10/11/2009
La justice rendue gratuitement...
"La justice rendue gratuitement..." : ça ne vous épate pas un tel projet ?
Et c'est Voltaire, au dix-huitième siècle qui demande celà . C'est un gaillard qui, - bec et ongles-, se bat contre l'injustice ( le bec et ongles est voulu, il se battait avec son arme favorite : la plume ! ), qui est outré par les frais de justice (si on peut encore parler de justice ! ) . Il serait encore malheureusement outré de nos jours .
Point de pognon, point de défense !
Point de défense = croupir dans des prisons qui font la honte d'un pays prétendu civilisé ! Songez-y, braves bloggers et lecteurs ! Pas besoin d'aller dans des pays exotiques pour connaitre l'école de la haine et du crime par l'enfermement !
Pauvre France ! Ta justice fout le camp !!! Ta justice est foutue !!!
« Au chevalier Jacques de Rochefort d’Ally
9 novembre 1771
Vous pardonnerez sans doute, mon cher militaire philosophe [allusion au Militaire Philosophe de Naigeon, imprimé d’après un ancien manuscrit ], au vieux malade qui parait si négligent, mais il sera toujours pénétré pour vous de la plus tendre amitié. Je prends la liberté d’en dire autant à Mme Dix-neuf ans [jeune femme du chevalier que V* appelait auparavant « madame Dix-huit ans »] qui est tout aussi philosophe que vous.
Je ne vous ai point envoyé La Méprise d’Arras [La Méprise d’Arras (Lausanne 1771), composée en faveur de Monbailli et de sa femme accusés d’avoir tué la mère de Monbailli]. Premièrement le paquet était trop gros ; en second lieu, ayant été mieux informé j’ai su que l’avocat avait fait un roman plutôt qu’un factum [Le Mémoire à consulter pour François-Joseph Monbailli, daté du 8 janvier 1771, et signé Louis ], et qu’il avait joint au ridicule de la déclamation puérile le malheur de mentir en cinq ou six endroits importants. Ce bavard m’avait induit en erreur. Ainsi on est obligé de supprimer La Méprise. Le malheureux qui a été condamné à la roue était assurément très innocent. Sa femme condamnée à être brûlée était plus innocente encore ; mais l’avocat n’en est qu’un plus grand sot d’avoir affaibli une si bonne cause par des faussetés, et d’avoir détruit des raisons pitoyables. J’ignore actuellement où cette affaire abominable en est ; je sais seulement que la malheureuse veuve de Monbailli n’a point été exécutée [elle fut acquittée et son mari réhabilité]. Il est arrivé à cette infortunée la même chose qu’aux prétendus complices du chevalier de La Barre : le supplice de ce jeune officier qui serait certainement devenu un homme de très grand mérite arracha tant de larmes et excita tant d’horreur, que les misérables juges d’Abbeville n’osèrent jamais achever le procès criminel de ces pauvres jeunes gens qui devaient être sacrifiés au fanatisme. Ces fatales catastrophes qui arrivent de temps en temps, jointes aux malheurs publics, font gémir sur la nature humaine. Mais que mon militaire philosophe soit heureux avec Mme Dix-neuf ans : il est de l’intérêt de la Providence que la vertu soit quelquefois récompensée.
On vient de réformer le parlement de Dijon ; on en fait autant de Rennes et à Grenoble. Celui de Dombes, qui n’était qu’une excroissance inutile, est supprimé. Voilà toute cette grande révolution finie plus heureusement et avec plus de tranquillité qu’on avait osé l’espérer. La justice rendue gratuitement, et celle des seigneurs exercée aux dépens du roi, seront une grande époque et la plus honorable de ce siècle. Il y a de quoi se consoler de tant de malheurs attachés à notre pauvre espèce.
Vous ne retournerez à Paris qu’à la fin de décembre ; il faudra que vous alliez servir votre quartier, vous n’aurez guère le temps de voir M. d’Alembert ; mais si vous le voyez, je vous prie de lui dire que je voudrais passer le reste de ma vie entre vous et lui.
Notre ermitage vous renouvelle les sincères assurances de l’amitié la plus inviolable.
Voltaire »
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