14/12/2013
quand vous serez à Paris; parlez-nous des sottises que vous y aurez vues
...Je prépare des réserves de nourriture et boissons car vous n'êtes pas prêt de vous taire .
La sottise étant une maladie contagieuse, NKM en étant porteuse malsaine réussit à contaminer la mise en page de ses sottises de droite :
Sottises de gauche maintenant :
Hou ! la ! la ! que j'ai peur !
« A Pierre-Robert Le Cornier de CIDEVILLE.
A Ferney, 25 novembre [1758] 1
mais écrivez toujours aux Délices.
Votre amitié pour moi a donc la malice, mon cher ami, de tarabuster le marquis Ango, et de lui faire sentir que quelquefois les plus grands seigneurs ne laissent pas d'être obligés à payer leurs dettes, malgré les grands services qu'ils rendent à l'État. Il ne veut pas m'écrire; vous verrez qu'il s'est rouillé en province. Cependant un Bas-Normand peut hardiment écrire à un Suisse. Le petit bonhomme de marquis veut donc me donner une assignation sur son trésor royal, et, de quatre années, m'en payer une à cause des dépenses qu'il fait à la guerre! Je ferai signifier à monseigneur que je ne l'entends pas ainsi, et que, lui ayant joué le tour de vivre jusqu'à la fin de cette présente année, je veux être payé de mon dû ou deu. On écrivait autrefois deu ou dub, parce que dû est toujours dubium 2; mais dû, ou deu, ou dub , il faut qu'il paye et, point d'argent, point de Suisse. Et M. le surintendant Ledoux aura beau faire, je ferai brèche à son trésor, car je bâtis une terre; non pas un marquisat comme La Motte 3, non un palais comme le palais d'Ango 4, mais une maison commode et rustique, où j'entre, il est vrai, par deux tours entre lesquelles il ne tient qu'à moi d'avoir un pont-levis, car j'ai des mâchicoulis et des meurtrières et mes vassaux feront la guerre à La Motte-Ango. Le fait est que j'ai acheté, à une lieue des Délices, une terre qui donne beaucoup de foin, de blé, de paille, et d'avoine et je suis à présent
Rusticus, abnormis sapiens, crassaque Minerva.5
J'ai des chênes droits comme des pins, qui touchent le ciel, et qui rendraient grand service à notre marine si nous en avions une. Ma seigneurie a d'aussi beaux droits que La Motte et nous verrons, quand nous nous battrons, qui l'emportera.
Nunc itaque et versus, et caetera ludicra pono.6
Je sème avec le semoir; je fais des expériences de physique sur notre mère commune; mais j'ai bien de la peine à réduire Mme Denis au rôle de Cérès, de Pomone, et de Flore. Elle aimerait mieux, je crois, être Thalie à Paris; et moi, non je suis idolâtre de la campagne, même en hiver. Allez à Paris; allez, vous qui ne pouvez encore vous défaire de vos passions. Urbis amatorem Fuscum salvere jubemus
L'ami des homme 8, ce M. de Mirabeau, qui parle, qui parle, qui parle, qui décide, qui tranche, qui aime tant le gouvernement féodal, qui fait tant d'écarts, qui se blouse 9 si souvent, ce prétendu ami du genre humain n'est mon fait 10 que quand il dit Aimez l'agriculture. Je rends grâces à Dieu, et non à ce Mirabeau, qui m'a donné cette dernière passion. Eh bien ! quittez donc votre aimable Launai pour Paris; mais retournez à Launai, et regrettez, comme moi, que Launai soit si loin de Ferney. Écrivez-nous quand vous serez à Paris; parlez-nous des sottises que vous y aurez vues, et aimez toujours vos deux amis du lac de Genève, qui vous aiment de tout leur cœur. V. »
1 Réponse à la lettre de Cideville du 17 novembre 1758 envoyée de Rouen .
2 Jeu de mots ; dubium signifie douteux .Quant à l'ancien participe passé deu, de devoir, issu du bas latin debutum il a reçu au Xvè siècle un b étymologique qui était encore conservé par les praticiens au XVIIIè siècle .
