Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Je tâcherai de bien voir, de faire bien voir et de commencer dès demain à travailler sans discontinuer

 http://www.youtube.com/watch?v=m8KO0bMntws&feature=related

 http://www.youtube.com/watch?v=OAX2qh7xkZM&feature=related

 

vitres.jpg

A l'heure où l'on veut parler de laïcité, il me plait de présenter cette photo au cadrage retouché .

Croix de bois, croix de fer (il fut un temps où l'on pouvait dire "crois Deferre"), je n'affiche pas ici , d'une manière subliminale, tel un Jacques Ségéla en manque d'UV, une quelconque appartenance ou sympathie exacerbée pour la catholique religion, qui m'a tenu dans un illusoire espoir le temps d'avoir du poil au menton ( et ailleurs aussi ! ). Donc , faites une croix sur cette option (oh ! pardon, je fais encore du prosélytisme ! )

Je tâche "de voir, de faire bien voir" que si on veut d'une manière intégriste supprimer tout signe religieux , la tâche est immense .

Commençons par supprimer tout ce qui de près ou de loin est cruciforme, puis emportés par notre élan salvateur, redressons la gibbosité des croissants ( ce qui d'ailleurs se fait déjà, par simple flemme ), et très rapidement, de l'hallal passons à l'hallali pour la mise hors la loi du safran aux relents bouddhistes, sans oublier la croix de David qui orne bien des crêches de Noël et la poitrine des flics de l'oncle Sam .

A tous ceux qui prendraient ces propositions au sérieux, je dis "continuez à rester des esclaves de religions , de religieux, de superstitions" et aussi "vivez dans la sainte trouille" car le gouvernement laïc " is watching you !"

PS. - Religieux de tous bord, rassurez-vous ! Vous êtes en France ! Rien ne peux vous arriver d'autre que de perdre la foi ! J'espère que restera la Liberté, se maintiendra l'Egalité, se développera la Fraternité . Lisez et écoutez Voltaire, frère des Hommes ! AMEN !

 Et puis, Love is my religion ! http://www.youtube.com/watch?v=r-eXYJnV3V4&feature=related ... oui, Mam'zelle Wagnière ...

 http://www.youtube.com/watch?v=HFeB7zTGesk&feature=related

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

 

[30 mars 1778]

 

J'aime à voir par vos vitres, mon cher maître, et surtout à voir par vos yeux . Vous êtes mon voyant ; tout mort que je suis je compte venir aujourd'hui à l'Académie 1. Je tâcherai de bien voir, de faire bien voir et de commencer dès demain à travailler sans discontinuer 2. Je veux mourir en m'éclairant avec vous et en vous servant . »

 

1 Le compte-rendu de la séance du 30 mars : « M. de Voltaire est venu à l'Académie sur les quatre heures . M. le directeur et tous les académiciens présents ont été au devant de lui dans la première salle ... M. le directeur l'a prié de prendre la première place, et de présider la séance ... M. le directeur a dit ..., qu'il proposait à la compagnie de déférer à M. de Voltaire le directorat du trimestre d'avril sans être tiré au sort ... La proposition de M. le directeur a été acceptée d'une voix unanime et par acclamation ... » ; à son départ, « il a été reconduit ... jusqu'à la porte de la première salle par tous les académiciens ... »

2 Au dictionnaire .                                                                        Il fera un plan (dont on a retrouvé le manuscrit) pour un nouveau dictionnaire ; minute de la séance du 7 mai : « Il a été résolu sur le proposition de M. de Voltaire, qu'on travaillerait sans délai à un nouveau Dictionnaire qui contiendra : l'étymologie reconnue de chaque mot, et quelquefois l'étymologie probable ; la conjugaison des verbes irréguliers qui sont peu en usage ; les diverses acceptations de chaque terme avec des exemples tirés des auteurs les plus approuvés ; toutes les expressions pittoresques et énergiques de Montaigne, d'Amyot, de Charron, etc. qu’il est à souhaiter qu’on fasse revivre, et dont nos voisins se sont saisis ... Chaque académicien peut se charger d'une lettre de l'alphabet ; l'Académie examinera le travail de chacun de ses membres ... »

Le 8 mai, Mme Denis écrira à Wagnière : « il va à l'Académie et il y crie comme un diable . Il veut leur faire faire un nouveau Dictionnaire . Ces messieurs rechignent ; ils craignent que cela ne leur donne trop de peine. »

V* assista aux séances du 30 mars, 6 avril, 27 avril et 4 mai .

Lire la suite

31/03/2011 | Lien permanent

Est-il bien vrai que maître Marin a été fourré à la Bastille pour quatre vers d'une tragédie oubliée

... et que maître Sarkozy, mis en examen favorisé, couche encore dans son lit douillet sans coup férir ? Le Code le permet, de façon exceptionnelle, c'est vrai, mais s'il s'agissait de vous ou de moi aurions -nous profité de cet accommodement ? Niet ! Nada ! Nichts ! Que pouic ! Et dire qu'il vit à nos crochets ...

