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26/12/2013

J'ai choisi Lausanne et Genève pour être libre, j'y ajoute la France pour l'être davantage

... Bon choix madame, bon choix mademoiselle, bon choix monsieur ! [dixit VGE]

 http://www.ina.fr/video/I00014068

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 France dépoitraillée, quasi avec du poil au menton, sans bonnet rouge, elle n'a pas froid aux fess yeux!

 

 

« A David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches

à Lausanne

Aux Délices 13 décembre [1758]

Plus d'un tracas, je ne dis pas tracasserie, m'a empêché d'écrire au plus aimable colonel suisse qui ait jamais servi les Bataves . Je vous promets bien cependant, mon cher maître de notre scène lausannoise, de tenir mes rôles de vieillard tout prêts . Mme Denis sait Mérope . Mais quand ouvrirons-nous notre théâtre ? Il faut le demander à M. de Boisy qui a la goutte et qui n'a point encore signé le marché de Ferney, à M. le président de Brosses qui me vend aussi son Tournay, aux notaires, à l'architecte, à cinquante ouvriers en tout genre . Je me suis donné le plaisir malin d'entourer la république de Genève de mes terres . Ce n'est pas à dire qu'elles soient d'une seule étendue, mais je ris d'avoir juste pour mes vassaux deux prédicants dont je n'étais guère plus édifié que de celui de Vevey . J'ai choisi Lausanne et Genève pour être libre, j'y ajoute la France pour l'être davantage, mais Lausanne sera toujours mon séjour favori tant que vous y serez . J'attends les neiges et les glaces comme les autres attendent le printemps . Il faut qu'il gèle bien fort pour que je vienne vous voir . Je prendrai à peu près le temps où les trois Rois vinrent d'Asie . J'arriverai avec toute ma colonie et je serai à vos ordres quand il gèlera à pierre fendre . Ce n'est pas que je n'y sois toute l'année, mais cette fois-ci je ne suis le maître de mon temps que pendant les glaces . Mille respects à Mme d'Hermenches et à toute votre famille . Nos dames vous font force coquetteries .

V. »

 

25/12/2013

si je vis tout ira bien . Si je meurs, je n'ai besoin de rien ; et en attendant je compte sur votre amitié qui vaut mieux que richesse

...Quel plus beau cadeau recevoir en ce jour de Noël ? Et j'en suis l'heureux bénéficiaire depuis bien avant ; qu'ajouter ? Merci Mam'zelle Wagnière

 http://www.monsieurdevoltaire.com/article-citation-du-jour-121758429.html

 Une même sève pour deux

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« A Jean-Robert Tronchin

à Lyon

11 décembre [1758]

Il nous vient, mon cher correspondant, quatre tonneaux de vin de Languedoc en double futaille 1 par le Rhône à vous adressés à Lyon pour l'étranger . Je les recommande à vos bontés, ainsi que les toiles qui nous viennent de Laval .

Me voilà à sec ou je suis fort trompé . Mais pour remplacer environ trois cent mille livres que probablement vous aurez payées pour moi au paiement nommé des Rois, voici une lettre de change de 207 livres . C'est faire comme Panurge 2 de cent sous quatre livres, et de quatre livres rien . La grosse tête de notre ami Labat n'a pas bonne opinion des affaires de la France . Je crois que vous avez plus mauvaise opinion des miennes, mais si je vis tout ira bien . Si je meurs, je n'ai besoin de rien ; et en attendant je compte sur votre amitié qui vaut mieux que richesse .

V. »

2 Référence à Pantagruel , III, ii-v, de Rabelais : https://archive.org/stream/lescinqlivresdef03rabeuoft#page/24/mode/2up

 

24/12/2013

j'édifie plus que je ne détruis ( je parle d'édifice et non d'édification), et je plante plus que je n'arrache

...

Union libre ...

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« A Charles de Brosses, baron de Montfalcon

Aux Délices, 10 décembre 1758 1

J'ai l'honneur, monsieur d'être à vos ordres demain matin à Tournay ; je vous offrirai des œufs et du fromage de Ferney ; j'espère que nous reviendrons coucher à l'ermitage des Délices .

