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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Protégez bien Ferney, Madame, car il peut devenir quelque chose de bien joli

Note rédigée le 2 septembre 2011 pour parution le 5 octobre 2010

 

"Protégez bien Ferney", Monsieur le maire François Meylan, "car il peut devenir quelque chose de bien joli" .

Ce message tombera-t-il dans l'oreille d'un sourd ? J'espère bien que non  .

En tout cas, j'aime bien le remarquable empêcheur de tourner en rond /détourner les ronds , qui figure dans l'article suivant : http://www.paperblog.fr/584983/voltaire-meylan-decotte-et-le-chatelard/

façade est chateau volti.jpgL'arbre du premier plan, qui enquiquinait bien ceux qui voulaient photographier le chateau depuis le portail principal, a été abattu, car malade .

 

 

« A Anne-Madeleine-Louise-Charlotte-Auguste de La Tour du Pin de Saint-Julien 1

 

5è octobre 1775

 

Protégez bien Ferney, Madame, car il peut devenir quelque chose de bien joli. Figurez-vous qu'hier le bas de votre maison était illuminé, que toute votre ville l'était depuis le fond du jardin du château, jusqu’aux défrichements, et jusqu'au grand chemin de Meyrin , que toutes les troupes étaient sous les armes, et escortaient quarante cinq carrosses au bruit du canon . Il y eût un très beau feu d'artifice ; et la journée finit comme toutes les journées, par un grand souper .

 

Vous me demanderez pourquoi tout ce tintamarre ? C'était , ne vous déplaise, pour M. St François d'Assise . Et pourquoi tant de fracas pour ce saint ? C'est qu'il est mon patron, et que ce n’était pas ce jour là la fête de Monsieur Saint Julien, car on en aurait fait davantage pour lui . Saint François se met toujours aux pieds de Saint Julien . Nos ennemis continuent toujours d'assurer que notre affaire ne se fera point ; que le Conseil n'est point de l'avis de M. Turgot, et qu'on n'ira pas changer les usages du royaume pour un petit pays aussi chétif que le nôtre 2. Je les laisse dire, et je m'en rapporte à vous . Ils crient que M. Trudaine a déjà voulu une fois tenter ce changement, et n'a pu y réussir 3. Et moi je suis sûr qu'il réussira quand vous lui aurez parlé .

 

J'accable de lettres notre protectrice . J'ai tant de plaisir à lui parler du bien qu'elle nous fait, que j'oublie même de lui demander pardon de la vivacité de mes importunités . Elle sait que je suis encore plus occupé d'elle que de ses bienfaits ; elle sait que mon cœur, tout vieux qu'il est, est peut-être encore plus sensible aux grâces que pénétré de reconnaissance ; elle sait combien j’aimerais à lui écrire, quand même je n'aurais point de remerciements à lui faire .

 

Agréez, Madame, les respects de votre ville, et surtout les miens .

 

V. »

 

1 Voir note 8 : [PDF] LA MAISON FUSIER voltaire-a-ferney.org/resources/Les+th$C3$A9$C3$A2tres+de+Voltaire.pdf

2 Voir ces projets de changement, concernant notamment la suppression des corvées, du monopole du sel , … lettre du 29 août 1775 à Moultou : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/08/28/attendez-vous-vous-autres-genevois-nos-voisins-aux-choses-le.html

3 En 1761 ; lettre à V* du 22 mars .

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05/10/2010 | Lien permanent

Une terre reste . Tout autre bien peut être englouti .

... Avant le déluge, avant la hausse des océans, gardons bien les pieds sur terre . Mais attention , nous n'avons qu'UNE terre !

 

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« A Jean-Robert Tronchin

à Lyon

Aux Délices 27 décembre [1758]

Une balle de café encore ! Que dira le docteur ? Mais n'importe mon cher monsieur il faut céder à l'usage . Cette balle n'est pas pour moi mais pour mes convives . Le sucre est très à propos car quoi que fasse M. Berger il renchérira . On dit que Borde ou Laborde 1 est brouillé avec Crésus Montmartel . Dans quelle abbaye enverra-t-on Borde ? Qu'on remplisse la loterie, et les rentes viagères tant qu'on voudra . Moi je veux du blé, du bois, du vin et des fourrages . Une terre reste . Tout autre bien peut être englouti . Je veux mourir laboureur et berger .