 Image associée

 

Avoir le beurre, l'argent du beurre, et la main de etc.

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

Le 26 mars [1763]

Est-il bien vrai que maître Marin a été fourré à la Bastille pour quatre vers d'une tragédie oubliée, composée par maître Dorat ? On m'a envoyé ces quatre vers 1. Ils peuvent regarder les rois fainéants de la première race ; mais comment peut-on les appliquer à un roi qui a gagné deux batailles en personne ; qui a volé de Flandre en Allemagne ; qui a pris Fribourg en relevant d'une maladie mortelle ; qui tient conseil tous les jours, et qui est lui-même le premier ministre ? Tout cela est exactement vrai . Je ne peux croire qu'on lui ai fait l'outrage de mettre Marin à la Bastille . Je vous prie, mon cher frère, de me dire ce qui en est .

Voulez-vous bien avoir la bonté d'envoyer, par la petite poste, ce chiffon à Mme de Florian ?

Je soupire après les feuilles de l'Encyclopédie, que mon frère m'a promises .

J'embrasse toujours mes frères . »

Lire la suite

22/03/2018 | Lien permanent

Alceste est très-bien entre les mains de Mme Denis, puisque cela l'amuse, et que de plus c'est le triomphe des femmes.

 ... Ce qui ne m'étonne pas du tout ["le triomphe"] . N'est-ce pas Mam'zelle Wagnière ?

De plus Alceste , comme vous le voyez, a tout pour plaire à Mme Denis qui avait un  bon coup de fourchette et des rondeurs remarquables .

 

alceste.gif

 

 

 

« A M. le comte d'ARGENTAL.

Aux Délices, 4 juin. [1756]

Je vous ai envoyé, mon cher ange, mes sermons sous l'enveloppe de M. Bouret ·mais, comme je me suis avisé de voyager un mois dans la Suisse, il se peut faire qu'il y ait eu quelque retardement dans l'envoi.
Vous voyez que la famille des Tronchin est dévouée aux arts mais l'auteur 1 aura des succès moins brillants que l'inoculateur 2. Il vaut mieux suivre Esculape qu'Apollon. On a corrigé le Nicéphore et l'Alexis selon vos vues, mais non selon vos désirs. L'Alceste est très-bien entre les mains de Mme Denis, puisque cela l'amuse, et que de plus c'est le triomphe des femmes. Pour moi, je vous avoue que je n'aurais jamais osé traiter un pareil sujet. Je doute fort que Racine en ait eu l'idée. Alceste peut faire à l'Opéra le plus grand effet. Il eût été à souhaiter que Quinault eût fait Alceste après Armide, dans le temps de la force de son génie, et qu'il eût eu Rameau pour musicien.
Je ne protesterai point votre lettre de change pour une tragédie, mais je demanderai du temps pour vous payer. Les éditions de mes anciennes rêveries prennent le peu de temps que ma misérable santé me laisse. Il faut joindre le Siècle de Louis XIV à un tableau du monde entier depuis Charlemagne. Vous m'avouerez qu'il est difficile qu'un malade puisse d'une main arranger le monde et de l'autre faire une tragédie. Au reste, quand j'en ferai une, je sens bien que je travaillerai pour des ingrats; mais je travaillerai pour vous, mon cher ange, et vous me tiendrez lieu du public. Je suis assez animé quand c'est à vous que je veux plaire; mais, quand vous aurez une pièce du pays des Allobroges, songez que l'on fait souvent des pièces allobroges à Paris; alors vous me jugerez avec indulgence.
Auriez-vous lu ce recueil de Lettres 3 de Mme de Maintenon, de Louis XIV, etc.? Y a-t-il quelque chose dont un historien puisse faire usage? Je ne vous parle que d'histoire; je vous en demandé pardon. Mme Denis vous dit les choses les plus tendres. Elles seront bien reçues, puisqu'elle fait une tragédie. Mme de Fontaine, qui n'en fait point, arrivera dans quelques jours dans mon ermitage, il est bien joli. J'en suis fâché, car je m'y attache, et il est trop loin de vous, mon cher ange. Mille tendres respects à Mme d'Argental et à tous vos amis. »

1 François Tronchin , conseiller à Genève et auteur .

2 Théodore Tronchin , médecin .

 

Lire la suite

09/07/2012 | Lien permanent

Si d'ailleurs vous croyez qu'il ait ressemblé à quelques médecins qui croient à la médecine, je vous trouve bon et bien

... De même que si vous trouvez quelques politiciens qui croient à la vraie politique,au sens premier du terme, etc., etc., je vous prie de me les présenter .

Comment expliquer le foin que l'on fait à propos du burkini ? Si ces musulmanes, contraintes ou pas portent cette tenue, c'est sans aucun doute pour se faire remarquer , l'équivalent du fameux "vu à la télé" ! Libre à elles d'être ridicules au plus haut point , leur prophète et leur dieu ne doivent pas aimer les bronzées, je ne vois que ça comme explication . Censure des corps, censure la plus élémentaire, aussi détestable que celle des esprits .

