25/01/2010
l’intolérance est aussi absurde qu’horrible
Suite à une charmante visite de l'équipe clunysienne ce jour au château de Voltaire , une visite "éclairs" ( au chocolat, et je m'en lèche encore les doigts !! ) , je me permets de leur faire un peu de pub pour le grand évènement qui va bien les occuper cette année : cluny a 1100 ans . Mazette ! Ils ont déjà plus de cent mille visiteurs par an, combien vont-ils en avoir cette fois ?
http://www.dailymotion.com/video/x98l2f_cluny-2010-en-lum...
Vous pouvez constater que l'esprit de tolérance est vif chez les voltairiens !
Et l'esprit de moquerie tout autant, ce qui justifie ce lien : http://www.youtube.com/watch?v=HE1sf-pDoUs
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais dans le style kitch, il est difficile de faire mieux sur le sujet . Je ne sais si je dois rire ou admirer l'art et la manière de "lire-chanter le Bottin" ou ici, le document de visite .
J'ai peur qu'un jour un trouvère complètement allumé vienne conduire la visite à Ferney ! Je suis certain que ça aurait son charme, mais bon, nous avons assez de jours de pluie ici, n'en rajoutons pas !
Je m'offre le luxe de faire de la pub pour un monument "diablement" fréquenté, cible entre autres de colère voltairiennes qui n'appréciait pas du tout le luxe des abbayes ni les taxes diverses qu'elles récoltaient sur le dos des plus pauvres, ceux-ci étant maintenus dans une crainte supersticieuse déplorable.
Autre temps, autres moeurs! De nos jours l'Etat s'est substitué au clergé : les promesses de paradis laïc valent bien les promesses de paradis clérical ! Non ?
Mieux ou pire ?
Mé pi, pas pi ! comme on dit en Savoie (la "hiaute" ! )
Ici, il est d'actualité d'ouvrir le château dès le 3 avril, ce qui nous ferait gagner plus d'un mois d'ouverture. Je vous prie d'y penser et de profiter de cette saison où il n'y a pas encore trop de monde .
« A Etienne-Noël Damilaville
24 janvier 1763
Mon cher frère, on ne peut empêcher, à la vérité, que Jean Calas ne soit roué, mais on peut rendre ses juges exécrables, et c’est ce que je leur souhaite. Je me suis avisé de mettre par écrit toutes les raisons qui pourraient justifier ces juges, je me suis distillé la tête pour trouver de quoi les excuser, et je n’ai trouvé que de quoi les décimer.
Gardez-vous bien d’imputer aux laïques un petit ouvrage sur la tolérance qui va bientôt paraitre [il l’annonçait déjà le 6 décembre 1762 : « on dit qu’il paraitra quelque chose à l’occasion des Calas et des pénitents blancs », en spécifiant qu'« on attendrait que la révision eût été jugée »]. Il est, dit-on d’un bon prêtre ; il y a des endroits qui font frémir, et d’autres qui font pouffer de rire ; car Dieu merci, l’intolérance est aussi absurde qu’horrible.
Mon cher frère m’enverra donc la petite feuille qu’on attribue à M. Le Brun [La Renommée littéraire ; V* écrira à Le Brun pour lui faire part des fiançailles de Mlle Corneille le 26, et lui propose de signer le contrat (par procuration). Il écrira à Damilaville le 1er février : « C’est une aventure assez comique que j’ai eue avec Pindare-Le Brun en vous envoyant un paquet pour lui dans le temps que vous me dépêchiez ses rabâchages contre moi … Je l’accable de politesses qui doivent lui tenir lieu de châtiment.]. Mais est-il possible que Le Brun qui m’adressait de si belles odes pour m’engager à prendre Mlle Corneille et m’envoie souvent de si jolis vers, ne soit qu’un petit perfide ?
Nous marions Mlle Corneille à un gentilhomme du voisinage, officier de dragons, sage, doux, brave, d’une jolie figure, aimant le service du roi et sa femme, possédant dix mille livres de rente, à peu près, à la porte de Ferney [Claude Dupuits de La Chaux]. Je les loge tous deux. Nous sommes tous heureux. Je finis en patriarche. Je voudrais à présent marier Mlles Calas à deux conseillers au parlement de Toulouse.