S'il en est temps encore, si je ne lasse pas vos bontés et vos complaisances, 4 fusils je vous en prie, très simples, très bons . Point de fusil à deux coups, engin lourd et difficile à manier 2. Grand pardon, et grande reconnaissance .

Votre très humble et très obéissant serviteur .

V. »

1 Jean-Joseph de Laborde , fameux banquier parisien .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Joseph_de_Laborde

 

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15/01/2014 | Lien permanent

Nous saurons si les eaux vous ont fait du bien, si vous digérez

Note rédigée le 13 septembre 2011 pour parution le 22 août 2011 .

http://www.deezer.com/listen-13690508  : Careless love

deux solitaires.jpg

http://www.estampe.fr/DEUX-SOLITAIRES-p-2999.html

 

 

 

« A Marie-Elisabeth de Dompierre de Fontaine

à Paris

 

A Colmar, le 22 août [1754]

 

Je veux vous écrire , ma chère nièce, et je ne vous écris point de ma main, parce que je suis un peu malade ; et me voilà sur mon lit sans en rien dire à votre sœur . J'espère que vous trouverez ma lettre à votre arrivée à Paris . Nous saurons si les eaux vous ont fait du bien, si vous digérez ; si vous et votre fils 1 vous faites toujours de grand progrès dans la peinture ; si l'abbé Mignot 2 a obtenu enfin quelque bénéfice .

 

Vous allez avoir le Triumvirat 3; ainsi ce n'est pas la peine d'envoyer mes magots de la Chine 4. Je ne peux d'ailleurs avoir absolument que trois magots ; les cinq seraient secs comme moi ; au lieu que les trois ont de gros ventres comme les Chinois . Votre sœur en est fort contente . Ils pourront un jour vous amuser ; mais à présent il ne faut rien précipiter .

 

Ne hâtons pas plus nos affaires en France qu'à la Chine ; ne faites nul usage, je vous prie du papier que vous savez 5; nous avons quelque chose en vue, Mme Denis et moi, du côté de Lyon . On dit que cela sera fort agréable . Nous vous en rendrons bientôt compte .

 

Je me lève pour vous dire que nous sommes ici deux solitaires qui vous aimons de tout notre cœur . »

 

1 Alexandre-Marie-François de Paule de Dompierre d'Hornoy, alors agé de douze ans , deviendra conseiller au parlement de Paris , fils de Nicolas-Joseph de Dompierre (qui mourra en 1756 ) .

2 Alexandre-Jean des Aunais , dit abbé Mignot, avocat et conseiller clerc au Grand Conseil en 1750.

3 Le Triumvirat ou La Mort de Cicéron, pièce de Crébillon père, sera représentée le 23 décembre 1754 . http://fr.wikipedia.org/wiki/Prosper_Jolyot_de_Cr%C3%A9billon

4 L'Orphelin de la Chine .

5 Concernant l'acquisition d'une terre .

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22/08/2011 | Lien permanent

Tout doit être sacrifié au bien du pays, et tout le sera sans doute

... J'adore ce futur et le doute introduit par ce "sans doute" qui laissent toute opportunité face au sacrifice pour le bien du pays . On croirait une promesse électorale ; nos élus et futurs élus n'ont malheureusement pas la qualité de Voltaire qui joignit les actes aux paroles . Et les faits montrent qu'il ne suffit pas non plus se targuer d'être d'une promotion "Voltaire" de l'ENA pour être digne de ce grand homme , n'est-ce pas petit François and C°?

https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_d'%C3%A9narques_par_p...

Qu'avez-vous sacrifié pour le bien du pays ?

Afficher l'image d'origine

En colère, moi ?

 

« A Louis-Gaspard Fabry, maire et

subdélégué

à Gex

Monsieur, si le vent est moins violent dimanche, je vous prie à dîner à deux heures précises ; nous viendrons à Ferney exprès pour vous ; vous ne devez pas douter de mon amitié, et je compte sur la vôtre . L'affaire des marais sera très aisée à arranger, elle est très importante .