Politiciens de tous bords, vous êtes bien sots de vous laisser embarquer à légiférer là dessus, tournez la p(l)age et pensez plutôt à ceux qui sont dans la mouise, en quête de travail .

 police pensée

 

 

 

« A Jean Lévesque de Burigny

Le 12 septembre [1761] à Ferney

J'ai reçu fort tard le Bénigne Bossuet 1 dont vous m'avez honoré . Je vous en fais mon très sincère remerciement le plus tôt que je peux . J'aime fort les pères de l’Église, et surtout celui-là, parce qu'il est bourguignon et que j'ai à présent l'honneur de l'être . De plus il est très éloquent . Ses oraisons funèbres sont de belles déclamations . Je suis seulement fâché qu'il ait tant loué le chancelier Le Tellier 2 qui était un si grand fripon . Son histoire particulière de trois ou quatre nations, qu'il appelle universelle 3, est d'un génie plein d’imagination . Il a fait ce qu'il a pu pour donner quelque éclat à ce malheureux petit peuple juif, le plus sot et le plus méprisable de tous les peuples .

Vous avouerez que ce père de l’Église a été un peu mauléoniste 4, et cela suffit . Si d'ailleurs vous croyez qu'il ait ressemblé à quelques médecins qui croient à la médecine, je vous trouve bon et bien honnête . Sa conduite avec M. de Fénelon n'est pas d'un homme aisé à vivre ; et il faut avoir le diable au corps pour tant crier contre l'aimable auteur du Télémaque qui s'imaginait qu'on pouvait aimer Dieu pour lui-même 5.

Au reste je fais plus de cas de Porphyre , et je vous remercie en particulier d'avoir traduit son livre contre les gourmands 6. J'espère qu'il me corrigera .

J'ai l'honneur d'être de tout mon cœur, monsieur etc. »

3 Le Discours sur l'histoire universelle de Bossuet ; voir : http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Bossuet/DHU_00.htm

4 C'est-à-dire qu'il aima Mlle de Mauléon (Catherine Gary ), ainsi que V* le dit dans Le Siècle de Louis XIV : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/08/siecle-de-louis-xiv-catalogue-ecrivains-partie-3-b.html

et voir : http://www.notionis.com/blog/le-celibat-de-bossuet/

5 V* développa ce point dans l'article « Amour de Dieu » du Dictionnaire philosophique : https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_philosophique/Garnier_(1878)/Amour_de_Dieu

 

Lire la suite

18/08/2016 | Lien permanent

J'étais souffleur . J'ai jugé, j'ai condamné, j'ai refait et tout va bien

... et " ... rien , ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes " dit Emmanuel Macron, qui n'a peut-être pas été souffleur du chaud et du froid de toutes les idées gouvernementales, mais au moins marcheur et plus encore acteur .

Emmanuel Macron, vendredi à Athènes

 http://www.parismatch.com/Actu/Politique/Macron-ne-cedera...

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

11 octobre [1762] 1

Je reçois la lettre du quatre octobre de mes divins anges . Tant mieux que M. le comte de Choiseul n'ait besoin de personne, tant mieux que la prise de La Havane 2 ( que nous savions il y a huit jours) ne nuise point aux négociations de la paix, tant mieux que les malheurs de la France et de l’Espagne (qui réunies à la maison d'Autriche auraient dû donner la loi à l'Europe) contribuent à cette paix devenue si nécessaire .

Pour revenir au tripot, M. le maréchal de Richelieu m'a montré un projet de déclaration du roi enregistrable au parlement en faveur des comédiens 3 . J'ai pris la liberté d'y mettre quelques mots qu'il a approuvés .

Il faut que mes anges n’aient pas reçu en leur temps les vers qui terminent la tragédie de Zulime tels qu'ils ont été récités en dernier lieu dans notre tripot et tels qu'ils doivent faire effet à Paris à moins qu'on ait le diable au corps .

J'ai mandé que nous avions joué Olympie . J'étais souffleur . J'ai jugé, j'ai condamné, j'ai refait et tout va bien . Le rôle d'Olympie est devenu le rôle principal . Cela était absolument nécessaire .

J'ai envoyé à mes anges un gros paquet que j'ai supplié à mes anges de faire rendre à Mme la comtesse d'Egmont 4.

J’ai fait part à mes anges de l'infâme tracasserie qu'on me fait . Je leur ai envoyé la lettre qu'on m'impute . Je serais bien fâché pour M. le duc de Choiseul qu'il m'eût soupçonné un moment 5. Comment avec le goût et l'esprit qu'il a, pourrait-il avoir eu un si abominable moment de distraction ? J'avoue que je voudrais qu'on pût trouver et punir l'auteur de cette coupable impertinence .

