05/12/2021
Vous voyez que tout ce qui se passe est bien désagréable pour la philosophie
...
« A Etienne-Noël Damilaville
5 septembre 1766 1
On m’a fait voir enfin, mon cher ami, mes prétendues lettres 2 imprimées à Amsterdam par le sieur Robinet. Il y en a trois qu’on impute bien ridiculement à Montesquieu 3. Les autres sont falsifiées, selon la méthode honnête des nouveaux éditeurs de Hollande. Les notes qu’on y a jointes méritent le carcan. Il est bien triste que votre ami ait été en relation avec ce Robinet.
Vous devez avoir actuellement la lettre 4 du vertueux Jean-Jacques à ce fripon de M. Hume, qui avait eu l’insolence de lui procurer une pension du roi d’Angleterre ; c’est un trait qu’un galant homme ne peut jamais pardonner. Je me flatte que vous m’enverrez cette belle lettre de Jean-Jacques ; on dit qu’il y a huit pages entières de pauvretés. Le bruit court qu’il est devenu tout à fait fou en Angleterre, physiquement fou ; qu’on le garde actuellement à vue, et qu’on va le transporter à Bedlam. Il faudrait, par représailles, mettre aux Petites-Maisons une de ses protectrices 5.
Vous voyez que tout ce qui se passe est bien désagréable pour la philosophie. Tâchez de faire partir au plus tôt vos deux Hollandais 6. Je suis toujours très affligé et très malade.
Voici une lettre pour Protagoras 7, dont je vous prie de mettre l’adresse. »
1L'édition Correspondance littéraire ne donne pas le destinataire .
2 Sur les Lettres de Voltaire à ses amis du Parnasse, voir lettre du 12 mars 1766 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/06/22/je-ne-suis-pas-assez-bon-financier-pour-savoir-si-l-impot-su-6323015.html
Voir page 579 : https://fr.wikisource.org/wiki/Appel_au_public/%C3%89dition_Garnier
3 Voir ibid., page 583.
4 La lettre de J.-J. Rousseau à Hume est du 10 juillet 1766.
5 La duchesse de Luxembourg ; le Bedlam est l'asile de fous de Londres . Les éditions donnent transférer [à Bedlam]
Selon Beuchot : « Si ce n’est pas ici une expression vague, si Voltaire a voulu désigner quelqu’un, ce doit être Mme de Latour-Franqueville, qui a publié plusieurs écrits dans lesquels elle a pris constamment la défense de J.-J, Rousseau. »
6 Voir lettre à Damilaville du 29 août 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/11/22/les-sottises-de-cet-animal-ne-sont-que-ridicules-mais-je-ne-6350781.html
Cette phrase et le dernier paragraphe manquent sur le manuscrit de la copie contemporaine .
7 D'Alembert .
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04/12/2021
les sages qu'il a trompés pendant quelques années doivent s'assembler pour le dégrader
... Môssieur le candidat Zemmour Ier, se reconnaissant fidèle de Jeanne d'Arc, Napoléon et De Gaulle, devra aussi reconnaître le goût de la défaite . Son orgueil le poussera à se comporter en vainqueur même s'il n'a pas accès au podium, et on sera débarrassé de sa triste binette, que certains connaisseurs disent face de pet, et ses lamentables monologues mensongers . Ecr l'inf .
« A Jean Le Rond d'Alembert
5 Septembre 1766
Oui, sans doute, mon digne philosophe, il faut publier la lettre de ce polisson 1 ; les sages qu'il a trompés pendant quelques années doivent s'assembler pour le dégrader . Il était tonsuré en philosophie ; il faut écorcher promptement sa tonsure des quatre mineurs 2. Envoyez-moi, je vous prie, sa lettre avec les commentaires que vous jugerez à propos d'y joindre, et si vous dédaignez de fournir des notes, envoyez le texte tout pur, c'est-à-dire dans toute sa turpitude . Frère Damilaville possède une copie authentique de celles que ce grand homme écrivit de Venise en 1744, dans lesquelles il avoue qu'il était domestique de M. le comte de Montaigu, qui le chassa de sa maison à coups de bâton .
Quand vous pourrez écrire à un très bel esprit d'Armorique 3, je vous prie de lui dire qu'il y a un Allobroge qui lui a été hardiment attaché envers et contre tout . Cet Allobroge est bien fâché de n'avoir qu'une horreur impuissante contre certains Velches ; à quoi sert de haïr les monstres , si on ne peut les écraser dans leurs tanières ? Je suis bien vieux, je n'ai plus de dents ; si j'en avais, je les dévorerais avant de mourir !