Mon malheureux parent qui est paralytique depuis un an, ne l'est que pour être allé à la chasse, auprès de ce marais pernicieux ; on a enterré il y a un mois, à Ferney, un jeune homme que la même cause avait réduit au même état ; un de mes gens a été grièvement malade, tous les bestiaux qui paissent auprès de ce lieu infecté sont d'une maigreur affreuse . Vous savez que le village de Magny est désert ; ce marais fait tous les jours des progrès, et s'étend jusque dans mes terres . La négligence impardonnable des habitants et des seigneurs des environs, mettra enfin la contagion dans une province déjà assez malheureuse . J'en ai rendu compte à monsieur le contrôleur général, et au premier médecin du roi, qui a trouvé la chose très sérieuse . Je vous ai demandé, monsieur, pour commissaire dans cette partie . Je suis très persuadé que vous vous joindrez à nous avec tout le zèle que vous avez pour le bien public . Quelque parti qu'on prenne, je serai très content, pourvu que le marais soit desséché au printemps . Tout doit être sacrifié au bien du pays, et tout le sera sans doute, puisque vous avez la bonté d'entrer dans cette opération absolument nécessaire . Nous vous présentons Mme Denis et moi, nos très humbles obéissances ; soyez persuadé monsieur, que c'est avec les sentiments les plus vrais, et l'attachement le plus sincère, que je serai toute ma vie

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire.

Aux Délices 5è février 1761. »

 

 

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05/02/2016 | Lien permanent

portez-vous bien et combattez

... Combattez le virus en combattant d'abord vos mauvaises habitudes .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

[vers le 15 mars 1765]

Il est fort triste que frère Gabriel ait laissé échapper quelques exemplaires de La Destruction jésuitique . Cependant l'ouvrage me paraît fait avec tant d'art que je ne crois pas qu'on le défende , à moins que le parlement n'ait rendu quelque arrêt que je ne connais pas, par lequel il est ordonné à tout bon Français de ne jamais prononcer le nom de jésuite .

Bonsoir mon cher frère, ; ma santé s'altère, portez-vous bien et combattez . Je suis comme cet officier danois qui disait dans la bataille d'Hochstedt 1, je suis las, je ne puis plus tuer, tue brave Anglais, tue . Écr l'inf. »

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03/06/2020 | Lien permanent

J'ai vu en ma vie bien des hiboux se croire aigles.

... Et récemment, un coquelet nommé Sarkozy, tenter de faire briller ses plumes en premier rang, pour épater ses poules sans doute, à la limite de faire la roue (comme Lepaon ?), et de se dresser sur ses petits ergots, et de tendre le col comme pour coquericoter . Je lui prédits un avenir de volaille : la casserole (il ne sera pas besoin d'en chercher , il en traine assez pour équiper Top Chef).

 