Mes anges ne m'ont pas dit s'ils avaient donné mon compliment à M. le comte de Choiseul . »

1 Manuscrit olographe avec mention de Wagnière : «Mémoire pour M. d'Argental ».

2 Le commandant espagnol Luis Velasco, après une défense résolue, blessé par balle mourut le 31 juillet 1762 , son remplaçant Juan de Prado dû capituler et livrer La Havane aux Anglais le 13 août 1762 . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Luis_Vicente_de_Velasco_e_Isla

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_La_Havane_(1762)

3 Ce projet n'aboutit pas .

4 Ce paragraphe rayé sur la copie Beaumarchais manque dans les éditions .

5 Le 9 octobre 1762 le duc de Choiseul vient d’écrire à V* : « Je ne vous ai point répondu sur votre famille toulousaine ; cette affaire vous avait sérieusement échauffé le cerveau ; je l'ai apprise par vous, mais j'ai lu depuis dans les papiers anglais une lettre à d'Alembert qui, en vérité, n'est point sage . On peut être peiné d'une injustice de Messieurs, mais prudemment il ne faut pas s'en plaindre comme vous vous en plaignez, encore moins se faire des ennemis et peut-être des affaires pour jouer le rôle d'un avocat de causes perdues . Vous connaissez trop l'administration du royaume pour ne pas savoir que les parlements jugent en dernier ressort le criminel ; que le roi est astreint aux formes ; que selon les lois, ce qu'il peut faire quand une partie se plaint du jugement, est de demander les motifs, et que cette demande entraine les longueurs dont vous vous plaignez et ne produit ordinairement aucun redressement sur un arrêt qui se trouve exécuté […] tout un tribunal ne condamne pas à mort pour son plaisir ; voilà tout ce que je puis vous dire sur le pendu que vous protégez, dont d'ailleurs il n'a pas été question ici . Je suis au reste persuadé de son innocence […] et si jamais son affaire revient par les formes au conseil du roi , je l'écouterai avec l'attention la plus scrupuleuse […]. »

Lire la suite

08/09/2017 | Lien permanent

On s’empresse de tous côtés à m’apprendre des particularités bien honorables pour la nation ; mais on s’y est pris trop

... Constat d'un électeur lambda à la  veille de voter pour les Européennes . Encore une fois la seule solution raisonnable est de ne pas donner sa voix à quelque parti d'extrême, que ce soit de droite ou de gauche, qui n'ont de "programme" que d'être "contre" tous les autres et  parlementaires européens pour renflouer les caisses de leur partis et leurs poches .

Chère, trop chère Marine, Jordan, trop poli pour être honnête , que dites-vous de ceci : https://www.ladepeche.fr/2024/05/19/le-proces-des-assistants-parlementaires-europeens-attend-le-rn-a-la-rentree-11957914.php

 

 

 

« A Louis Phélypeaux, comte de Saint-Florentin

14è novembre 1768 à Ferney

Monseigneur,

Quoique l’âge de soixante-quinze ans et la faiblesse attachée à de longues maladies puissent me faire soupçonner de radoter, ce n’est pourtant pas moi qui ai placé à la dernière paix une addition qui était faite pour la paix de 1747. C’est une bévue de l’éditeur, dont je me suis aperçu trop tard, et que je vous supplie de vouloir bien faire réparer dans votre exemplaire. Votre bibliothécaire pourra très bien insérer au quatrième tome le carton ci-joint.

Je suis persuadé que, si vous jetez les yeux sur le troisième volume, à la page 282, ce que je dis de feu M. le comte de Plélo vous attendrira 1.

C’est ici la neuvième édition qu’on a faite dans l’Europe du Siècle de Louis XIV et du Précis du siècle où nous sommes 2.

On s’empresse de tous côtés à m’apprendre des particularités bien honorables pour la nation ; mais on s’y est pris trop tard. Je serai obligé de faire un supplément, et je compte même faire encore quelques corrections avant que l’ouvrage puisse être présenté au roi. J’ai tâché d’élever à l’honneur de ma patrie un monument que vous puissiez approuver et protéger. Je n’ai rien épargné pour m’instruire, et je crois avoir dit l’exacte vérité, avec la bienséance que des temps si récents exigent.

Je n’ai aspiré, monseigneur, à d’autre récompense d’un travail si long et si pénible que celle d’obtenir votre suffrage et vos bontés, qui seront la plus chère consolation de ma vieillesse.

J’ai l’honneur d’être, avec respect et reconnaissance,

monseigneur. »

1 Louis-Robert-Hippolyte de Bréhant, comte de Plélo a été ambassadeur de France auprès du roi de Danemark ; il est mort en 1734 en combattant pour le roi Stanislas Leszczynski  près de tomber entre les mains des Russes.; voir le début du chapitre IV du Précis du siècle de Louis XV : https://fr.wikisource.org/wiki/Pr%C3%A9cis_du_si%C3%A8cle_de_Louis_XV/Chapitre_4

et voir : Edmé-Jacques-Benoit Rathery, Le comte de Plélo, 1876, chap. XVII-XVIII : https://data.bnf.fr/fr/12510932/edme-jacques-benoit_rathery/fr.pd

et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6457101g/f9.item.texteImage

2 Le calcul des éditions par V* est très approximatif . On peut estimer à une vingtaine le nombre des éditions en français et à une douzaine le nombre des traductions publiées jusqu'à 1768.

