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17/11/2011

Ma philosophie ne fait guère de différence entre une cabane et un palais ; mais j'ai une Parisienne avec moi qui n'est pas si stoïcienne

 

 

Je reviens à l'instant d'une représentation théâtrale de Nanine ou Le Préjugé vaincu, comédie de Voltaire, sise ce jour et demain soir au théâtre du Châtelard à Ferney-Voltaire .

 

Moment très agréable, et par le texte, et par le jeu des acteurs, qui en fait sont cinq actrices , qui jouent tous les rôles, masculins y compris ( messieurs, l'appel est lancé, on manque d'acteurs mâles ).

 

Mise en scène moderne, très enlevée, sur ce que l'on peut appeler de nos jours un scénario sans surprises . Très bonne idée que celle des parties chantées (plutôt bien) accompagnées au piano par le compositeur lui-même – Johann Chauveau-, qui donnent un petit coté comédie musicale . Une trentaine de lycéens/nes doués d'un naturel moqueur (c'est de leur âge) ont écouté ce texte. avec attention et appprécié .

nanine 17 11 2011 chatelard.jpg

http://www.fortheatre.fr/LethleChatelard.htm

http://www.theatrelechatelard.fr/Nanine.htm

 

Bilan : je recommande ce spectacle donné par la compagnie Anima motrix, metteur en scène Laurent Hatat .

 

Pour lire Nanine , voir  : http://www.monsieurdevoltaire.com/categorie-12426031.html

 

 

 

 

 

 

 

 

« A M. Élie Bertrand i

 

premier pasteur à Berne

 

 

 

A Prangins, 31 janvier [1755]

 

 

 

Vous êtes philosophe , monsieur, et vous m'inspirez une très grande confiance . Tout ce que vous me dites, dans la dernière page de votre lettre du 30 janvier, est très vrai et très désagréable pour tous les honnêtes gens .

 

Voici le cas où je me trouve . Mon goût et ma mauvaise santé me déterminent depuis très longtemps à finir ma vie sur les bords du lac de Lausanne ii. Le Conseil d’État de Genève a la bonté de m'offrir toutes les facilités qu'il peut me donner iii. On me propose la maison que le prince de Saxe-Gotha a occupée à la campagne . Les jardins sont dignes du voisinage de Paris, la maison assez jolie, très commode et toute meublée . Mais il se pourrait faire que le dernier article de votre lettre nuisit au marché . Il se peut faire encore qu'il y ait des difficultés pour m'en assurer la possession .

 

On me vend quatre-vingt-dix mille livres de France ce domaine qui est presque sans revenu . C'est un prix assez considérable pour que la possession m'en soit assurée . Ma philosophie ne fait guère de différence entre une cabane et un palais ; mais j'ai une Parisienne iv avec moi qui n'est pas si stoïcienne . On me parle de la belle maison de Hauteville, dans le voisinage de Vevai . On dit que M. d'Hervart pourrait s'en accommoder avec moi, et me passer un bail de neuf années . J'ignore si la maison est meublée . Vous pourriez tout savoir en un moment . M. d'Hervart serait-il d'humeur à la vendre, ou à en faire un marché pour neuf ans ? et pourrait-il dans l'un et l'autre cas, m'en assurer la pleine jouissance ? est-il vrai qu'il y a un inconvénient, c'est qu'on ne peut aborder à Hauteville en carrosse ? Voilà bien des questions ; j'abuse de vos bontés, mais vous me donnez tant de goût pour le pays Roman que vous me pardonnerez . La chose presse un peu ; un autre fois nous parlerons des montagnes v. Si vous étiez curieux de voir une petite dissertation que j'envoyai, il y a quelques années, en italien vi, à l'institut de Bologne, vous verriez que je dois avoir un peu d'amour-propre, car je pense en tout comme vous . Il semble que j'aie pris des leçons de vous et de M. Haller vii; je préfère l'histoire de la nature aux romans .

 

Je vous embrasse sans cérémonie. »


 

 

ii NDLR - A l'heure actuelle, il est très mal vu par les Suisses de tous cantons -excepté celui de Genève, bien sur-, de nommer le lac Léman : lac de Genève ; seul Voltaire osa parler de lac de Lausanne , au grand dam du reste de la Suisse , sans doute .

 

 

iv Marie-Louise Denis, sa nièce et compagne .

