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23/07/2014

je n'aurai pas je crois le courage d'importuner le roi une seconde fois . Il m’enverrait promener, et il aurait raison

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courrier-international-3.jpg

 

 OK! OK! c'est déja fait, mais bon, une présentation sympa des évènements n'est pas à négliger .

 http://www.minutebuzz.com/2012/09/27/courrier-international-visuels-nouvelle-formule/

 

« À Charles de Brosses, baron de Montfalcon

3 juin [1759]

Quand je demandai, monsieur, il y a quelques semaines un brevet du roi en faveur de ma nièce à qui j'ai donné Ferney, je n'osai point parler de moi . Je n’eus pas l'insolence de prétendre que mon nom retentit aux oreilles du roi . Cependant on a dressé le brevet pour moi comme pour Mme Denis . Si j'avais cru être en faveur à ce point je n'aurais pas manque de faire insérer dans la patente un petit mot de confirmation pour Tournay . Ma modestie m'a perdu , et je n'aurai pas je crois le courage d'importuner le roi une seconde fois . Il m’enverrait promener, et il aurait raison . Il paraît donc qu'il n'y a d'autre ressource pour m'assurer des droits de Tournay que vos deux billets de garantie . Si ces droits vous sont personnels, vous n'avez pas dû me les assurer ; s'il sont à la terre, c'est en votre faveur que M. l’intendant de Bourgogne 1 me laissera jouir des droits de votre terre que vous m'avez vendue à vie, et dont la propriété vous demeure . Or il est clair que si les fermiers généraux peuvent m'enlever le privilège du centième denier, ils peuvent m'enlever tous les autres . Tournay par votre brevet n'est point sujet au centième , puisqu'il est décidé que les Genevois n'en doivent pas et que vous êtes censé Genevois . C’est donc votre privilège . Or vous m'avez vendu tous vos privilèges . Vous me les avez garantis . Je n'ai assurément acheté cette terre qu'à cette condition . Vous m'en avez donné votre parole d’honneur .vous êtes engagé tout autant par les bontés dont vous m'honorez . Je comte donc entièrement sur votre amitié, sur vos paroles, sur votre liaison avec M. l'intendant de Bourgogne . Je ne suis attaché à ne pas payer le 100è que dans la juste crainte que la perte de ce droit n'entraine celle de toutes les autres . Je vous avoue que j'aimerais mieux renoncer à la terre que de perdre les franchises pour lesquelles seules je l'ai achetée . Je dois être absolument privilégié comme vous, avoir permission de faire passer cent coupes, je dois ne connaître ni centième, ni capitation, ni lods et ventes, ni aucune imposition de quelque nature qu'elle puisse être . Il serait bien étrange que je fusse libre à Ferney, et esclave à Tournay . Monsieur l'intendant est de vos amis, il a paru être bien aise de notre marché . Vous pouvez aisément monsieur tirer une parole de lui qu'il ne m'inquiètera jamais sur aucun des droits dont vous avez joui . Si ce n'est pas à moi qu'il fait une grâce, c'est à vous qu'il rendra justice . C'est assez que j'aie beaucoup à me plaindre de son frère l'avocat général 2 . Son discours au parlement ne lui fait pas d'honneur . Je veux [vous avo]ir 3 l'obligation de tout ce que son frère pourra faire pour réparer la conduite fort peu raisonnable de ce magistrat . Il a crû que je m'étais expatrié, et il me semble comme à tout le monde, qu'il a parlé d'une manière très injurieuse et très injuste .

Je présume que vous n'avez pas été assez bon pour demander un privilège typographique 4 . On peut très bien parler des anciens , sans demander permission aux modernes . Que ne faites-vous imprimer chez ces unitaires de Genève ?5 Envoyez-moi vite votre manuscrit, et je vous réponds que la chose sera bientôt faite .

J'ai vu ce duc de Noya,6 di caza papale, e gran ricervatore d'antiche coyonerie . C’est un très bon homme .

Vous regrettez donc votre ancien pont-levis et votre porte par où l'on ne pouvais passer . Venez venez voir comme les choses sont aujourd'hui et j'arracherai de vous des remerciements, mais pour Dieu assurez-moi liberté, entière liberté, liberté dans laquelle je veux vivre et mourir .

Le manteau, le coït, l'huile d'onction, et la fornication d'Ooliba 7, dans Ézéchiel ne valent pas son déjeuner .8 »

1 Jean-François Joly de Fleury, 1718-1802, fut d'abord substitut du procureur général (1738) puis conseiller au parlement (1741) , il acquit en 1743 une charge de maître des requêtes et dirigea l'intendance de Bourgogne de 1749 à 1761 . Conseiller d’État semestre en 1760, il fut ministre d’État et des Finances de 1781 à 1783 . Son père Guillaume-François et son frère ainé Guillaume-François-Louis furent tous deux procureurs généraux du parlement de Paris, respectivement de 1717 à 1746 et de 1746 à 1787 .

2 Joseph Omer Joly de Fleury (1715-1810), fils de Guillaume-François, fut avocat général au Grand Conseil (1737-1746) puis au Parlement de Paris (à partir de 1746) et enfin président à mortier. Adversaire acharné des philosophes, contre lesquels il obtint l’interdiction de l’Encyclopédie et du Poème sur la loi naturelle en février 1759, l’interdiction de l’inoculation variolique en juin 1763, « Omer » a été rendu célèbre par les plaisanteries dont Voltaire l’a accablé : Voltaire l’appela le « petit singe à face de Thersite » (Pantaodai à Mlle Clairon, 1761), puis « maître Omer », et disait de lui qu’il n’était « ni Homère, ni joli, ni fleuri ». Omer Joly de Fleury prononça un réquisitoire contre le Dictionnaire philosophique en mars 1765. Voir : http://en.wikipedia.org/wiki/Joseph_Omer_Joly_de_Fleury

3 Le papier du manuscrit est abimé .

4 Le mot est ajouté au-dessus de la ligne .

7 Histoire d'Ooliba qui fera grande fortune sous la plume de V* ; Ézéchiel, XXIII : http://bible.catholique.org/livre-d-ezechiel/4827-chapitr... . Voir lettre de septembre -octobre 1759 à Mme d'Epinay : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/10/08/je-recommande-l-infame-a-votre-sainte-haine.html

8 Cette phrase est ajoutée au bas de la page ; à propos du déjeuner d'Ézéchiel, voir : http://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_philosophique/La_Raison_par_alphabet_-_6e_ed._-_Cramer_%281769%29/D%E2%80%99Ez%C3%A9chiel

 

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