vous aime encore plus que de coutume .

V.

Un petit mot encore . Pourquoi changer le nom de Frélon ? Est-ce la faute de Hume s'il y a un cuistre dans Paris qui porte un nom lequel a un rapport éloigné au mot de frélon ?

De plus songeons que s'il est bon de rire, il est meilleur de rire aux dépens des méchants . Mais ce petit hypocrite de Joly de Fleury, ce petit ballon noir gonflé de vapeurs puantes aura son tour si Dieu n'y met la main 9.

Voudriez-vous avoir la bonté d'ordonner que la lettre pour Duclos lui soit rendue 10? Un peu de chandelle au diable n'est pas mal .

Vous a-t-on dit que cette grosse masse de chair fraiche nommée le landgrave de Hesse est en prison à Stade ?

J'entends murmurer la prise de Marbourg 11. On ne saura que demain si la chose est vraie .

L'oncle et la nièce baisent le bout de vos ailes .

V. »

1 Date complétée par d'Argental .

2 Si les deux pseudonymes qui entourent celui-ci sont bien connus, si celui du 'frère de la doctrine chrétienne » désigne encore V*, auteur de La vanité, celui de Kouranskoy pose un problème qui n'est pas résolu ; voir la fin de la lettre de Vorontsof à V* du 9 juillet 1760 : « Je viens de recevoir de M. Alethof cousin de M. Kouranskoy, le discours dont feu M. Kouranskoy l'avait fait dépositaire. », et voir lettre du 18 juillet 1760 à Mme Geoffrin .

3 Elle était morte le 4 juillet 1760 .

4 Le 1er juillet d'Alembert écrivait à V* : « Je n'ai rien à ajouter à ce que je vous ai dit de Mme du Deffand ; soyez sûr encore qu'elle est à la tête des partisans de la pièce, qu'elle protège et goûte beaucoup les feuilles de Fréron, qu'elle trouve l’Écossaise une bien mauvaise pièce, et qu'elle applaudit fort à une mauvaise critique qu'on dit que Fréron en a faite . »

5 Contre l'aigle griffue, désigne par métonymie l'Empire .

7 Mot encore en usage à la fin du XVIè siècle .

8 Cette remarque se rapporte à une note du Russe à Paris .

9 V* tiendra parole ; dans l’Épître à Daphné, qui est datée du 11er janvier 1761, il l'appelle selon les variantes , «  un petit singe, à face de Thersite », « un petit singe , à phrases compassées », « un petit singe, ignorant, imbécile » . le titre était Épître de M. de Voltaire à Mlle Clairon, 1761, publiée sous le pseudonyme de A*** C*** (Abraham Chaumeix).

10 Lettre du 20 juin 1760 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/06/22/sept-ou-huit-personnes-de-genie-bien-unies-doivent-a-la-longue-ecraser-leur.html

Ce paragraphe, suite à l'édition de Kehl, manque dans les éditions suivantes .

11 La ville s'était rendue aux Français le 30 juin 1760 ; la nouvelle était donc encore une fois allée assez vite .

 

 

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05/07/2015 | Lien permanent

Songez, je vous en prie, combien la superstition a fait périr de Calas depuis plus de quatorze cents années. Est-il poss

... On peut ajouter facilement, au minimum, trois siècles pour actualiser l'étendue des dégâts constatés par Voltaire . Et cette folie vit encore !

30 mai 1778 : décès de l'immortel  Voltaire. Vive Voltaire !

30 mai 1431 : supplice de Jeanne d'Arc , paix à ses cendres .

Surtout ne pas oublier de lire La Pucelle d'Orléans, trait d'union entre cet auteur génial et le  personnage légendaire : https://fr.wikisource.org/wiki/La_Pucelle_d%E2%80%99Orl%C3%A9ans

RELIGION, SUPERSTITION ET CRIMINALITÉ - MAURICE DUVAL - 1935 | eBay

Je ne pense pas le lire, je n'ai pas besoin d'arguments supplémentaires pour me faire une opinion sur le sujet

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

15 Mars 1765.

Oui, sans doute, mon ange adorable, j’ai été infiniment touché du mémoire du jeune Lavaysse, de sa simplicité attendrissante, et de cette vérité sans ostentation qui n’appartient qu’à la vertu. Je vous demande en grâce de m’envoyer l’arrêt dès qu’il sera prononcé. Vous savez que ce David, auteur de tout cet affreux désastre, était un très malhonnête homme ; le fripon a fait rouer l’innocent ; le voilà bien reconnu ; il a été destitué de sa place. J’espère qu’il paiera chèrement le sang de Calas.

