01/09/2010
il faut des années avant que les gens d'esprit aient repétri les sots
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Priez pauvres sots ! http://www.deezer.com/listen-5478497
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Les sots, précurseurs des fanatiques traversent les âges et se multiplient sans cesse, hélas !
« Pierre-Robert Le Cornier de Cideville
A Bruxelles le 1er septembre 1742
Alla, illah alla Mohammed rezoul, alla.[i]
Ce Mahomet, mon très aimable ami, m'a fait bien coupable envers vous ; il m'a rendu paresseux. Me voilà enfin tranquille à Bruxelles, et je profite de ce petit moment de loisir pour m'entretenir avec vous. Je pars demain pour aller trouver à Aix-la-Chapelle le roi qui a changé deux fois le système de l'Europe [ii], et qui pourtant n'est pas puni de Dieu, car il est aux eaux sans avoir besoin des les prendre, et les médecins sont au nombre des puissances dont il se moque. Si notre Mahomet, mon cher ami, eût été représenté devant lui, il n'en eût pas été effarouché comme l'ont été nos prétendus dévots [iii]. Il ne veut pas faire jouer Zaïre, parce qu'il y a trop de christianisme à ce qu'il dit dans la pièce. Vous jugez bien que le miracle de Polyeucte n'est pas de son goût et que celui de Mahomet lui plaît davantage [iv].
Nos jansénistes de Paris, et surtout nos jansénistes convulsionnaires ne pensent point ainsi ; les bonnes gens ont cru que l'on attaquait saint Médard et M. saint Pâris. Il y a eu même de vos graves confrères conseillers au parlement de Paris, qui ont représenté à leurs chambres que cette pièce était toute propre à faire des Jacques Clément et des Ravaillac. Ne trouvez-vous pas que ce sont là de bonnes têtes ? Ils croient sans doute qu'Harpagon fait des avares, et enseigne à prêter sur gages.
Il y a une chose qui me fait de la peine , mon cher ami, et je vous la dirai, c'est que le gros de notre nation n'a point d'esprit. Le petit nombre d'illustres précepteurs que les Français ont eu dans le siècle passé n'a pu encore rendre la raison universelle. Corneille, Racine, Molière, La Bruyère, Bossuet, Fénelon etc. , ont eu beau faire, le faux, le petit, le léger, sont le caractère dominant. Cependant il y a toujours le petit nombre des élus à la tête desquels je vous place. Ceux-là conduisent à la longue le troupeau : dux regit examen, mais ce n'est qu'à la longue ; et il faut des années avant que les gens d'esprit aient repétri les sots. Le Tartuffe essuya autrefois de plus violentes contradictions ; il fut enfin vengé des hypocrites. J'espère l'être des fanatiques, car enfin Mahomet est Tartuffe le Grand ; nous en raisonnerons à Paris, c'est là ma plus chère espérance, car vous y viendrez à ce Paris, et moi j'y serai dans deux ou trois mois.
Tout ce griffonnage, mon cher ami, avait été écrit il y a huit jours. J'ai été voir le roi de Prusse avant de finir ma lettre [v]. J'ai courageusement résisté aux belles propositions qu'il m'a faites. Il m'offre une belle maison à Berlin et une jolie terre, mais je préfère mon second étage dans la maison de Mme du Châtelet. Il m'assure de sa faveur et de la conservation de ma liberté, et je cours à Paris à mon esclavage, et à la persécution. Je me crois un petit Athénien qui refuse les bontés du roi de Perse. Il y a pourtant une petite différence. On était libre à Athènes, et je suis sûr qu'il y avait beaucoup de Cideville. Sans celà comment aurait-on pu aimer sa patrie ? C'est beaucoup qu'il y en ait un en France, et que je puisse me flatter d'avoir bientôt la consolation de l'embrasser.
Mme du Châtelet fait toujours ici sa malheureuse guerre de chicane [vi], et on craint à tout moment d'en voir une véritable et universelle. Quel acharnement ! ne faudra-t-il pas faire la paix après la guerre ? Eh ! morbleu que ne fait-on la paix tout d'un coup !