Ne soyez en peine ni de votre château ni de votre forêt ; j'édifie plus que je ne détruis ( je parle d'édifice et non d'édification), et je plante plus que je n'arrache . Mais vous savez qu'un Suisse ne peut être gêné . M. Tronchin s'est bien trouvé de m'avoir laissé la bride sur le cou . Il y a un article qu'il faudra expliquer, c'est celui des troupeaux qui vous resteront à ma mort . Vaches et moutons avec le chien, oui ; mais bœufs et chevaux , non 2. La raison est que j'aurai probablement un haras à Tournay et que les bœufs qui exploiteront la terre seront ceux de Ferney, qui sont au nombre de seize . Je deviens patriarche . Si vous vous fiez à moi, vous y gagnerez , si vous vous défiez, vous y perdrez . Mais vous ne perdrez jamais les sentiments qui m'attachent à vous .

V. »

1 Réponse à la lettre du 27 novembre de de Brosses : « De M. le président de BROSSES

A Montfalcon, le 27 novembre [1758].

Comme notre droit féodal, monsieur, est tant soit peu barbaresque, il ne se déduit pas si bien que la jurisprudence papinienne des principes de la droite raison éternelle et universelle, surtout dans les points où les premières pierres, n'étant pas posées bien droit, les conséquences gauchissent de plus en plus quand le cas devient anomal et singulier comme celui-ci. Il n'y a rien de prévu par la loi pour les ventes à vie, chose très inconnue autrefois et dont l'usage ne s'est introduit que depuis fort peu de temps. La règle générale de notre pays savoyard est que les lods sont dus ex translalione dominii per emptionena. L'usage pour les ventes à réachat, auxquelles les ventes à vie pourraient s'équiparer, est que le lod est dû de la première vente, et non du retrait, parce que, disent les docteurs, est resolulio et distractus, potius quam contractus. Concluez de là que les princes, à qui vous êtes las de faire des libéralités, ne manqueront pas de prétexte pour vous demander, et que vous aurez à leur répondre que vous n'avez rien à leur offrir, puisque ce n'est qu'une vente d'usufruit, où il manque translalio dominii et proprietatis; que, dans le réachat ordinaire, l'aliénation est certaine et le retour incertain, car il n'est que faculté et peut n'avoir jamais lieu, au lieu qu'il est certain et de nécessité dans la vente viagère. Mais à quoi bon laisser matière à contestation ? Il ne faut jamais avoir d'affaire où l'on soit défendeur, c'est le mauvais rôle. Pourquoi ne vous en pas tenir au plan projeté d'un bail apparent suivi d'une vente réelle ? Ne serez-vous pas parfaitement le maître chez vous et sans embarras, quand, deux jours après le bail à ferme, nous passerons un acte de vente où il sera rescindé du consentement de toutes les parties et converti en vente viagère? N'ayez pas peur pour votre acquisition. Je vous puis assurer que vous ne risquez rien. D'ailleurs il ne me serait pas possible d'adopter aucune formule publique qui pût mettre en risque les franchises de ma terre, qui se perdraient par aliénation à un Français; et vous avez à ceci le même intérêt que moi.

Or sus, tant sur cet article-ci que sur beaucoup d'autres, on s'égosille à parler de loin, et l'on ne termine rien. Il faut faire en sorte de nous voir. Nous en dirons plus en une demi-heure qu'en cent pages. J'attends ici, sur la fin de la semaine, un ecclésiastique de mes amis, fort honnête évêque [Courtois de Quincy ; voir page 373 : http://books.google.fr/books?id=oXUTAAAAQAAJ&pg=PA373&lpg=PA373&dq=Courtois+de+Quincy&source=bl&ots=9gDMQYHqj8&sig=qTc5AojWHF9a8aIHFwbOsNe54Bk&hl=fr&sa=X&ei=NTG6Uo7LMaev0QWzxoCIDg&ved=0CE8Q6AEwBw#v=onepage&q=Courtois%20de%20Quincy&f=false

