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24/06/2009

quoique ma vieillesse et mes maladies m’aient un peu privé de la pensée et de la parole

Nouveau ministre de la culture : Frédéric Mitterrand

http://www.letelegramme.com/ig/generales/france-monde/rem...

Pour ne rien vous cacher, je dis bravo ! Non au président, non au premier ministre, mais d’abord à Frédéric .

Enfin quelqu’un qui sait de quoi il parle, qui connait le sujet, non pas par conseillers interposés, mais par lui-même.

Lui accordera-t-on les moyens nécessaires ?

Ce fichu projet de loi HADOPI mal goupillé dont il hérite est un superbe cadeau empoisonné. Trouvera-t-il l’antidote ?

Il a de l’envergure, de l’ambition pour la culture.

Je fais des vœux pour qu’il puisse faire bouger l’administration culturelle, avec une attention toute particulière pour celle du CMN (centre des Monuments nationaux) qui me tient spécialement à cœur ! Je peux vous assurer qu’il y a du travail (style « travaux d’Hercule ») pour remuer ce mastodonte qui tend à roupiller trop souvent ! Et quand il ne roupille pas, il bride ceux qui , pleins de bonnes idées et d’élans, risquent de l’empêcher de ronronner tout son saoul !!!

 

  bambinnette pigalle.jpg

 

Que fait cette bambinnette ici ? Comme sa mère Eve !!

C’est tout simplement un Pigalle, comme le Voltaire nu suivant !

 

Contraste !

Beauté !

Réalisme !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

«  A Jean Le Rond d’Alembert

 

 

                        C’est un beau soufflet, mon cher et vrai philosophe, que vous donnez au fanatisme et aux lâches valets de ce monstre. Vous employez l’art du plus habile sculpteur de l’Europe pour laisser un témoignage d’amitié à votre vieil enfant perdu, à l’ennemi des tyrans, des Ganganelli, des Pompignan, et des Fréron. Vous écrasez sous ce marbre la superstition qui levait encore la tête [projet de statue de V* par Pigalle].

 

 

                        M. le duc de Choiseul se joint à vous, et c’est en qualité d’homme de lettres, car je vous assure qu’il fait des vers plus jolis que ceux qu’on lui adresse [vers faits par Palissot à la demande de Choiseul en réponse au poème de Frédéric contre Louis XV en 1759]; et soyez très certain que sans Palissot, fils de son avocat [Choiseul a soutenu la pièce Les Philosophes , de Palissot, faite contre d’Alembert entre autres], et sans Fréron qui a été son régent au collège des jésuites, il aurait été votre meilleur ami. Je le crois entièrement revenu.

 

 

                        Pour moi je lui ai presque autant d’obligation qu’à vous. Vous savez dans quel horrible désordre est tombée cette malheureuse petite république de Genève. Les sociniens sont devenus assassins. J’ai recueilli vingt familles émigrantes [Natifs fuyant Genève suite aux violences]; j’ai établi une manufacture de montres chez moi ; M. le duc de Choiseul les a protégées et a fait acheter par le roi plusieurs de leurs ouvrages. Vous voyez si son nom ne doit pas être placé à côté du vôtre dans l’affaire de la statue.

 

 

                        A l’égard de Frédéric, je crois qu’il est absolument nécessaire qu’il soit de la partie [primitivement seuls les hommes de lettres devaient souscrire]. Il me doit sans doute une réparation comme roi, comme philosophe, et comme homme de lettres. Ce n’est pas à moi à la lui demander ; c’est à vous à consommer votre ouvrage. Il faut qu’il donne. Par quelque somme qu’il contribue, Mme Denis donnera toujours vingt fois plus que lui. Elle est au rang des artistes les plus célèbres en fait de croches et doubles croches.