C’est une étrange fatalité qu’il se trouve en même temps deux affaires pareilles. Je sais que la plupart des calvinistes de Languedoc sont de grands fous ; mais ils sont fous persécutés, et les catholiques de ce pays-là sont fous persécuteurs.

J’ai envoyé à M. Damilaville le détail 1 de cette seconde aventure 2, qu’il doit vous communiquer . Il y a des malheurs bien épouvantables dans ce meilleur des mondes possibles.

Je suppose, mon cher ange, que vous avez reçu ma lettre à M. Berger 3, dont j’ignore la demeure, comme j’ignorais son existence. Je vous demande bien pardon de vous avoir importuné d’une lettre pour un homme qui est à la fois indiscret et dévot.

J’ai vu votre Suédois ; il retourne à Paris, et s’est chargé d’un paquet pour vous. Le Genevois, qui est chargé d’un autre, doit être déjà parti. Je vous supplierai de donner à frère Damilaville les brochures dont vous ne voudrez pas. Je crois qu’il y en a seize, cela fait seize pains bénits pour les fidèles. Songez, je vous en prie, combien la superstition a fait périr de Calas depuis plus de quatorze cents années. Est-il possible que ce monstre ait encore des partisans ? Mon horreur pour lui augmente tous les jours, et je suis affligé quand je vois des gens qui en parlent avec tiédeur.

J’espère que je verrai bientôt le Siège de Calais imprimé, et que j’applaudirai avec connaissance de cause. On peut très bien envoyer par la poste, à Genève, des livres contre-signés ; mais il n’en est pas de même de Genève à Paris : vous permettez l’exportation, mais non pas l’importation.

Je ne sais ce qu’a le tyran du tripot, mais il est toujours plein de mauvaise humeur, et il ne laisse pas de me le faire sentir. L’ex-jésuite prétend qu’il faut qu’il attende encore quelque temps pour revoir les Roués , que les Romains ne sont pas de saison, qu’il faut attendre des occasions favorables  Voyez si vous êtes de cet avis. Je suis d’ailleurs occupé actuellement à augmenter ma chaumière ; et si je m’adressais à Apollon, ce serait pour le prier de m’aider dans le métier de maçon. On dit qu’il s’entend à faire des murailles ; cependant ses murailles sont tombées comme bien d’autres pièces.

Mais pourquoi M. Fournier souffre-t-il que madame d’Argental tousse toujours ? Je me mets à ses pieds ; ma petite famille vous présente à tous deux ses respects.

V.»



1 Mémoire du sieur François-Alexandre-Gualbert Lavaysse, 1765 : https://tolosana.univ-toulouse.fr/fr/notice/083067329

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30/05/2020 | Lien permanent

Comptez que c'est une femme charmante, et que personne n'a plus de goût, plus de raison, et plus de douceur

Titre spécial St Valentin !

Avec un sourire spécial pour Mam'zelle Wagnière ...

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«  A Claude-Etienne Darget

[mi-février 1751]

Mon cher ami, quand je vous écris c'est pour vous seul, c'est à vous seul . Je suis si malade que je ne sens plus mes afflictions. Mon âme est morte, et mon corps se meurt. Je vous conjure de vous jeter s'il le faut aux pieds du roi, et d'obtenir de lui que je me retire au Marquisat i à la fin de ce mois, et que j'y reste jusqu'au mois de mai . Il est vrai que je ne pourrai guère m'y passer des mêmes bontés et des mêmes générosités dont il daigne m'honorer à Berlin ii, et qu'il est impertinent à moi d'en abuser à ce point . Mais mon cher ami,tachez d'obtenir bien respectueusement, bien tendrement, que ma pension soit retranchée à compter depuis février jusqu'au temps de mon retour . J'aime infiniment mieux raccommoder ma santé au Marquisat que de toucher de l'argent. Ce que le roi daigne faire pour moi coûte autant qu'une forte pension . Ce double emploi n'est pas juste . Je n'ai que faire d'argent, mon cher ami iii, je veux la campagne, du petit-lait, de bon potage, des livres, votre société et les nouveaux ouvrages d'un grand homme qui m'a juré de ne me pas rendre malheureux . Ce que je lui demande adoucira tous mes maux . Qu'il dise seulement à M. Federcsdoff iv qu'on ait soin de moi au Marquisat ; j'ai des meubles que j'y ferai porter. J'ai presque tout ce qu'il me faut hors un cuisinier et des carrosses . Je n'aurai cela que quand je reviendrai avec ma nièce qui prend enfin pitié de mon état, et qui consent de se retirer avec moi à la campagne pour me consoler . En un mot il dépend du roi de me rendre la vie . J'ai tout quitté pour lui ; il ne peut refuser ce que je lui demande . Il s'agit de rétablir ma santé pendant deux mois et demi au Marquisat, et d'y vivre à ma fantaisie . Mais je veux absolument que la pension me soit retranchée pendant tout ce temps-là, et pendant celui de mon absence jusqu'à mon retour avec ma nièce .