On dit la comédie de M. Dupuis [Dupuis et Desronais, comédie de Charles Collé, inspirée d’une nouvelle des Illustres Françaises de Robert Challe] fort jolie : cela est heureux. Le nom de notre futur est Dupuits [à Le Brun , il écrira que cette coïncidence « est d’un bon augure »]. Frère Thiriot doit être fort aise de la fortune de Mlle Corneille. Elle la mérite . Savez-vous que cette enfant a nourri longtemps son père et sa mère du travail de ses petites mains [Jean-François Corneille était « facteur de la petite poste dans les rues de Paris »] ? La voilà récompensée. Sa vie est un roman.
Je vous embrasse tendrement, mon cher frère. Ecrasez l’Infâme.
http://www.dailymotion.com/video/x84nla_generique-les-env...
PS. : Si vous regardez bien le petit doigt de la main droite de Gunzo -moine de gauche- (un moine peut-il être de gauche ? oui, si ça lui permet de se retrouver à la droite de Dieu ! ), pour ceux qui ont suivi la série culte "Les Envahisseurs", vous voyez que David Vincent aurait déjà eu du fil à retordre au Moyen Age . Gunzo, envahisseur déguisé en moine ! Trop fort !!
19:38 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, damilaville, dupuis, dupuits, corneille, le brun, tolérance, calas
20/01/2010
Travaillons tandis que nous avons encore du feu dans les veines
"La vie est courte. Il n’y a pas un moment à perdre à l’âge où je suis. La vie des talents est encore plus courte."
Bien que plus jeune que Volti lorsqu'il écrivit ceci, je sais pertinemment qu'il a raison .
Je ne sais quel sont mes talents actuels, mais je sais que certains ont pris du plomb dans l'aile. Le double-salto vrillé avec rattrappage sur le bord du guéridon du salon, ça je ne peux plus ! Comment ce fais-ce ?
Et curieusement, avec du plomb dans l'aile, je marche comme un canard boiteux ; je dois être comme Léon Zitrone qui criait lors d'un Intervilles un peu agité : "Guy Lux, je ne vous entends plus , on m'a cassé ( -pété- ) mes lunettes ! ".Pour une citation plus conforme à la réalité, voyez ce grand moment de Télé :
http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://www.totalvod...
Il est heureux que d'autres talents s'améliorent, que certains prennent le relais grâce à l'expérience et que ma foi , l'amour de la vie aidant, l'amour présent, on garde l'oeil brillant et le coeur ouvert .
« A Charles–Augustin Ferriol, comte d’Argental
et
à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental
20 janvier [1762]
Divins anges, ce n’est pas tout. Renvoyez-moi, je vous prie, tous mes chiffons sitôt la présente reçue. C’est-à-dire les deux leçons de cette œuvre de six jours [Statira ou Cassandre ou Olympie, tragédie retouchée et renommée] que je mets plus de six fois six autres jours à reprendre en sous-œuvre. Ou je suis un sot, ou cela sera déchirant ; et vous en viendrez à votre honneur. Vous pouvez être sûrs que si je reçois le matin votre paquet, un autre partira le soir pour aller se mettre à l’ombre de vos ailes. Ah ! que vous m’avez fait aimer le tripot ! Je relisais tout à l’heure une première scène d’un drame commencé et abandonné [Don Pedre : le plan en est donné aux d’Argental le 29 juin en leur disant qu’il pense avoir renoncé au sujet]. Cette première scène me réchauffe, je reprendrai ce drame. Mais il faut songer sérieusement à Pierre le premier de nos apôtres [Ici Pierre Corneille, premier des auteurs tragiques : Commentaires sur Corneille].
Je désire toujours ardemment de voir Le Droit du seigneur tel qu’il sera donné corrigé ou défiguré [représenté le 18 janvier]. La vie est courte. Il n’y a pas un moment à perdre à l’âge où je suis. La vie des talents est encore plus courte. Travaillons tandis que nous avons encore du feu dans les veines. Je suis content de l’Espagne [Pacte de Famille conclu entre la France et l’Espagne le 15 août 1761 et ratifié le 25 en Espagne ;l’’Espagne entre enfin en guerre contre l’Angleterre]. Il vaut mieux tard que jamais.
Il y a longtemps que je dis : gare à vous Joseph – je dis aussi : gare à vous Luc [Joseph = roi du Portugal : allusion à l’attentat de septembre 1758 contre José Ier . Luc= Frédéric II : tentative d’enlèvement à Strehlen à la fin de 1761 ].