3 Allusion à une phrase de Cideville dans sa lettre du 30 octobre 1758 , voir note de la lettre du 28 octobre 1758 de V* à Cideville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/11/27/comment-il-faut-faire-pour-se-faire-payer-d-une-dette-de-qua-5232578.html
4 Ce château, dont une partie a été démolie, est situé dans la commune de Joué-du-Plain, à trois lieues d'Argentan.
5 Sage, ne relevant d'aucune secte et dont la Minerve [l'esprit] était sans finesse ; Horace, Satires, II, ii, 3 .
7 A Fuscus, amant de la ville, nous, amoureux de la campagne, envoyons notre salut ; Horace, Épîtres, I, x, 1-2 .
8 [Victor Riqueti, marquis de Mirabeau : http://fr.wikipedia.org/wiki/Victor_Riqueti_de_Mirabeau
] L'Ami des hommes, ou traité de la population, 1756-1758 : https://openlibrary.org/books/OL5010189M/L%27_ami_des_hommes
9 Se blouser, plus anciennement belouser, se trouve souvent au XVIIIè siècle dans le style familier ou comique, au sens de se tromper .
23:55 | Lien permanent | Commentaires (0)
13/12/2013
Je ne dirai jamais de vous , il n'aura pas ma toile
... Car je le vois bien , vous êtes armé d'une tête de loup, grand lâche !
Savez-vous combien de temps il m'a fallu pour tisser ceci ?
« A Jean-Robert Tronchin
à Lyon
21 novembre [1758]
Un petit mot encore, mon cher monsieur . Il doit vous arriver force de ballots de toile pour moi . Où me les enverrez-vous ? Si aux Délices, la sortie paye droits ; si à Ferney en France , point de droits à ce que je crois . Bonjour . Je ne dirai jamais de vous , il n'aura pas ma toile 1 .
Cours à l'incluse port payé je vous en supplie et toujours pardon .
V. »
1 « Tu as trop de caquet, tu n'auras point ma toile », se dit par allusion à certain conte de vieille très connu . » Leroux, Dictionnaire comique, 1786 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k113396j.r=Dictionnaire+Comique+Le+Roux+.langFR
Proverbialement cette expression s'employait pour refuser quelque chose .
12:32 | Lien permanent | Commentaires (0)
12/12/2013
Voilà le commencement de la débâcle . Vous aurez un peu de virements de parties cette année
...
http://www.paperblog.fr/1137478/actualite-bourse-parfum-d...
Ceci étant peut-être provoqué par celà :
http://www.webcomicsnation.com/joehausen/debacle/se...
« A Jean-Robert Tronchin
à Lyon
18 novembre [1758]
Vous avez dû, mon cher correspondant, recevoir plusieurs lettres de change signées de moi et tirées sur vous pour la somme de 57 000 livres . Voyez je vous prie si tous ces billets qu'on vous proposera de la part de M. de Boisy composeront cette somme de 57 000 livres, quand on vous les présentera pour les Saints 1.
Voilà le commencement de la débâcle . Vous aurez un peu de virements de parties 2 cette année avec votre serviteur . Je m'y prends tard pour acquérir et pour bâtir, mais il faut des amusements à la vieillesse et à la philosophie . Je me tiens plus heureux que le cardinal de Bernis . Il me mande que sa mauvaise santé l'a forcé de prier le roi de le soulager du fardeau qu'il avait sur les épaules 3. Lui, en mauvaise santé ! Il est gros et gras et les couleurs de son chapeau sont sur son visage . Je le soupçonne plutôt d'être premier ministre que malade 4.
Le siège de Neisse avance 5. Il n'y a de ressource pour le roi de Prusse que de gagner une bataille . Mais si on crée encore des rentes, quelles ressources aurons-nous ? Ferney, les Délices et votre amitié .
V.
M. de Montpérou me demande à emprunter cent louis . Je les tire sur vous à son ordre . Il les prendra s'il veut sur M. Cathala et payera le change .
Autres cinquante-sept mille livres à M. de Boisy pour Pâques en plusieurs lettres .
Autres 1800 livres hic et nunc 6 pour petite partie du paiement Deodati,7 et environ 13 000 livres à Pâques .
Le dégraissé V.
