13/11/2011
M. d'Argenson m'a assuré, foi de ministre, que ma lettre était venue trop tard, et moi, foi de philosophe, je n'en crois rien
« A M. de Brenles
A Prangins, le 27 janvier [1755]
Un voyage que j'ai fait à Genève, monsieur, dans un temps très rude, a achevé de me tuer . Je suis dans mon lit depuis trois jours, il faudrait qu'il y eût sur votre lac de petits vaisseaux i pour transporter les malades ; mais puisque vous n'avez point de vaisseaux sur votre mer, il faut que M. de Giez ii me fasse au moins avoir des chevaux et un cocher pour venir vous voir . Il est bien difficile de trouver un tombeau dans ce pays-ci . Il n'y a dans Monrion iii ni jardin pour l'été, ni cheminée, ni poêle pour l'hiver . On me propose auprès de Genève des maisons délicieuses iv. J'aimerais mieux une chaumière près de vous ; mais j'ai avec moi une Parisienne qui n'a pas encore renoncé, comme moi, à toutes les vanités du monde . Il lui faut de jolies maisons et de beaux jardins . Heureusement on est toujours dans votre voisinage, quand on est sur le bord du lac . Je ne suis encore déterminé à rien qu'à vous aimer et à vous voir ; j'attends des chevaux pour venir vous le dire . Je présente mes respects à Mme de Brenles et à tous vos amis .
Mme Goll v me mande qu'elle ne sait pas encore quand elle pourra quitter Colmar : ainsi, au lieu d'avoir une amie auprès de moi, je me trouverai réduit à prendre une femme de charge , car il en faudra une pour la conduite d'une maison où il se trouvera, malgré ma philosophie, huit ou neuf domestiques .
Notre ami Dupont vi n'a pas réussi . M. d'Argenson m'a assuré, foi de ministre, que ma lettre était venue trop tard, et moi, foi de philosophe, je n'en crois rien .
Foi de philosophe encore, je voudrais être auprès de vous . Messieurs de Genève me pressent ; le conseil m'octroie toute permission, mais je ne tiens les affaires faites que quand elles sont signées, et toutes les conditions remplies . Mandez-moi ce que c'est que la solitude dont vous me parlez . Voilà bien de la peine pour avoir un tombeau . Je suis actuellement trop malade pour aller ; si vous vous portez bien, venez à Prangins ; venez voir un homme qui pense en tout comme vous , et qui vous aime . Vous trouverez toujours à Prangins de quoi loger . Mme de Brenles n'y serait pas si a son aise ; il faut être bien bon et bien robuste pour venir à la campagne dans cette saison .
Je vous embrasse .
V. »
iIl n'y alors que de petites barques malcommodes ; de nos jours une flotte affrétée par la Compagnie Générale de Navigation assure de multiples services : http://www.cgn.ch/
ii Jeune suisse, banquier de V* qui mourra dix mois plus tard ;
voir lettres du 26 septembre 1755 à M. Bertrand: page 472 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411354g/f475.image....
page 473 à de Brenles : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411354g/f476.image....
et 24 octobre 1755 à de Brenles : page 487 :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411354g/f490.image....
et lettre du 7 janvier : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/11/04/j...
iii Maison qu'il loue, sise près de Lausanne ; voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/11/04/j...
iv Entre autres les futures « Délices »
v Son ex- logeuse à Colmar, dont le mari vient de mourir le mois précédent .
vi Sébastien Dupont, avocat à Colmar qui briguait une place de prévôt à Munster avec l'appui de son ami V* qui fit appel à ses relations pour appuyer sa demande ; sans succès .
Voir lettres précédentes à Dupont : 3 janvier 1755 et 7 janvier : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/11/03/d...
et : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/11/05/j...
et au président Hénault du 3 janvier 1755 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/11/01/j...
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12/11/2011
des truites qui pèsent dix livres, et moi qui n'en pèse guère davantage ... J'ai passé ma vie à mourir
Dix livres !
Notre immortel dit ne peser que dix livres ou guère plus .
