25/12/2022
Je crois vous avoir satisfait sur tout ce que vous me demandiez
... Parole de Père Noël !
https://www.gchatelain.com/single-post/les-10-questions-%...
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
4è juin 1767
Mon cher ange éprouve donc aussi les misères de l'humanité . Il est donc malade aussi bien que moi . Il fait des remèdes, il évacue sa hile. La mienne ne sort que par le bout de ma plume, quand j'écris des pouilles à mon cher ange sur des monologues. Guérissez-vous, prolongez votre agréable carrière voilà le point
Le grand malheur de la mienne, c'est que je la finis sans avoir pu vous voir; j'ai le cœur percé de me voir privé de cette consolation. Voulez-vous, pour nous amuser tous deux, que je vous dise encore un petit mot des Scythes? Vous daignez toujours vous y intéresser.. Lekain m'a mandé qu'on ne m'avait fait un petit passe-droit qu'à la sollicitation de Molé mais je vois que vous êtes tous des fripons qui avez persisté dans l'idée de ne reprendre la pièce qu'à Fontainebleau 1 ; eh bien! j'y consens; je demande seulement qu'on essaye Les Scythes une seule fois à Paris, deux ou trois jours avant que les comédiens partent pour la cour. Cette représentation servira de répétition, et la pièce n'en sera que mieux jouée devant mes deux patrons.
J'ai le malheur d'aimer mieux Les Scythes qu'aucune de mes tragédies. Premièrement, parce qu'ils ont été honnis; en second lieu, parce qu'elle est pleine de vers naturels, que tout le monde peut s'appliquer, et qui appartiennent à toutes les conditions de la vie autant qu'à la pièce même.
Je crois vous avoir satisfait sur tout ce que vous me demandiez, et je suis prêt à vous rendre ce vers que vous aimez
Ah! l'on venge mon fils, je retrouve mes sens .2
Cela est fort aisé nous n'aurons pas là-dessus de querelle. J'aime aussi à me rendre à votre avis sur Mlle Durancy. Bien des gens m'ont mandé qu'elle et Lekain avaient très mal joué aux deux premières représentations . Cela est très vraisemblable; la pièce est difficile à jouer, et le parterre n'encourageait pas les acteurs mais je suis persuadé qu'à la longue les acteurs et le public s'accoutumeront à ce nouveau genre. Il me semble que ce contraste des mœurs champêtres avec ceux 3 de la cour doit être bien reçu quand les cabales seront affaiblies. Une femme qui ne s'avoue point à elle-même la passion malheureuse dont elle est dévorée est encore quelque chose d'assez neuf au théâtre. Si j'ai encore un peu d'amour-propre d'auteur, vous devez me le pardonner c'est vous qui, depuis environ treize ans, m'avez fait rentrer dans le champ de bataille, dont je croyais être sorti pour jamais. Je ne suis plus qu'un poète de province ; mes pauvres pièces réussissent mieux à Genève et à Bordeaux qu 'à Paris. Pourquoi vient-on de rejouer à Genève, six fois de suite, Olympie? Pourquoi votre troupe royale ne la rejoue-t-elle point? J'aime mes enfants quand on les abandonne.
Adieu, mon cher ange; je me mets aux pieds de Madame d'Argental. Faites-moi savoir, je vous prie, des nouvelles de votre santé. J'espère que M. de Thibouville ne se refroidira pas dans son zèle. Je suis pénétré pour lui de reconnaissance.
V. »
1La raison officielle est que la tragédie d'Hirza devait être reprise le 24 juin 1767 : voir lettre du 16 mai 1767 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/12/02/nul-monarque-avant-moi-sur-le-trone-affermi-n-a-quitte-ses-e-6415043.html
2 Ce vers ne fut pas restitué dans Les Scythes, ac. IV, sc. 6 .
3 Dans l'édition 1( copie Beaumarchais-Kehl ), celles.
11:06 | Lien permanent | Commentaires (0)
24/12/2022
A l'égard de la canaille, je ne m'en mêle pas elle restera toujours canaille. Je cultive mon jardin, mais il faut bien qu'il y ait des crapauds ; ils n'empêchent pas mes rossignols de chanter
... Les crapauds de la SNCF ne sont décidément pas une espèce à protéger.