Elle fera partir tous mes meubles de Paris le 1er juin, et je vous réponds que le reste de ma vie sera tranquille et philosophique . Soyez sûr que son amitié et la mienne contribueront à la douceur de votre vie . Elle ne me parle que de vous . Elle vous aime déjà de tout son cœur ; et je vous demanderai bientôt votre protection auprès d'elle . Comptez que c'est une femme charmante, et que personne n'a plus de goût, plus de raison, et plus de douceur . Elle est plus capable de sentir le mérite des ouvrages du Salomon du Nord que tout ce qui l'entoure . Si je veux espérer de rester au Marquisat avec elle, ma vie sera aussi heureuse qu'elle a été horrible depuis trois mois v.

Je vous embrasse tendrement, réussissez dans votre négociation . Il le faut absolument .

V.

La vraie amitié réussit toujours . »

 

i Le Marquisat est une maison d'été devant la porte de Brandebourg, assez près du château de Potsdam .

 

ii A Berlin, V* est logé (au château), nourri, « voituré, défrayé de tout ».

 

iv Federsdorf, ancien soldat devenu valet de chambre et favori du roi .

 

v Cf. lettre du 10 février 1751 , et le mémoire sur l'affaire Hirschel dans le lettre à Cocceji du 5 février 1751, l'affaire d'Arnaud, etc., dans la lettre à d'Argental du 28 novembre 1750 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/11/28/i...

Note pour le baron Samuel de Cocceji :

http://en.wikipedia.org/wiki/Samuel_von_Cocceji

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14/02/2011 | Lien permanent

le suppliant espère en la miséricorde de son héros, et en ses plaisanteries.

 

 

http://www.youtube.com/watch?v=qQIO3pBFfXI&feature=fvw

phil collins et genesis : in too deep

For jump ?

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« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

 

19è décembre 1764 à Ferney

 

Remontre très humblement François de V. l’aveugle à son héros :

         1° Que son héros n’a pas autant de mémoire que d’imagination et de grâces ; qu’il daigna mander le 1er sept. A son vieux courtisan : Vous êtes, et serez toujours le maître des rôles de toutes vos pièces. C’est un droit qui vous serait moins disputé qu’à personne, et une loi où l’on obéira en vous battant des mains ; je le veux absolument.

 

                   Voilà les propres  paroles de monseigneur le maréchal.

 

         2° Que ces propres paroles étaient en réponse d’un placet présenté par l’aveugle, dans lequel ledit aveugle avait supplié son héros de lui permettre de faire une nouvelle distribution de ces rôles.

 

         3° Que ledit suppliant a été depuis environ quarante ans en çà berné par son dit héros, lequel lui a donné force ridicules le plus gaiement du monde [cf lettre à d’Argental le 1er mai 1736].

 

         4° Que ledit pauvre diable ne mérite point du tout le ridicule d’être accusé d’avoir entrepris quelque chose de sa tête dans cette importante affaire, et qu’il n’a rien fait, rien écrit que muni de la permission expresse de son héros, de son ordre positif, qu’il garde soigneusement.

 

         5° Qu’il écrivit en conséquence au grasseyeur Grandval, qu’il instruisit ledit grasseyeur de la permission de monseigneur le maréchal, et que partant, il est clair que le berné n’a manqué à aucun de ses devoirs envers son héros le berneur.

 

6° Qu’il n’a consulté en aucune manière Parme et Plaisance [D’Argental, représentant du duc de Parme à Paris, et sa femme ], sur les acteurs et actrices du tripot de Paris, mais que sur le rapport de plusieurs farceurs, grands connaisseurs, barbouilleurs de papier et autres grands personnages, il a distribué ses rôles selon toute justice sous le bon plaisir de monseigneur le maréchal [il confiait des rôles « à Mlles Doligny et Luzy » et écrivait aux d’Argental le 27 novembre :  « je crois (le) goût (de M. de Richelieu) pour Mlle d’Epinay (de l’Epinay) passé. » Alors que le 22 octobre, après avoir recommandé à Richelieu « un acteur excellent …nommé Aufresne », il ajoutait : « Je vous en donne avis ; Monsieur le premier  gentilhomme de la chambre fera ce qu’il lui plaira. »], et des autres gentilshommes de la chambre, ce qu’il a expressément recommandé dans toutes ses lettres aux connaisseurs représentant le parterre.