Cours à l'incluse port payé je vous prie et pardon . »
2 « Virement » Terme de commerce qui se dit sur la place de change quand on donne en paiement à un autre un billet ou une lettre de change : ce qu'on appelle virement de partie, où on change de débiteur, ou de créancier .(Furetière)
3 Sur la conduite de Bernis voir lettre du 3 février 1758 à J-R. Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/02/02/lettre-sur-un-ministre-public-ce-n-est-pas-une-chose-ordinai.html
5 Les Autrichiens qui avaient une fois de plus pénétré en Haute Silésie avaient d'abord bloqué Neisse en août-septembre puis avaient ouvert le siège le 5 octobre . C'est en allant au secours de cette ville que Frédéric II avait subi une défaite à Hochkirch le 14 octobre ; cependant Daun lèvera le siège pour prendre ses quartiers d'hiver .
7 Antoine-Josué Diodati avait vendu à V* sa propriété de la Caille qui formait une enclave dans les biens de Ferney . La maison de Cologny appelée villa Diodati et où vécu Byron appartenait à une autre branche de la famille .
Voir : http://gw.geneanet.org/pierfit?lang=fr;p=antoine+josue;n=diodati
et page 8 : http://www.alexdecotte.com/resources/VaF_1759_2009.pdf
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11/12/2013
votre humanité et votre générosité me prêteront leurs secours pour tâcher de changer en hommes utiles, des sujets qu'on a rendus des bêtes inutiles
... Voici ce que devraient dire les agents de l'ANPE au gouvernement et aux employeurs potentiels .
Ou alors, les uns et les autres sont eux-mêmes des bêtes inutiles , hélas . Générosité et humanité sont encore présentes, le Téléton en est un signe, mais elles mériteraient d'être appliquées au plus haut niveau de l'Etat et par ces fichus individus que sont les fonctionnaires .
Pour votre gouverne, et par curiosité, voici quelques "hommes utiles" parmi lesquels, heureusement, on trouve des femmes
Voir : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6542525p/f309.image
« A Antoine-Jean-Gabriel Le Bault
Aux Délices route de Genève 18 novembre 1758
Monsieur, quatre tonneaux de votre bon vin d'ordinaire sont ce qu'il me faut . Je pense qu'on doit préférer une chère honnête de tous les jours aux repas de parade . Ainsi , monsieur, puisque vous voulez bien que nous buvions de votre vin, pourriez-vous avoir la bonté de m'en faire parvenir quatre tonneaux ou deux queues 1 à 360 livres la queue, les deux queues ou les quatre tonneaux enfermés dans d'autres tonneaux pour prévenir les Suisses qui voudraient en tâter sur le chemin .
Je n'ai appris que depuis peu que M. de Murard conseille nos princes . Je voudrais qu'il conseillât tous les rois et leur fit faire la paix . Je vous remercie bien tendrement monsieur, de la bonté que vous avez 2 d'écrire en ma faveur à M. de Murard . Il n'est pas encore certain que ce soit Mgr de La Marche qui reste possesseur de Gex, mais si dans ses partages cette terre lui demeure, il aura là un pays bien dépeuplé, bien misérable, sans ressource . Mon terrain est excellent et cependant j'ai trouvé cent arpents appartenant à mes habitants, qui restent sans culture . Le fermier n'avait pas ensemencé la moitié de ses terres . Il y a sept ans que le curé n'a fait de mariages,et cependant on n'a point fait d'enfants parce que nous n'avons que des jésuites dans le voisinage et point de cordeliers . Genève absorbe tout,engloutit tout . On ne connait point l'argent de France . Les malheureux ne comptent que par petits sous de Genève, et n'en ont point . Voilà les déplorables suites de la révocation de l’Édit de Nantes . Mais une calamité bien plus funeste c'est la rapacité des fermes générales et la rage des employés . Des infortunés qui ont à peine de quoi manger un peu de pain noir sont arrêtés tous les jours, dépouillés, emprisonnés pour avoir mis sur ce pain noir un peu de sel qu'ils ont acheté auprès de leurs chaumières . La moitié des habitants périt de misère et l'autre pourrit dans des cachots . Le cœur est déchiré quand on est témoin de tant de malheurs . Je n'achète la terre de Ferney que pour y faire un peu de bien. J'ai déjà la hardiesse d'y faire travailler quoique je n'ai pas passé le contrat . Ma compassion l'a emporté sur les formes . Le prince qui sera mon seigneur dominant devrait plutôt m'aider à tirer ses sujets de l'abîme de la misère , que profiter du droit goth et visigoth des lods et ventes 3. Je suis persuadé , monsieur, que votre humanité et votre générosité me prêteront leurs secours pour tâcher de changer en hommes utiles, des sujets qu'on a rendus des bêtes inutiles . Je serai toute ma vie, monsieur, avec la plus respectueuse et la plus tendre reconnaissance