Sont-ce ceux-ci ?
« A M. Thieriot
A Prangins, le 23 janvier [1755]
Le Grand Turc i, notre ambassadeur à la Porte ottomane ii, et Royer, sont donc morts d'une indigestion ? Je suis très fâché pour M. des Alleurs, que j'aimais ; mais je me console de la perte de Royer iii et du Grand Turc ;
Puissent les lois de la mécanique qui gouvernent ce monde faire durer la machine de Mme de Sandwich iv, et que son corps soit aussi vigoureux que son âme, laquelle est douée de la fermeté anglaise et de la douceur française .
Vous voyez, mon ami , que Dieu est juste ; Royer est mort parce qu'il avait fait accroire à Sireuil que c'était moi qui l'était . Il faut enterrer avec lui son opéra, qui aurait été enterré sans lui . Royer avait engagé Sireuil dans la plus méchante action du monde , c 'est à dire à faire de mauvais vers ; car assurément on n'en peut pas faire de bons sur des canevas de musiciens . C'est une méthode très impertinente qui ne sert qu'à rendre notre poésie ridicule, et à montrer la stérilité de nos ménétriers . Ce n'est point ainsi qu'en usent les Italiens, nos maîtres . Metastasio et Vinci ne se gênaient point ainsi l'un l'autre ; aussi, Dieu merci, on se moque de nous dans toute l'Europe .
Je vous prie, mon ancien ami, d'engager M. de Sireuil à ne plus troubler son repos et le mien par un mauvais opéra . C'est un honnête homme, doux et modeste : de quoi s'avise-t-il d'aller se fourrer dans cette bagarre ? Donnez-lui un bon conseil, et inspirez-lui le courage de la suivre .
Avez-vous sérieusement envie de venir à Prangins, mon ancien ami? Arrangez-vous de bonne heure avec Mme de Fontaine et le maître de maison . Vous trouverez la plus belle situation de la terre, un château magnifique, des truites qui pèsent dix livres, et moi qui n'en pèse guère davantage, attendu que je suis plus squelette et plus moribond que jamais . J'ai passé ma vie à mourir, mais ceci devient sérieux, je ne peux plus écrire de ma main .
Cette main peut pourtant encore griffonner que mon cœur est à vous . »
i Mahmoud Ier (ou Mahomet Ier) mort le 13 décembre 1754 ; voir : http://books.google.fr/books?id=q5pPAAAAYAAJ&pg=PA199&dq=Mahmoud+Ier+%28ou+Mahomet+Ier%29+mort+le+13+d%C3%A9cembre+1754&hl=fr&ei=Eue-TofWDcqyhAfHg4SXBA&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CDIQ6AEwAA#v=onepage&q=mahmoud&f=false
ii Roland Puchot, comte des Alleurs, mort le 23 novembre 1754 à Constantinople .Voir note 2 : http://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome33.djvu/157
iii Voir lettre à Royer du 20 mars 1754 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/09/19/le-combat-des-dieux-et-des-geants-est-au-rang-de-ces-grandes.html
iv Lady Dorothy épouse de John Montagu, comte de Sandwich, était fille du comte de Rochester . Elle fut malade après son mariage (on dit qu'elle devenait folle) et mourra en 1757 .
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11/11/2011
Les plus petites choses vous deviennent importantes, quand il s'agit d'un homme que vous aimez, voilà mon excuse
Quand il s'agit d'une femme, cela est encore vrai , bien sûr . Et je pense encore ici, de tout coeur, à Mam'zelle Wagnière .
http://www.topito.com/top-belles-photos-chema-madoz
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
A Prangins, pays de Vaud, 23 janvier [1755]
Toute adresse est bonne, mon cher et respectable ami, et il n'y a que la poste qui soit diligente et sûre ; ainsi je puis compter sur ma consolation , soit que vous écriviez par M. Tronchin à Lyon, ou par M. Fleur à Besançon, ou par M. Chappuis i à Genève, ou en droiture au château de Prangins, au pays de Vaud .