 

7° Qu’il n’a envoyé au grasseyeur se dernières disposition sous une enveloppe parmesane que pour éviter les frais de la poste au grasseyeur, et pour lui faire parvenir la lettre plus sûrement, une première ayant été perdue. [ le 7 décembre V* se plaint aux d’Argental de la perte d’un paquet, à eux adressé, qui contenait « les provisions des dignités comiques pour Grandval et les demoiselles Doligny et Luzy » ]

 

         Ces sept raisons péremptoires étant clairement exposées, le suppliant espère en la miséricorde de son héros, et en ses plaisanteries.

 

         Il supplie son héros d’examiner la chose un moment de sang-froid, sans humeur et sans bons mots, et de lui rendre justice.

 

         Il y a plus de quinze jours que j’ai écrit pour faire venir quatre exemplaires de ce cher Julien l’Apostat  [Défense du paganisme par l’empereur Julien, en grec et ne français, avec des dissertations et des notes pour servir d’éclaircissement au texte et pour en réfuter les erreurs, par M. le marquis d’Argens (Berlin 1764)] pour vous en faire parvenir un par la voie que vous m’avez ordonnée.

 

         Vous croyez bien que j’ai reçu de mon mieux l’ambassadeur de Mme d’Egmont [fille de Richelieu]. Je vois que votre voyage dans mon pays de neiges est assez éloigné encore ; mais si jamais Mme d’Egmont veut passer le mont Cenis et aller à Naples, je me ferai prêtre pour l’accompagner en qualité de son aumônier Poussatin [personnage des Mémoires du comte de Gramont, de Hamilton ]. Je suis honteux de mourir sans avoir vu le  tombeau de Virgile, la ville souterraine, Saint Pierre de Rome, et les facéties papales [ vus par ses personnages de contes : Princesse de Babylone (1768) et Amabed (1769)].

 

         Je me mets aux pieds de mon héros avec une extrême colère, un profond respect, et un attachement sans bornes.

 

                   V. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En lisant les pages qui vont suivre, écoutez :

http://www.youtube.com/watch?v=v2E8bhDHESk

Question de frivolité, de distraction, au XVIIIème ! Profitez de cette recherche avec Mme d'Egmont comme sujet :

http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://pagesperso-o...

 

 

 

                  

 

 

 

 

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19/12/2009 | Lien permanent

Le roi ne sait pas tout ... peut-il connaitre tous les trous que font les taupes dans les jardins

J'ai des envies de XVIIIème musical !

Haëndel, ça vous tente ? Alors musique de 1751 : http://www.youtube.com/watch?v=RrWfltFo8Mg

Foin du rap qui sincèrement me les gonfle et me les brise menu , alternativement ! Musicalement nul ! Parfois sauvé par le texte, mais je dois avouer que je manque de cours du soir pour arriver à suivre le débit de ces rappeurs-rapeurs ! Ne vous précipitez pas pour combler cette lacune, je vis très bien comme ça !

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« A Claude-Etienne Darget

 

[Vers le 10 février 1751]

 