votre très humble et très obéissant serviteur,
Voltaire . »
1 La queue est un tonneau de 400 à 500 litres . Voir : http://www.genefourneau.com/mesures.html#TONNEAU
3 Cette lettre montre remarquablement l'attention de Voltaire à l'égard de ses paysans, souci qui ne le quittera pas jusqu'à sa mort . Il est manifeste qu'il a visité avec soin le domaine de Ferney avant de signer définitivement . En même temps il est très soucieux de ses intérêts et demande l'allègement maximum d'un droit qu'on peut comparer à nos droits d'enregistrement . Dans la lettre du 15 octobre 1758 à Fabry il sous estime le prix réel qu'il paie pour cette terre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/11/20/temp-2edd5609192627d0f0799c533a70c07c-5226153.html
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10/12/2013
Nous n'avons pas de grands génies à Gex. Mais les bœufs sont des aigles quand il s'agit d'intérêt
... Je confirme ce jugement de Voltaire avec une légère mise à jour, ce ne sont plus des aigles mais des vautours qui s'occupent de l'immobilier gessien , en compagnie de hyènes repues . J'emploie des termes un peu forts et au demeurant déplaisant pour les intéressés , mais quand je vois les prix , vous qui n'avez pas un salaire de ministre oubliez tout espoir de vous loger , passez votre chemin avec votre SMIC .
Les agents immobiliers sont gros et gras et possèdent de beaux logements , les vendeurs se font des c... en or , l'argent va à l'argent . Il n'y a bientôt plus la place de planter un poireau .
« A Charles de Brosses, baron de Montfalcon
Vous, monsieur, qui êtes maître en Israël, ayez la bonté d'abord de m'instruire si on doit l'impôt goth et vandale des lods et vente quand on achète pour le temps de sa courte vie. Alors je pourrais avoir l'honneur de transiger avec vous la tête levée quoique chenue, et Mme de Brosses aurait un cent d'épingles. Ce parti serait bien préférable à celui d'un prétendu bail, qui m'exposerait à de grands embarras. Nous n'avons pas de grands génies à Gex. Mais les bœufs sont des aigles quand il s'agit d'intérêt et un commis, un procureur, etc., attraperait Homère et Platon.
Après ce préambule, je dois vous dire que je n'entendrais point du tout garder noble Chouet, fils de noble Chouet, syndic. Je respecte fort les Genevois et les ivrognes il est l'un et l'autre; mais je ne veux point de lui. Il ne demande d'ailleurs qu'à sortir de la terre; il a fait afficher dans la ville de Jean Chauvin 2 qu'il cherchait un sous-fermier, et n'en a point trouvé. Il laisse votre terre dans un état déplorable. Je lui avais acheté du blé pour avoir le plaisir de faire dans mon ermitage des Délices les premières semailles que j'aie faites de ma vie. On n'a pu employer son froment il était plein d'ivraie (ce qui est maudit dans l'Évangile 3), tandis que, dans ma terre de Ferney, j'ai le plus beau froment du monde à deux pas de chez vous. On m'a fait espérer un Suisse qui ne boit point, qui entend l'économie d'une terre, et qui la dirigera sous mes yeux.
Je veux bien consentir à vous laisser mes meubles quand je n'aurai plus pour tout meuble que trois ais de mauvais sapin. Tout ce qui sera sur la terre et dans la terre vous appartiendra mais je veux la forêt, qu'on dégrade et dont j'aurai soin. Je demande les cens 4, tous les droits seigneuriaux, tout ad vitam brevem.5
Mais ces lods et ventes, comment s'en débarrasser? Voilà le grand point . Je n'en dois déjà que trop pour la terre de Ferney le droit goth m'épuise, et je ne suis plus en état de payer des princes. Pourvu que je sois loin d'eux, je suis content. Heureux, monsieur, si je peux avoir l'honneur de traiter avec vous et de recevoir vos ordres! Vous ne doutez pas des sentiments de votre très-humble et obéissant serviteur.