Dieu a puni Royer, il est mort . Je voudrais bien qu'on enterrât avec lui son opéra, avant de l'avoir exposé au théâtre sur son lit de parade . L’Orphelin vivra peu de temps ; je ferai ce que je pourrai pour allonger sa vie de quelques jours, puisque vous voulez bien lui servir de père . Lambert m'embarrasse actuellement beaucoup plus que les conquérants tartares, et il me paraît aussi tartare qu'eux .
Je vous demande mille pardons de vous importuner d'une affaire si désagréable ; mais votre amitié constante et généreuse ne s'est jamais bornée au commerce de littérature, aux conseils dont vous avez soutenu mes faibles talents . Vous avez daigné toujours entrer dans toutes mes peines avec une tendresse qui les a soulagées . Tous les temps et tous les évènements de ma vie vous ont été soumis . Les plus petites choses vous deviennent importantes, quand il s'agit d'un homme que vous aimez, voilà mon excuse .
Pardon, mon cher ange ; je n'ai que le temps de vous dire qu'on me fait courir, tout malade que je suis, pour voir des maisons ii et des terres . Est-il vrai que Dupleix s'est fait roi, et que Mandrin s'est fait héros à rouer ? On me mande que la Pucelle est imprimée iii, et qu'on la vend un louis à Paris . C'est apparemment Mandrin qui l'a fait imprimer ; cela me fait mourir de douleur . »
i Marc Chappuis, sera cité par V* dans une lettre à Hume du 24 octobre 1766 à propos de Jean-Jacques Rousseau ; c'était sans doute un proche parent des demoiselles Chappuis, marchandes de modes à Genève, chez qui V* faisait adresser son courrier , et à qui il écrivit une trentaine de lettres .
ii Au mois de février suivant, V* acquiert la maison Sur Saint Jean, proche de Genève, qu'il baptisera Les Délices .
iii La version authentique ne sera imprimée qu'à la fin de 1755 .
Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-la-pucelle-d-or...
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il eût été un grand homme ; mais de tels héros sont pendus aujourd'hui
« A M. de Cideville
A Prangins, le 23 janvier [1755]
Mon cher et ancien ami, car , Dieu merci , il y a cinquante ans que vous l'êtes, vous avez sur moi de terribles avantages . Vous êtes à Paris ; vous avez une santé et un esprit à la Fontenelle ; vous écrivez menu et avec plus d'agrément que jamais ; et moi je peux rarement écrire de ma main, et je suis accablé de souffrances sur les bords du lac de Genève . La seule chose dont je puisse bénir Dieu est la mort de Royer i . Dieu veuille avoir son âme et sa musique !
Cette musique n'était point de ce monde . Le traitre m'avait immolé à ses doubles croches, et avait choisi, pour m'égorger, un ancien porte-manteau du roi, nommé Sireuil . Dieu est juste, il a retiré Royer à lui, et je crains à présent beaucoup pour le porte-manteau .
Si on s'obstine à jouer ce funeste opéra de Prométhée, que Sireuil et Royer ont défiguré à qui mieux mieux, il faudra me mettre dans la liste des proscrits de ce vieux fou de Crébillon . J'y serais bien sans cela . J'ai eu à craindre les sifflets sur les bords de la Seine, et les Mandrins ii sur les bords du lac Léman . Ils prenaient assez souvent leurs quartiers d'hiver dans une petite ville tout auprès du château où je suis ; et Mandrin vint, il y a un mois, se faire panser de ses blessures par le plus fameux chirurgien de la contrée . Du temps de Romulus et de Thésée, il eût été un grand homme ; mais de tels héros sont pendus aujourd'hui .
Voilà ce que c'est que d'être venu au monde mal à propos . Il faut prendre son temps en tout genre . Les géomètres qui viennent après Newton, et les poètes tragiques qui viennent après Racine, sont mal reçus dans ce monde . Je plains les Troyennes et les Adieux d'Hector iii de se présenter après la tragédie d'Andromaque .