                            Mon chien de procès n’étant point encore fini, et l’Ancien Testament [« le juif Hirschell » ; le jugement sera rendu le 18 février] me persécutant toujours, je ne sais que vous mander, mon cher ami. Ma maladie augmente, j’ai besoin d’un peu de courage. Car en vérité, si vous songez qu’après avoir suscité contre moi un d’Arnaud [on attribue à V* des « chansons pour les filles » sous le titre « Chanson de l’illustre Voltaire pour l’auguste princesse Amélie »], après avoir corrompu mon secrétaire [Tinois , que V* accuse de s’être laissé séduire par Baculard d’Arnaud et être à l’origine du vol d’un manuscrit de La Pucelle], et après m’avoir exposé par là aux suites les plus funestes, après m’avoir attaqué auprès du roi jusqu’à entrer dans les détails les plus bas [à Frédéric le 19 février il écrira : « Pourquoi vous fit-on dire dès le 29 novembre que j’avais acheté pour 80 mille écus de billets de la Stere [= la Steuer ; le traité de Dresde qui mettait fin à la guerre de Silésie, stipulait que tout Prussien porteur de ces effets tombés bien en dessous de leur valeur serait intégralement remboursé ; d’où un agiotage effréné ; Frédéric interdit en mai 1748 l’entrée de ces bons en Prusse] tandis que … j’avais dès le 24 novembre … défendu à Hirschell de prendre pour moi un seul billet en question ? Pourquoi dicta-t-on à Hirschell une lettre calomnieuse adressée à Votre Majesté, lettre dont tous les points sont reconnus autant de mensonges par un jugement authentique (celui du 18 février) ? » « On m’a fait passer auprès de Votre majesté pour un homme bassement intéressé. Voila pourquoi … j’avais prié Darget … de vous supplier de supprimer ma pension … pour convaincre Votre majesté qu’elle est mon unique objet ». On l’a aussi « accusé » auprès du roi « de ne pas faire assez de dépense » écrit-il à Darget à la mi-février.], on me poursuit encore ; si vous songez à toutes les mauvaises nouvelles que j’ai reçues à la fois de chez moi [V* est mécontent et inquiet de l’édition entreprise à Paris par Lambert ; et surtout de la « niche », écrit-il à Thibouville le 5 février, faite par «  un échappé du système (de Law) nommé André, qui s’est avisé de faire saisir tout (s)on bien à Paris pour une prétendue dette de billets de banque, qu’il a la mauvaise foi … de renouveler juste au bout de trente ans » ; il fera allusion à cette « saisie » en écrivant à Frédéric le 19 février. En sus, les « affaires » de Prusse sont répercutées en France.]; si vous ajoutez à tout cela une maladie affreuse et la privation de la vue de Sa Majesté [V* et Frédéric sont revenus à Berlin le 16 décembre, mais Frédéric est retourné à Potsdam du 16 au 18 janvier et 30 et 31 janvier.], vous m’avouerez qu’il me faudrait quelque fermeté. Je n’ai plus le bonheur de lire de beaux vers, de voir et d’entendre le seul homme sur la terre pour qui j’ai pu quitter ma patrie. Je me console en travaillant à l’histoire du siècle de Louis XIV, dans les heures où mes maux me laissent quelque relâche. Je suis continuellement dans la chambre que Sa Majesté a daigné m’accorder, pénétré de ses bontés, attendant la fin de ses rigueurs. Le roi ne sait pas tout ce que j’ai essuyé ; peut-il connaitre tous les trous que font les taupes dans les jardins de Sans-Souci ? Bonsoir, mon très cher ami. Ma nièce me mande que je dis trouver dans vous bien de la consolation, et elle a raison. On a créé pour Moncrif la place de secrétaire général des postes de France. Moncrif est plus vieux que moi. Il ne fait peut-être pas mieux des vers, mais il se porte bien. Ah ! Mon cher ami, la perte de la santé, à trois cent lieues de sa famille, est bien horrible ! Conservez la vôtre et goûtez le bonheur d’être auprès de votre adorable maitre.

 

 

 

 

 Après ceci, on peut remercier le Grand Architecte en chantant ! : http://www.youtube.com/watch?v=m3gd6uCD2FM&feature=related

 

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10/02/2010 | Lien permanent

Pour moi je ne me mêle en aucune façon de cette querelle

"Pour moi je ne me mêle en aucune façon de cette querelle"

Laquelle , il y en a tant et tant ?

Les Renseignements Généraux auraient-ils été dépassés, pas au courant de ce qui était publié ?

 

Frédéric Mitterrand doit-il démissionner ?

 

Est-il homme à dire, comme je l'ai entendu il y a environ vingt-cinq ans de la bouche d'un queutard impénitent :"chez moi, c'est la petite tête qui mêne la grande" ?

Amis de la poésie et de la télé-réalité, vous appréciez !

Pour avoir lu quelques pages de F. M., la réponse est "non", pas de confusion entre vie sexuelle et travail, pas de démission pour ce motif .

 

Chère Marine (sans voile , surtout  islamique ! ) Le Pen (sans -cil, ni -duick) je ne sais comment vous vous comportez au déduit, toujours est-il que ce sera sans moi !

Je préfère la franchise d'un homme qui a eu le courage de se dévoiler, à la prétendue défense de la nation par une femme qui ment comme elle respire (elle peut plaider les circonstances atténuantes si ça lui chante avec un père pareil : no comment ! ).

 

cartedepolice.jpgAprès l'enquête sur l'état des biens des hommes politiques appelés au pouvoir, réclamons , "ô ministres intègres", un enquète sur leur vie sexuelle présente, passée et à venir . Enfin pour ceux qui en ont une ! Preuves à l'appui, avec rapports de notaires ou huissiers ? Y-aura-t-il un corps nouveau d'inspecteurs la-bavure ? C'est dit, je n'ai pas encore de prétention à un poste ministériel, mais je regarderai désormais sous mon lit avant de me coucher (même seul ! ) .