 

v Allusion à l'in -4° publié par Bertrand en 1754 : Essais sur les usages des montagnes .http://books.google.com/books?id=zw1bAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

V* n'admettait pas que la présence de fossiles de coquillages sur des crêtes montagneuses fut le signe que celles ci étaient recouvertes de mers autrefois ;

voir pages 583 et suivantes : http://books.google.fr/books?id=xzITAAAAQAAJ&pg=PA583&lpg=PA583&dq=fossiles+voltaire&source=bl&ots=lVX_xq4Dw6&sig=IUL--mmzF94_S4Dui6aZj2-DXrE&hl=fr&ei=DXvFTrq_OInItAay5YXrBg&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=6&sqi=2&ved=0CFEQ6AEwBQ#v=onepage&q=fossiles%20voltaire&f=false

 

vi V* n'admettait pas que la présence de fossiles de coquillages sur des crêtes montagneuses fut le signe que celles ci étaient recouvertes de mers autrefois ; il l'écrivit dans la Lettre italienne :

voir pages 583 et suivantes : http://books.google.fr/books?id=xzITAAAAQAAJ&pg=PA583&lpg=PA583&dq=fossiles+voltaire&source=bl&ots=lVX_xq4Dw6&sig=IUL--mmzF94_S4Dui6aZj2-DXrE&hl=fr&ei=DXvFTrq_OInItAay5YXrBg&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=6&sqi=2&ved=0CFEQ6AEwBQ#v=onepage&q=fossiles%20voltaire&f=false

 

 

16/11/2011

il faut savoir payer cher son plaisir et sa convenance

 Oui,  Voltaire est fidèle à ses idées exposées dans le Mondain . Qui s'en plaindrait ?

http://www.monsieurdevoltaire.com/article-31117310.html

Mais lorsqu'il parle de "jardin délicieux", a-t-il vu ceci ?

 

JARDIN-DES-DELICES-1.jpg

Et Mme Denis , celà ?

JARDIN-DES-DELICES.jpg

 

 http://www.theatrorama.com/2009/06/le-jardin-des-de...


 

 

« A M. de Brenles

A Prangins, 31 janvier [1755]

Non, je ne vous échappe pas . Quand j'habiterais aux portes de Genève, ne viendrais-je pas quelquefois vous voir , et ne daigneriez-vous pas, vous et Mme de Brenles, venir passer chez nous quelques jours ? Tout est voisinage sur les bords du lac . Vous avez très bien deviné : la maison qu'on me vend i est d'un grand tiers en dessous de sa valeur au moins ; mais elle est charmante, mais elle est toute meublée, mais les jardins sont délicieux, mais il n'y manque rien , et il faut savoir payer cher son plaisir et sa convenance . Le marché ne sera conclu et signé par devant notaire que quand toutes les difficultés résultant des lois du pays auront été parfaitement levées, ce qui n'est pas un petit objet . Le conseil d’État donne toutes les facilités qu'il peut donner ii, mais il faut encore bien d'autres formalités pour assurer la pleine possession d'une acquisition de quatre-vingt-dix mille livres . Les paroles sont données entre le vendeur et moi ; j'ai promis les quatre-vingt-dix mille livres à condition qu'on se chargera de tous les frais, et de m'établir toutes les suretés possibles . Avec tout cela l'affaire peut manquer ; mille négociations plus avancées ont échoué . Que fais-je donc ? Je me tourne de tous les côtés possibles pour ne pas rester sans maison dans un pays que vous m'avez fait aimer . J'aurai incessamment des réponses touchant les maisons de M. d'Hervart . Je préfèrerais Prélaz , vous n'en doutez point, puisqu'il est dans votre voisinage ; mais nous soupçonnons qu'il n'y a qu'un appartement d'habitable pour l'hiver , et il faut remarquer que nous sommes deux qui voulons être logés un peu à l'aise . Voilà la situation où nous sommes . Il faut absolument que je prévienne l'embarras où je me trouverais si l'on ne pouvait m'assurer à Genève l'acquisition qu'on m'a proposée . Somme totale, il me faut les bords du lac ; il faut que je sois votre voisin, et que je vous aime de tout mon cœur . Je n'achète des chevaux que pour venir vous voir soit de Genève, soit de Vevai, dès que ma santé me permettra d'aller .

Mille respects à Mme de Brenles ; je vous embrasse et vous demande pardon .