VOLTAIRE,
gentilhomme ordinaire du roi. »
1 Réponse à la lettre du 12 novembre de de Brosses : « DE M. le président de BROSSES 1
A Montfalcon, par Mâcon, le 12 novembre [1758].
Votre dernière lettre, monsieur, vient de m'être renvoyée dans ma terre de Bresse, où je suis venu seul passer une quinzaine de jours pour régler quelques affaires. Je vois que vous voulez me faire plus riche d'un capital de dix mille écus, à moins que je ne le mange, comme cela arrivera infailliblement. Allons, il m'en va coûter mille sept cents francs de rente, que je sacrifie pour procurer à ma vieille terre la gloire de posséder un homme illustre qui l'immortalisera par quelque poème œre perennius.
De grâce faites-lui cet honneur de la chanter à côté du lac, cela ne vous coûte guère. Je vous livrerai donc l'usufruit viager de la seigneurie, du château, et du domaine du château, tel et ainsi qu'en jouit le sieur Chouet par son bail actuel. Je n'entre pas dans le détail des autres articles portés par votre dernier mémoire responsif, parce qu'il se réfère assez au mien, et qu'il me semble que nous sommes à peu près d'accord là-dessus. Reste cette chaîne ou pot de vin, pour laquelle vous offrez à Mme de Brosses une belle charrue à semoir. Mais, outre que j'en ai une ici, je doute qu'elle prenne cela pour un meuble de toilette. Je ne me mêle pas des affaires des femmes. Voyez si vous voulez démêler cette fusée avec elle. Vous êtes galant, vous ferez bien les choses. Et n'allez pas dire: « Je ne suis point galant ce sont mes ennemis qui font courir ce bruit-là » car elle n'en voudra pas croire un mot. Si vous avez quelque proposition honnête à faire pour elle, je m'en chargerai volontiers, et je tâcherai de vous en tirer à meilleur compte. Que si elle est une fois à vos trousses, il faudra les Pères de la Mercy pour vous racheter. Encore elle s'en va à Paris cet hiver, où elle compte manger beaucoup d'argent. Ceci la va rendre âpre comme tous les diables; ma foi, je vous plains.
Dites -moi quand et comment vous voulez que nous fassions les actes; en quel temps à peu près vous voudriez entrer en jouissance; si vous comptez laisser le fermier actuel dans le bail, ou si vous entendez qu'il sera résilié. En ce dernier cas, ceci demande des précautions, et des arrangements à prendre de ma part avec le sieur Chouet. Vous sentez assez que cela ne se peut pas faire dans la première minute; mais cela n'empêcherait pas que vous ne puissiez prendre vos mesures d'avance sur ce que vous pouvez avoir dessein de faire.
Il y a un article qui me peine, quoique ce ne soit pas grand'chose c'est celui des meubles. Quand on rentrera là un jour à venir, il n'y aura que les quatre murailles, et on y sera comme le Fils de l'homme, qui n'a pas où reposer sa tête. Convenons qu'ils vous resteront pour l'usage tels qu'ils y sont, et qu'ils y seront laissés après vous tels qu'ils seront.
Je vous demande en grâce de garder le plus grand secret sur notre traité, non-seulement à cause des arrangements qu'il me faudra faire peut-être avec M. Chouet, mais encore plus à cause des précautions à prendre pour notre utilité réciproque, tant sur l'article des franchises que sur les demandes que l'on pourrait vous faire sur le pied d'une aliénation: si bien qu'il faut que ceci n'ait que l'air extérieur d'un bail à vie. Faites-moi le plaisir de me faire là-dessus la plus prompte réponse qu'il vous sera possible, afin que je puisse prendre sans tarder les mesures nécessaires. Indépendamment de notre affaire, c'est toujours un moment bien agréable pour moi que celui où j'ai l'avantage de recevoir de vos lettres. Je désire avec empressement de vous des sentiments d'amitié; et je puis dire que je les mérite par ceux de la plus grande estime et du plus parfait dévouement que j'ai l'honneur de vous porter.