Mangez-les , vous qui vous portez bien . Vous avez sans doute instruit mon ancien disciple des derniers exploits des Velches . Il est bon qu'il reçoive de tous côtés des nouvelles qui soient conformes . Dites-lui que j'ai tout oublié, hors mon admiration et mon attachement pour lui ; ne montrez mes lettres à personne . Écrasez, si vous pouvez, l’infâme.
Je vous embrasse de tout mon cœur . »
1 J.-J. Rousseau .
2 « On appelle les quatre ordres mineurs, ou les quatre mineurs, les ordres qui ne sont point sacré ; qu'on reçoit entre la tonsure et le sous-diaconat, qui sont ceux de portier, de lecteur,d'exorciste et d'acolyte . » Dictionnaire universel, de Furetière .
3 La Chalotais .
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03/12/2021
il me semble que les vices de son âme ainsi que que de ses écrits ne sont venus que d'un fond d'orgueil ridicule . L'envie de jouer un rôle a corrompu son cœur
... M. Zemmour , Voltaire vous a démasqué, et je suis d'accord avec lui !
« A Théodore Tronchin
3è septembre 1766 1
Votre dernière lettre, mon cher Esculape, m'a sensiblement affligé . Vous n'êtes point fait pour donner des maladies c'est à vous de les guérir . Mes neveux du Grand Conseil et du Parlement m'ont instruit de tout . Je suis bien persuadé que loin de parler à d'autres du faux bruit qui a couru, vous l’avez détruit dès sa naissance . Je suis très sûr aussi que votre cœur a été aussi sensible que le mien à l'abominable aventure qui a été la cause de tous ces vains discours répandus dans le public .
Je vous répète encore qu'il y plus d'un an que je n'ai écrit à M. le duc de La Vallière .
Vous me faites une peine bien cruelle en prétendant que je vous ai dit que je prenais le parti du peuple contre le conseil des Vingt-Cinq . Je vous ai dit que j'étais impartial sur le fond des demandes, comme je dois l'être , mais que je ne l'étais pas sur l'amitié que j'avais vouée à ceux des Vingt-Cinq qui sont liés avec vous . Je vous ai dit que je trouvais deux des demandes du peuple très justes, et les autres insoutenables . C'est sur ce plan que j'avais travaillé, quand après la mort de M. de Montpéroux on me pria de concilier les esprits . J'envoyai un mémoire que je fis consulter par des avocats de Paris . Je remis ce mémoire à monsieur l'ambassadeur quand il arriva . Le premier point a déjà été réglé tel que les avocats l'avaient décidé . Je ne me suis mêlé depuis ce temps-là en aucune manière du procès des représentants avec le Petit Conseil ; et je me suis contenté de faire des vœux pour la paix .
Lorsqu'une vingtaine de natifs vinrent me prier de vouloir bien rédiger un compliment et un mémoire qu'ils voulaient présenter aux ambassadeurs, j’eus cette condescendance ; ils demandaient la chose du monde la plus équitable , c'était de ne payer leurs maîtrises que quand ils étaient passés maîtres . Les bourgeois qui s'y opposaient me paraissaient avoir tort , et les natifs avoir très grande raison . Aussi ont-ils ce qu'ils demandaient . M. le chevalier de Beauteville est l'équité même ; quand les natifs ont demandé des choses moins justes, je ne les ai pas écoutés . Je les ai renvoyés aux médiateurs, sans vouloir lire leurs mémoires, et je ne me suis mêlé absolument de rien depuis le premier mémoire des natifs . M. le duc de Choiseul et M . le duc de Praslin sont très contents de ma conduite, et m'honorent d'une bonté inaltérable, dont ils daignent me donner des marques tous les jours . M. le chevalier de Beauteville , M. de Taulès et M. Hennin me rendent la même justice . Ils me font l'honneur de venir quelquefois dans ma retraite dont je ne suis pas sorti depuis plus de deux ans, et dont probablement je ne sortirai que pour aller au cimetière de l'église que j'ai bâtie . Je tâcherai de faire du bien jusqu'à ce moment là . Ma consolation est la sûreté où je suis que votre âme bienfaisante secondera mes faibles efforts en faveur de la famille Sirven beaucoup plus infortunée que la famille Calas puisqu'elle n'a jusqu’ici d'autre appui que moi, et que les Calas ont été favorisés par toute la France . Le factum de M. de Beaumont en faveur des Sirven me paraît un chef-d’œuvre, je me flatte que vous lui donnerez votre suffrage et celui de vos amis . Vous êtes compté parmi ceux qui peuvent diriger l'esprit du public dans des affaires qui intéressent l'humanité . Votre voix peut beaucoup, et vous ne nous la refuserez pas .