Adieu, Mme du Châtelet vous fait mille compliments. Je vous regrette, je vous aime, je voudrais passer avec vous ma vie.
V.
A Bruxelles , 10 septembre 1742 »
i Il n'y a de dieu qu'Allah et Mahomet est son prophète.
ii Frédéric.
iii On avait exigé que V* retire sa pièce (jouée pour la première fois le 9 août à Paris) ; elle fût retirée après la troisième représentation ; « on a remarqué, écrit un journaliste, que toutes les religions paraissaient être attaquées dans cette tragédie, sous prétexte de blâmer celle de Mahomet. »
iv Le 16 août, la Comédie française joua Polyeucte à la place de Mahomet.
v Il est parti le même jour, 1er septembre ; il rendra compte au cardinal de Fleury , le 10 août, des entretiens qu'il a eu avec Frédéric pendant deux jours.
vi Procès intenté par Mme du Châtelet pour être reconnue héritière du marquis de Trichâteau, toujours pas terminé ; cf. lettre du 19 janvier 1742 à Cideville.
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31/08/2010
Mme de Saint-Julien, héroïne de son métier ... est en possession de tuer toutes les perdrix du roi
La parole est à la victime, qu'avez vous à dire ? http://www.deezer.com/listen-5875283
Morte au chant/champ : http://www.deezer.com/listen-6740762
Remords de l'assassin : http://www.deezer.com/listen-2112697
Volatile moqueur, tu seras puni : http://www.deezer.com/listen-250207
"Tu vois, ami lecteur, quand on écoute, on ne lit plus !" Je paraphrase une morale : http://www.deezer.com/listen-202066
« A Jean de Vaines
31 auguste 1775
Monsieur de Trudaine, Monsieur, a répondu au mémoire que j'eus l'honneur de vous envoyer il y a quelques mois, et que M. le contrôleur général [i] lui remit. Il daigne nous offrir plus et mieux que notre province ne demandait [ii]. Nos États ont sur-le-champ fait leur soumission et leurs remerciements. Je vous prie de vouloir lire la copie de la lettre que je viens d'écrire au maire de Gex, subdélégué de l'intendance et l'un des syndics de nos États [iii].
Les citoyens de notre nouvelle petite ville de Ferney nous donnèrent ces jours passés [iv] une fête qui ne sentait point son village de province. Des princes et des princesses de l'Empire [v] y assistèrent. Nos Fernésiens tirèrent à l'arquebuse pour des prix. L'un de ces prix était une médaille d'or gravée à Ferney, portant d'un côté le buste de M. Turgot , et de l'autre ces mots, enfermés dans une couronne d'olivier ; Regni tutamen [vi]. Mme de Saint-Julien, héroïne de son métier, sœur de M. le marquis de Gouvernet [vii], commandant de Bourgogne, laquelle est en possession de tuer toutes les perdrix du roi, a gagné le prix de l'arquebuse, et porte à son cou la médaille de M. Turgot.
Je vous remercie grandement, Monsieur, de vos lettres du 21 et 25 d'auguste, que les Welches ont appelé août. Il y a encore parmi ces Welches des barbares bien sots et bien ridicules ; puissent de dignes Français comme vous corriger cette détestable engeance ! »
iTurgot.
ii Cf. lettre à Moultou du 29 août.
iii Fabry ; cf. lettre du 29 à Moultou.
iv Lors de la Saint Louis.
v Georg Wilhelm de Hesse-Darmstadt, sa femme et leur fille.
vi = Défense du royaume.
vii Le marquis de La Tour du Pin devenu récemment marquis de Gouvernet.
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30/08/2010
Cet animal a trompé le public qui s'attendait à une scène très réjouissante
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L'homme dota d'un nom chaque animal : http://www.deezer.com/listen-4586396
« A Jean-François-René Tabareau
et à
Joseph Vasselier
30è auguste 1770
Mille tendres compliments à Monsieur Tabareau et à Monsieur Vasselier. J'ai lu le très plat mémoire fait pour Grizel par l'avocat de l'archevêque [1]. C'est un grand malheur que ce Grizel ne soit pas aussi ridicule que je le croyais ; à peine y a-t-il le mot pour rire dans son aventure et dans son factum. Cet animal a trompé le public qui s'attendait à une scène très réjouissante. »
1Le Mémoire pour le sieur Grisel ... contre M. le procureur général, 1770, de Pierre-François Muyart de Vouglans.
