14/10/2012
On dit que les banqueroutes pleuvent en Allemagne tandis que vous buvez en paix
... Et au risque de déplaire à tous ceux qui me rabâchent que la France va mal, qu'elle est fichue sans Sarko le vibrionnant, qu'elle ne se relèvera pas, je leur soutiens la thèse inverse et me félicite du changement, fort de l'exemple de l'histoire qui montre tour à tour grandeurs et décadences de nations . Il y a du pain sur la planche, cuisons le pour que tous en aient .
1757 : gros titres "banqueroutes en Allemagne" , 2012 : "Allemagne première économie de la zone euro" capable de dire "nein" au FMI : http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0202324862007-a-tokyo-l-allemagne-contre-le-reste-du-monde-500068.php
Alors, qui a raison d'espérer et d'y croire ?
Sur ce, je boirai bien un bon verre de jus de pommes pressées en équipe de bonne volonté . Tchin tchin !
Et puis, pour rester raccord avec le sujet , une 1664 !
J'ai dit " boire en paix , SVP !"
« A Jean-Robert Tronchin
Monrion 18 mars [1757]
Je vous supplie mon aimable correspondant de vouloir bien dépêcher l'incluse à Briasson après l'avoir lue 1.
Que devient Damiens son nouveau testament et son canif ?
Mais que devient la Saxe ? Elle est abimée et voilà les Kalmouks qui arrivent et les Francs qui partent . On dit que les banqueroutes pleuvent en Allemagne tandis que vous buvez en paix et que trois Tronchin et un baron 2 s'amusent, ou à guérir des Lyonnaises ou à leur plaire .
De notre côté nous jouons la comédie à Lausanne tant que nous pouvons . Il y a du bien et du mal dans ce monde . Renvoyez-nous les deux Tronchin au printemps 3, ils font mes beaux jours .
Votre très humble et obéissant serviteur .
V. »
1 Le 13 mars il écrit à Jean-Robert Tronchin : “... je vous prie d'avoir la bonté de m'envoyer les livres que Briasson le libraire vous adresse, et quand ils vous seront parvenus voulez-vous bien avoir la bonté de lui faire toucher 415 livres tournois à Paris...”
3 François Tronchin, le conseiller, avait demandé l'autorisation le 7 mars de se rendre à Lyon pour quelques semaines, et le 12 ce fut Théodore Tronchin, le médecin, qui fit cette même demande de “petit voyage à Lyon”.
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vous m’avouerez que les charlatans de politique et de théologie sont plus dangereux et haïssables
... En tenant compte que ceux qui ne sont pas des charlatans ont déjà un certain pouvoir de nuisance, beaucoup de monde nous fait vivre dangereusement au quotidien .
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6948212b
« A Charles Palissot de Montenoy 1
à Monrion près de Lausanne [mars 1757]
Votre dernière lettre monsieur, est remplie de goût et de raison ; elle a redoublé l'estime et l'amitié que vous m'avez inspirées . Il est vrai qu'il y a des charlatans de physique et de littérature dans Paris mais vous m’avouerez que les charlatans de politique et de théologie sont plus dangereux et haïssables . L'homme dont vous me parlez est du moins un philosophe 2 ; il est très savant il a été persécuté : il est au nombre de ceux dont il faut prendre la parti contre les ennemis de la raison et de la liberté .
Les philosophes sont un petit troupeau qu'il ne faut pas laisser égorger . Ils ont leurs défauts comme les autres hommes ils ne font pas toujours d’excellents ouvrages ; mais s'ils pouvaient se réunir tous contre l'ennemi commun ce serait une bonne affaire pour le genre humain . Les monstres nommés jansénistes et molinistes après s'être mordus aboient ensemble contre les pauvres partisans de la raison et de l’humanité . Ceux-ci doivent au moins se défendre contre la gueule de ceux-là .
On m'avertit que le libraire Lambert achève d'imprimer un énorme fatras et dans ce chaos il y a quelques germes de philosophie . Je me flatte qu'il vous le présentera : il me fera un très grand plaisir de vous donner cette faible marque des sentiments que je vous dois . Cette philosophie dont je vous parle exclut les formes wisigothes de votre très humble . Je vous embrasse . »
1 Voir par ex. page 307 : http://books.google.fr/books?id=Jw46AAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q=voltaire&f=false
et aussi à propos de Patu, ami commun : page 317 : http://books.google.fr/books?id=Jw46AAAAcAAJ&printsec...