« A Jean Le Rond d'Alembert
4 juin [1767]
Mon cher philosophe, j'ai envoyé vos gants d'Espagne 1 sur-le-champ à leur destination ; ils ont une odeur qui m'a réjoui le nez. Vous savez que je n'ai point de troupes, et que je ne peux forcer le cordon de dragons qui coupe toute communication entre Genève et mes déserts. Celui qui s'est chargé de donner des soufflets aux jésuites et aux jansénistes 2 n'a jamais pu venir chez moi; je ne le connais point, et j'ai craint même de lui écrire. Gabriel Cramer, qui est le seul à qui je puisse me fier, a fait agir cet homme, qui est un sot et un pauvre diable, lequel fait agir encore en sous-ordre un autre sot pauvre diable. Ces sots pauvres diables n'ont aucun débouché, nulle correspondance en France, et tout va comme il plaît à Dieu. Les Genevois touchent au moment de la crise de leurs affaires ; pour moi, je m'occupe à cultiver mon jardin, et à me moquer d'eux. Dieu maintienne votre Sorbonne dans la fange où elle barbote! La gueuse 3 a rendu un service bien essentiel à la philosophie. On commence à ouvrir les yeux d'un bout de l'Europe à l'autre. Le fanatisme, qui sent son avilissement, et qui implore le bras de l'autorité, fait malgré lui l'aveu de sa défaite. Les jésuites chassés partout, les évêques de Pologne forcés d'être tolérants, les ouvrages de Bolingbroke 4, de Fréret et de Boulanger, répandus partout, sont autant de triomphes de la raison. Bénissons cette heureuse révolution qui s'est faite dans l'esprit de tous les honnêtes gens depuis quinze ou vingt années; elle a passé mes espérances. A l'égard de la canaille, je ne m'en mêle pas elle restera toujours canaille. Je cultive mon jardin, mais il faut bien qu'il y ait des crapauds ; ils n'empêchent pas mes rossignols de chanter.
Adieu, aigle donnez cent coups de bec aux chouettes qui sont encore dans Paris."
1 Sans doute la Seconde lettre[...] ; voir lettre du 6 mars 1767 à d'Alembert :
2 Sans doute Chirol , ou tel autre sous-traitant dr Cramer .
3 Ces deux mots sont une restitution de Renouard qui avait dû avoir accèsnà un manuscrit ; les premiières éditions portent Elle au lieu de La gueuse .
4 L'Examen important de milord Bolingbroke.
01:27 | Lien permanent | Commentaires (0)
23/12/2022
il me semble que c'est vous seul que cette affaire regarde dans la situation où nous sommes
... M. Kylian Mbappé est un millionnaire généreux : https://www.msn.com/fr-fr/divertissement/videos/voici-kyl...
Que fait Messi ? Il fait l'important : une vraie cagole !
« A Pierre Cassen
Voici le temps, monsieur, où la famille Sirven, que vous protégez 1, attend tout de vos bontés. M. de Chardon est actuellement délivré du triste travail qui l'a occupé si longtemps au sujet de la Cayenne. Les Sirven et moi, nous vous supplions, monsieur, de lui présenter nos prières et notre reconnaissance. Il peut actuellement rapporter l'affaire de cette malheureuse famille. Elle est prête à venir se rendre en prison quand il le faudra.
Je sais bien que M. de Beaumont est malheureusement obligé de plaider à présent pour lui-même. Je le plains autant que je m'intéresse a lui. Mais comme le procès des Sirven est au Conseil, il me semble que c'est vous seul que cette affaire regarde dans la situation où nous sommes. Je n'ose fatiguer M. de Beaumont, dont tous les moments doivent être occupés par le procès important qu'il a en son nom. Je vous supplie de me mander quand il faudra que les Sirven partent.
J'ai l'honneur d'être, avec une respectueuse reconnaissance, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur..
Voltaire.
A Ferney, 2 juin 1767. »
1 Voir lettre de Cassen du 10 avril 1767 ; lettre 6830 de https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411361p/texteBrut
18:45 | Lien permanent | Commentaires (0)
Je ne suis point surpris, monsieur, qu'un homme de votre mérite ait fait réussir un ouvrage médiocre
... Ceci étant à lire au second degré M. Sam Bankman Fied, le mérite n'étant que du culot, et l'ouvrage une splendide escroquerie . Faut-il être couillon pour confier son argent à ces boni-menteurs et se croire millionnaire sans rien faire :
https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/cryptomonnaie-l-ex-...