François-Pierre Billard trésorier de la ferme des Postes, qui avait détourné trois millions de francs, avait confessé ses vols le 16 décembre 1769 ouis en avait rejeté la responsabilité sur son confesseur , l'abbé Grisel.
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Le pays de Gex est charmant, mais il est entouré de montagnes de neige que je crois fort malsaine
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Des pas sur la neige, que reste-t-il ? Autant qu'une vie sans amour dans le coeur de ceux qui nous entourent .
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« A Cosimo Alessandro Collini
Aux Délices 30è auguste 1762
Vous allez donc, mon cher ami, être l'inspecteur des jeux [i]; si la trappe réussit, je suis pour la trappe ; je ne me servis de coulisses pour brûler Olympie que parce que je ne pouvais avoir de trappe [ii]. Je faisais apporter un autel haut d'environ trois pieds. On portait sur cet autel les offrandes qu'Olympie devait faire . Olympie montait sur un petit gradin, derrière cet autel. Les flammes cependant s'élançaient à droite et à gauche, fort au dessus des deux coulisses fermées, sur lesquelles étaient peints des tisons enflammés . Olympie descendait rapidement de son petit marchepied, elle passait comme un trait, en se baissant un peu entre les deux coulisses ouvertes qui se refermaient sur le champ, elle se mettait en sureté, et alors les flammes redoublaient.
Au reste, s'il en est encore temps, vous trouverez ci-joint un petit changement au cinquième acte qui m'a paru nécessaire. Nous allons jouer aussi Cassandre à Ferney, mais à peine pourrai-je l'entendre, car en vérité, je deviens sourd et aveugle. Le pays de Gex est charmant, mais il est entouré de montagnes de neige que je crois fort malsaine.
On dit que la tragédie de Russie recommence, qu'on est sur le point de voir une seconde révolution [iii] ; je ne crois pas cette nouvelle fondée, mais enfin dans ce monde, il faut s'attendre à tout . Ma fluxion m'empêche de vous écrire de ma main, je suis dans un état assez désagréable. C'est assez le partage de la vieillesse . Je vous prie très instamment d'empêcher l'impression de la pièce [iv], de ne la donner au souffleur que dans le moment de la représentation, et de retirer les rôles dès que la pièce aura été jouée. Je vous embrasse de tout mon cœur.
V.
Je me mets aux pieds de Leurs Altesses Électorales. »
iAprès avoir été recommandé par V*, Collini s'occupe des spectacles à Mannheim, à la cour de l'Électeur palatin dont il est devenu le secrétaire particulier.
ii Dans une lettre aux d'Argental du 8 mars 1762, V* donne d'autres détails sur la mise en scène de Cassandre-Olympie.
iii Il est question que Catherine II soit à son tour détrônée par Ivan qui est le petit neveu de l'impératrice Anne qui l'avait déclaré son successeur. Il fut emprisonné par Élisabeth, puis par Catherine. Pour la première révolution, cf. lettre à Chauvelin du 13 août.
iv Le 4 septembre, à Collini : « Monsieur Collini est instamment prié de ne point faire imprimer la pièce avant qu'on y ait donné la dernière main. On lui enverra de plus un gros cahier de remarques historiques sur les ministères des Anciens et sur les devoirs des prêtres . Ce morceau sera assez curieux, mais il ne faut pas songer à faire l'édition en France. Monsieur Collini pourra se servir de la voie de Hollande ou de Francfort. »
Collini fera effectivement faire une édition à Francfort.
Tout en disant le 7 août aux d'Argental qu'il allait « écrire (à Collini) pour le prier de ne la point imprimer », il était assez favorable au principe de l'impression : il « croit qu'il faut accoutumer le public par la voie de l'impression à toutes ces singularités théâtrales » que comporte cette tragédie d'un genre nouveau. Il sentait bien que Collini imprimerait malgré sa défense, et il le dit.
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