l_affaire_coquelet.jpg

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ARGENTAL.
11 janvier 1760
Je conçois très-bien, mon divin ange, que vous enverrez plus d'un courrier pour raccommoder la balourdise de ce monsieur, soi-disant d'Aragon, qui stipula si mal les intérêts du duc de Parme dans le traité croqué d'Aix-la-Chapelle 1. Cet homme cependant passait pour un aigle. J'ai vu en ma vie bien des hiboux se croire aigles. Et que dirons-nous de ceux qui nous ont attiré cette belle guerre avec l'Angleterre, en ne sachant pas ce que c'était que l'Acadie ? Mon cher ange, le monde va comme il peut.
Je n'ai d'espérance que dans M. le duc de Choiseul. Mes annuités, actions, billets de loterie, font mille vœux pour lui.
Le tripot consolerait un peu de toutes les misères qui nous accablent ; mais, divin ange, j'ai fait bien des réflexions. Si la pièce réussit, peu de plaisir m'en revient, comme je vous l'ai déjà dit ; si elle tombe, force tribulations me circonviennent : parodies, brochures, foire, épigrammes, journaux, tout me tombe sur le corps. J'ai soixante et six ans, comme vous savez, et je ne veux plus mourir de la chute d'une pièce de théâtre.
Je vous enverrai, n'en doutez pas, la Chevalerie, à laquelle je ne peux plus rien faire ; mais je vous supplierai de ne la donner qu'à bonnes enseignes, supposé même que vous daigniez vous amuser encore à ces bagatelles, après les impertinences d'Auguste et de Cinna. J'ai lu cette sottise, et j'ai été bien étonné qu'on l'attribuât à Marmontel 2.
A l'égard de Luc, je n'ai fait autre chose qu'envoyer à M. le duc de Choiseul les lettres qu'il m'écrivait, pour lui être montrées.
Je n'ai été qu'un bureau d'adresse. Il voit d'un coup d'œil ce qu'il peut faire de ces épîtres, si tant est qu'on en puisse faire quelque chose. Mais j'ai demandé à M. le duc de Choiseul une autre grâce,
qui n'a nul rapport à Luc : voici de quoi il est question. Il faut plaire aux gens avec qui l'on vit. Le conseil de Genève a condamné à 10 000 livres d'amende un citoyen qu'il aime, et qu'il a condamné malgré lui, sur une contravention faite par son commis, dans son commerce avec la France. Son procès a été fait à la réquisition du résident du roi à Genève 3. Le coupable en question se nomme Prévost : il est le moins coupable de tous ceux qui étaient dans le même cas ; ce cas est la contrebande. Ce Prévost est ruiné : il a une femme qui pleure, des enfants qui meurent de faim. Le conseil veut bien lui remettre une partie de sa peine, mais il ne peut pas avoir cette condescendance sans savoir auparavant si M. le duc de Choiseul le trouve bon 4. Il ne veut pas en parler à M. de Montpéroux, résident de France, de peur de se compromettre, et de compromettre même le résident. On s'est donc adressé à moi. J'ai pris la liberté d'en écrire à M. le duc de Choiseul, et je vous conjure seulement d'obtenir qu'il vous dise qu'on peut faire grâce à ce pauvre diable, et qu'il n'en saura rien. Faites cette bonne œuvre le premier mardi, mon divin ange ; on ne peut mieux employer un mardi.
Joue-t-on le Gladiateur 5 ? Espère-t-on quelque chose de M. Bertin 6? Avez-vous vu M. Tronchin de Lyon ? Avez-vous reçu quelque consolation de Cadix? Payera-t-on nos rentes? Madame Scaliger, comment vous portez-vous ? Je baise bien tendrement le bout de vos ailes; autant fait Mme Denis.
Vraiment, mon divin ange, j'oubliais l'abbé d'Espagnac. Je ne croyais pas qu'avec de l'argent vous eussiez besoin d'un pouvoir.
Votre nom seul est pouvoir ; mais voilà la pancarte que vous ordonnez. »

1 Du 18 d'octobre 1748, avec le comte Saint-Séverin d’Aragon, qui représenta la France au congrès d’Aix-la-Chapelle , avait accordé les duchés de Parme , Plaisance et Guastalla à Don Philippe ; sur des compensations en faveur de ce dernier, voir lettre du 14 janvier 1760 de Choiseul à V* , en note iv de la lettre du 26 janvier de V* à la duchesse de Saxe-Gotha : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/01/26/j-aurai-toujours-beaucoup-de-respect-pour-les-belles-et-tout.html

2 La parodie de la scène 1re de l'acte II de Cinna, de Bay de Cury, intendant des menus-plaisirs, qui, ayant, dans un prologue, tourné en ridicule les gentilshommes de la chambre, fut obligé de quitter sa charge. Quelque temps après, et en 1i59, il fit cette parodie de Cinna pour laquelle fut persécuté Marmontel, à qui on l'attribua. Cette parodie, dont les interlocuteurs sont le duc d'Aumont, d'Argental et Lekain, a été imprimée à la fin du tome second du Journal de Collé, mais n'est pas dans tous les exemplaires. ( Beuchot)
La parodie de
Cinna dont Bay de Cury est l'auteur a été donnée par M. Maurice Tourneux dans son édition de la Correspondance de Grimm, tome IV, page 184; Paris, Garnier frères, 1878.

3 Montpéroux.

4 Choiseul était déjà intervenu en faveur de Jean Prévost .

5 Spartacus, de Saurin, qui devait être joué le 22 février 1760 ; voir lettre du 24 octobre 1759 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/11/06/j...

 

6 Henri-Léonard-Jean-Baptiste Bertin, lieutenant général de police en octobre 1757, et contrôleur général des finances le 21 novembre 1759, successeur de Silhouette, puis ministre d'État en 1762. Voir : http://data.bnf.fr/12491592/henri_leonard_jean-baptiste_bertin/

et : http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Bertin

 

 

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18/01/2015 | Lien permanent

il est bien bavard, bien rhéteur, bien entortillé, et vous présente toujours sa pensée comme une tarte des quatre façons

... Et c'est là qu'on se dit que le métier de journaliste n'est pas rose tous les jours !