« A Marc-Antoine-Jean-Baptiste Bordeaux de Belmont
Directeur des spectacles
A Bordeaux
2è juin 1767 à Ferney
Je ne suis point surpris, monsieur, qu'un homme de votre mérite ait fait réussir un ouvrage médiocre . Si les comédiens de Paris étaient conduits par un homme comme vous, leur troupe serait meilleure qu'elle n'est. Vous me feriez plaisir de m'envoyer la pièce imprimée, quoique j'y aie fait depuis beaucoup de changements dont elle avait besoin. Vous n'auriez qu'à l'adresser à M. de Courteilles, du conseil royal des finances, à Paris, avec une seconde enveloppe sur laquelle vous auriez la bonté de mettre seulement : mémoire.
Si M. le maréchal de Richelieu est encore à Bordeaux le mois de juin, je vous enverrai une nouvelle édition qu'on fait actuellement à Lyon .
J'ai l'honneur d'être, avec tous les sentiments que je vous dois , monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
V."
01:37 | Lien permanent | Commentaires (0)
22/12/2022
Vous envoyez, monsieur, des tableaux à un aveugle, et des filles à un eunuque
... "Père Noël Monsieur le Président, je vous en prie, faites attention !" : signé Volodymyr Zelensky, depuis la Maison Blanche .
« Au marquis Francesco Albergati
Capacelli, Senatore di Bologna
etc.
à Vérone
2è juin 1767 à Ferney 1
Vous envoyez, monsieur, des tableaux à un aveugle, et des filles à un eunuque. L'état où je suis tombé ne me permet plus de lire. Un homme, qui prononce fort mal l'italien, m'a lu une partie de votre tragédie de chartreux 2 . Il m'a fait entendre dans son baragouin, de beaux vers sur un triste sujet. Le bonhomme saint Bruno ne s'attendait pas que ses moines fussent un jour le sujet d'une tragédie. Les jésuites fournissent actuellement une matière plus intéressante ; je les recommande à votre muse . La mienne, aussi languissante que mon corps, ne peut plus chanter les moines. Portez-vous mieux que moi, et vivez.
V. »
1 Original mention « f[ran]co Milano », cachet « Genè[ve ]» ; édition de Kehl . Albergati falsifia cette lettre en transformant tragédie de chartreux en traduction du Comminge, bon homme saint Bruno en saint homme Rancé et votre muse en quelque muse . ( voir lettre 6904 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411361p/texteBrut )
2François-Thomas-Marie de Baculard d'Arnaud : Il Conte di Commingio, Dramma francese tradotta in versi sciolti dal marchese Francesco Albergati Capacelli . C'est une traduction des Amants malheureux, 1764 ; drame en trois actes et en vers, de d'Arnaud-Baculard, avait été imprimé en 1764.
Voir : https://it.wikipedia.org/wiki/Francesco_Albergati_Capacelli
00:05 | Lien permanent | Commentaires (0)
21/12/2022
je ne me suis pas rebuté; et, tout vieux et infirme que je suis, je planterai aujourd'hui, sûr de mourir demain. Les autres en jouiront
... Y a-t-il encore au moins un Voltaire dans le parti de ceux qui se disent écologistes ? Le doute est permis quand on voit leurs manoeuvres politicardes et leurs projets, basés sur des angoisses vraiment existencielles telle celle-ci : Pour des jouets sans stéréotypes de genre !
Père/Mère/Truc-Machin Noël, fait gaffe EELV te tiens dans le colimateur , et donne la préférence au Père Fouettard, la preuve :
"Nous appelons le gouvernement à imposer aux entreprises de développer et d’appliquer des engagements forts notamment contre la diffusion de stéréotypes, afin de s’attaquer aux représentations sexistes et lutter pour une société émancipatrice.
Aminata Niakaté et Sophie Bussière, porte-paroles EELV
La commission Féminisme d’EELV "
Bravo à ces deux ravies de la crêche !
« A François-Thomas Moreau, seigneur de La Rochette 1
Au château de Ferney, par Genève, 1er juin.
Vous voulez, monsieur, que j'aie l'honneur de vous répondre sous l'enveloppe de monsieur le contrôleur général, et je vous obéis.