V. »


i A Saint Jean, rive droite du Rhône à Genève, les futures Délices .http://www.ville-ge.ch/bge/imv/

 

ii En date du 1er février 1755, sur les registres du Conseil de la République de Genève on lit : « Le sieur de Voltaire demande et obtient la permission d'habiter dans le territoire de la république, pour être plus à portée du sieur Tronchin son médecin . »

 

je vous demande en grâce de lui faire recommander la vertu de l'exactitude .

La vertu de l'exactitude, celle-là même que je demande instamment à nos hommes / femmes politiques, si posssible étayée de la vérité et réciproquement.

 Fière allure , n'est-ce pas ?

Son sablier n'est plus guère utile que dans une cuisine ou pour le temps de réflexion d'un quelconque quizz . Avantage cependant sur l'horloge atomique : pas de panne ...

exactitude.jpg

L'exactitude est l'une des vertus recommandée par les Charitables de Béthune ( à ne pas confondre avec Le Bourreau de Béthune, raccourcisseur de milady, cher à Alexandre Dumas . Sans oublier celui qui fit les beaux soirs des rings de catch dans les années 50-60, méchant parmi les méchants , que toute la famille adorait huer ! )

 http://beuvry.unblog.fr/2009/10/08/384/

 http://www.leparisien.fr/sports/le-celebre-catcheur...

 

 

 

 

« A M. le comte d'Argental

Prangins, près de Nion,pays de Vaud, janvier [1755]


Mon cher et respectable ami,j'ai reçu votre lettre du 27 décembre et toutes vos lettres en leur temps . Toute lettre arrive, et Lambert i se moque du monde . Malgré les douleurs intolérables d'un rhumatisme goutteux qui me tient perclus, j'ai songé, dans les petits intervalles de mes maux, à cette tragédie en trois actes ii, que je n'ai pas l'esprit à faire en cinq . J'y ai retranché, j'y ai ajouté, j'y ai corrigé . J'ai tellement appuyé sur les raisons du parti que prend Idamé de préférer sa mort, et celle de son mari, à l'amour de Gengis-kan ; ces raisons sont si clairement fondées sur l'expiation qu'elle croit devoir faire de la faiblesse d'avoir accusé son mari ; ces raisons sont si justes et si naturelles, qu'elles éloignent absolument toutes les allusions ridicules que la malignité est toujours prête à trouver . Je ne crains donc que les trois actes ; mais je craindrais les cinq bien davantage ; ils seraient froids iii. Il ne faut demander ni d'un sujet , ni d'un auteur, que ce qu'ils peuvent donner .

J'aimerai jusqu'au dernier moment les arts que vous aimez ; mais comment les cultiver avec succès, au milieu de tous les maux que la nature et la fortune peuvent faire ?

Mandez-moi comment je dois vous adresser le troisième acte, que j'ai arrondi, et que j'ai tâché de rendre un peu moins indigne de vos bontés .

Je vous demande pardon de vous avoir importuné de lettres pour Lambert iv; mais en vérité, cet homme est bien irrégulier dans ses procédés, et je vous demande en grâce de lui faire recommander la vertu de l'exactitude .

Mille tendres respects à tous les anges . Mme Denis se voue au désert avec un grand courage ; elle vous fait les plus tendres compliments . »


 

i Imprimeur indélicat d'une édition erronée des Œuvres de V*.

ii L'Orphelin de la Chine.

iii NDLR – V* a raison , malheureusement il se rendra à l'avis de d'Argental ; la pièce que j'ai vue, interprétée dans ces redoutés cinq actes, traine en longueurs pénibles et lasse par le sentiment de délayage de texte qui n'apporte rien, ni à l'action ,ni à la réflexion .Son envie de faire plaisir à quelques amis nous prive d'un plaisir attendu .

 

14/11/2011

Il faut que je sois désespéré si je crois enfin à la médecine

Personnellement, sans douter de la médecine, je ne fréquente guère les cabinets médicaux, qui sont , comme chacun le sait, les meilleurs lieux pour lire des nouvelles vieilles d'au moins un lustre et se faire contaminer par les virus des patients "tousseux" qui viennent en quête de guérison rapide .

 

medecine-travail.jpg

http://www.journal-la-mee.fr/2425-medecine-du-travail-la-...