et page 165 : http://books.google.fr/books?id=DD-JW9LnpDEC&pg=PA165&lpg=PA165&dq=Courtois+de+Quincy&source=bl&ots=u6nIbtCbnI&sig=kdSvNsHTEbldT7cMQ6pTBdwcql0&hl=fr&sa=X&ei=NTG6Uo7LMaev0QWzxoCIDg&ved=0CDYQ6AEwAQ#v=onepage&q=Courtois%20de%20Quincy&f=false]. Voulez-vous que j'aille avec lui jusqu'à Belley ? Voulez-vous avoir la bonté d'y venir passer 24 heures ? Nous en ferons l'île de la Conférence; et je m'assure qu'en un moment nous aurons tout réglé et terminé de fort bonne grâce beaucoup mieux probablement que nous ne ferions sur la place même, dans un pays, soit dit entre nous, de grand bavardage. Je serai à Belley au milieu de la semaine prochaine, vers le mardi. Faites-moi l'honneur de m'y écrire sans aucun retard un petit mot à l'évêché pour m'apprendre votre résolution. Vous ne doutez pas de l'empressement extrême que j'aurais de vous voir, de vous embrasser, de finir avec vous une affaire qui nous mettrait encore plus en liaison. De votre côté, vous ne serez pas fâché de faire connaissance avec un voisin homme d'esprit et de beaucoup de mérite . A demain donc les affaires, disait le roi Antigone. Mais. tous les jours de ma vie, elle vous est entièrement dévouée par tous les sentiments imaginables d'estime et d'attachement.

Vous me mettez en colère contre l'ennemi qui a suscité ce maudit Chouet pour semer de l'ivraie dans mon champ admirable, où il n'a jamais crû du blé que pour les élus. L'ivrogne qu'il est n'a donc pas assez de s'enivrer de mon vin, il veut encore s'enivrer de mon blé. »

Voir la correspondance V*/de Brosses : http://books.google.fr/books?id=C6bPerPXMYsC&pg=PA42&lpg=PA42&dq=je+plante+j%27%C3%A9difie&source=bl&ots=bISYG82VCj&sig=KdkHj3lJOygqbCSg84A-MIVyYoc&hl=fr&sa=X&ei=UTO6UtL-M82d0wWJpYDQAQ&ved=0CDEQ6AEwAA#v=onepage&q=je%20plante%20j%27%C3%A9difie&f=false

2 Le lendemain, 11 décembre 1758 ; V* signera le contrat suivant avec de Brosses : « BAIL A VIE DE LA TERRE DE TOURNAY

L'an mil sept cent cinquante-huit, et le onze décembre après midi, par devant le notaire royal au bailliage de Gex, soussigné; et en présence des témoins ci-après nommés, fut présent haut et puissant seigneur messire Charles de Brosses, baron de Montfalcon, président à mortier au parlement de Bourgogne, demeurant à Dijon, lequel a par ces présentes remis à titre de bail à vie, avec promesses de faire jouir, à commencer le vingt-deuxième février prochain, à messire François-Marie Arouet de Voltaire, chevalier, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, demeurant aux Délices-sur -Saint-Jean, ici présent et acceptant : assavoir le château, terre et seigneurie de Tournay, granges, écuries, prés, terres, vignes hautes et basses, bois, la forêt, droits seigneuriaux honorifiques, la dime en dépendant, les censives et droits seigneuriaux dus et relevant du château de Tournay, auquel effet le terrier dudit Tournay lui sera remis ledit jour pour les exiger; pour être par lui rendu à l'expiration de sa jouissance, le troupeau de vaches tel qu'il a été remis au fermier actuel, pour en rendre pareil nombre et valeur suivant l'estimation qui en sera faite par experts; tous les meubles et effets d'agriculture et futailles; comme encore tous les meubles meublants qui sont dans le château; toutes lesquelles choses seront remises ledit jour vingt-deux février prochain audit sieur preneur, qui s'en chargera sur un état et inventaire à double, dans lequel sera spécifiée la quantité de foin et de paille qui se trouveront dans les granges, et aussi la quantité de terres ensemencées, pour être rendu par ledit sieur preneur à la fin de sa jouissance au même état, auquel temps tous les meubles et effets qui se trouveront dans lesdits bâtiments sans exception appartiendront audit seigneur de Brosses en propriété.

M. de Voltaire aura la faculté de faire dans les bâtiments et fonds les changements qui lui conviendront, au moyen de quoi il restera chargé de toutes réparations, tant dans lesdits bâtiments que dans les fonds, et de rendre le tout en bon état. M. de Voltaire aura la pleine jouissance de la forêt de Tournay, et des bois qui SONT SUR PIED et non vendus, de laquelle il usera en bon père de famille sans la détruire; c'est-à-dire en y laissant par chaque pose, l'une portant l'autre, soixante arbres de ceux qui sont sur pied, et elle sera mise en défense pour croître en taillis.