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je vous réitère que la subsistance de ma maison dépend de cette rente
... Ne cesserai-je de rappeler à la caisse de pension de retraite qui me versera une maigre -ô combien !- part de ce que j'ai versé au fil des ans . Vivrai-je assez pour rentrer dans mes fonds ? Supense ...
... Pas pour tout le monde !
« A François-Louis Jeanmaire
à Monrion près de Lausanne 15 mars 1757
Selon l'usage établi ente nous je vous averti toujours vers l'échéance des quartiers de ma rente sur Son Altesse sérénissime Mgr le duc de Virtemberg 1, et je vous réitère que la subsistance de ma maison dépend de cette rente . Vous m’obligeriez sensiblement de me faire payer au 1er avril des six mois échus . Prenez la voie qui vous sera la plus commode soit par les lettres de change de M. Turkheim soit en m'envoyant des espèces à Lausanne . J'entrerai dans toutes les vues que vous aurez et je me ferai un vrai plaisir de vous témoigner ma reconnaissance, étant bien véritablement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
Voltaire
gentilhomme ordinaire du roi »
1 Voir l'origine de cette rente dans la lettre à Mme Denis du 9 septembre 1752 : page 279 : http://books.google.fr/books?id=N4M-AAAAcAAJ&pg=PA279&lpg=PA279&dq=duc+de+virtemberg+rente+voltaire&source=bl&ots=XTWdoJfduP&sig=Ij2Far5DYQhqMzDB0F7sE_H1QtU&hl=fr&sa=X&ei=c8J6UIakFfSp0AW0xoDgAw&sqi=2&ved=0CCoQ6AEwAg#v=onepage&q=duc%20de%20virtemberg%20rente%20voltaire&f=false
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Souvent lorsqu'un dieu vous accable, un autre vous porte secours [Saepe, premente deo, fert deus alter opem]
... Seulement "souvent" ! pas "toujours", il faudra bien nous en contenter .
Si Allah n'est plus capable de faire garder leur calme à ses fidèles (Mohammed étant un excellent boute-feu), voyons par exemple du côté de Vishnou (la paix, comme dit Pierre Dac) ou de Nanabozo le Grand Lapin (notre totem , comme dit Oumpa Pah ) .
Et pour les plus optimistes, le dieu Loto de la FDJ (Foire des Jobards) pour annuler les in/actions du dieu Pôle Emploi (tout aussi glacial que l'Arctique et l'Antarctique réunis )!
« A M. Jacques-Abram-Elie de BRENLES.
Jeudi, 10 mars [1757].
Saepe, premente deo, fert deus alter opem. 1
Mon cher philosophe, un prêtre nous manque pour l'orchestre profane 2 ; nous en avons un autre, M. d'Hermenches a autant de ressources que de zèle pour notre tripot. Mais Dieu se venge, Baioco 3 est enroué; Mme Denis ne peut pas parler. Cependant c'est pour demain, recommandez-nous à la miséricorde divine. Je vous remercie au nom de la bande joyeuse. Je ne suis guère joyeux, mais je me livre aux plaisirs des autres.
Post habui tamen illorum mea seria ludo. 4
Bonsoir, couple de sages.
V. »
1 Ovide., Tristes, lib. I, eleg. 1, v. 4. : Souvent lorsqu'un dieu vous accable, un autre vous porte secours .
3 Il s'agit d'un personnage du Joueur, pièce de Biancolelleli et Romagnesi . Voir : http://books.google.fr/books?id=fJWAvt_fEk0C&pg=PP16&...
4 Virgile., Eglogues. VII, v. 17 : Cependant j'ai fait passer mes graves soucis après leurs amusements .
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13/10/2012
l'illustre brigand Charlemagne, surnommé le saint, jusqu'à nos ridicules jours
... Me fait invinciblement penser à un autre Charles qui est loin d'être magne, -plus près du diable que de la sainteté,- puisque qu'il n'est que Pasqua magna os, se réclamant disciple d'un magna Charles de Gaulle .
Autre temps, autres brigands, nos "ridicules jours " en voient naître quotidiennement, et le sexe dit faible apporte son lot dans cette abondante confrèrie : http://www.leparisien.fr/faits-divers/blanchiment-d-argent-de-la-drogue-l-ump-denonce-la-permissivite-de-la-gauche-13-10-2012-2230301.php
PS : M. Philippe Goujon, dit Fifi Menu-Fretin, notable (UMP) mais insignifiant, se ridiculise par son analyse des faits . Qu'on le rejette à la Seine !