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« A Charlotte-Sophie Von Altenburg, comtesse de Bentinck

 

                            J’ai eu l’honneur, Madame, de voir le jeune  homme que vous m’avez adressé [Pierre-François Hugues, dit Hancarville, accusé de changement d’identité et d’essai d’escroquerie, mais ensuite auteur d’un Essai «  de morale et de politique » dont V* fait éloge au roi], et je chanterai ses louanges.

 

                            Voici  paquet sur la dispute de Koenig tel que je viens de le recevoir par la poste de Berlin. J’ai été effrayé des manœuvres de Maupertuis auprès de Mme la princesse d’Orange . Cela est bien insolent, et quand avec cela on a tort, quel nom donner à de tels procédés ? Je vous supplie, Madame, de vouloir bien me renvoyer le paquet avec l’enveloppe, quand vous en aurez fait prendre  copie si vous le jugez à propos.

 

                            On prétend que la lettre que vous trouverez dans ce paquet est d’un M. Joncourt, ami de Koenig [« Professeur en mathématiques et en théologie à Bois-le-Duc », écrit la comtesse à sa mère ; sans doute Elie de Joncourt, traducteur de Berkeley, Lyttelton, Wallace … . Il s’agit –d’après la lettre de la comtesse- de la « Réponse d’un académicien de Berlin à un académicien de Paris » et qui est certainement de V*] . Apparemment qu’on envoie à beaucoup d’autres personnes des copies de cette lettre et de l’Extrait de Cologne [« Extrait de la gazette manuscrite de Cologne du 18 août 1752 » où sont mentionnées toutes les pressions que Maupertuis cherche à faire exercer sur Koenig pour lui imposer silence.]

 

                            Pour moi je ne me mêle en aucune façon de cette querelle. Je ne suis point ami de Maupertuis et je déclare que je trouve son livre et son procédé mauvais. Mais le roi sait que je m’occupe d’autre chose que de ces querelles. Je vous supplie instamment, Madame, de bien dire partout que je n’écris ni pour l’un, ni pour contre. Je laisse Maupertuis tyranniser, cabaler, voyager, et mourir d’une réplétion d’orgueil, et je reste tranquille.

 

                            Je vous ai mandé naïvement ce qu’on pensait ici au sujet de l’homme que vous protégez [le 9 octobre il a écrit à la comtesse que le roi est au courant de la conduite passée du jeune homme]. Pour moi qui ne le connais que par son ouvrage [Sans doute l’ « Essai de politique et de morale calculée » qui sera publié en 1759] et par les bontés dont vous l’honorez, je lui trouve beaucoup d’esprit et je voudrais bien lui rendre service. Mais ma plus grande envie est d’être incessamment à vos pieds et de vous renouveler les sentiments respectueux de l’attachement le plus inaltérable.

 

                            V.

                            Potsdam 11 octobre 1752. »

 

 

 

P.-F. Hugues, dit d’Hancarville : http://en.wikipedia.org/wiki/Pierre-Fran%C3%A7ois_Hugues_d'Hancarville :

«  … le jeune homme que vous m’avez adressé, et je chanterai ses louanges », «… je  lui trouve beaucoup d’esprit et je voudrais bien lui rendre service » :

d’après ces quelques renseignements Wiki, vous pouvez constater que Volti a eu du flair en décelant les talents multiples (vraiement multiples !! )de ce gaillard érudit et entreprenant, véritable homme cultivé (touche-à-tout ! vous confirmez, Mesdames ? ).

 

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12/10/2009 | Lien permanent

Ajoutons encore, je vous en prie, que des discours entortillés de politique sont encore pires que la fadeur

... Et ceux de la religion sont bien du même tonneau, imbuvables , en ce jour où l'on célèbre un des premiers astronautes, Jésus, qui rejoint la cohorte aérienne des prophètes juifs anciens , Mohammed et son cheval volant, et la foule des dieux que se plaisent à adorer tant d'humains crédules .

 

 

« Au cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis

Aux Délices , 14 mai [1763] 1

Votre Éminence m’a écrit une lettre instructive et charmante. Je pense comme elle . L’extravagant vaut mieux que le plat . Ajoutons encore, je vous en prie, que des discours entortillés de politique sont encore pires que la fadeur. Je pousse le blasphème si loin, que si j’étais condamné à relire ou l’Héraclius de Corneille ou celui de Calderon, je donnerais la préférence à l’espagnol.