Ce bail fait moyennant la somme de trente-cinq mille livres, qui ont été payées présentement par ledit sieur preneur, en lettres de change sur Lyon, payables la moitié en payement des Saints, et l'autre moitié en payement des Rois, dont ledit seigneur de Brosses tient quitte ledit sieur preneur. Et en outre M. de Voltaire promet et s'oblige de faire dans lesdits bâtiments, granges, fossés, jardins, écuries, en constructions, grosses réparations et améliorations de toute espèce, avenues, chemins, haies autres que celles d'entretien ordinaire, pendant le cours de sa jouissance, soit pour l'utilité, soit pour l'agrément, jusques à concurrence de la somme de douze mille livres, comme faisant ladite somme partie du prix du présent bail, suivant la reconnaissance et estimation par experts, relativement aux livres de dépense dudit sieur preneur, et ledit emploi des douze mille livres ne sera point exigible si ledit sieur preneur venait à décéder dans les trois premières années, et sans répétition néanmoins de ce qui se trouvera fait. Ledit seigneur de Brosses s'engage à ne faire couper aucun arbre dans ladite forêt, à la réserve de huit chênes vendus à un tonnelier de Genève, qui sont encore sur pied, et ce à compter de ce jour.

Le revenu annuel de ladite terre ayant été estimé être de la somme de trois mille cinq cents livres. Tout ce que dessus ainsi convenu entre lesdites parties, qui ont promis l'exécuter respectivement, à peine de tous dépens, dommages et intérêts, obligation de biens.

Fait, lu et prononcé au château de Ferney, en présence de Bernard et Jacques Brillon frères, laboureurs, demeurant audit Ferney, témoins qui ont signé avec les parties, et moi dit notaire.

Signé sur la minute BROSSES, DE VOLTAIRE, Jacques Brillon, Bernard Brillon, et Girod, notaire.

Contrôlé à Gex, le quinzième décembre 1758 reçu quatre-vingt-six livres huit sols. Signé: Rods.

Par expédition audit seigneur de Brosses,

GIROD »

Après le décès de V* :

« Marc Duval, conseiller du roi, lieutenant général au bailliage de Gex, certifions que M. Girod, qui a reçu, expédié et signé l'acte ci-devant, est notaire royal en ce bailliage, et que foi doit y être ajoutée en jugement et dehors. En témoin, nous avons donné les présentes sous le sceau de ce bailliage, de nous signées à Gex, en notre hôtel, ce six juin mil sept cent soixante-dix-huit.

DUVAL »

 

 

 

23/12/2013

il faut être sage dans ses folies

... Ceci fait-il partie des recommandations de cette période festive ?

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« A Jean-Robert Tronchin

à Lyon

[Aux Délices 9 décembre 1758]

Mon cher correspondant qui ne correspondrez bientôt plus que sur un bien chétif capital à moins que Dieu ne me prête vie, voici encore douze cents livres que vous aurez la bonté de payer à l'ordre de M. Bontems 1 ou Marcuard 2 pour pareille somme que je prête au prêtre Bertrand de Berne 3. Mais permettez-moi de récapituler un peu mes affaires car il faut être sage dans ses folies .


Je vous ai dégarni pour affaire avec notre baron Labat de

90000

£

Je vous dégraisse pour la masure de Ferney de

114000

 

Il vous en coutera pour les prés, les vignes et les terres à froment du prêtre Déodati enclavées au domaine de Ferney

 

17000

 

ou environ

Il faudra débourser pour les laods 4, terme barbare d'un droit très barbare, et pour le centième denier et loyaux coûts

 

15000

 

Le château de Ferney me coûtera à le bâtir de fond en comble

50000

 

 

286000

£

 

Or on me propose encore des acquisitions pour environ 44 000 livres lesquels joints aux ci-devant 286 000 feront la somme de livres 333 000 .

Que me restera-t-il alors de fonds entre vos mains en comptant les annuités et billets de loterie ? Je vous demande en grâce de me le dire à peu près, afin que je me détermine et que je ne me prépare point de regrets . Je ne demande pas un compte exact . Je vous supplie seulement de jeter une vue générale sur les différents effets que vous avez à moi ou que vous avez mis entre les mains de M. Duverger 5. J'abuse de votre temps et de vos bontés mais pardonnez à un homme qui ne veut pas faire de sottises dans un âge qui ne le permet pas .

Vos Délices sont bien jolies . Jamais Ferney n'en approchera . »

1François-Louis Bontemps, banquier à Genève .