Pas fleurie, mais à un poil du ridicule c'est sûr !
(il est surnommé Tête de Bretzel ! )
« A M. Sébastien Dupont
avocat.
A Monrion, près de Lausanne, 10 mars [1757].
Mon cher ami, les Cramer ont dû vous envoyer cette esquisse des sottises et des atrocités humaines depuis l'illustre brigand Charlemagne, surnommé le saint, jusqu'à nos ridicules jours. Plus je lis et plus je vois les hommes, plus je regrette votre société. Je vis pourtant dans le pays le plus libre et le plus tranquille de la terre, et où il y a de l'esprit et des talents. Si je vous disais qu'à Lausanne, nous avons joué Zaïre mieux qu'à la Comédie de Paris; que nous jouons aujourd'hui l'Enfant prodigue; que, dans peu de jours, nous représentons une pièce nouvelle 1 que nous avons un très-joli théâtre 2; que notre société chante des opéras-buffa après la grande pièce , qu'on donne des rafraîchissements à tous les spectateurs; qu'ensuite on fait des soupers excellents, me croiriez-vous? Cela n'est pas d'usage à Colmar; mais en récompense vous avez des jésuites et des capucins. Soyez bien sûr que je vous regrette au milieu de tous nos plaisirs ils étaient faits pour vous. Voulez-vous bien avoir la bonté de demander pour moi au libraire Schœpflin deux exemplaires des Annales de l'Empire ? Je vous serai très-obligé. Il n'aurait qu'à les faire remettre au coche à mon adresse, à Lausanne. Je lui en payerai le prix, ou je lui enverrai l'Essai sur l'Histoire générale, à son choix. Je vous serai très-obligé.
Mille respects, je vous en prie, à monsieur le premier président 3 et à madame la première. Mme Denis [et moi], nous vous regrettons également; nous vous aimerons toujours. Nous en disons autant à Mme Dupont. »
1 Fatime, nouveau nom de Zulime qui a été remaniée . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-zulime---avertissement-81729398.html
2 C'est-à-dire à Mon-Repos, à l'une des extrémités de Lausanne, sur la route de Vevai. Mon-Repos ou Mont-Repos, qui appartenait alors à la marquise de Gentil, a appartenu depuis à un ancien agent de change de Paris, M. Perdonnet, né à Vevai, qui en avait fait un séjour enchanteur. (CL.)Voir : http://www.lausanne.ch/view.asp?docId=22756&domId=63038&language=F
3 Christophe de Klinglin, frère de Mme la comtesse de Lutzelbourg, fils de François-Christophe-Honoré de Klinglin (ancien prêteur royal à Strasbourg ). Voir : http://books.google.fr/books?id=7RJAAAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
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12/10/2012
Je sais seulement que les Anglais ont la tête bien dure, ou plutôt le coeur
... Ainsi que pourront vous le confirmer Jeanne d'Arc, de Gaulle et François Hollande .
http://www.heresie.fr/thievicz/2012/01/
« A Madame Marie-Ursule de KLINGLIN,comtesse de LUTZELBOURG.
A Monrion, près de Lausanne, 8 mars [1757].
J'ai été malade, madame, et j'ai perdu mon correspondant 1 qui me mandait bien des nouvelles que j'avais l'honneur de vous envoyer. Je retombe dans mon néant. Je ne sais plus si les troupes marchent ou non; si mon pauvre amiral Byng a eu la tète cassée. Je sais seulement que les Anglais ont la tête bien dure, ou plutôt le coeur que l'Allemagne va être bouleversée que Paris est bien triste; que l'argent est bien rare, et que cette vie n'est pas semée de roses. La chèvre 2 n'a remporté de Paris que le mauvais quolibet Attendez-moi sous l'orme 3. Portez-vous bien, madame; vivez avec votre digne amie 4; méprisez ce malheureux monde comme il le mérite; conservez-moi vos bontés. »
1 Le comte d'Argenson, , exilé à sa terre des Ormes. : voir lettre du 6 janvier 1757 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/09/18/on-lui-a-brule-les-pieds-par-essai-il-n-a-rien-avoue.html
et lettre du 30 janvier : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/09/26/l-on-debite-cent-choses-nouvelles-tous-les-jours-tout-devien.html
2 Surnom du comte d'Argenson : voir lettre à Cideville du 9 février 1757 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/09/30/l-histoire-ce-n-est-apres-tout-qu-un-ramas-de-tracasseries-q.html