Il est vrai que j'avais fort applaudi à l'idée de rendre les enfants trouvés et ceux des pauvres utiles à l'État et à eux-mêmes 2. J'avais dessein d'en faire venir quelques-uns chez moi pour les élever. J'habite malheureusement un coin de terre dont le sol est aussi ingrat que l'aspect en est riant. Je n'y trouvai d'abord que des écrouelles et de la misère. J'ai eu le bonheur de rendre le pays plus sain en desséchant les marais. J'ai fait venir des habitants, j'ai augmenté le nombre des charrues et des maisons, mais je n'ai pu vaincre la rigueur du climat. Monsieur le contrôleur général invitait à cultiver la garance : je l'ai essayé ; rien n'a réussi. J'ai fait planter plus de vingt mille pieds d'arbres que j'avais tirés de Savoie; presque tous sont morts. J'ai bordé quatre fois le grand chemin de noyers et de châtaigniers les trois quarts ont péri, ou ont été arrachés par les paysans ; cependant je ne me suis pas rebuté; et, tout vieux et infirme que je suis, je planterai aujourd'hui, sûr de mourir demain. Les autres en jouiront.
Nous n'avons point de pépinières dans le désert que j'habite. Je vois que vous êtes à la tête des pépinières du royaume, et que vous avez formé des enfants à ce genre de culture avec succès. Puis-je prendre la liberté de m'adresser à vous pour avoir deux cents ormeaux qu'on arracherait à la fin de l'automne prochain, qu'on m'enverrait pendant l'hiver par les rouliers, et que je planterais au printemps ? Je les payerai au prix que vous ordonnerez. Je voudrais qu'on leur laissât à tous un peu de tête. Il y a une espèce de cormier qui rapporte des grappes rouges, et que nous appelons timier 3 ; ils réussissent assez bien dans notre climat. Si vos ordres pouvaient m'en procurer une centaine, je vous aurais, monsieur, beaucoup d'obligation. J'ai été très touché de votre amour pour le bien public celui qui fait croître deux brins d'herbe où il n'en croissait qu'un 4 rend service à l'État.
J'ai l'honneur d'être avec l'estime la plus respectueuse, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.
Voltaire. »
1 Copie Beaumarchais-Kehl peu correcte ; édition de Kehl aussi inexacte place la lettre à la fin de l'année 1765 . La lettre a été ensuite publiée par Nicolas-Louis François de Neufchâteau, « Correspondance de Voltaire avec feu M. Moreau de La Rochette, inspecteur général des pépinières de France », Mémoires d'agriculture […] publiées par la Société d’agriculture du département de la Seine (Paris, An X -1801-1802) ; c'est le texte qui a été suivi .
Voir pages 58 et suiv. : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5533755b/texteBrut
François-Thomas Moreau de La Rochette, né en 1720, inspecteur général des pépinières royales de France, mort le 20 juillet 179!. Voir : https://gillesdubois.blogspot.com/2010/03/moreau-de-la-rochette.html
et voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois-Thomas_Moreau_de_la_Rochette
2Voir lettre du 1er avril 1766 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/06/11/toutes-les-querelles-de-cette-espece-ont-commence-par-des-ge.html
3 Selon une note de François de Neufchâteau, il s'agit du « sorbier des oiseaux » , nommé timier dans la région de Genève (et non de Gênes comme l’écrit Littré ).
4 Mot de Swift dans Les Voyages de Gulliver : Brobdingnag, chap. VII : https://www.cosmovisions.com/Swift-Gulliver-Brobdingnag-7.htm
19:44 | Lien permanent | Commentaires (0)
20/12/2022
Vous sentez la nécessité de tout cela
... Faut-il à nouveau imposer le port du masque dans l'espace public ?
OUI !
« A Henri Rieu
30 mai [1767]
Voici encore, mon cher ami, une petite pièce à mettre dans le recueil 1. Mais je vous supplie de garder un secret inviolable sur le nom de l'auteur, de retirer et de brûler le manuscrit aussitôt qu'il sera imprimé . Vous sentez la nécessité de tout cela . Les barbares qui ont persécuté mon ami 2 ne m'épargneraient pas, et je n'aurais pas comme lui un T... 3 pour me protéger .
Il me paraît que si le libraire a quelques relations à Lyon et dans les autres villes de province, il tirera un bon parti de ce recueil . Mille tendres amitiés à Mme Rieu . Je vous embrasse, mon cher ami, de toute mon âme .
Il serait bien nécessaire que vous présidiez à l’impression et que l'on vous envoyât au moins les secondes épreuves .
1 Voir lettre du 18 avril 1767 à Rieu : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/10/24/toutes-les-tuiles-qu-il-voudra-mais-ce-n-est-pas-encore-le-temps-de-cuirete.html
2 Sans doute d'Alembert .
3 Probablement Turgot, si la précédente hypothèse est juste .
00:27 | Lien permanent | Commentaires (0)