Aux pieds des anges.
V. »
Un talent qui ne se dément pas : http://www.youtube.com/watch?v=Jha39ysASA0&feature=re...
Je l'aime toujours . N'en soyez pas jalouse Mam'zelle W. !
05:32 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, argental, corneille, cassandre, droit, seigneur, espagne
19/01/2010
Je m’y suis ruiné, mais je ne suis pas découragé
Il en est qui dépourvus de talent se permettent de baver - je dis bien baver, pour moi ce sont des limaces - sur Voltaire . Ils le font à leur image, je n'en dirai pas plus, vous avez compris .
Dans le même temps, je les soupçonne -à tort peut-être ?- d'être des fans de Napoléon Ier qui, Ô merveille, sut si bien rétablir l'esclavage.
Ce Voltaire qu'ils se permettent de rabaisser (car eux ne peuvent s'élever ! ) était cet homme capable d'indignation devant les travers de ses contemporains , et ce n'est qu'un petit exemple parmi tant d'autres que je vous cite ci-après, en fonction de l'actualité.
Le 11 août 1770, Voltaire écrit à Catherine II de Russie :
"On apprend à Paris le tremblement de terre qui a bouleversé trente lieues de pays à Saint Domingue, on dit : "C'est dommage", et on va à l'opéra. Les affaires les plus sérieuses sont tournées en ridicule."
Ce tremblement de terre a eu lieu le jour de la Pentecôte , 3 juin 1770 . Voir détails ci-après : http://www.lnbtp.gouv.ht/publications/Seismes%20en%20Hait...
« A Charles–Augustin Ferriol, comte d’Argental
et
à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental
19è janvier 1772
Or mes anges, voici le fait. Cette lettre sera pour vous et pour M. de Thibouville puisqu’il a trouvé son jeune homme [Le 6 février 1771, V* écrivait à Thibouville :"Trouvez quelque jeune homme ... qui passerait pout l'auteur, et qui pourra même lire la pièce aux comédiens ..." Il s'agissait des Pélopides . V* sera déçu :" ce jeune homme était un mauvais comédien de la troupe de Paris" (letr du 8 février 1773 à Thibouville).]; et je suppose que ce jeune homme lira bien et fera pleurer son monde.
Mon jeune homme à moi [le prétendu auteur], m’est venu trouver hier, et m’a dit ces propres paroles :
« A l’âge où je suis j’ai grand besoin d’avoir des protections à la cour comme par exemple auprès du secrétaire de M. le trésorier des Menus, ou auprès de MM. les comédiens ordinaires du roi. On m’a dit que Sophonisbe n’étant qu’un réchauffé [un « réchauffé » de Mairet, 1770 ], et les Pélopides ayant déjà été traités [par Crébillon qui avait écrit Atrée et Thyeste.], ces deux objets me procureraient difficilement la protection que je demande.
D’ailleurs des gens bien instruits m’ont assuré que pour balancer le mérite éclatant de l’opéra-comique et de Fax-hall [Il s’agit des Fêtes de Tempé, ouvertes par Torre en 1769 près de la porte Saint Martin ; voir article « franc » des Questions sur l’Encyclopédie : « du salon du sieur Vaux à Londres, nommé Vaux-hall, on a fait facs-hall à Paris. »] , pour attirer l’attention des Welches, et pour forcer la délicatesse de la cour à quelque indulgence, il fallait un grand spectacle, bien imposant, et bien intéressant ; qu’il fallait surtout que ce spectacle fût nouveau, et j’ai cru trouver ces conditions dans la pièce ci-jointe [Les Lois de Minos.] que je soumets à vos lumières . Elle m’a coûté beaucoup de temps, car je l’ai commencée le 18è septembre, et elle a été achevée le 12è janvier.
Il serait triste d’avoir perdu un temps si précieux. »
J’ai répondu au jeune candidat que je trouvais sa pièce fort extraordinaire, et qu’il n’y manquait que de donner bataille sur le théâtre, que sans doute on en viendrait là quelque jour, et qu’alors on pourrait se flatter d’avoir égalé les Grecs.
« Mais mon cher enfant, quel titre donnez-vous à votre tragédie ?