BROSSES 2. »
« 1 Ceci est une réponse à une lettre de Voltaire qui s'est perdue. Voici comment. Après le décès du président de Brosses et durant l'émigration de ses enfants, M. de Tournay, son frère, resta dépositaire de ses papiers. Ce dernier étant mort le 21 janvier 1793, sa veuve se remaria. Des personnes que j'ai lieu de croire bien informées assurent que le second mari de cette dame avait gaspillé, au profit de quelques curieux, la correspondance de Voltaire avec le président. (Note du premier éditeur.)
2. Dans un catalogue d'autographes, vendus le 17 avril 1880, nous relevons, sous le n° 52, la mention suivante « Lettre de Ch.-L.-Aug. Fouquet, duc de Belle-Isle, maréchal de France, à Voltaire, de Versailles, 12 novembre 17.8. Il se chargera de remettre au ministre de la marine le mémoire qu'il lui a recommandé. »
2 Arbitrairement toutes les éditions corrigent en Cauvin ; or Cauvin, Chauvin, Calvin sans compter les formes latinisées de ce nom, sont autant de formes dialectales du même nom propre qui est à l'origine un diminutif de chauve .
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09/12/2013
vous ne souffrirez plus des articles tels que celui de Femme , de Fat, etc., ni tant de vaines déclamations, ni tant de puérilités et de lieux communs sans principes, sans définitions, sans instructions
... Demain, mardi 10 décembre 2013, au stade de Soccer City à Soweto, match dont je peux vous donner le résultat : Mandela 1 - Reste du monde 0 .
Une foule de gugusses titrés vont bavasser et rivaliser d'éloges pour le défunt qui les réunit, eux qui souvent ne peuvent pas se sentir le reste du temps . Lors de ce festival de vanité et lieux communs, il nous sera heureusement épargné d'entendre la voix française qui n'aurait fait qu'ajouter du rien à l'inutile .
... Jusqu'au trognon !
Combien d'affamés vont mourir seuls, sans secours, sur ce continent, alors qu'on va dépenser des millions pour accompagner et enterrer une dépouille qui n'en demande pas tant, et qui n'en mérite pas tant , les vivants étant plus importants que les morts, selon moi .
Onze mille soldats mobilisés ( ou plutôt immobilisés ) : je suppose que ce n'est pas pour sauver Mandela d'un attentat, ses laudateurs devraient apprécier ces protecteurs .
Qui pourrait m'expliquer les raisons des refus de visas pour le dalaï lama ? Pas assez va-t-en-guerre au goût de l'Afrique du Sud ? Je n'ose l'envisager . Trop mal vu par la Chine qui est un énorme client à chouchouter ? Bingo ! (enfin, je le suppose ).
Donc à tous les amateurs de vacuité, phrases ronflantes, hypocrisie, rendez-vous au reportage du spectacle "Nous l'avons tant aimé que nous sommes heureux qu'il ne souffre plus" , avec un cercueil dans le rôle principal et des pingouins endimanchés pour le choeur .
NDLR - Netanyahu n'a pas voulu casser sa tirelire , le voyage étant, dit-il, trop cher pour l'Afrique du Sud ; je lui conseille de faire la manche dans les territoires palestiniens injustement colonisés, succès assuré , triste faux cul .
« A Denis DIDEROT.
Aux Délices, 16 novembre [1758]
Je vous remercie du fond de mon cœur, monsieur, de votre attention et de votre nouvel ouvrage 1. Il y a des choses tendres, vertueuses, et d'un goût nouveau, comme dans tout ce que vous faites; mais permettez-moi de vous dire que je suis affligé de vous voir faire des pièces de théâtre qu'on ne met point au théâtre 2, autant que je suis fâché que Rousseau écrive contre la comédie , après avoir fait des comédies.
J'attends avec impatience votre nouveau tome de l'Encyclopédie; je m'intéresse bien vivement à ce grand ouvrage et à son auteur; vous méritiez d'avoir été mieux secondé. J'aurai la hardiesse de vouloir que l'article Idolâtrie soit de moi, s'il a passé, et j'aurais désiré que d'autres articles importants eussent été écrits avec la même passion pour la vérité. Nous étions indignés, l'autre jour, au mot Enfer 3, de lire que Moïse en a parlé; une fausseté si évidente révolte.