Mais qui est ce "il" ? 

Qui vous voudrez, selon vos accointances politiques ; chacun voyant midi à sa fenêtre, je vous laisse encadrer qui vous voulez (par opposition au proverbial : "celui-là, je ne peux pas l'encadrer !" ) .

Notre bienveillante télévision qui cherche à nous instruire a (encore ! ) diffusé un débat de candidats bavards à défaut d'être créatifs ...

 

... -Personne ne sortira de cette pièce avant que nous n'ayons pu répondre à ces deux questions:
 a) Qui a organisé cette réunion? b) Dans quel but ?

 http://emagicworkshop.blogspot.fr/2015/06/voutch-outch-ou...

 

 

« A Henri Lambert d'Herbigny, marquis de Thibouville

26è janvier 1762, aux Délices

Je vous jure, mon cher marquis, que le Droit du Seigneur, qu’on intitule sottement l’Ecueil du Sage, est une pièce meilleure sur le papier qu’au théâtre de Paris ; car à ce théâtre on a retranché et mutilé les meilleures plaisanteries ; votre nation est légère et gaie, je l’avoue ; mais pour plaisante, elle ne l’est point du tout. Vous n’avez pas, depuis le Grondeur 1, un seul auteur qui ait su seulement faire parler un valet de comédie. Je conviens que l’intérêt et le pathétique ne gâtent rien ; mais sans comique point de salut. Une comédie où il n’y a rien de plaisant n’est qu’un sot monstre. J’aime cent fois mieux un opéra-comique que toutes vos fades pièces de La Chaussée. J’étranglerais mademoiselle Dufresne 2 pour avoir introduit ce misérable goût des tragédies bourgeoises, qui est le recours des auteurs sans génie. C’est à ce pitoyable goût qu’on doit le retranchement des plaisanteries du Droit du Seigneur. Je m’intéresse fort à cette pièce ; je sais qu’on me l’attribue, mais je vous jure qu’elle est d’un académicien de Dijon 3. Regardez-moi comme un malhonnête homme si je vous mens. Je vous prie, vous et vos amis, de le dire à tout le monde ; nous jouerons incessamment cette pièce sur un théâtre charmant, que vous devriez bien venir embellir de vos talents admirables.

On dit que mademoiselle Dubois n’a pas joué Atide en fille d’esprit, et que Brizard est à la glace : ce n’est pas ainsi que nous jouons la comédie chez nous. Comptez qu’à tout prendre, notre tripot vaut bien le vôtre. Mademoiselle Corneille joue Colette comme si elle était l’élève de mademoiselle Dangeville , c’est une laideron très jolie et très bonne enfant ; j’ai fait en elle la meilleure acquisition du monde; monsieur son oncle me fatigue un peu , il est bien bavard, bien rhéteur, bien entortillé, et vous présente toujours sa pensée comme une tarte des quatre façons ; cependant il faut le commenter ; vous êtes sans doute sur la liste ; ce sont les Cramer qui sont chargés des détails ; pour moi, je ne me mêle que d’être un très pesant commentateur, beaucoup moins pour le service de l’oncle que pour celui de la nièce. Entre nous vive Racine , malgré sa faiblesse. »

2 Mlle Quinault ou Dufresne la jeune .

3 V* ne ment pas , – ou presque pas, – il est effectivement membre de l'académie de Dijon .

 

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21/01/2017 | Lien permanent

Les Turcs n’ont que ce qu’ils méritent en étant gouvernés par un si sot homme ; mais cet homme, tout sot qu’il est, fera

... C'est vrai au XXIè siècle comme ça l'a été du temps de Voltaire, Erdogan est aussi pourri que Moustapha III, et sachant qu'il a été démocratiquement élu n'est pas rassurant sur l'état d'esprit du peuple qui veulement donne le pouvoir à un dictateur avant de simplement l'égratigner au plan local : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/eclairage/e...

Petit espoir d'éloigner le sabre des nuques kurdes et tous autres opposants ?

Sale temps au Moyen Orient !