J’aime mieux Bergerac et sa burlesque audace,

Que ces vers où Motin se morfond et nous glace.2

Daignez donc me rendre raison de la réputation de notre Héraclius. Y a-t-il quelque vraie beauté, hors ces vers :

O malheureux Phocas ! ô trop heureux Maurice !

Tu recouvres deux fils pour mourir après toi :

Je n’en puis trouver un pour régner après moi.3

et encore ces vers ne sont-ils pas pris de l’espagnol ?4

Cette Léontine, qui se vante de tout faire et qui ne fait rien, qui n’a que des billets à montrer, qui parle toujours à l’empereur comme au dernier des hommes, dans sa propre maison, est-elle bien dans la nature ? Et ce Phocas, qui se laisse gourmander par tout le monde, est-il un beau personnage ? Vous voyez bien que je ne suis pas un commentateur idolâtre, comme ils le sont tous. Il faut tâcher seulement de ne pas donner dans l’excès opposé. Je tremble de vous envoyer Olympie, après avoir osé vous dire du mal d’Héraclius. Si Votre Éminence n’a pas encore reçu Olympie imprimée, elle la recevra bientôt d’Allemagne . C’est toujours une heure d’amusement de lire une pièce bonne ou mauvaise, comme c’est un amusement de six mois de la composer, et il ne s’agit guère, dans cette vie, que de passer son temps.

Votre Éminence passera toujours le sien d’une manière supérieure ; car, avec tant de goût, tant de talent, tant d’esprit, il faut bien qu’un cardinal vive plus agréablement qu’un autre homme. Je conçois bien que le doyen du sacré-collège, avec la gravelle et de l’ennui, ne vaut pas un jeune cordelier . Mais vous m’avouerez qu’un cardinal de votre âge et de votre sorte, qui n’a devant lui qu’un avenir heureux, peut jouir comme vous faites, d’un présent auquel il ne manque que des illusions.

Vous êtes bon physicien, monseigneur ; vous m’avez dit que je perdrais ma qualité de quinze-vingts avec les neiges. Il est vrai que la robe verte de la nature m’a rendu la vue ; mais que devenir quand les neiges reviendront ? Je suis voué aux Alpes. Le mari de mademoiselle Corneille y est établi. J’ai bâti chez les Allobroges ; il faut mourir allobroge. Il nous vient toujours du monde des Gaules ; mais des passants ne font pas société . Heureux ceux qui jouissent de la vôtre, et qui s'instruisent dans votre conversation charmante,5 s’ils en sont dignes ! Je ne jouirai pas d’un tel bonheur, et je m’en irai dans l’autre monde sans avoir fait que vous entrevoir dans celui-ci. Voilà ce qui me fâche .

Je mets à la place le souvenir le plus respectueux et le plus tendre ; mais cela ne fait pas mon compte.

Consolez-moi, en me conservant vos bontés.

Relisez l’Héraclius de Corneille, je vous en prie. »

1 Bernis a écrit à V* le 24 avril 1763 : « Notre secrétaire m'a envoyé l'Héraclius de Calderon, mon cher confrère, et je viens de lire Jules César de Shakespear […] il faut pourtant convenir que ces tragédies, toutes extravagantes ou grossières qu'elles soient, n'ennuient point . Je vous dirai à ma honte, que ces vielles rapsodies,où il y a de temps en temps des traits de génie et des sentiments fort naturels, me sont moins odieuses que les froides élégies de nos tragiques médiocres . Voyez les tableaux de Paul Véronèse, de Rubens et de tant d'autres peintres flamands ou italiens ; ils pêchent souvent contre le costume, ils blessent les convenances et offensent le goût, mais la force de leur pinceau et la vérité de leurs coloris font excuser ces défauts […] J'espère que la fonte des neiges vous rendra la vue, et que vous perdrez bientôt ce côté de ressemblance avec le bon Homère […] Le château du Plessis dont vous me demandez des nouvelles, appartient à un de mes parents qui me le prête six mois de l'année . Il est à dix lieues de Paris, dans une situation riante, à côté de la forêt d'Hallate […] Quand vous voudrez me renvoyer Olympie au sortir de sa toilette, elle sera bien reçue . Je retourne dans quinze jours à Vic-sur-Aisne, pour y passer l'été . Ainsi adressez, à cette époque , vos lettres à Soissons . »