Vingt articles de métaphysique, et, en particulier, celui d’Âme 4, sont traités d'une manière qui doit bien déplaire à votre cœur naïf et à votre esprit juste. Je me flatte que vous ne souffrirez plus des articles tels que celui de Femme 5, de Fat, etc., ni tant de vaines déclamations, ni tant de puérilités et de lieux communs sans principes, sans définitions, sans instructions. Jugez, à ma franchise, de l'intérêt que votre grande entreprise m'a inspiré.
Je n'ai pu, malgré cet intérêt, travailler beaucoup à votre nouveau tome. J'ai acheté, à deux lieues de mes Délices, une terre encore plus retirée, où je compte finir mes jours dans la tranquillité, mais où je me vois obligé de me donner beaucoup de soins les premières années. Ces soins sont amusants, et les travaux de la campagne me paraissent tenir à la philosophie . Les bonnes expériences de physique sont celles de la culture de la terre. Dans cet heureux oubli d'un monde pervers et frivole, j'interromprai mes travaux avec joie quand vous me demanderez des articles intéressants dont d'autres personnes ne se seront point chargées.
Adieu, monsieur; honorez de quelque amitié un homme qui vous est attaché comme il voudrait que tous les philosophes le fussent, et qui est extrêmement sensible à tous vos talents.
V.»
1 Le Père de famille, imprimé en 1758, et représenté en 1761. Thieriot écrit à V* le 12 novembre 1758 : « La comédie du Père de famille de M. Diderot paraît avec une grande et sérieuse épître dédicatoire et un long discours sur la poésie dramatique . » Le 27 novembre Diderot citera le jugement qui suit en réponse aux critiques sa pièce que Mme Riccoboni (Marie Jeanne de Laboras de Mezières ) lui avait adressée (voir pages 454 et 459 : http://books.google.it/books?id=EEIHAAAAQAAJ&printsec... )
2 La pièce ne fut représentée à Paris que le 18 février 1761, mais avait été jouée à Marseille en novembre 1760 . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_P%C3%A8re_de_famille_%28Diderot%29
3 Voir lettre du 2 septembre 1758 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/10/12/nos-moeurs-changent-brutus-il-faut-changer-nos-lois-5194618.html
4 De l'abbé Yvon ; voir : http://rde.revues.org/1201
5 De Desmahis ; voir : http://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Encyclop%C3%A9die/1re_%C3%A9dition/FEMME
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08/12/2013
Je me croirais trop heureux de pouvoir contribuer au bien que vous voulez faire au pays
... Voilà ce que l'on pourrait dire au gouvernement s'il ne jouait pas uniquement du bâton et de la dérobade et qui finit par fatiguer les âmes de bonne volonté . Restent les grincheux sur le devant de la scène , pantalonnades à gogo sans trêves . Rideau !
Faute de quoi on apportera la même contribution à Miss France qui elle aussi va oeuvrer au renom de sa patrie , je n'en doute absolument pas [sic] et elle non plus [resic].
« A Louis-Gaspard Fabry
chevalier de l’ordre de St-Michel,
premier syndic général des trois
états du pays de Gex.
15 novembre 1758
Vous verrez, mon cher monsieur, par la lettre ci-jointe de la main de Mgr le comte de La Marche , que les choses peuvent changer de pour au contre du 19 septembre au 5 novembre ; mais jamais rien ne changera dans les sentiments que j'ai pour vous . Je me croirais trop heureux de pouvoir contribuer au bien que vous voulez faire au pays . M. le contrôleur général 1 m'a toujours honoré de son amitié et quand vous voudrez me donner vos ordres je les remplirai auprès de lui avec tout la vivacité d'un homme qui est idolâtre du bien public et qui désire avec passion votre amitié . Supprimons les compliments, le cœur n'en veut point . Votre très humble et très obéissant serviteur.
V. »
1 Jean de Boullongne . Voir lettre du 5 janvier 1758 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/03/10/nous-laissons-faire-dieu-repondit-mitchenous-laissons-faire.html
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