J'imagine que vous logez toujours votre digne compatriote le grand abbé iv. Je vous souhaite à tous deux des années longues et heureuses , exemptes de coliques, de sciatique, et de toutes les misères rassemblées sur mon pauvre individu .
Je vous embrasse tendrement . »
i Joseph-Nicolas-Pancrace Royer est mort le 11 janvier 1755 à Paris . http://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Nicolas_Pancrace_Royer
ii Voir Louis Mandrin : http://www.mandrin.org/campagnes-de-mandrin.html
iii Tragédies de Jean-Baptiste Vivien de Châteaubrun : Les Troyennes, et Astyanax (Les Adieux d'Hector) . Voir Chateaubrun : http://www.theatre-classique.fr/pages/bio/auteurs.htm
Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste_Vivien_de_Ch%C...
et : http://books.google.fr/books?id=HR06AAAAcAAJ&pg=PA3&a...
iv L'abbé de Resnel , dit le « cher grand abbé », dont V* parle déjà en 1734 : voir page 476 :http://books.google.fr/books?id=fvs3AQAAIAAJ&pg=PA476...
00:42 | Lien permanent | Commentaires (0)
10/11/2011
Royer, ne pouvant me tuer, a tué un de mes enfants ; je souhaite que le sien vive .
NDLR : Une lettre de plus pour laquelle il va falloir que je prenne le temps d'ajouter des notes .
Si j'oublie, rappelez-le moi !
Scusi !!
Je laisse vos oreilles en accord/désaccord avec Pancrace Royer - l'assassin sus-nommé-, champion des triples croches (et plus ) :
http://www.deezer.com/listen-2745870
« A M. le marquis de Ximenès
Au château de Prangins, pays de Vaud, 19 janvier [1755]
Vous voyez, monsieur, que tous les maux sont sortis pour moi de la boîte de Pandore avec les doubles croches de M. Royer . Il ne savait pas seulement que Pandore fût imprimée, et il fit faire , il y a un an, des canevas par M. de Sireuil son ami, qui crut que j'étais mort , comme les gazettes l'avaient annoncé . Royer, ne pouvant me tuer, a tué un de mes enfants ; je souhaite que le sien vive . Il m'écrivit, il y a trois mois, que son opéra était gravé . Il le sera sans doute dans la mémoire, mais il ne l'était pas encore en papier . Je fis les plus humbles remontrances ; je n'ai rien obtenu . On me regarde comme mort ; on vend mon bien, on le dénature . M. de Sireuil m'a écrit ; il me paraît un homme sage et modeste, très fâché de la peine qu'on l'a engagé à prendre et à me faire . Je ne crois pas qu'il soit possible d'empêcher cette nouvelle tribulation, qu'il faut bien que j'essuie . Je n'ai pas même l'espérance qu'on disait être au fond de la boîte . C'est un nouveau malheur, et , qui pis est, un malheur ridicule . Vous m'offrez généreusement votre secours ; vous voulez qu'un M. de La Salle, sous vos ordres, remédie autant qu'il pourra à cette déconvenue . J'accepte vos bontés ; il faudrait que tout se passât sans choquer personne ; il faut craindre un ridicule de plus . Royer dit qu'il ne veut rien changer à sa musique . Il a obtenu une approbation pour faire imprimer le poème sous le nom de Fragments de Prométhée, avec les changements et additions que M. Royer a cru propres à sa musique ; c'est à peu près ce que porte le titre .
Voilà où en est cette aventure . Si, dans de telles circonstances, vous croyez que je puisse être reçu à me mêler de mon ouvrage, et que ma procuration à M. de La Salle soit valable, je suis prêt à vous l'envoyer signée d'un notaire suisse, et légalisée par un bailli .
