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06/12/2022

Les Français arrivent tard à tout ... il leur faut quatre-vingts ans pour embrasser la philosophie de la tolérance . L'ouvrage est avancé dans plusieurs têtes, mais il y en a d'incurables

...

 

« A Paul Rabaut

chez monsieur Laverne l'aîné

négociant à Nîmes

16 mai 1767 1

La personne qui m'a fait l'honneur de m'écrire, ne doit pas douter de mes sentiments . Il n'y a rien que je n'aie tenté pour adoucir une infortune dont on ne voit aujourd'hui d'exemple en France . Les Français arrivent tard à tout . Il leur a fallu quarante ans pour entendre la philosophie de Neuton ; il leur faut quatre-vingts ans pour embrasser la philosophie de la tolérance . L'ouvrage est avancé dans plusieurs têtes, mais il y en a d'incurables .

Votre commandant est assurément très bien intentionné . S'il était le maître, il y aurait moins de malheureux . Il est bien étrange qu'en France tout le monde se moque des prétentions ridicules des papes, et que l'on continue toujours de persécuter ceux qui les premiers ont renversé cette idole . Il n'est pas moins contradictoire de donner dans Metz une synagogue aux juifs et d’envoyer aux galères des chrétiens qui prient Dieu en mauvais français . Le comble de l'absurdité est encore de tenir éloignés de leur patrie une foule de négociants qui pourraient l'enrichir .

Les Turcs permettent aux Grecs subjugués de chanter alleluiah dans les rues de Constantinople 2, et les Français font ramer aux galères leurs frères qui ne chantent pas des psaumes en latin . Il faudra bien qu'un jour cette abominable absurdité finisse .

Celui qui a l'honneur de vous faire réponse ne chante point de psaume, mais il adore la divinité et il aime l'humanité . Il est actuellement sans aucun crédit pour avoir été compatissant .

Il se réjouit avec l'Europe de la destruction des jésuites, mais il s'afflige avec tous les honnêtes gens de l'insolence de la Sorbonne . Ce corps de polissons fourrés vient de condamner cette proposition-ci:La vérité brille de sa propre lumière, et l'on n'éclaire pas les esprits avec les flammes des bûchers .

La Sorbonne pose donc pour article de foi que ce n'est point la vérité qui éclaire et que ce sont les bourreaux qui font les chrétiens . Si Busiris ou le Diable avait fait un symbole, voilà comme il l'aurait fait . Les jésuites n'ont jamais rien dit de si horrible ; il faut gémir sur la nature humaine et vivre dans un désert quand on n'est pas le plus fort .

Malgré toutes ces abominations de prêtres, on va rapporter au Conseil du roi l'affaire des Sirven ; ils gagneront leur procès . Tous les jeunes maîtres des requêtes sont philosophes, tous sont tolérants. Une grande révolution commence dans les esprits . Vivez assez longtemps, monsieur, pour en voir l'accomplissement ; cela sera long . »

1Original ; édition Weiss « Une lettre inédite de Voltaire à Paul Rabaut », Bulletin historique et littéraire, Société de l'histoire du protestantisme français, 15 octobre 1891 . Les mots Laverne l'aîné négociant sont biffés sur l'original .

Voir : https://www.jstor.org/stable/24283828

2 Même thème de la tolérance des Turcs à l'égard des orthodoxes retrouvé dans le Pot-pourri : «  [… à Constantinople] J'eus l'honneur d'assister il y a cinquante ans à l'installation d'un patriarche grec par le sultan Achmet III . Il donna à ce prêtre l'anneau et le bâton fait en forme de béquille . Il y eut ensuite une procession dans la rue Cléobule […]. J’eus le plaisir de communier publiquement dans l'église patriarcale, et il ne tint qu'à moi d'obtenir un canonicat . » Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/08/facetie-pot-pourri-partie-1.html

05/12/2022

il ne s’agit plus ici de plaisanter, il faut écraser ces sots monstres

... "Vaste programme ! " comme disait Charles de Gaulle quand on criait "mort aux cons !"

Mort aux cons - Bubble BD, Comics et Mangas

https://www.bubblebd.com/mort-aux-cons/album/A1Ec6CYhry

 

 

« A Jean-François Marmontel

de l'Académie

française

16 Mai 1767.

Comment, mon cher confrère, toute l’Académie française ne se récrie-t-elle pas contre l’insolente et ridicule absurdité des chats fourrés qui osent condamner cette proposition : « La vérité luit par sa propre lumière et on n’éclaire pas les esprits à la lueur des bûchers ?1 » C’est dire évidemment que les flammes des seuls bûchers peuvent éclairer les hommes, et que les bourreaux sont les seuls apôtres. Ce sera bien alors, que suivant Jean-Jacques, il faudra que les jeunes princes épousent les filles des bourreaux 2; et vous êtes trop heureux, après tout, que ces polissons aient dit une si horrible sottise. Il est bon d’avoir à faire à de si sots ennemis.