- Aucun, Monsieur. On ferait cent allusions, on tiendrait cent mauvais discours, et les Welches feraient tant que ma pièce ne serait point jouée. Alors je serais privé de la protection du secrétaire de M. le trésorier des Menus, et de celle de MM. les comédiens ordinaires du roi, et je serais obligé d’aller travailler aux feuilles de M. Fréron pour me pousser dans le monde. »
J’eus pitié de ce pauvre enfant, et je vous envoie son œuvre, mes chers anges. Si M. de Thibouville veut se trémousser et conduire cette intrigue, cela pourra l’amuser beaucoup, et vous aussi.
Il y a vraiment dans ce drame je ne sais quoi de singulier et de magnifique qui sent son ancienne Grèce, et si les Welches ne s’amusent pas de ces spectacles grecs, ce n’est pas de ma faute. Je les tiens pour réprouvés à jamais. Pour moi qui ne suis que Suisse, j’avoue que la pièce m’a fait passer une heure agréable dans mon lit où je végète depuis longtemps.
Je vous remercie mes chers anges, des ouvertures que vous me donnez avec tant de bonté pour établir un bureau d’adresse en faveur de mes montriers [fabricants de montre de Ferney]. Mme Lejeune [ La femme du libraire qui avait été arrêtée en décembre 1766, revenant de Ferney, pour avoir voulu faire entrer en France des livres prohibés, dont le Recueil nécessaire de Voltaire ] ne pourrait-elle pas être la correspondante ? On s’arrangerait avec elle.
Il est arrivé de grands malheurs à notre colonie [V* a accueilli des émigrants de Genève suite aux troubles de février 1770, leur a prêté de l’argent pour fonder une fabrique de montres à Ferney, bâti des maisons, mais perdu le soutien de Choiseul disgracié en décembre]. Je m’y suis ruiné, mais je ne suis pas découragé. J’aurai toujours dans mon village le glorieux titre de fondateur. J’ai rassemblé des gueux. Il faudra que je finisse par leur fonder un hôpital.
Je me mets à l’ombre de vos ailes plus que jamais, mes divins anges.
Vous devez recevoir la drôlerie de mon jeune homme par M. Bacon, non pas le chancelier, mais le substitut du procureur général, lequel doit l’avoir reçue dûment cachetée de la main de M. le procureur général .Si ces curieux ont ouvert le paquet, je souhaite qu’ils aiment les vers, mais j’en doute.
Voltaire. »
19:19 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, argental, lejeune, minos, thibouville, fréron, welches, vaux-hall
Pierre Étaix a décidé de le faire revivre.... SUR SCÈNE ! "YOYO"
01:43 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre etaix, yoyo, bordeaux, 22 janvier, 23 janvier
16/01/2010
il est bien dangereux d’avoir été témoin des actions secrètes d’un homme puissant.
Puisqu'il va être question de Tombeau, en voici un qui s'écoute :
http://www.youtube.com/watch?v=GXRZQIfxlIU
http://www.youtube.com/watch?v=7jAPs2JigEQ&feature=re...
http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Tombeau_de_Couperin
Et un qui se fréquente ! J'en connais même qui se font une gloire d'avoir usé quelques fonds de culottes (pour ceux et celles qui en portent encore ! ) sur les bancs de cette vénérable chose . Grand titre de gloire que de présenter une thèse dans les mêmes lieux que Elisabeth Tessier, grande devineresse devant l'éternel ... Enfin, nul n'est parfait ! Admirez cette belle pièce montée ...
Volti est-il oui ou non l'auteur du Tombeau de la Sorbonne ?
Il le nie .
Que faire ? Que dire ?
Ne pas le croire , c'est irrespectueux , non ?
Le croire, c'est ne pas le connaitre !
Alors lisez !
http://www.voltaire-integral.com/Html/24/04_Tombeau.html
« A Marie-Louise Denis
[lettre autographe et authentique]
n° 28
Ecrit le seize janvier [1753] partira quand il pourra.
J’envoie un exprès hors des frontières des Etats du roi de Prusse. Je l’envoie où je voudrais assurément être moi-même. Il mettra ce paquet à la poste à l’adresse de M. Tirou de Mauregard. Je vais vous confier le secret de ma vie, mais si jamais votre main gauche sait ce qu’a fait votre main droite dans cette affaire je suis perdu sans ressource.