Je préfère laisser faire la nature et guérir un rhume en huit jours sans médicaments, plutôt qu'une semaine avec la panoplie chimique homologuée et empoisonnante .

 Oserai-je vous recommander de suivre les "conseils hygiéniques" suivants ?

conseils-hygieniques-f.jpg

http://www.histoire-image.org/pleincadre/index.php?i=1136

 

 Conseils d'hier, médecine de demain/aujourd'hui ?

photoshop-medicine.jpg

http://www.ufunk.net/photoblog/lol-du-jour-les-bienfaits-...

 

 

 

 

« A M. Jean-Louis-Vincent Capperonnier de Gauffecourt i

 

 

 

A Prangins, 30 janvier 1755

 

 

 

Mme Denis et moi, monsieur, nous apprenons par M. Marc Chappuis ii les nouvelles obligations que nous vous avons . Je voudrais pouvoir vous écrire de ma main, mais je suis tout perclus sur les bords de votre lac . Le soleil de Montpellier me serait plus favorable que les glaces du mont Jura . Je n'ai point eu la force d'aller aux bains d'Aix en Savoie, dans une saison si rigoureuse . Il faut attendre le retour du printemps, et le vôtre, pour adoucir tant de souffrances . On me fait craindre que les mêmes personnes qui ont donné sous mon nom une prétendue Histoire universelle, remplie de fautes absurdes, n'impriment aussi un poème iii composé il y a plus de vingt ans, qu'elles défigureront de même . Les belles-lettres ne sont pas faites pour rendre heureux ceux qui les cultivent, et notre royaume n'est pas de ce monde iv. Je me console avec ma garde-malade des maux que me font la nature, la fortune, et les imprimeurs : son courage m’en donne beaucoup ; elle brave les neiges et mes malheurs, et me rend tout cela très supportable . Vous m’avouerez que, sans elle, il serait assez dur de n'être entouré que des Alpes, et d'être privé même de la consolation d’avoir ses livres . Nous manquons de tout assez patiemment , mais nous espérons vous revoir cet été, et alors nous ne manquerons de rien . On prétend que je ne saurais vivre, et que je suis un homme mort si je m'éloigne du docteur Tronchin v. Il faut que je sois désespéré si je crois enfin à la médecine : je crois bien davantage à votre amitié ; c'est elle qui m'autorise à présenter mes respects à M. le comte de Bellegarde . Je suis persuadé que vous ne m'oublierez point auprès de M. de La Popelinière, et que la philosophe vi se souviendra de moi . A propos de philosophie,voyez-vous toujours messieurs de l'Encyclopédie ? Ce sont des seigneurs de la plus grande terre qui soit au monde . Je souhaite qu'ils la cultivent toujours avec une entière liberté ; ils sont faits pour éclairer le monde hardiment, et pour écraser leurs ennemis . Adieu, monsieur, souvenez-vous de deux solitaires qui vous seront toujours bien tendrement attachés .

 

Je vous embrasse.

 

 

 

V. »


 

i Bibliophile et relieur réputé ; voir page 183, note 35 : http://books.google.fr/books?id=j2eOfCIF2_EC&pg=PA183...

 

ii Il est question de lui dans les Confessions de Jean-Jacques Rousseau . Il logeait alors chez le comte de Bellegarde, envoyé de Pologne . Voir lettre du 23 janvier à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/11/11/l...

 

iii La Pucelle .

 

iv Évangile de Jean .

 

 

vi Mme d'Epinay .

 

13/11/2011

M. d'Argenson m'a assuré, foi de ministre, que ma lettre était venue trop tard, et moi, foi de philosophe, je n'en crois rien

 

 

 

 

« A M. de Brenles

 

A Prangins, le 27 janvier [1755]

 

Un voyage que j'ai fait à Genève, monsieur, dans un temps très rude, a achevé de me tuer . Je suis dans mon lit depuis trois jours, il faudrait qu'il y eût sur votre lac de petits vaisseaux i pour transporter les malades ; mais puisque vous n'avez point de vaisseaux sur votre mer, il faut que M. de Giez ii me fasse au moins avoir des chevaux et un cocher pour venir vous voir . Il est bien difficile de trouver un tombeau dans ce pays-ci . Il n'y a dans Monrion iii ni jardin pour l'été, ni cheminée, ni poêle pour l'hiver . On me propose auprès de Genève des maisons délicieuses iv. J'aimerais mieux une chaumière près de vous ; mais j'ai avec moi une Parisienne qui n'a pas encore renoncé, comme moi, à toutes les vanités du monde . Il lui faut de jolies maisons et de beaux jardins . Heureusement on est toujours dans votre voisinage, quand on est sur le bord du lac . Je ne suis encore déterminé à rien qu'à vous aimer et à vous voir ; j'attends des chevaux pour venir vous le dire . Je présente mes respects à Mme de Brenles et à tous vos amis .