Adieu, monsieur ; je vous remercie bien tendrement ; je suis très malade . Mme Denis qui a eu le courage de me suivre et d'être ma garde, vous fait les plus sincères compliments . Vous savez par combien de titres je vous suis attaché . Permettez-moi de présenter mes respects à madame votre mère . »
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09/11/2011
notre mont Jura est mille fois plus beau que Plombières
Cette affirmation est juste, et je défie les curistes de Plombières d'assurer qu'ils vont dans un lieu agréable . Peut-être que la mocheté du lieu de cette cure est semblable à l'amertume d'un médicament, elle fait partie du traitement en incitant à guérir vite pour ne plus y être soumis . Ce n'est qu'une hypothèse , mais j'y crois , l'inconscient est tellement fort .
Et puis, il est normal que je défende le pays de Gex où je suis .
Ce jour , visite guidée et, triste spectacle, Volti est sous les barreaux, une fois de plus me direz-vous . Et je le prouve ...
Rassurez-vous, ce n'est qu'une mise en scène au Musée-Institut Voltaire, la maison des Délices de Voltaire à Genève, pour l'occasion d'une exposition sur la police du XVIIè au XIXè siècle , avec en titre d'appel "Commissaire Voltaire" ( voir à gauche le lien Gazette ) .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
A Prangins, pays de Vaud, 19 janvier [1755]
Que j'abuse de vos bontés, mon cher et respectable ami ! Mais pardonnez à un solitaire qui n'a que ses livres pour ressource , et qui les perd . Je vous supplie de vouloir bien donner cette nouvelle semonce à ce maudit Lambert i. Mon ange, tout le monde, hors vous, se moque des malheureux . Encore , si j'avais fait le Triumvirat , mais je n'ai qu'un Orphelin, et voilà la boîte de Pandore qui va s'ouvrir . Pendant ce temps-là, nous sommes tout au beau milieu du mont Jura, per frigora dura secula est ii . Si jamais vous voulez tâter des eaux de Plombières, envoyez-moi chercher ; ce ne sera peut-être que là que je pourrai avoir encore une fois, avant de mourir, la consolation de vous voir . Au reste notre mont Jura est mille fois plus beau que Plombières, et ce lac si fameux pour ses truites est admirable ; et puis doit-on compter pour rien d'être en face de Ripaille ? Ma foi, oui .
Mon cher ange, le malade et la courageuse garde-malade vous embrassent de tout leur cœur . »
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08/11/2011
La réputation de Virgile et de Tite Live vaut mieux que tous les bruits qu'ont faits et que feront les papes présents, passés et futurs .
Dupont a les mêmes opinions défavorables que son ami Voltaire à propos du clergé catholique en général, et des papes en particulier .
Ceux du XXè et ceux du XXIè siècle seraient-ils aptes à les faire changer d'avis ? Je pense qu'ils ne font que du "bruit", un bruit de fond, comme la musique de supermarché, juste assez forte pour briser le silence, juste assez incompréhensible pour ne pas faire travailler trop de neurones, juste assez motivante pour développer le pouvoir d'achat .
Peuvent-ils encore développer la foi , la célèbre foi du charbonnier, "qui est heureux comme un pape et con comme un panier " ? Vu l'actuelle fréquentation des lieux cultuels, ça ne semble pas gagné !
Et en plus se développe un ridicule complexe de minorité opprimée de la part de ces catho, si bien pensant, qu'ils demandent à cor et à cri qu'on cesse de se moquer de leur sainte religion au prétexte que les juifs et les musulmans sont toujours les premiers à crier à la moindre caricature . Ils réclament le droit d'être aussi abrutis que les sus-nommés, de faire leurs cacas nerveux si on touche un poil de pubis au petit Jésus . Au fait, en parlant de "bruit", la pape pète-t-il ? Si, oui, et je l'espère pour lui , peut-on parler sans blasphème de bulle papale ?
Si Dieu est grand, ses prophètes sont des petits d'hommes, qui pissent, crient, rient, mentent, souffrent et parfois aiment . Pourquoi leur faire un culte déraisonnable ? Pourquoi les défendre en abattant des vivants ?
Pour moi, le plus grand blasphème est la haine .
L'imbécilité est son terreau .
Voyez et écoutez :
http://www.deezer.com/listen-13755069
Je vais , désormais, autant que possible, mettre en ligne les lettres reçues par Volti .