Peut-être avez-vous déjà engagé milord Maréchal [envoyé du roi de Prusse] et La Condamine à ne pas débiter dans Paris que je suis l’auteur du Tombeau de la Sorbonne. C’est un service que votre amitié et votre zèle éclairé m’auront déjà rendu.
Voici maintenant de quoi il s’agit. Vous le voyez assez par les papiers ci-joints, c’est à dire par une lettre de l’abbé de Prades, et par un morceau de la même main. Cet abbé de Prades est actuellement le favori du roi de Prusse en attendant Baculard d’Arnaud que Maupertuis fait revenir [V* avait fait chasser d’Arnaud en 1750 par le roi de Prusse]. Vous savez que ce prince a mandé à son envoyé que je suis l’auteur du Tombeau. Vous avez ici la preuve du contraire. Mais je vous avertis que vous risquez ma liberté et ma vie, si d’Alembert, si La Condamine, si La Virotte [Louis-Anne de La Virotte, entre autres, traducteur de l’Exposition des découvertes philosophiques de m. le chevalier Newton de Maclaurin Colin, 1749 ] ont jamais le moindre doute sur ce que je vous confie. Je suis bien loin de vouloir que le public et la Sorbonne imputent à l’abbé de Prades un écrit qui quoique pardonnable à son juste ressentiment [De Prades avait été contraint à la fuite après la condamnation de la thèse qu’il avait soutenue à la Sorbonne, et V* l’avait accueilli en Prusse] lui fermerait pour jamais le portes de sa patrie où il prétend retourner. Je ne veux pas manquer à l’abbé de Prades. Je ne le dois pas .Je ne veux pas non plus me manquer à moi-même. Il serait affreux d’être un délateur, il serait également cruel de passer pour l’auteur d’un tel libelle, surtout dans un temps où l’on veut faire passer pour un libelle scandaleux l’innocente plaisanterie faite sur les ouvrages de Maupertuis [Diatribe du docteur Akakia ]. Que faut-il donc faire ? Il faut montrer à M. d’Argenson sous le sceau du secret les deux papiers qui font voir évidemment que je ne suis pas l’auteur du Tombeau de la Sorbonne [A-t-il été rédigé par de Prades et corrigé par V* . On le met actuellement dans l’édition de ses Œuvre complètes .]. Ces deux papiers sont attachés ensemble avec une épingle. Ils sont de la même main et l’un des deux est une des feuilles mêmes de l’original du Tombeau de la Sorbonne. Par-là, M. d’Argenson sera convaincu. Il pourra certifier au roi que je ne suis pas l’auteur du libelle. C’est tout ce que je veux. Le public dira ce qu’il voudra, mais les connaisseurs ne m’imputeront pas un ouvrage où il est dit que la Sorbonne était dans un cul-de-sac et qu’elle a fracassé son vaisseau [en citant à peu près cette phrase, en octobre –novembre 1752, il écrit à Frédéric : « Cela ressemble au fameux plaidoyer fait contre les putains de Paris . Elles allèrent dans le rue Brisemiche chercher un abri contre les tempêtes élevées sur leurs têtes dans le rue Chapon . »], et qui est rempli de platitudes pareilles, un ouvrage où il n’est question que de gens dont je n’ai jamais entendu parler. Exigez de M. d’Argenson qu’il n’accuse jamais l’abbé de Prades, mais qu’il me justifie, et si je suis encore à Berlin ne m’écrivez sur cette affaire que d’une manière qu’on ne puisse pénétrer.
A l’égard des persécutions cruelles que Maupertuis m’a fait souffrir, je tâcherai de m’en tirer, je tâcherai d’obtenir mon congé du roi. Mais songez qu’on a voulu à la fois me perdre à Paris par le Tombeau de la Sorbonne, et à Berlin par la critique des œuvres de Maupertuis, qu’on veut me retenir pour m’accabler, et que le plus grand préalable est de me laver du Tombeau de la Sorbonne qui peut fort bien être brûlé à Paris.
Voici à présent l’histoire du procès de Maupertuis avec toutes les pièces. Si Lambert veut les imprimer, je crois qu’elles ne peuvent faire qu’un très bon effet. Mais il faut qu’il garde le plus profond secret, et qu’on ne sache jamais que cela a été imprimé à Paris.