 

Mme Goll v me mande qu'elle ne sait pas encore quand elle pourra quitter Colmar : ainsi, au lieu d'avoir une amie auprès de moi, je me trouverai réduit à prendre une femme de charge , car il en faudra une pour la conduite d'une maison où il se trouvera, malgré ma philosophie, huit ou neuf domestiques .

 

Notre ami Dupont vi n'a pas réussi . M. d'Argenson m'a assuré, foi de ministre, que ma lettre était venue trop tard, et moi, foi de philosophe, je n'en crois rien .

 

Foi de philosophe encore, je voudrais être auprès de vous . Messieurs de Genève me pressent ; le conseil m'octroie toute permission, mais je ne tiens les affaires faites que quand elles sont signées, et toutes les conditions remplies . Mandez-moi ce que c'est que la solitude dont vous me parlez . Voilà bien de la peine pour avoir un tombeau . Je suis actuellement trop malade pour aller ; si vous vous portez bien, venez à Prangins ; venez voir un homme qui pense en tout comme vous , et qui vous aime . Vous trouverez toujours à Prangins de quoi loger . Mme de Brenles n'y serait pas si a son aise ; il faut être bien bon et bien robuste pour venir à la campagne dans cette saison .

 

Je vous embrasse .

 

 

V. »


 

iIl n'y alors que de petites barques malcommodes ; de nos jours une flotte affrétée par la Compagnie Générale de Navigation assure de multiples services : http://www.cgn.ch/

 

ii Jeune suisse, banquier de V* qui mourra dix mois plus tard ;

voir lettres du 26 septembre 1755 à M. Bertrand: page 472 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411354g/f475.image....

page 473 à de Brenles : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411354g/f476.image....

et 24 octobre 1755 à de Brenles : page 487 :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411354g/f490.image....

et lettre du 7 janvier : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/11/04/j...

 

iii Maison qu'il loue, sise près de Lausanne ; voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/11/04/j...

 

iv Entre autres les futures « Délices »

 

v Son ex- logeuse à Colmar, dont le mari vient de mourir le mois précédent .

 

vi Sébastien Dupont, avocat à Colmar qui briguait une place de prévôt à Munster avec l'appui de son ami V* qui fit appel à ses relations pour appuyer sa demande ; sans succès .

Voir lettres précédentes à Dupont : 3 janvier 1755 et 7 janvier : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/11/03/d...

et : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/11/05/j...

et au président Hénault du 3 janvier 1755 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/11/01/j...

 

12/11/2011

des truites qui pèsent dix livres, et moi qui n'en pèse guère davantage ... J'ai passé ma vie à mourir

 Dix livres !

Notre immortel dit ne peser que dix livres ou guère plus .

Sont-ce ceux-ci ?

livres.png

 

 

 

« A M. Thieriot

 

 

 

A Prangins, le 23 janvier [1755]

 

 

 

Le Grand Turc i, notre ambassadeur à la Porte ottomane ii, et Royer, sont donc morts d'une indigestion ? Je suis très fâché pour M. des Alleurs, que j'aimais ; mais je me console de la perte de Royer iii et du Grand Turc ;

 

Puissent les lois de la mécanique qui gouvernent ce monde faire durer la machine de Mme de Sandwich iv, et que son corps soit aussi vigoureux que son âme, laquelle est douée de la fermeté anglaise et de la douceur française .

 

Vous voyez, mon ami , que Dieu est juste ; Royer est mort parce qu'il avait fait accroire à Sireuil que c'était moi qui l'était . Il faut enterrer avec lui son opéra, qui aurait été enterré sans lui . Royer avait engagé Sireuil dans la plus méchante action du monde , c 'est à dire à faire de mauvais vers ; car assurément on n'en peut pas faire de bons sur des canevas de musiciens . C'est une méthode très impertinente qui ne sert qu'à rendre notre poésie ridicule, et à montrer la stérilité de nos ménétriers . Ce n'est point ainsi qu'en usent les Italiens, nos maîtres . Metastasio et Vinci ne se gênaient point ainsi l'un l'autre ; aussi, Dieu merci, on se moque de nous dans toute l'Europe .

