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29/11/2023

En tous temps le mariage Sera tyran de l'univers Malgré les satires du sage

... No comment .

"Le mariage est une science."

Fort agréable et remarquable visite du passé pour éclairer le présent :

 physiologie-du-mariage.jpg

https://www.yumpu.com/fr/document/read/17073307/physiolog...

"Ne commencez jamais le mariage par un viol"

 

 

« A János Fékété, comte de Galánta

4 avril 1768 1

Monsieur !

Je n'ai pu répondre plus tôt . Soixante et quatorze ans de maladies et d'affaires en sont la cause . Mais puisque vous voulez de petites observations critiques, en voici :

Funeste lien 2 dont naquit le parjure .

Lien est de deux syllabes . Il faut nœud . Le vers sera de cinq pieds .

Fidèles sans aucune contrainte.

Le vers n'y est pas . Il faut Toujours fidèles sans contrainte.

 

Et Rome de l'hymen sut resserrer le nœud

En paraissant l’enfreindre.

On enfreint la loi, on n'enfreint point un nœud , on le dénoue, on le rompt, on le brise .

 

Désire-t-on ce que l'on peut ?

Il faut dire, ce que l'on possède, car on désire d’ordinaire toutes les choses auxquelles on peut atteindre .

 

Est des mariés l’ordinaire reprise.

Le vers n'y est pas ; mariés est de trois syllabes, il faut époux .

 

Pour mieux connaître ses forfaits

Il faut le voir sans voile .

Il manque une rime à voile.

 

Non, un mariage politique.

Le vers n'y est pas . Mariage est ici de quatre syllabes, parce que ce mot est suivi d'une consonne . Cela est aisé à corriger en mettant hymen au lieu de mariage .

 

Depuis que la vertu, bannie de la terre.

Le vers n'y est pas . L'envie ne peut être suivie d'une consonne . On peut mettre :

Depuis que la vertu s'exila de la terre,

Maudite du mari, son acariâtre humeur.

Acariâtre est de quatre syllabes, et serait de cinq si ce mot n’était pas suivi d'une voyelle ; le vers n'y est pas . On pourrait mettre sa fatigante humeur, ou son intraitable humeur .

 

L'on verra toujours le mariage.

Le vers n'y est pas . Mariage en finissant le vers est de trois syllabes .

 

Et contre lui j'exhale en vain ma rage.

Le mot de rage est trop fort . On pourrait mettre :

En tous temps le mariage

Sera tyran de l'univers

Malgré les satires du sage .

L’envoi est fort joli, mais le dernier vers qui finit par bénir ne rime point à satire, parce que l'on ne dit point bénire, mais bénir.

Voix ne rime point à toi, à cause de l'x ; et parce que voix est long, et toi est bref . 3 On pourrait mettre :

Si le nœud de l’hymen me rangeait sous tes lois

Je serais loin de le maudire

Je ferais entendre ma voix

Pour en faire l'éloge, et non pas la satire.

Vous ne pouvez faire de faute, monsieur, que dans le mécanisme de notre langue et de notre poésie qui est fort difficile . Vous n'en sauriez faire dans tout ce qui dépend du goût, du sentiment et de la raison .

J'ai l'honneur d'être avec l'estime la plus véritable et la plus respectueuse,

monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur. »

1  Copie ancienne ; édition Fekete . Le poème corrigé ici est inconnu en dehors de cette lettre ; voir Henri Tronchin « Les Œuvres posthumes de Jean Fekete de Galantha, voltairien de Hongrie », Revue des études hongroises, 1934. Le 10 juillet 1768, Janos Fekete remercie V* dans une lettre : « Mes courses pour l'exercice qui se fait tous les étés chez nous ont retardé les transports de joie que j'ai ressentis en recevant la lettre que où vous avez daigné corriger ma pièce du mariage[...] .»

Le comte George de Fékété de Galantha, vice-chancelier de Hongrie, etc., a fait imprimer dans sa patrie, en 1781, deux volumes in-12, intitulés Mes Rapsodies, ou Recueil de différents essais de vers et de prose. Paul Wallaszky, auteur du Conspectus reipublicœ litterariœ in Ilungaria, deuxième édition, 1808, in-8", n'indique ni la naissance ni la mort de Fékété. (Beuchot.)

2 Lien et non lieu comme le porte l'édition Fekete . La correction qui s'impose (ne serait-ce que parce que lieu n'a jamais compté qu'une syllabe ) a été faite par Moland, lettre 7228 (https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome46.djvu/587 )

3 La raison donnée par V* est plus que douteuse . Dès le XVIIè siècle, il n'existe pas de différence de prononciation entre -oi et -ois ou -oix . L'interdiction de faire rimer ces terminaisons remonte à une période où le s final était encore prononcé .

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