Lire la suite

27/05/2024 | Lien permanent

je sens bien que le reste de mes jours sera empoisonné malgré la liberté, malgré la douceur d'une vie tranquille, malgré

 

http://www.deezer.com/listen-4692637

 

Volti est encore marqué par le deuil, et presque à reculons, (ce qui est très imprudent quand on connait Frédéric ;-( !), a pris le parti de rejoindre le roi de Prusse . « Pour se changer les idées » avais-je l'habitude de dire au temps de ma fréquentation du château à Ferney . Il a de la peine et se rassure comme il peut . Le meilleur et le pire vont se cotoyer, et intelligemment et sentimentalement, il le pressent, mais c'est une autre histoire ...

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

 

A Charlottenbourg 21 août [1750]

 

Mes chers anges, si je vous disais que nous avons eu ici un feu d'artifice dans le goût de celui du Pont-Neuf, que nous allons aujourd'hui à Berlin voir Phaéton [i] dont les décorations seront de glaces, que tous les jours sont des fêtes, que d'Arnaud a fait jouer son Mauvais riche [ii] et qu'il a été jugé ici pour le fond et pour les détails tout comme à Paris [iii], vous ne vous en soucierez peut-être que très médiocrement . J'ai d'ailleurs le cœur plus rempli et plus déchiré de ma résolution [iv] que je ne suis ébloui de nos fêtes, et je sens bien que le reste de mes jours sera empoisonné malgré la liberté, malgré la douceur d'une vie tranquille, malgré les excessives bontés d'un roi qui me parait ressembler en tout à Marc-Aurèle, à cela près que Marc-Aurèle ne faisait point de vers, et que celui-ci en fait d'excellents quand il se donne la peine de les corriger. Il a plus d'imagination que moi, mais j'ai plus de routine que lui. Je profite de la confiance qu'il a en moi pour lui dire la vérité plus hardiment que je ne la dirais à Marmontel ou à d'Arnaud, ou à ma nièce. Il ne m'envoie point aux carrières [v] pour avoir critiqué ses vers, il me remercie, il les corrige , et toujours en mieux. Il en a fait d'admirables. Sa prose vaut ses vers pour le moins, mais dans tout cela il allait trop vite. Il y avait de bons courtisans qui lui disaient que tout était parfait, mais ce qui est parfait, c'est qu'il me croit plus que que ses flatteurs, c'est qu'il aime, c'est qu'il sent la vérité. Il faut qu'il soit parfait en tout. Il ne faut pas dire : Caesar est supra grammaticam. César écrivait comme il combattait. Il joue de la flûte comme Blavet [vi], pourquoi n'écrirait-il pas comme nos meilleurs auteurs ? Cette occupation vaut bien le jeu et la chasse. Son Histoire de Brandebourg sera un chef-d'œuvre quand il l'aura revue avec soin , mais un roi a-t-il le temps de prendre ce soin ? un roi qui gouverne seul une vaste monarchie ? Oui, voilà ce qui me confond, je ne sors point de surprise. Sachez encore que c'est le meilleur de tous les hommes ou bien je suis le plus sot. La philosophie a encore perfectionné son caractère. Il s'est corrigé, comme il corrige ses ouvrages.

 

Voilà précisément, mes anges, pourquoi j'ai le cœur déchiré, voilà pourquoi je ne vous reverrai qu'au mois de mars. Comptez qu'ensuite quand je reviendrai en France je n'y reviendrai que pour vous seuls, pour vous mes anges qui faites toute ma patrie. Je vous demande en grâce d'encourager Mme Denis à venir avec moi s'établir au mois de mars à Berlin dans une bonne maison où elle vivra dans la plus grande opulence . Le roi de Prusse lui assure à Paris une pension après ma mort. Il m'a promis que les reines (qui ne savent encore rien de nos petits desseins) l'honoreront des distinctions et des bontés les plus flatteuses. Elle fera ma consolation dans ma vieillesse. Disposez-la à cette bonne œuvre . Il n'y a plus à reculer. Le roi de Prusse m'a fait demander au roi [vii] et je ne suis pas un objet assez important pour qu'on veuille me garder en France. Je servirai le roi dans la personne du roi de Prusse son allié et son ami [viii]. Ce sera une chose honorable pour notre patrie qu'on soit obligé de nous appeler quand on veut faire fleurir les arts . Enfin je ne crois pas qu'on refuse le roi de Prusse [ix], et si par un hasard que je ne prévois pas, on le refusait, vous sentez bien que la première démarche étant faite, il la faudrait soutenir, et obtenir par des sollicitations pressantes ce qu'on n'aurait pas accordé d'abord à ses prières, et que je ne peux plus vivre en France après avoir voulu la quitter [x]. Il y a un mois que je suis à la torture, j'en ai été malade. Un tel parti coûte sans doute. Vous êtes bien sûrs que c'est vous qui déchirez mon âme, mais encore une fois quand je vous parlerai, vous m'approuverez. Ne me condamnez point avant de m'entendre, conservez-moi des bontés qui me sont aussi précieuses pour le moins que celles du roi de Prusse. J'ai les yeux mouillés de larme en vous écrivant. Adieu.