Pourquoi ne m’avez-vous pas envoyé par M. Bourret sur-le-champ toutes les bêtises qu’on a écrit 3 contre votre excellent ouvrage  4? Vous avez raison de ne point répondre, de ne vous point compromettre ; mais il y a des théologiens qui prendront votre parti sérieusement et vigoureusement ; il ne s’agit plus ici de plaisanter, il faut écraser ces sots monstres. Celui qui s’en chargera déclarera qu’il ne vous a pas consulté, qu’il ne vous connaît point, qu’il ne connaît que votre livre, et qu’il écrit au nom de la nation contre les ennemis de toute nation 5.

N.B. – Si vous avez lu le livre de la Tolérance, il y a deux pages entières de citations des Pères de l’Église contre la proposition diabolique des chats fourrés.

On vous embrasse le plus tendrement du monde.

16è mai 1767. »

1C'est une des propositions retenues par l'Indiculus propositionum ; elle a été signalée à V* par d'Alembert . V* s'en souvient dans L'Ingénu, chap. XI : https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Ing%C3%A9nu/Chapitre_XI

3 Noter l'absence d'accord du participe passé en position non finale de groupe .

4 Outre l'Indiculus propositionum, les principales pièces étaient L’Examen du Bélisaire de M. Marmontel et le Supplément du précédent , de François-Marie Coger .

Vous sentez quelle énorme différence je dois faire entre son respectable beau-père et celui qui ne méritait pas l'honneur d'être son gendre

... See in  "King Charles , Meghan and dirty Harry's Story " by Camilla Parker Bowles  .

 

 

« A David Lavaysse

16 mai 1767 1

Ma destinée a voulu que j'aie rendu service à plus d'un Languedochien. Mon seul chagrin est qu'un de vos compatriotes ait toujours été mon ennemi, et que cet ennemi ait eu l'honneur d’épouser madame votre fille . Vous sentez quelle énorme différence je dois faire entre son respectable beau-père et celui qui ne méritait pas l'honneur d'être son gendre .2 »

1 Original , des archives de la famille Angliviel dont l'accès a été refusé ; édition Taphanel.

04/12/2022

Mon Dieu, rendez nos ennemis bien ridicules !

... J'aimerais bien que Dieu ne fasse pas usage de la vertu des ânes .

 

 

« A Etienne-Noël  Damilaville

Je vois bien, monsieur, par votre lettre du 9 de mai, que ce pauvre homme 1 qui fut cuit à Valladolid n’a pu arriver à Paris dans votre hôtel. M. Boursier, votre ami, m’a promis qu’il tenterait de vous faire tenir ce magot par une autre voie. Ce pauvre Boursier est bien embarrassé. Je ne crois pas qu’il aille sur la Saône 2 ; il prendra patience ; on dit que c’est la vertu des ânes ; mais il faut que chacun porte son bât dans ce monde.

Je vous demande en grâce de m’envoyer le petit libelle sorbonnique 3 contre Bélisaire. Il y a cent lieues et cent siècles des honnêtes gens d’aujourd’hui à la Sorbonne. J’ai toujours fait une prière à Dieu, qui est fort courte ; la voici : Mon Dieu, rendez nos ennemis bien ridicules ! Dieu m’a exaucé.

Je vous embrasse tendrement ; tantôt je pleure tantôt je ris. »

1 Allusion aux Questions de Zapata .

2 A Lyon .

3 Indiculus propositonum excerptarum ex libro cui titulus : Bélisaire. (G.Avenel.)

Voir lettre du 16 avril 1767 à Bernis : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/10/13/felix-qui-potuit-rerum-cognoscere-causas-heureux-qui-a-pu-penetrer-la-cause.html

03/12/2022

la bonne volonté ne suffit pas. J’ai fait comme la plupart des hommes qui cherchent à justifier leurs faiblesses

... Je vous en demande pardon mesdames .