 

 

 

« Au comte Alexandre Romanovitch Vorontsov

Au château de Ferney ce 26è février 1769 1

Monsieur,

Votre lettre du 19è de décembre 2 m’a été rendue par M. le prince de Koslouski. Ce n’a pas été la moindre de mes consolations dans mes maladies, qui me rendent presque aveugle. Toutes les bontés dont votre inimitable impératrice m’honore, et ce qu’elle fait pour la véritable gloire, me font souhaiter de vivre. Heureux ceux qui verront longtemps son beau règne ! La voilà, comme Pierre le Grand, arrêtée quelque temps dans sa législation par des Turcs, qui sont les ennemis des lois comme des beaux-arts.

Il n’y avait rien de si admirable, à mon gré, que ce qu’elle faisait en Pologne. Après y avoir fait un roi, et un très bon roi, elle y établissait la tolérance, elle y rendait aux hommes leurs droits naturels ; et voilà de vilains Turcs, excités je ne sais par qui (apparemment par leur Alcoran et par MM. de l’Évangile), qui viennent déranger toutes mes espérances de voir la Pologne délivrée du tribunal du nonce du pape. Le nom d’Allah et de Jehovah soit béni ! mais les Turcs font là une méchante action.

Eh bien , monsieur, si vous aviez été ministre à Constantinople au lieu de l’être à la Haye, vous auriez donc été fourré aux Sept-Tours par des Capigi-Bachi ? Je voudrais bien savoir quel plaisir prennent les puissances chrétiennes à recevoir tous les jours des nasardes sur le nez de leurs ambassadeurs, dans le divan de Stamboul. Est-ce qu’on ne renverra jamais ces barbares au delà du Bosphore ? Je n’aime pas l’esclavage, il s’en faut beaucoup ; mais je ne serais pas fâché de voir des mains turques un peu enchaînées cultiver vos vastes plaines de Kazan et manœuvrer sur le lac Ladoga . Tous les souverains sont des images de la divinité 3, on le leur dit tant dans les dédicaces des livres et dans les sermons qu’on prêche devant eux, qu’il faut bien qu’il en soit quelque chose ; mais il me semble que Moustapha ressemble à Dieu comme le bœuf Apis ressemb[l]ait à Jupiter. Les Turcs n’ont que ce qu’ils méritent en étant gouvernés par un si sot homme ; mais cet homme, tout sot qu’il est, fera couler des torrents de sang. Puisse-t-il y être noyé ! Ou je me trompe, ou voilà un beau moment pour la gloire de votre empire. Vos troupes ont vaincu les Prussiens, qui ont vaincu les Autrichiens, qui ont vaincu les Turcs. Vous avez des généraux habiles, et l’imbécile Moustapha prend le premier imbécile de son sérail pour être son grand vizir. Ce grand vizir donne des corps à commander à ses pousses 4; si ces gens-là vous résistent, je serai bien étonné.

Je ne le suis pas moins que la plupart des princes chrétiens entendent si mal leurs intérêts. Ce serait un beau moment à saisir par l’empereur d’Allemagne ; et pourquoi les Vénitiens ne profiteraient-ils pas du succès de vos armes pour reprendre la Grèce 5, dont je les ai vus en possession dans ma jeunesse . Mais pour de telles entreprises il faut de l’argent, des flottes, de l’adresse, de la célérité, et tout cela manque quelquefois. Enfin j’espère que vous vous défendrez bien sans le secours de personne. Je vois, avec autant de plaisir que de surprise, que cette secousse ne trouble point l’âme de ce grand homme qu’on appelle Catherine. Elle daigne m’écrire des lettres charmantes, comme si elle n’avait pas autre chose à faire. Elle cultive les beaux-arts, dont les Ottomans n’ont pas seulement entendu parler, et elle fait marcher ses armées avec le même sang-froid qu’elle s’est fait inoculer. Si elle n’est pas pleinement victorieuse, la Providence aura grand tort. Je veux que vous soyez grand effendy dans Stamboul avant qu’il soit deux ans.

Agréez, monsieur, les sincères assurances du tendre respect que vous a voué pour sa vie,

monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. "

1 Original signé ( section de Leningrad de l'Institut d'Histoire de l'Académie des sciences de l'URSS, lettres de Voltaire) : copie du XIXè siècle qui a été suivie et dont l'exactitude est confirmée par Lyublinsky ; éd. Kehl.