 

V.

 

Mille respects à tous les neuillistes [xi]. »

 

 

Autre saluts/respects de/à Neuilly au XXIème siècle : http://www.dailymotion.com/video/x4lkio_les-inconnus-aute...

 

iNouvelle version de Villati, après celle de Quinault.

 

iii Pièce représentée en privé à Paris en février 1750.

 

iv Résolution de s'installer en Prusse, dont il a déjà parlé à mots couverts.

 

v Comme Denys le tyran y envoyait Philoxène.

 

viiLe 8 août Frédéric a écrit à son représentant à Paris le baron Le Chambrier pour lui demander de faire le nécessaire.

 

viii Le 7 août, V* présente ainsi la chose au marquis (de Puisieulx ou d'Argental ?) et le 25 au comte de Saint-Florentin en lui demandant de garder son titre de gentilhomme ordinaire de la chambre. Il gardera le titre mais perdra sa charge d'historiographe.

 

ix De Puisieulx écrira le 22 à Richard Talbot : « Le roi de Prusse a fait demander Voltaire au roi. Sa Majesté le lui a accordé. Elle a pensé que cette complaisance serait agréable à ce prince, et que, si d'un côté elle laissait aller un académicien que quelques-uns de ses ouvrages rendent célèbre, elle n'avait d'ailleurs rien à regretter dans ce sacrifice . Je doute fort qu'à la longue le roi de Prusse s'accommode du caractère de M. de Voltaire. »

 

x Après avoir rapporté l'information donnée par Richelieu (celle de Puisieulx), il lui demande le 31 : « Comment serai-je donc traité si je reviens ? »

 

xi D'Argental réside à Neuilly ; cf. lettre du 28 août.

Lire la suite

21/08/2010 | Lien permanent

Voilà bien le temps d'aimer ses terres et d'encourager l'agriculture, car en conscience c'est le seul commerce qui nous

 

hornoy-le-chateau.jpg

 

 

http://www.deezer.com/listen-896045

 

La vie de château :

http://www.deezer.com/listen-2426707

Au château :

http://www.deezer.com/listen-3545831

http://www.deezer.com/listen-5867172

 

Un architecte renommé  ? que je conseille, peut-être un peu tard, à Volti :

http://www.deezer.com/listen-6601211

 

 

« A Marie-Elisabeth de Dompierre de Fontaine

 

5 novembre [1759]

 

A la fin c'est trop de silence

En si beau sujet de parler.

 

Ces paroles, ma chère nièce, sont tirées de Malherbe [i] que vous ne connaissez guère, et vont fort bien au sujet. Comment vous trouvez-vous des trois vingtièmes [ii] et de la chute des actions sur les fermes, et tout ce qui s'ensuit ? Voilà bien le temps d'aimer ses terres et d'encourager l'agriculture, car en conscience c'est le seul commerce qui nous reste. Nous faisons pitié à nos alliés et à nos ennemis.

 

Que vous êtes sage d'avoir achevé votre château![iii] Mais aurez-vous le courage d'y demeurer ? Il faut que je vous avertisse que celui de Ferney est entièrement bâti et couvert. Et sans vanité, c'est un morceau d'architecture qui aurait des approbateurs, même en Italie. N'allez pas croire que je n'aie sacrifié qu'à l'agréable ; j'y ai joint l'utile ; et Ferney est devenu une terre de sept à huit mille livres de rente dans le pays le plus riant de l'Europe [iv]. Ajoutez à ces avantages l'agrément unique d'être libre, et de ne payer aucun droit de quelque nature que ce puisse être [v]. Je veux me bercer de l'idée que vous viendrez un jour nous voir dans toute notre beauté. Il faut que vous veniez reconnaitre des domaines qui, selon les droits de la nature, doivent appartenir à votre fils [vi]. C'est un grand dommage que Ferney ne soit pas en Picardie. Mais une terre libre mérite bien qu'on passe le mont Jura. Je ne suis point mécontent de la masure de Tournay ; j'y ai bâti au moins le plus joli des théâtres, quoique le plus petit. Nous y avons joué trois fois la chevalerie [vii], pour nous consoler des malheurs de la France. Cette chevalerie est comme le château de Ferney ; cela ne veut pas dire que l'architecture en soit aussi belle ; cela veut dire seulement que j'ai pris autant de peine pour l'achever.

 

Après en avoir donné trois représentations, nous avons joué Mérope. Soyez très convaincue que vous et M. le chevalier de Florian et le jurisconsulte [viii], vous auriez été bien étonnés, et que vous auriez fondu en larmes.