Accusez-moi réception de mes numéros. J’ai bien peur que vous n’ayez de très mauvaises nouvelles à me mander .Il est important qu’on sache que j’ai tout remis au roi de Prusse [clé de chambellan et croix de l’ordre du mérite], qu’il m’a tout rendu, et qu’il parlemente un peu, mais sachez encore une fois qu’il est plus difficile de sortir d’ici que de la Sibérie, et qu’il est bien dangereux d’avoir été témoin des actions secrètes d’un homme puissant. Le roi de Prusse ne sait pas que je suis incapable de lui manquer jamais. S’il me connaissait, il ne me persécuterait pas d’une manière si horrible. Je vous parle avec confiance dans les lettres qui ne vont pas par ses Etats, mais dans les autres, il me semble que je me suis expliqué avec retenue.
Je reçois votre n° 25 du 27 décembre. Voilà une lettre prudente. Le résultat est qu’il faut vaincre. Il faut rendre de toutes façons Montjeu [= Frédéric] abominable, et démasquer des coutures. Le reste viendra dans son temps, ou ma mort aura tout fini.
Il ne faut montrer à Frémont [= d’Argenson ? ] la conviction de ce qui regarde le Tombeau qu’en cas que ce Tombeau fasse encore du bruit. Il faut qu’à force d’esprit vous fassiez savoir à la Barios [= Mme de Pompadour)] les horreurs où vous m’apprenez que ce Montjeu s’est emporté contre elle.
Il faut faire imprimer toute l’histoire du procès ci-jointe [ à Koenig, il écrit le 29 janvier : « On y vend (à Paris) le bon docteur Akakia avec une petite histoire de toute l’aventure » : c’est La Querelle qui parait dans le Journal de la Librairie le 15 janvier 1753] ou plutôt il faut faire ce que vous jugerez convenable. Mais je croirai toujours qu’il est de la plus grande importance que la Diatribe soit bien publique, et qu’on voie que ce n’est pas là un libelle. C’est la malheureuse brochure du R. d. P. qui est un libelle [ Lettre d’un académicien de Berlin à un académicien de Paris (œuvres de FrédéricII) qui fait référence à la Réponse d’un académicien de Berlin à un académicien de Paris, adressée par V* à la Bibliothèque raisonnée le 18 septembre ]. On a imprimé dans les Nouvelles littéraires de Leipzig que l’auteur d’un si innocent libelle méritait de louer Maupertuis après avoir fait l’éloge de La Mettrie. On imprime partout des choses aussi fortes. Je vous jure que je n’y ai nulle part. Je les apprends le dernier, mais on peut me les imputer. Que voulez vous ? je sais souffrir et mourir. Dites à votre sœur qu’elle prend très mal son temps pour m’envoyer des plaisanteries. Ayez la bonté, je vous en supplie, de faire mettre dans le Mercure cet avertissement.
Point de Rome sauvée dans ces circonstances. Ecrivez-moi hardiment tout ce qui se passe dans le goût de votre n° 19. Aimez-moi, et croyez que j’ai autant de courage que de tendresse pour vous. Au nom de Dieu ayez soin de votre santé.
Prenez bien garde à cette affairé délicate, songez que Bauprès [=Richelieu] est un babillard, que personne sur la terre ne doit être instruit que M. d’Argenson, qu’il faut instruire de tout.
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15/01/2010
d’honnêtes gens dignes d’entendre la parole de Dieu
http://www.dailymotion.com/video/xa4kf8_la-chanson-de-lar...
Je suis influencé par ce temps de neige !...
"Entendre la parole de Dieu ! ..."
Mon Dieu ! pour moi, c'est s'entendre soi-même. Paroles de Dieu, comme on y va . Tout comme au jeu du téléphone arabe, je me méfie du texte transmis par voix humaine .
Mon Dieu que de con.... on te fait dire, et combien sont à les suivre, quand ils ne les inventent pas (l'un n'excluant pas l'autre d'ailleurs ).
Un prophête ça va ! mille prophêtes... bonjour les dégats !! Le trouillomètre à zéro de l'homo sapiens face à la divinité n'est pas fait pour inspirer des actes de grande valeur .
Chassés du paradis , nos aieux . Beaucoup semblent ne retenir que le "chassés" et ont une attitude de gibier, peu propice à la réflexion, et tentent de détourner le glaive céleste sur le dos du (- salopard de -) voisin qui ne pense pas tout à fait comme eux.
