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24/08/2014

Nous sommes nous autres assez malheureux pour avoir beaucoup de vin cette année. Il n'y a que les chèvres qui veulent danser qui puissent s'en réjouir

... Et les cochons de payeurs-consommateurs n'en verront pas baisser le prix, ce serait trop triste pour les producteurs d'avoir à diminuer leurs coquets bénéfices . Le fisc ne s'en plaindra pas, et les rats de cave auront bien du travail (vignerons, bistroquets et douaniers me comprennent ! ).

 

chevres qui dansent.jpg

 http://www.ledauphine.com/environnement/2014/08/23/des-ve...

 

« A Germain-Gilles -Richard de RUFFEY

A Tournay, par Genève, 21 juillet 1759. 1

Je ne sais comment faire, monsieur, pour vous remercier de toutes vos bontés, et pour payer MM. de la chambre des comptes. Je suis prêt de donner une lettre de change de la somme que la chambre exige. M. Tronchin, de Lyon, mon banquier, fera toucher l'argent à Dijon, selon les ordres qu'on voudra bien me donner. A qui faut-il adresser l'argent ?
J'observerai seulement qu'on a fait un calcul un peu fort et qu'on n'a pas songé qu'une partie de cette terre relève de l'ancien chapitre de Saint-Victor, aux droits duquel les hérétiques de Genève se sont mis. De tout mon cœur j'y consens; et puisque je paye au roi sur le pied de 75,000 livres, restera peu pour les parpaillots 2. Je les renverrai à la chambre des comptes, ce sera un procès; il faudra bien qu'ils le perdent, puisque les épices en sont payées, et qu'on me fait reconnaître le roi au lieu d'eux.
Franchement j'aime mieux reconnaître le roi ou son engagiste, monseigneur le comte de La Marche, pour mon seigneur suzerain, que la république genevoise. Mais voici un autre embarras: si messieurs de la chambre des comptes me font payer sur le pied de 75,000 livres, monseigneur le comte de La Marche, de qui je ne relève que pour 49,000 livres aux termes du contrat, sera donc en droit de me demander le quint et requint 3 de 75,000 francs. Par là messieurs de la chambre des comptes me coupent la gorge. L'objet devient important, il faudrait peut-être que j'allasse à Dijon; mais je ne puis quitter le czar Pierre, auquel la cour de Pétersbourg me fait travailler jour et nuit. Pierre le Grand me tue. Pour Frédéric, il m'égaye ; il m'écrit des lettres à faire pouffer de rire ; il se moque des Russes, des Autrichiens et des Français 4.
Je vous suis très-obligé du bulletin, mon cher monsieur ; je le prendrai. On n'a qu'à l'envoyer par la poste aux Délices. L'auteur n'est pas le confident des ministres ; mais n'importe, c'est une gazette de plus.
On dira de moi, à ma mort, comme de votre Dijonnais 5 : Que nul n'y perd tant que la poste 6.
Je plains M. Le Bault. Nous sommes nous autres assez malheureux pour avoir beaucoup de vin cette année. Il n'y a que les chèvres qui veulent danser qui puissent s'en réjouir. Mille respects à Mme de Ruffey.
Vous savez que le roi m'a rendu ou donné tous les anciens privilèges de la terre de Ferney. Elle ne paye absolument rien.
Il aurait fallu obtenir ce brevet plus tôt. C'est une très-grande grâce. Je me trouve entièrement libre, mais un peu ruiné.
Libertas quæ sera tamen respexit inertem. 7

Je voudrais jouir avec vous de mon bonheur. Adieu, monsieur. Pourquoi m'écrivez-vous du très-humble? Fi! cela n'est pas philosophe.

V. »

1 La lettre de Ruffey à laquelle répond celle-ci n'est pas connue .

2 Ce mot qu'on rencontre surtout dans le sud-ouest est issu du languedocien signifiant papillon, par allusion à l'humeur changeante des protestants, passés d'une foi à l'autre . Il est attesté depuis 1622 .

3 Droits féodaux correspondants au cinquième et au cinquième du cinquième du prix payé pour l'achat d'un manoir situé dans la juridiction d'un seigneur .

4 Dans une lettre du 2 juillet 1759, Frédéric II nomme Mme de Pompadour le « d'Amboise en fontange » du roi ; les « habits écourtés » valent les « talons rouges , les pelisses hongroises et les justaucorps verts de Oursomanes » ; et grâce à une « pucelle plus brave que Jeanne d''Arc », « divine fille née en pleine Westphalie », il vaincra « les trois catins »... Voir page 135 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f147.image.r=16%20juillet

7 La liberté qui vient sur le tard, favoriser mon insouciance . Virgile, Bucoliques, I, 27 .

 

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