 

 

« A Bernard-Louis Chauvelin

16 mai 1767

Il y a longtemps, monsieur le marquis, que je vous dois les plus tendres remerciements. Je voudrais faire mieux pour vous remercier ; je voudrais mériter vos bontés, mais je suis un de ces justes à qui la grâce manque. Il n’y a point de janséniste qui ne vous dise que la bonne volonté ne suffit pas. J’ai fait comme la plupart des hommes qui cherchent à justifier leurs faiblesses.

J’ai écrit plusieurs lettres à M. d’Argental pour tâcher de lui prouver que j’ai raison d’être stérile.

Voici la copie de la dernière lettre que je viens d’écrire à un de ses amis 1. Je la soumets à votre jugement, et je vous supplie de lire un des trois exemplaires de la dernière édition de Genève, que je viens de faire partir.

Imaginez, en lisant, des acteurs attendrissants, des voix touchantes, des vieillards désespérés, de jeunes amants bien passionnés, et jugez sur l’impression que vous aura faite la lecture.

Il se peut que je sois bien baissé ; mais j’ose vous répondre que mes sentiments pour vous ne le sont pas, et que mon très tendre respect et ma reconnaissance n’éprouvent aucune diminution.

V. »

 

1 Il semble qu'elle ne nous soit pas parvenue .

02/12/2022

Nul monarque avant moi sur le trône affermi N’a quitté ses États pour chercher un ami

...  A dit Emmanuel Macron, se confiant à Joe Biden lors du repas intime de prestige hier soir . Félicitations au passage à notre première dame impeccablement chic .

Brigitte Macron aux États-Unis : sa robe blanche fendue sur le côté fait  perdre la tête à Emmanuel Macron !

Rien à droite ? rien à gauche ? on peut traverser !

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

16 mai 1767

Je dépêche aujourd’hui à M. d’Argental, par M. le duc de Praslin, trois exemplaires d’une nouvelle édition de Genève. Je vous enverrai incessamment celle de Lyon, qui sera, je crois, plus correcte. Je n’impute toutes ces éditions qu’on s’empresse de faire qu’à cet heureux contraste des mœurs républicaines et agrestes avec les mœurs fardées des cours. Je ne pense pas que la pièce ait un grand mérite ; cependant, si vous nous l’aviez vu jouer, je crois que vous en seriez assez content. Lekain trouverait peut-être du plaisir à dire 

Nul monarque avant moi sur le trône affermi

N’a quitté ses États pour chercher un ami ;

Je donne cet exemple, et ton maître te prie ;

Entends sa voix, entends la voix de ta patrie,

Celle de ton devoir, qui doit te rappeler,

Et des pleurs qu’à tes yeux mes remords font couler.1

J’ai aussi un peu fortifié sa scène avec Indatire, afin qu’il ne fût pas tout à fait écrasé par le Scythe.

Le quatrième acte, au moyen de quelques légers changements, a fait une très grande sensation ; les deux vieillards ont fait verser des larmes. C’est un grand jeu de théâtre, c’est la nature elle-même. Les galants Velches ne sont pas encore accoutumés à ces tableaux pathétiques. Je n’ai jamais vu sur notre théâtre un vieillard attendrissant ; Sarrazin même ne jouait Lusignan que comme un capucin.

Madame de La Harpe a fait pleurer dès sa première scène, en disant :

Laisse dans ces déserts ta fidèle Obéide 2.

Quand je dois tant haïr ce funeste Athamare .

Tranquilles, sans regrets, sans cruels souvenirs …

Il faut convenir que ce rôle est très neuf au théâtre, et, en vérité, c’est quelque chose que de faire du neuf aujourd’hui. Ce vers :

Quand je dois tant haïr ce funeste Athamare ;

et ceux-ci : 

Va, si mon cœur m’appelle aux lieux où je suis née,

Ce cœur doit s’en punir, il se doit imposer

Un frein qui le retienne, et qu’il n’ose briser ;

ces vers, dis-je, contiennent tout le monologue qu’on propose ; et ils font un bien plus grand effet dans le dialogue. Il y a cent fois plus de délicatesse, plus d’intérêt de curiosité, plus de passion, plus de décence, que si elle commençait grossièrement par se dire à elle-même, dans un monologue inutile, qu’elle aime un homme marié.

Il n’y a personne de nos acteurs de Ferney qui ne sente vivement combien ce monologue gâterait le rôle entier d’Obéide, à quel point il serait déplacé, et combien il serait contradictoire avec son caractère. Comment irriter, par degrés, la curiosité du spectateur ? comment lui donner le plaisir de deviner qu’Obéide idolâtre un homme qu’elle doit haïr, quand elle aura dit platement, dans un très froid monologue, ce qu’elle doit, ce qu’elle veut se cacher à elle-même ?