3 Jeu de mot qui signifie « je n'ai pas l'intention de venir vous rechercher » et allusion à la propriété du comte .
16:44 | Lien permanent | Commentaires (0)
tout ce qui est nouveau rebute le ministère
... Car depuis des temps immémoriaux la noble (sic) profession de fonctionnaire de l'Etat campe sur un certain nombre d'avantages acquis (à plus ou moins juste titre, mais c'est une autre histoire) et ronronne souvent, doucement , renaclant à appliquer de nouvelles manières de travailler, pantouflant sans remord, freinant par inertie et gardant un oeil sur l'horloge l'autre sur la porte de sortie . Et dire qu'il faut passer par eux, par leurs paperasses innombrables autant que souvent -trop souvent- inutiles-, leurs "je ne sais pas", leurs "revenez quand ...", etc. La nouveauté fait peur, d'accord, mais évoluer à la vitesse des diligences semble être leur apanage : pas trop vite le matin ,doucement ensuite .
Et sans transition, pour se changer les idées : http://www.buffon.cnrs.fr/ice/ice_page_detail.php?lang=fr&type=text&bdd=buffon&table=buffon_hn&typeofbookDes=hn&bookId=17&pageChapter=Le+petit+Tetras+ou+Coq+de+bruy%E8re+%E0+queue+fourchue.&pageOrder=217&facsimile=off&search=no&num=&nav=1
« A Madame Marie-Elisabeth de DOMPIERRE de FONTAINE,
à Paris.
A Monrion, 6 mars [1757]
Le bonhomme Lusignan dit les choses les plus tendres à Mme de Fontaine et consorts; il est devenu à présent le bonhomme Euphémon dans l'Enfant prodigue c'est un vieillard qui aime toujours la bonne compagnie; jugez s'il vous chérit.
Je suis impatient de savoir si votre aimable secrétaire 1 est enfin venu à bout, avec M. de Paulmy, d'une affaire qui était si difficile avec M. d'Argenson 2. Il est arrivé souvent qu'on a été négligé par ceux à qui on était attaché, et qu'on réussit auprès de ceux dont on devait moins attendre. Je m'intéresse aussi aux petits chariots: c'est une chose qui certainement peut produire de grands avantages; mais comment faire de tels préparatifs secrètement ? tout ce qui est nouveau rebute le ministère; et cette invention nouvelle devient inutile dès qu'elle est sue.
Est-il bien sûr enfin qu'on a fait partir cinquante mille hommes, qu'on va faire une guerre très-vive au dehors, et que les affaires s'accommodent au dedans? Pour nous, pauvres Suisses, nous ne songeons qu'à des plaisirs tranquilles. On croit chez les badauds de Paris que toute la Suisse est un pays sauvage on serait bien étonné si on voyait jouer Zaïre à Lausanne mieux qu'on ne la joue à Paris; on serait plus surpris encore de voir deux cents spectateurs aussi bons juges qu'il y en ait en Europe. Il y a dans mon petit pays romand, car c'est son nom, beaucoup d'esprit, beaucoup de raison, point de cabales, point d'intrigues pour persécuter ceux qui rendent service aux belles-lettres. Nous sommes libres, et nous n'abusons point de notre liberté, les tribunaux ne cessent point de rendre justice; il n'y a ni margouillistes, ni convulsionnaires, ni de Robert-François Damiens.
Notre climat vaut mieux que le vôtre; nous avons plus longtemps de beaux jours; il n'y a que de très-méchant vin autour de Paris, et nos coteaux en produisent d'excellent nous avons mangé, l'automne et l'hiver, des gelinotes et des grianneaux 3 que vous ne connaissez guère. Cependant, ma chère nièce, je vous regrette de tout mon cœur; portez-vous bien, et aimez-moi. »
1 Le marquis de Florian .Pour les « petits chariots », voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/08/29/je-voudrais-que-vous-commandassiez-l-armee-et-que-vous-tuass.html
2 On ne connait pas le sujet de cette affaire avec certitude . Clogenson pense qu'il pourrait s'agir de l'élection, qui n'eut pas lieu, de V* à l'Académie des sciences ou des inscriptions .
3 Terme romand pour désigner le petit coq de bruyère à queue fourchue ; c'est le plus ancien exemple connu de l'utilisation de ce mot romand .
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