3 Voir Dictionnaire philosophique, article Guerre page 318 note 1 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome19.djvu/328

4 Ce terme familier signifie selon Littré « agents subalternes employés à mettre à exécution des contraintes oar corps » . Sans doute V* pense-t-il au chiaou-bachi, qui, en fait, est une sorte de chef supérieur da la police . À la cour ottomane, comme dna sle reste des autres cours du temps, lees chefs militaires se voyaient confier en temps de paix diverses responsabilités administratives .

5 Les Vénitiens conquirent la Morée (Péloponnèse) en 1686 et 1687, et il la conservèrent par le traité de Carlowitz en 1699. Ils la perdirent dans la guerre de 1715.

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28/08/2024 | Lien permanent

Tout le reste se fera bien facilement

... Car ainsi que le disent les PFG : "mourez, nous ferons le reste" *.

*NDLR -- James se permet un peu d'humour noir pour conjurer l'actualité .
 

Plus sérieusement, merci à Max Gallo pour son choix de titre et d'avoir prêté son talent de conteur pour faire connaître une facette de cette pierre précieuse qu'est Voltaire, l'académicien du fauteuil 24 nous parlant de celui du fauteuil 33 . Je n'ai que feuilleté cet ouvrage, faute de temps, et de ce fait je connais mieux Gallo par son "Que sont les siècles pour la mer" lu à une époque sans ordinateur, et qui m'avait agacé par ses idées politiques . Bast ! il a fait du mieux qu'il savait .

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 https://fr.wikipedia.org/wiki/Max_Gallo

 

 

« A Anne-Rose Calas

On se trompe beaucoup quand on dit que Mme de P[ompadour] ne s'intéresse pas à l'affaire ; il est vrai qu'elle ne peut ni ne doit agir ouvertement, mais il est certain qu'elle est très touchée d'une si horrible injustice, qu'elle rendra tous les services possibles sans se compromettre ; voilà sur quoi madame C[alas] peut compter . Il ne faut pas s'étonner si M. de Saint-Florentin a reçu le placet sans le lire, on ne lit guère de placets à l'audience . Il faudrait que l'audience tint vingt-quatre heures pour les lire tous .

Il ne faudrait pas s'étonner qu'on ne rendit à madame C ses filles qu'après la révision du procès .

Le gain de ce procès me paraît sûr . M. le premier président de Nicolaï est celui qui a agi le plus fortement auprès de monsieur le chancelier . Il serait bon que madame C allât le remercier quand il sera à Paris .

Tout ce qu'on a fait jusqu'à présent a consisté à disposer favorablement les esprits, à émouvoir la compassion publique, et à exciter l'indignation . Tout le reste se fera bien facilement . Madame C peut être tranquille . Elle sera très bien servie par MM. Mariette et de Beaumont, et on prend de tous côtés les meilleures mesures en sa faveur .

Quant au jeune Lavaysse, c'est assez qu'il rende justice à la vérité dans le cours du procès, mais il ne doit pas négliger de faire connaître cette vérité à tous les particuliers auxquels il pourra parler . C'est un devoir dont il ne peut se dispenser, et dont sans doute il s'acquittera . En un mot madame C se repose sur son innocence, et sur le zèle inaltérable de ceux qui s'intéressent à son affaire .

Du 25è août [1762] 1»

1 Copie par Debrus avec deux annotations de date , « 63 » et « 63-4 » ; l'édition Lettres inédites donne la bonne date ici retenue .

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20/07/2017 | Lien permanent

qui méprise les grands peut bien mépriser les sots

Des sots gentils :

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Du mépris à la méprise, de la méprise au mépris ...

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http://www.deezer.com/listen-3624560

 

Mépris , Le Mépris : assez emphatique !