2 Art poétique, IV, 39-40 ; Boileau .

3 Héraclius, IV, 4 ; Corneille . trop heureux est corrigé en malheureux sur le manuscrit .

4 Voir l'article « Art dramatique [du théâtre espagnol] » dans le Dictionnaire philosophique ; https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_philosophique/Garnier_(1878)/Art_dramatique

 

5 Ces huit mots manquent dans les éditions .

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10/05/2018 | Lien permanent

Je promets à Votre Majesté que tant qu'elle me fera la grâce de me loger aux châteaux, je n'écrirai contre personne

autographe volti 1750.jpg

Je te promets : http://www.deezer.com/listen-3143598

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                        Je promets d'essayer :

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                                      Mais finalement, Je n'te promets rien (ainsi devait penser Volti en son fors intérieur ):

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Je préfère de beaucoup l'écriture de Volti,( -comme dans cette lettre à Marie-Louise ):

http://www.christies.com/lotfinder/lot_details.aspx?intOb...  -,

à celle de Frédéric II : voir

http://www.museedeslettres.fr/public/detail_oeuvre.php?id...

(et ne parlons pas de celle de JJ R. qui me tire les yeux hors de la tête ) : chercher Rousseau sur : http://rde.revues.org/index4152.html

NDLR - Tiré à part : 

En oiseau de nuit, je suis revenu sur lien mis dans les favoris il y a quelques mois, Dailymotion , et ai renoué avec France Inter . Je ne le regrette pas, car le hasard faisant bien les choses, je suis tombé sur ceci :

http://www.dailymotion.com/video/xf5ihe_justice-or-not-ju...

et je vous laisse deviner ce qui m'a plu avant même le premier mot du journaliste ! Je compte bien continuer à l'écouter .

 

 

« A Frédéric II, roi de Prusse

 

Je promets à Votre Majesté que tant qu'elle me fera la grâce de me loger aux châteaux, je n'écrirai contre personne, soit contre le gouvernement de France i, contre les ministres, soit contre d'autres souverains, ou contre des gens de lettres illustres envers lesquels on me trouvera rendre les égards qui leur sont dus ii. Je n'abuserai point des lettres de Sa Majesté et je me gouvernerai d'une manière convenable à un homme de lettres qui a l'honneur d'être chambellan de Sa majesté, et qui vit avec des honnêtes gens.

 

Fait à Potsdam ce 27 novembre 1752 iii.

 

 

J'exécuterai, Sire, tous les ordres de Votre Majesté et mon cœur n'aura pas de peine à lui obéir. Je la supplie encore une fois de considérer que jamais je n'ai écrit contre aucun gouvernement, encore moins contre celui sous lequel je suis né, et que je n'ai quitté que pour venir achever ma vie à vos pieds. J'ai été historiographe de France, et en cette qualité j'ai écrit l'histoire de Louis XIV et celle des campagnes de Louis XV que j'ai envoyées à M. d'Argenson iv. Ma voix et ma plume ont été consacrées à ma patrie, comme elles le sont à vos ordres. Je vous conjure d'avoir la bonté d'examiner quel est le fond de la querelle de Maupertuis, je vous conjure de croire que j'oublie cette querelle puisque vous me l'ordonnez. Je me soumets sans doute à toutes vos volontés. Si Votre Majesté m'avait ordonné de ne me point défendre v, et de ne point entrer dans cette dispute littéraire, je lui aurais obéi avec la même soumission. Je la supplie d'épargner un vieillard accablé de maladies et de douleurs, et de croire que je mourrai aussi attaché à elle que le jour où je suis arrivé à sa cour.

 

Voltaire. »

 

i Après avoir mentionné cette déclaration, le Journal de la Librairie ajoute : « Il faut apparemment qu'il ait fait quelque ouvrage pour ce pays-ci. », ce qui fit en France l'effet désiré par Frédéric. C'est apparemment un des raisons qui ont empêché l'installation de V* en France à son retour.

ii A Koenig, le 17 novembre, V* écrit une lettre ostensible où il se déclare convaincu par son Appel au public et il condamne les menées de Maupertuis et ridiculise les suggestions faites par celui-ci dans ses Œuvres .On vient, le 27, de découvrir que V* a envoyé à l'imprimeur le 25, la Diatribe du Docteur Akakia (imprimeur Luzac à Leyde).

iii Toute cette première partie est de la main du roi.

iv Envoi du 3 octobre 1752.

v Évocation de la « calomnie » de Maupertuis disant au roi de Prusse que V* aurait déclaré que Frédéric lui donnait son linge sale ( ses œuvres ) à blanchir ; cf. lettre à d'Argental du 26 février 1753 .

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27/11/2010 | Lien permanent

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