 

Nous avions à nos Délices M. le marquis de Chauvelin, ambassadeur à Turin, et madame sa femme, députés de M. le duc de Choiseul et de la tribu d'Argental pour savoir comment j'étais venu à bout de la chevalerie. Ce voyage ne les a guère détournés de la route de Turin ; et je peux vous dire qu'ils ne sont pas mécontents d'avoir allongé leur chemin. Ils auraient beau courir tous les théâtres de l'Europe, ils ne verraient rien de si plaisant qu'un Français suisse qui a fait la pièce, le théâtre, et les acteurs. Votre sœur a joué comme Mlle Dumesnil, je dis comme Mlle Dumesnil dans son bon temps. Cela parait un conte, une exagération d'oncle ; cela est pourtant très vrai, et je le sais de cent personnes qui me l'ont toutes attesté par leurs larmes. Moi qui vous parle, je vous apprends que je suis un assez singulier vieillard . Ah ! Ma chère nièce, que nous vous avons regrettée ! C'est à présent qu'il faudrait être chez nous. Notre Carthage est fondée. Nous avons eu l'insolence de recevoir M. et Mme de Chauvelin avec une magnificence à laquelle ils ne s'attendaient pas [ix]. Mais on ne peut trop faire pour de tels hôtes ; il n'y a rien de plus aimable dans le monde ; ils réunissent tous les talents et toutes les grâces : ils séduiraient un amiral anglais, et feraient tomber les armes des mains du roi de Prusse.

 

Je suis excédé de plaisir et de fatigue ; voila pourquoi je ne vous écris point de ma main, mais mon cœur qui vous écrit, c'est lui qui vous dit combien il vous regrette, vous et les vôtres. »

 

 

i Ode à monsieur le grand écuyer de France.

http://www.poesies.net/malherbesoeuvrescompletes1.txt : poésie XXVII , vers 1-2

 

ii Impôts proposés par Silhouette et qui vont provoquer sa chute ; cf. lettre du 15 juin à Thiriot.

 

iii Le château d'Hornoy en Picardie.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Hornoy-le-Bourg

 

iv Ce qui ne l'empêchera pas de se plaindre des six mois de neige sur le Jura qui le rendent « aveugle » !

 

v V* a obtenu le brevet de conservation des droits seigneuriaux ; cf. lettre du 29 juin.http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/06/29/l...

 

 

vi En fait c'est Mme Denis qui héritera et ne tardera pas à vendre le domaine au marquis de Villette.

 

vii Tancrède.

 

viii Le fils de Mme de Fontaine : Alexandre de Dompierre d'Hornoy, 1742-1828, fils de Nicolas-Joseph de Dompierre .

http://gillesdubois.blogspot.com/2008/01/la-famille-aroue...

 

ix Dans le Public Advertiser de Londres le 27 novembre : « après la représentation ... au milieu de la cour, un magnifique feu d'artifice fut tiré au son d'une musique martiale ; l'étoile de Saint Georges vomissait d'innombrables fusées et en dessous des girandoles donnaient une représentation vivante de la cataracte du Niagara. »

 

chutes-du-niagara.jpg


 

 

 

 

 

 


Lire la suite

06/11/2010 | Lien permanent

Je doute que l'homme à qui vous vous êtes adressé ait autant de bonne volonté que vous; et je serai bien étonné s'il ne

... Petit conseil au président qui tente de rameuter ses ministres, chacun d'eux étant susceptible de faire n'importe quoi, par sottise ou incapacité ; le passé nous l'a montré, le futur le confirmera immanquablement, avec IA ou pas à la rescousse .

 

 

« A Michel-Paul-Guy de Chabanon

18è janvier 1768

La grippe, en faisant le tour du monde, a passé par notre Sibérie, et s'est emparée un peu de ma vieille et chétive figure. C'est ce qui m'a empêché, mon cher confrère, de répondre sur-le-champ à votre très bénigne lettre du 4 de janvier. Quoi ! lorsque vous travaillez à Eudoxie vous songez à ce paillard de Samson et à cette putain de Dalila et de plus, vous nous envoyez du beurre de Bretagne! Il faut que vous ayez une belle âme Savez-vous bien que Rameau avait fait une musique délicieuse sur ce Samson 1? Il y avait du terrible et du gracieux. Il en a mis une partie dans Castor et Pollux . Je doute que l'homme à qui vous vous êtes adressé 2 ait autant de bonne volonté que vous; et je serai bien étonné s'il ne fait pas tout le contraire de ce que vous l'avez prié de faire, le tout en douceur, et en cherchant les moyens de plaire. Je pense, ma foi, que vous vous êtes confessé au renard. Je ne sais pourquoi M. de La Borde m'abandonne obstinément. Il aurait bien dû m'accuser la réception de sa Pandore, et répondre au moins en deux lignes à deux de mes lettres. Sert-il à présent son quartier? couche-t-il dans la chambre du roi? est-ce par cette raison qu'il ne m'écrit point? est-ce parce qu'Amphion13 n'a pas été bien reçu des Amphions modernes? est-ce parce qu'il ne se soucie plus de Pandore? est-ce caprice de grand musicien, ou négligence de premier valet de chambre?

On dit que les acteurs et les pièces qui se présentent au tripot tombent également sur le nez. Jamais la nation n'a eu plus d'esprit, et jamais il n'y eut moins de grands talents.