2Johann Rudolph Marcuard, banquier à Berne .

4 Lods vient du latin laudare, par le bas latin laudes et s'écrivait laods au Xvè siècle .

5 Voir lettre du 16 avril 1757 à jean-Robert Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/10/24/a-l-egard-de-votre-malaga-je-crois-que-cent-cinquante-demi-b.html

du 20 avril 1757 au même, etc.

 

22/12/2013

J’ai mes raisons pour renoncer au système de l'optimisme

..."Je pars du principe que tous les hommes sont des salauds et que parfois il en est qui ne le sont pas "  Je cite (aussi bien que je m'en souvienne) ce cher Kouchner, Médecin du monde , fort décrié ( à juste titre ? oui ! je crois, mais bon, la balance du bien fait par rapport à ses couillonneries mesquines reste à l'équilibre ) .

 

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« A Charlotte-Sophie von Altenburg, comtesse Bentinck

Aux Délices 9 décembre 1758

J'ai bien reçu l'honneur de votre lettre d'Auxbourg ma très gracieuse dame, comme disent les Allemands . Vous êtes une femme charmante, comme disent les Français . Les Lorrains sont enchantés de vous . Le roi Stanislas compte sur votre souvenir et le jésuite Menoux sur votre conversion . Mais vous allez tout oublier auprès de Marie-Thérèse la divine, et auprès du laborieux, du ferme, du généreux ministre qui ne veut pas absolument qu'il y ait deux Césars en Allemagne, et que le margrave de Brandenbourg soit un des deux Césars . Il y aura encore bien des faubourgs de brûlés, bien des femmes grosses écrasées, et des princesses évanouies, et des familles réduites à la mendicité, et des héros à cinq sous par jour massacrés, avant que les choses soient comme elles doivent être . Le meilleur des mondes possibles de Joseph Leibnitz , est un petit enfer, et tout paraît assez mal sur ce petit globe ou globule 1, dans lequel Pope prétend que tout est bien . J’ai mes raisons pour renoncer au système de l'optimisme, mais si vous êtes heureuse je pardonnerai un peu au diable qui se mêle des affaires de ce monde . Mme Denis la martyre de Francfort, et l'ermite des Délices, fait toujours comme moi mille vœux pour vous, et pour le héros de la maison du triangle et pour Mme la duchesse de Carinthie 2 à qui vous êtes si attachée .

Il n'y a guère dans cette Histoire générale dont vous me parlez, d'évènement plus frappant et plus singulier que ce qui se passe aujourd'hui en Europe . Si les jeunes gens que vous protégez veulent lire l'Histoire que vous protégez aussi, j'aurai l'honneur de la leur envoyer . Il ne me manque que leur adresse . Peut-être en tireront-ils quelque profit, s'ils aiment mieux la peinture des mœurs qu'un fatras de dates et de généalogies . Si Dieu prolonge encore ma vie de quelques années, je prolongerai de mon côté l'histoire des malheurs du genre humain jusqu'au moment qui finira cette horrible guerre .

J'attends paisiblement dans ma retraite suisse la conclusion de tant d'horreurs et de tant de vicissitudes . Je sens bien que ce pays que j'ai choisi n'est pas fait pour vous . J'ai beau bâtir à Ferney une maison plus agréable que Coppet, vous ne l'honorerez pas de votre présence . Il vous faut des cours et même des cours auliques . Gagnez tous vos procès, et que le héros du triangle gagne le sien . Vous connaissez les sentiments de mon cœur et quelle franchise vous m'inspirez . Je suis encore fort poli avec certaines gens, mais avec vous je ne suis que vrai, et rien n'est plus vrai assurément que je vous suis attaché pour la vie avec le plus tendre respect .

V. »

2 Respectivement Kaunitz ( voir lettre du 9 septembre 1758 à la comtesse Bentinck : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/10/22/tout-le-monde-avoue-qu-il-faut-etre-philosophe-qu-il-faut-et.html )

et Marie-Thérèse d'Autriche .

 

Je suis un peu mécontent des bouquins nouveaux; mais je me console cum veterum libris

... A la vérité je ne peux franchement être mécontent des bouquins nouveaux car je ne les lis plus . Je me souviens seulement  avoir été écoeuré du succès des 55 couleurs de gris , mais pas vraiment surpris vu le succès du porno dit "chic" ; et dire qu'il en est qui en lisent la suite .