Je n’aime pas assurément les longs et insupportables romans de Paméla et de Clarisse 3. Ils ont réussi, parce qu’ils ont excité la curiosité du lecteur, à travers un fatras d’inutilités : mais si l’auteur avait été assez malavisé pour annoncer, dès le commencement, que Clarisse et Paméla aimaient leurs persécuteurs, tout était perdu, le lecteur aurait jeté le livre.

Serait-il possible que ces insulaires connussent mieux la nature que vos Velches ? Ne sentez-vous pas que ce qui est à sa place dans Alzire serait détestable dans Obéide ?

La pièce a été mal jouée sur votre théâtre, il faut en convenir, et la malignité a pris ce prétexte pour accabler la pièce : c’est ce qui m’est toujours arrivé On s’est attaché à de petits détails, à des mots, pour justifier cette malignité. J’ai ôté ce prétexte autant que je l’ai pu ; mais je ne puis vous donner des acteurs. Lekain n’est point assez jeune, et mademoiselle Durancy ne sait point pleurer ; vos vieillards sont à la glace. Il n’y a pas un rôle dans la pièce qui ne dût contribuer à l’harmonie du tableau. Les confidents mêmes y ont un caractère ; mais où trouver des confidents qui sachent parler avec intérêt ?

Malgré cette disette, mademoiselle Durancy, les Lekain, les Brizard, les Molé, en jouant avec un peu plus de chaleur et de véhémence (c’est-à-dire comme nous jouons), pourraient certainement attirer beaucoup de monde, et subjuguer enfin la cabale, comme ils ont fait dans Adélaïde du Guesclin, laquelle ne vaut pas certainement les Scythes.

Le rôle d’Athamare est actuellement plus favorable à l’acteur. Il arrivait au deuxième acte sans parler ; il faut qu’il attire sur lui toute l’attention. Ce sont de ces défauts dont je ne me suis aperçu que sur notre théâtre.

Je m’attendais que les comédiens répondraient à toutes les peines que je me suis données, et à tous les services que je leur ai rendus depuis cinquante ans. Ils devaient reprendre les représentations des Scythes ; c’est une loi dont ils ne se sont écartés que pour moi. Ils ont mieux aimé manquer à ce qu’il me doivent, et jouer les Illinois 4 pour faire mieux tomber les Scythes. Ils savent bien que c’est à peu près le même sujet. Leur conduite est le vrai secret de dégoûter le public d’un sujet neuf qu’ils vont rendre trivial. Je ne méritais pas cette ingratitude de leur part. Ma consolation est qu’il y a plus d’éditions des Scythes que les comédiens n’en ont donné de représentations. »

1Les Scythes, Act. II, sc. IV, avec de légères modifications.

2 Ibid.Ac. II, sc. 1, ainsi que les citations qui suivent .

4 Hirza ou les Illinois d'Edmé-Louis Billardon de Sauvigny, représenté le 27 mai 1767, retiré après une seule représentation, repris le 22 juin et joué alors treize fois . Pendant ce temps les comédiens refusaient de reprendre Les Scythes .

Voir : https://books.google.fr/books?id=kqOIygAACAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Edme-Louis_Billardon_de_Sau...

01/12/2022

malheureusement vous vous êtes servi de la première édition et non de la seconde

... Je vous en préviens ! Quelle suite allez-vous y donner ? https://www.lepoint.fr/phebe/phebe-les-avertissements-sur...

 

 

« A Gabriel Cramer

à Genève

[mai 1767]

M. de Voltaire prie monsieur Cramer de lui envoyer brochés un exemplaire des Nouveaux mélanges et un quatrième volume de ces mélanges séparé, où sont Les Scythes. »

 

 

« A Gabriel Cramer

Mon cher ami, je suis désespéré . Je viens de recevoir le recueil ; vous y avez mis ma Lettre à M. de Beaumont ; mais malheureusement vous vous êtes servi de la première édition et non de la seconde . On accuse dans la première un avocat, homme d'un grand mérite nommé Coqueley, d'avoir été complice de Fréron . Il a prouvé qu'il ne l’était point : c'est lui faire une injustice atroce que de mettre son nom avec celui de Fréron . Je vous envoie la seconde édition de cette lettre ; il n'y a qu'un carton à faire ; mais ce carton est d'une nécessité absolue, sans quoi le volume n’entrerait jamais à Paris .

Je vous embrasse de tout mon cœur.

Mardi [mai 1767] »