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« A Nicolas-Claude Thiriot

[Monsieur Thiriot l'aîné

rue des Prouvères à Paris]

A Londres 4 août v.s. [15 n.s.] 1728



Voici qui vous surprendra, mon cher Thiriot, c'est une lettre en français. Il me paraît que vous n'aimez pas assez la langue anglaise pour que je continue mon chiffre avec vous. Recevez donc en langue vulgaire les tendres assurances de ma constante amitié. Je suis bien aise d'ailleurs de vous dire intelligiblement que si on a fait en France des recherches de La Henriade chez les libraires ce n'a été qu'à ma sollicitation ; j'écrivis il y a quelque temps à M. le garde des Sceaux et à M. le lieutenant de police de Paris pour les supplier de supprimer les éditions étrangères de mon livre [i], et surtout celles où l'on trouverait cette misérable critique dont vous me parlez dans vos lettres [ii]. L'auteur est un réfugié connu à Londres, et qui ne se cache point de l'avoir écrite. Il n'y a que Paris au monde où l'on puisse me soupçonner de cette guenille. Mais odi profanum vulgus et arceo [iii], et les sots jugements et les folles opinions du vulgaire ne rendront point malheureux un homme qui a appris à supporter des malheurs réels, et qui méprise les grands peut bien mépriser les sots. Je suis dans la résolution de faire incessamment une édition correcte du poème auquel je travaille toujours dans ma retraite. J'aurais voulu, mon cher Thiriot, que vous eussiez pu vous en charger pour votre avantage et pour mon honneur [iv]. Je joindrai à cette édition un essai sur la poésie épique qui ne sera point la traduction d'un embryon anglais mal formé [v] mais un ouvrage complet et très curieux pour ceux qui quoique nés en France veulent avoir une idée du goût des autres nations. Vous me mandez que des dévots gens de mauvaise foi ou de très peu de sens ont trouvé à redire que j'aie osé, dans un poème qui n'est point un colifichet de roman, peindre Dieu comme un être plein de bonté et indulgent aux sottise de l'espèce humaine. Ces faquins-là feront tant qu'il leur plaira de Dieu un tyran, je ne le regarderai pas moins comme un être aussi bon et aussi sage que ces messieurs sont sots et méchants.



Je me flatte que vous êtes pour le présent avec votre frère. Je ne crois pas que vous suiviez le commerce comme lui. Mais si vous le pouviez faire j'en serais fort aise car il vaut mieux être maître d'une boutique que dépendant d'une grande maison. Instruisez-moi un peu de l'état de vos affaires et écrivez moi, je vous en prie, plus souvent que je ne vous écris. Je vis dans une retraite dont je n'ai rien à vous mander au lieu que vous êtes dans Paris où vous voyez tous les jours des folies nouvelles qui peuvent encore réjouir votre pauvre ami assez malheureux pour n'en plus faire.



Je voudrais bien savoir où est Mme Berniè[res] et ce que fait le chevalier anglais des Alleurs [vi]. Mais surtout parlez-moi de vous à qui je m'intéresserai toute ma vie avec toute la tendresse d'un homme qui n'a rien de mieux à faire au monde qu'à vous aimer.[vii] »


i Le 2 mai, en anglais, à Thiriot : « … il faut que vous alliez chez M. Hérault, le lieutenant de police ; je lui ai déjà envoyé un exemplaire de La Henriade, en le priant instamment de faire saisir tous ceux qui pourraient se glisser en France avant que j'aie reçu du gouvernement la permission de publier ce livre... » ; Thiriot doit aussi « implorer » l'appui de Hérault contre l'édition « pirate » entreprise en France.

 

ii La critique de Faget ; cf. lettre au Daily Post du 31 mars.

 

iii = Je hais la foule profane et la tiens à l'écart.

 

iv Le 2 mai, à Thiriot , il demande de s'entendre avec un libraire français réputé si une permission était accordée : « il faut que le libraire fasse deux éditions, l'une in-quarto pour mon propre compte, et une autre in-octavo à votre profit. » Thiriot se déroba.

 

v Effectivement, il ne fera pas une simple traduction de l'Essay ; cf. lettre à Swift du 25 décembre 1727.

 

vi A des Alleurs, en anglais, en avril : « Vous qui êtes un parfait Britannique, vous devriez passer la manche et venir nous trouver. Je vous assure de nouveau qu'un homme de votre caractère ne serait pas mécontent d'un pays où chacun n'obéit qu'aux lois et à sa fantaisie. »

 

vii Dernière lettre d'Angleterre connue (1990) ; V* aurait eu quelques fâcheuses affaires à la fin de son séjour et serait parti en octobre-novembre, furieux contre les Anglais selon Lord Peterborough.

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