Je me console, à la vérité, avec Voltaire et quelques revues hebdomadaires et garde sous le coude un bon nombre de livres lus, à relire (éventuellement à relier) et d'autres à découvrir ; ce sera pour les longues soirées d'hiver ( l'hiver de ma vie) .

 

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« A Nicolas-Claude THIERIOT 1.

A Ferney, 6 décembre [1758].

Ce Ferney dont je vous écris, mon ancien ami, est une terre au bord de ce lac que je ne puis abandonner; c'est le supplément des Délices. Ex nitido fit rusticus 2; mais, au milieu de vingt maçons qui me rebâtissent un château, et parmi les laboureurs à qui je donne de nouvelles charrues à semoir, je n'oublie point mon atlas 3. Je veux avoir la terre entière présente à mes yeux dans ma petite retraite; et, tandis que je me promène des Délices à Ferney et à Lausanne, je veux que mes yeux se promènent sur la Lusace et sur la Bohême, sur Louisbourg et sur Pondichéry. Di grazia 4, amusez-vous à me faire un bel atlas, bien complet, bien relié, ayez la bonté de me l'envoyer, par le carrosse de Lyon, à mon ami Tronchin, non pas Tronchin l'inoculateur, mais Tronchin le banquier, qui m'est aussi utile que l'autre. Mme de Fontaine vous payera les déboursés que vous aurez eu la bonté de faire. Vous aimez les livres et vos amis; ainsi je compte vous servir à votre goût, en vous faisant exercer votre double métier d'obliger et de bouquiner. Je suis un peu mécontent des bouquins nouveaux; mais je me console cum veterum libris 5. Dites de moi Felix nimium! sua nam bona novit 6. Quelle nouvelle sottise avez-vous dans votre pays? Interim, vale 7.

V. »

2 De petit maître, il se fit jardinier ; Horace, Épîtres I, vii, 83 .

3 Voir lettre du 18 octobre 1758 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/10/22/cartes-de-geographie-c-est-peut-etre-le-seul-art-dans-lequel.html

Celui-ci répondit le 12 novembre 1758 : « […] voici ce qui me paraît vous convenir .

I° La bohème, la Silésie, la Moravie que Covens et Mortier ont fait graver à Amsterdam […] [voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Covent_%26_Mortier ] II° une petite carte du Brandebourg en particulier par Julien [JULIEN Roche-Joseph] fort estimée . III° La Poméranie de Homann [voir :http://www.maphouse.co.uk/cartographer/family-homann/

]chez Julien . IV° La Saxe […] il n'y a point de carte qui vaille réduite en une,ou deux feuilles […] . V° Landgrawiat de Hesse par Homann chez Julien . VI° Nouvelles cartes d'Hanovre, Bremen etc . 4 petites feuilles chez Julien . VII° […] il faut avoir la carte que M. Danville vient de publier en deux grandes feuilles contenant la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et les iles britanniques [voir : http://danville.hypotheses.org/] ».

4 De grâce .

5 Avec des livres des Anciens .

6 Trop heureux homme, qui connait son bonheur ; Virgile, Georgiques II, 458 .

7 En attendant porte-toi bien .

 

21/12/2013

je vais tâcher de faire un peu de bien dans un pays où je ne vois que du mal

...Combien sont-ils à dire et faire la même chose ?

Voltaire joindra le geste à la parole, et, après cela il en est encore qui osent parler d'un Voltaire pingre ! Ignorants que vous êtes ! Il n'y a pas que des Guéant et Cahuzac and C° sur cette terre .

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« A Antoine-Jean-Gabriel LE BAULT

conseiller au parlement

à Dijon

Aux Délices, 4 décembre [1758].

Je vous remercie de vos bontés, monsieur, et de vos quatre tonneaux à double futaille 1, que nous boirons à votre santé dans nos ermitages. Je suis accommodé avec monseigneur le comte de La Marche, et je vais tâcher de faire un peu de bien dans un pays où je ne vois que du mal. Je compte parmi les bonnes œuvres des plants de Bourgogne : ceux dont vous avez bien voulu me gratifier promettent beaucoup. Pourriez-vous pousser la bienfaisance jusqu'à m'en faire avoir un millier? Mais je veux le payer il ne faut pas être à charge à ceux qui ont la bonté de nous abreuver.

Je suis avec la plus respectueuse reconnaissance, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Voltaire »