Ce jour , la réponse à sa lettre du 7 janvier 1755 .
« De Sébastien Dupont
Avocat
à
Monsieur de Voltaire
Du 14 janvier [1755]
Ma foi, monsieur, je suis honteux des peines que je vous donne . Si je vous eusse demandé l'immortalité, ce présent vous aurait moins coûté que ma prévôté .
Vous avez daigné écrire au confesseur du roi i; je ne me serais jamais avisé de cet expédient . C'est intéresser le diable en ma faveur , car un confesseur du roi est un diable en intrigue ; il en a tout le temps . Je fais cependant plus de fond sur la robe rouge que sur le manteau noir, et je compte plus sur le président de La Marche que sur le jésuite . L'un vous servira par goût, et l'autre par politique, à moins que vous n'ayez promis votre pratique au révérend père . En ce cas, l'amour-propre le fera trotter d'importance, car il sait bien qu'il y aurait plus de gloire à être votre confesseur que celui du roi .
Vous craignez que deux cents louis donnés à une dame de Paris ne rompent toutes vos mesures . L'amitié est prévoyante . Eh bien ! s'il le faut je les donnerai, et qui plus est, je ferai tout ce que la dame voudra . Est-ce qu'un prévôt de Munster serait moins écouté, sur le chapitre de la galanterie, que l'abbé du lieu ?ii
Vous êtes modeste en tout, dans les affaires aussi bien que dans les belles-lettres, et vous n'estimez pas votre intercession autant qu'elle vaut . Le voisin de Ripaille me ferait cardinal, s'il l'avait entrepris . Il a été un temps que ce séjour vous aurait valu la papauté . Voilà ce que c'est que de n'être pas né quelques siècles plus tôt . Voyez ce que votre existence vous coûte . Au surplus, vous n'y perdez que cela ; car je connais des ouvrages pour lesquels on a et le respect qu'inspire l'ancienneté, et l'ardeur que donne la nouveauté . N'allez donc pas vous fâcher d'être né tard . La réputation de Virgile et de Tite Live vaut mieux que tous les bruits qu'ont faits et que feront les papes présents, passés et futurs .
Ce Mandrin a des ailes, il a la vitesse de la lumière . Vous dites qu'il est à votre porte ; on l'a vu aux nôtres dans le même temps . M. de Monconseil est nommé général contre lui ; il est parti avant-hier pour le combattre . Je vous manderai le succès de la bataille, si l'on en vient aux mains . En attendant, toutes les caisses des receveurs des domaines sont réfugiées à Strasbourg . Mandrin fait trembler les suppôts du fisc . C'est un torrent, c'est une grêle qui ravage les moissons dorées de la ferme . Le peuple aime ce Mandrin à la fureur ; il s’intéresse pour celui qui mange les mangeurs de gens . Je vous entretiens de babioles, et je vous distrais de vos beaux ouvrages ; cela a toujours été mon lot . Je ne me défais pas de ma mauvaise coutume, ni vous de vos belles habitudes, l'humanité et la patience iii. »
i En fait , V* dans sa lettre à Dupont , du 7 janvier , disait : « j'écrirais, s'il le fallait... » et non pas « j'écrirai » . C'était le Père Desmarets qui était alors le confesseur du roi Louis XV.
ii V* l'avait vu en 1753, lors de son passage à Munster et en disait ceci à la comtesse de Lutzelbourg le 24 octobre 1753 : « Je n'ai vu qu'en passant l'abbé de Munster, il est occupé à Colmar ; il m'a paru fort aimable . Il a tué du monde, il a fait l'amour, il est poli, il a de l'esprit, il est riche, il ne lui manque rien. » .
Voir page 365 : http://books.google.com/books?id=7SQtAAAAYAAJ&pg=PA57...
iii Colini et Dupont étaient moins élogieux sur V* dans leur correspondance entre eux .
Colini écrivait, entre autres : « Tel était son caractère ; dès qu'un ouvrage était commencé, il aurait voulu le voir fini le lendemain ; l'impatience le dévorait. »
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