Les "gens dignes d'... " ne sont pas légions , mais ont le mérite d'exister quand même. La vie est généralement assez longue pour qu'on ait le temps d'en rencontrer et fréquenter , heureusement !
« A Marie-Elisabeth de Dompierre de Fontaine
[vers le 15 janvier 1762]
Est-il vrai que Dubois récite le rôle d’Atide [l’épouse secrète dans Zulime, jouée en décembre 1761-janvier 1762 ] comme une petite fille qui ânonne sa leçon ?
Les Etrennes du chevalier de Molmire ne paraissent pas vous être dédiées [Elles s’intitulent Les Chevaux et les Anes ou les Etrennes aux sots.]. Ne montrez le sermon du bon rabbin Akib [Sermon du rabbin Akib prononcé à Smyrne le 20 novembre 1761, que V* écrivit suite à l’autodafé où fut brûlé le père Malagrida, le 21 septembre 1761 au Portugal, pour avoir écrit la Vie de sainte Anne et la Vie de l’Antéchrist] qu’à d’honnêtes gens dignes d’entendre la parole de Dieu. Savez-vous que j’avais autrefois une pension que je perdis en perdant la place d’historiographe ? Le roi vient de m’en donner une autre sans qu’assurément j’aie osé la demander ; et M. le comte de Saint-Florentin m’envoie l’ordonnance pour être payé de la première année. La façon est infiniment agréable. Je soupçonne que c’est un tour de Mme de Pompadour et de M. le duc de Choiseul.
Voltaire. »
Vous trouverez la représentation, format tapisserie, de la gravure suivante dans la boutique du château de Voltaire à Ferney-Voltaire 01210.
Les autodafés semblent aussi vieux que l'écriture, enfin je le pense, et ont encore de l'avanir si je me fie aux informations venant de ce vaste monde .
http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://www.delanopo...
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14/01/2010
Je vais mourir bientôt en détestant les persécuteurs, et en vous aimant
Excellente mise en train, dans la voiture en allant au travail ce matin : http://www.youtube.com/watch?v=2EmbhAarOzg
Caricatures : La Fayette, Necker et Bezenval, XVIIIe siècle, Estampe, gravure réalisée sur cuivre, 31,4 x 17, 4 cm, Musée national de la Coopération franco-américaine, Auteur : Blérancourt.
« A Charles-Frédéric-Gabriel Christin
Vous me déchirez le cœur, mon cher ami, par tout ce que vous me mandez. Il m’est impossible d’écrire à votre Genevois [Jacques Necker]. Jugez-en vous-même.
Sa femme est née, et a été élevée dans le même village que la mère de Mlle de Varicourt, qui lui donna longtemps des bas et des souliers, quoiqu’elle n’en eût guère pour elle-même.
J’ai donné part du mariage de Mlle de Varicourt [Reine-Philiberte Rouph de Varicourt, surnommée par V* « Belle et Bonne », avec le marquis de Villette le 18 novembre 1777 ] à la Genevoise [Mme Suzanne Necker, mère de Germaine, future Mme de Staël], et ma lettre était assurément très flatteuse. Elle n’a pas daigné me répondre, mais elle a répondu à un frère de Mlle de Varicourt, et lui a dit qu’elle était une femme trop sérieuse et voyant trop bonne compagnie pour recevoir chez elle une jeune mariée. Cet excès d’impertinence est-il concevable ?
Je tremble de tous côtés pour nos chers St-Claudiens [Soumis à la mainmorte par les moines ; Christin, soutenu par V*, avait plaidé pour eux et perdu un procès, mais continuait la procédure ; le 23 novembre V* lui a écrit : « Que ne suis-je à portée d’intéresser M. Necker sur cette affaire ! Il est , je crois, le seul qui pourrait engager M. de Maurepas à signaler son ministère par l’abolition de la servitude, en imitant le roi de Sardaigne ».]. J’ai bien peur qu’ils ne soient mangés par les pharisiens et par les publicains. Mais où se réfugieront-ils ? Ils n’ont ni protection, ni asile. Tout ce que je vois me fait horreur et me décourage. Je vais mourir bientôt en détestant les persécuteurs, et en vous aimant.
13è janv[ier] 1778
Si vous persistez à envoyer votre lettre, il faut la mettre à la poste de St-Claude. »
12:39 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, christin, st claude, necker, varicourt, villette, maurepas