Je crois que les beaux-arts vont se réfugier à Moscou. Ils y seraient appelés du moins par la tolérance singulière que ma Catherine a mise avec elle sur le trône de Thomiris 4. Elle me fait l'honneur de me mander qu'elle avait assemblé, dans la grande salle de son Kremlin, de fort honnêtes païens, des grecs instruits, des latins nés ennemis des grecs, des luthériens, des calvinistes ennemis des latins, de bons musulmans, les uns tenant pour Ali, les autres pour Omar; qu'ils avaient tous soupé ensemble, ce qui est le seul moyen de s'entendre et qu'elle les avait fait consentir à recevoir des lois moyennant lesquelles ils vivraient tous de bonne amitié. Avant ce temps-là un Grec jetait par la fenêtre un plat dans lequel un Latin avait mangé, quand il ne pouvait pas jeter le Latin lui-même. Notre Sorbonne ferait bien d'aller faire un tour à Moscou, et d'y rester.

Bonsoir, mon très cher confrère. Je suis à vous bien tendrement pour le reste de ma vie.

V. »



2 S'il faut en croire l'allusion aux « moyens de plaire », V* doit penser à Montcrif auteur d'un Essai sur la nécessité et sur les moyens de plaire : https://books.google.bj/books?id=ZLmz3XtsqbwC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

Voir lettre du 29 janvier 1768 à Chabanon : 7154 de https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411361p/texteBrut

4 La reine des Amazones, qui était allée voir Alexandre pour « en avoir de la graine ».

Voir : https://www.seuls-labd.com/agora-post.php?post=12275

Lire la suite

22/08/2023 | Lien permanent

Ma nièce et moi, nous avons de très-bonnes mœurs dont j'enrage; mais il faut bien à mon âge avoir ce petit mérite

... Le "pouvoir" et le "vouloir" contrariés sont parfois sources de vertu, dont on se passerait bien . 

 

bonnes_moeurs.jpg

 

 

« A M. Nicolas-Claude THIERIOT.
chez Madame la contesse de Montmorency

rue Vivienne à Paris
Lausanne, 21 janvier [1758].
Eh bien, mon ancien et tranquille ami, comment traite-t-on les cacouacs? La guerre est donc partout; et tandis qu'on s'extermine en Allemagne au milieu des neiges, on attaque de tous côtés les pauvres encyclopédistes à Paris. Je crois que je leur ai porté malheur en travaillant pour eux. Messieurs les prêtres de Genève se plaignent que M. d'Alembert leur fasse l'honneur de les ranger parmi les philosophes. Ils disent que ce nom n'a jamais convenu à gens de leur espèce, et ils demandent réparation . M. d'Alembert, de son côté, fatigué de toutes les criailleries de ses adversaires, et persécuté sourdement par les enfants d'Ignace, sans pouvoir plaire aux enfants de Calvin, renonce à l'Encyclopédie mais il faut espérer qu'il ne persistera pas dans son dépit. Il ne faut pas que le maréchal de Saxe quitte le commandement de l'armée parce qu'il a des tracasseries à la cour.
J'ai reçu l'Iphigénie que M. de La Touche 1 a eu la bonté de m'envoyer. Nous pourrions bien la jouer cet hiver dans notre tripot de Lausanne. M. d'Alembert conseille à messieurs de Genève d'avoir dans leur ville une troupe de comédiens de bonnes mœurs, c'est ce que nous nous flattons d'être à Lausanne. Ma nièce et moi, nous avons de très-bonnes mœurs dont j'enrage; mais il faut bien à mon âge avoir ce petit mérite. Nous avons une fille 2 du général Constant, et une belle-fille de ce fameux marquis de Langalerie 3, qui ont aussi les meilleures mœurs du monde, quoiqu'elles soient assez belles pour en avoir de très- mauvaises. Enfin notre troupe est fort édifiante, et, de plus, elle est quelquefois fort bonne. On ne peut guère passer plus doucement sa vie, loin des horreurs de la guerre et des tracasseries littéraires de Paris. Ah mon ami, que les grosses gelinottes sont bonnes, mais qu'elles sont difficiles à digérer, mon cuisiner et mon apothicaire me tuent. Adieu, je suis fâché de ne vous point revoir avant de rendre mon âme et mon corps à celui qui m'a donné ces deux mauvais outils .»

1 Iphigénie en Tauride de Guimond de La Touche .

2V* veut sans doute dire « belle-fille » en pensant soit à Mme Constant de Rebecque, soit à Mme Constant d'Hermenches , laquelle est la plus plausible car elle vient d'arriver à Lausanne avec son mari : Louise-Anna-Jeanne-Françoise de Seigneux, épouse de David-Louis Constant d'Hermenches .

3 Suzanne-Angélique-Alexandrine, sœur de David-Louis et de François-Marc-Samuel Constant, épouse de Frédéric-Philippe-Alexandre de Gentils, marquis de Langallerie, propriétaire jusqu'en 1750 du château d'Allaman tout proche .

 

Lire la suite

27/03/2013 | Lien permanent

Page : 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85