 

Je vous prie, mon ancien ami, d'engager M. de Sireuil à ne plus troubler son repos et le mien par un mauvais opéra . C'est un honnête homme, doux et modeste : de quoi s'avise-t-il d'aller se fourrer dans cette bagarre ? Donnez-lui un bon conseil, et inspirez-lui le courage de la suivre .

 

Avez-vous sérieusement envie de venir à Prangins, mon ancien ami? Arrangez-vous de bonne heure avec Mme de Fontaine et le maître de maison . Vous trouverez la plus belle situation de la terre, un château magnifique, des truites qui pèsent dix livres, et moi qui n'en pèse guère davantage, attendu que je suis plus squelette et plus moribond que jamais . J'ai passé ma vie à mourir, mais ceci devient sérieux, je ne peux plus écrire de ma main .

 

Cette main peut pourtant encore griffonner que mon cœur est à vous . »


 

 

ii Roland Puchot, comte des Alleurs, mort le 23 novembre 1754 à Constantinople .Voir note 2 : http://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome33.djvu/157

 

 

iv Lady Dorothy épouse de John Montagu, comte de Sandwich, était fille du comte de Rochester . Elle fut malade après son mariage (on dit qu'elle devenait folle) et mourra en 1757 .

 

11/11/2011

Les plus petites choses vous deviennent importantes, quand il s'agit d'un homme que vous aimez, voilà mon excuse

 Quand il s'agit d'une femme, cela est encore vrai , bien sûr . Et je pense encore ici,  de tout coeur, à Mam'zelle Wagnière .

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http://www.topito.com/top-belles-photos-chema-madoz

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

A Prangins, pays de Vaud, 23 janvier [1755]

 

Toute adresse est bonne, mon cher et respectable ami, et il n'y a que la poste qui soit diligente et sûre ; ainsi je puis compter sur ma consolation , soit que vous écriviez par M. Tronchin à Lyon, ou par M. Fleur à Besançon, ou par M. Chappuis i à Genève, ou en droiture au château de Prangins, au pays de Vaud .

 

Dieu a puni Royer, il est mort . Je voudrais bien qu'on enterrât avec lui son opéra, avant de l'avoir exposé au théâtre sur son lit de parade . L’Orphelin vivra peu de temps ; je ferai ce que je pourrai pour allonger sa vie de quelques jours, puisque vous voulez bien lui servir de père . Lambert m'embarrasse actuellement beaucoup plus que les conquérants tartares, et il me paraît aussi tartare qu'eux .

 

Je vous demande mille pardons de vous importuner d'une affaire si désagréable ; mais votre amitié constante et généreuse ne s'est jamais bornée au commerce de littérature, aux conseils dont vous avez soutenu mes faibles talents . Vous avez daigné toujours entrer dans toutes mes peines avec une tendresse qui les a soulagées . Tous les temps et tous les évènements de ma vie vous ont été soumis . Les plus petites choses vous deviennent importantes, quand il s'agit d'un homme que vous aimez, voilà mon excuse .

 

Pardon, mon cher ange ; je n'ai que le temps de vous dire qu'on me fait courir, tout malade que je suis, pour voir des maisons ii et des terres . Est-il vrai que Dupleix s'est fait roi, et que Mandrin s'est fait héros à rouer  ? On me mande que la Pucelle est imprimée iii, et qu'on la vend un louis à Paris . C'est apparemment Mandrin qui l'a fait imprimer ; cela me fait mourir de douleur . »


 

i Marc Chappuis, sera cité par V* dans une lettre à Hume du 24 octobre 1766 à propos de Jean-Jacques Rousseau ; c'était sans doute un proche parent des demoiselles Chappuis, marchandes de modes à Genève, chez qui V* faisait adresser son courrier , et à qui il écrivit une trentaine de lettres .

 

ii Au mois de février suivant, V* acquiert la maison Sur Saint Jean, proche de Genève, qu'il baptisera Les Délices .

 

iii La version authentique ne sera imprimée qu'à la fin de 1755 .

Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-la-pucelle-d-or...