Quant au malheureux Rousseau, je ne le crois pas au fond un scélérat ; je pense que vous allez un peu trop loin ; je peux me tromper , mais il me semble que les vices de son âme ainsi que que de ses écrits ne sont venus que d'un fond d'orgueil ridicule . L'envie de jouer un rôle a corrompu son cœur ; je le tiens à présent un des êtres les plus infortunés qui respirent . Vous êtes un des plus heureux et vous méritez de l'être . Vous savez à quel point je me suis toujours intéressé à votre félicité et à votre gloire . Ma famille qui est rassemblée à Ferney s'unit avec moi dans le mêmes sentiments, et nous vous embrassons tous avec l’amitié la plus sincère et la plus inaltérable .
V. »
1 L'édition Tronchin B. donne une version consistant en quatre fragments datés des 3 et 16 septembre 1766 ; on a ici la version André Delattre : « Voltaire Correspondance avec les Tronchin » , Mercure de France, 1930, CCCX, 201-205
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02/12/2021
cette pièce n'est en aucune manière dans le goût de la nation
... Deux personnages, une plaie pour la France, un vote, heureusement pas de deus ex machina en faveur de l'un ou l'autre
« A Jacques Lacombe, Libraire
Quai de Conti
à Paris
1er septembre 1766
L'auteur m'est venu voir, monsieur . Il est actuellement chez moi, il me paraît très flatté qu’un homme de votre métier imprime son ouvrage . Il dit que je lui ai rendu un très grand service en vous le confiant . Il veut absolument garder l'incognito en dépit de tous ceux qui voudraient deviner .
Au reste, mon ami a la bonne foi de convenir avec moi que cette pièce n'est en aucune manière dans le goût de la nation . Je ne crois pas que vous en deviez tirer plus de sept cents exemplaires, et en ce cas vous ne donnerez d'honoraires à personne . Il ne vous avait prié de faire un petit présent à un comédien que dans la supposition d'un grand débit . Mais on ne vend guère une pièce qu'on ne peut jouer .
Si par un hasard que je ne prévois pas vous débitiez en peu de temps votre édition, l'auteur vous prierait alors d'en faire une seconde pour laquelle il vous donnerait des changements auxquels il se prépare . Pour moi, je vous avoue que les anecdotes sur les proscriptions me paraissent devoir attirer plus de lecteurs que la tragédie . L'auteur vous prie d'intituler l'ouvrage Octave ou le jeune Pompée , ou le Triumvirat, avec des remarques sur les proscriptions .
L'auteur m'a dit qu'il augmenterait encore ces remarques si elles plaisent aux hommes instruits .
M. de Beaumont fait un excellent factum en faveur de la famille Sirven qui se trouve dans le cas à peu près de la famille Calas ; je voudrais que vous pussiez l'imprimer .
Je vous renouvelle, monsieur, tous les sentiments qui m'attachent bien véritablement à vous sans aucun compliment .
Page 5, vers 4è
Antoine me la donne, ô jour de l’infamie !
Corrigez
Antoine me la donne, ô jour d'ignominie !
Même page, vers 7è
J'attends l'indigne écrit, corrigez : J'attends l'infâme écrit .
Même page, vers 9
après le mot parjure, mettez un point d'interrogation ;
page 8, mettez une virgule à la fin du premier vers ;
même page, vers 5, mettez un point après le mot justice à la fin du vers .
page 9, quand Fulvie dit : A quoi me résoudrai-je ? Mettez ainsi :
(à part)
A quoi me résoudrai-je ?
page 10, vers 14è, mettez un point à la fin de ce vers ;
page 11, vers pénultième, mettez aussi un point à la fin du vers après le mot répudie . »
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01/12/2021
La superstition est une faiblesse de l’esprit humain ; elle est inhérente à cet être : elle a toujours été, elle sera toujours
... Mektoub !
« A Frédéric II , roi de Prusse
[vers le 1er septembre 1766]
[Fait notamment référence à l'Abrégé de l'histoire ecclésiastique.]1
1Ces indications sont prises de la réponse de Frédéric du 13 septembre 1766 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6498
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