 

 

                        M. Pigalle m’a fait parlant et pensant quoique ma vieillesse et mes maladies m’aient un peu privé de la pensée et de la parole [Pigalle est arrivé à Ferney le 17 juin]. Il m’a fait même sourire ; c’est apparemment de toutes les sottises que l’on fait tous les jours dans votre grande ville, et surtout des miennes. Il est aussi bon homme que bon  artiste. C’est la simplicité du vrai génie.

 

 

                        J’ai vu le dessin du mausolée du maréchal de Saxe ; ce sera le plus grand et le plus beau morceau de sculpture qui soit peut-être en Europe. Il m’a fait l’honneur de me dire avec sa naïveté dépouillée de tout amour propre qu’il avait conçu le dessein des accompagnements de la statue du roi qu’il a faite pour Reims sur ces paroles qu’il avait lues dans Le Siècle de Louis XIV : C’est un ancien usage des sculpteurs de mettre des esclaves aux pieds des statues de roi ; Il vaudrait mieux y représenter des citoyens libres et heureux. Il communiqua cette idée à M. Bertin qui en qualité de ministre d’État, et plus encore de citoyen, la saisit avec chaleur, et doubla sa récompense. Ainsi, c’est à lui que nous devons l’abolition de cette coutume barbare de sculpter l’esclavage aux pieds de la royauté. Il faut espérer du moins que cette lâcheté insultante à la nature humaine ne reparaîtra plus. Il faut espérer aussi que jamais en figurant des citoyens heureux bénissant leurs maîtres, les artistes ne mentiront à la postérité.

 

 

                        Adieu, mon grand philosophe, mon cher ami, et mon soutien.

 

 

                        V.

                        22e juin 1770 à Ferney. »

 

Voltaire_nu_pigalle.jpg

26/05/2009

Je hais les conquérants,....Je songe à l’humanité, Sire, avant de songer à vous-même

La lettre du jour me plait car on y trouve le Volti toujours aussi peu avare de compliments, lesquels compliments n'excluent pas l'expression du fond de la pensée de l'auteur. Plutôt que des lois répressives comme il en fleurit tous les jours (par la grâce de parlementaires et de ministres qui veulent justifier leur passage au pouvoir sans songer au réel bien du menu peuple ! SVP, oubliez ce mouvement d'aigreur matinal !!), Volti nous amène à réfléchir sur notre conduite, apprécie ce qui est correct et nous place face à l'insupportable que nous devons éviter . Il le dit et l'écrit, bien sot celui qui ne saurait pas en tirer les conséquences...

 

 

« A Fréderic II, roi de Prusse

 

 

Le Salomon du Nord en est donc l’Alexandre ?

Et l’amour de la terre en est aussi l’effroi ?

L’Autrichien vaincu fuyant devant mon roi [bataille de Chotusitz (=Czaslau) 17 mai]

Au monde à jamais doit apprendre

Qu’il faut que les guerriers prennent de vous la loi,

Comme on vit les savants la prendre.

J’aime peu les héros, ils font trop de fracas ;

Je hais les conquérants, fiers ennemis d’eux-mêmes,

Qui dans les horreurs des combats

Ont placé le bonheur suprême ;

Cherchant partout la mort, et la faisant souffrir

A cent mille hommes leurs semblables ;

Plus leur gloire a d’éclat, plus ils sont haïssables.

O ciel que je dois vous haïr !

Je vous aime pourtant, malgré tout ce carnage

Dont vous avez souillé les champs de nos Germains,

Malgré tous ces guerriers que vos vaillantes mains

Font passer au sombre rivage.

Vous êtes un héros ; mais vous êtes un sage.

Votre raison maudit les exploits inhumains

Où vous força votre courage,

            Au milieu des canons, sur des morts entassés,

Affrontant le trépas, et fixant la victoire,

Du sang des malheureux cimentant votre gloire,

Je vous pardonne tout, si vous gémissez.

 

Je songe à l’humanité, Sire, avant de songer à vous-même ; mais après avoir en abbé de Saint Pierre [ abbé Charles-Irénée Castel de Saint-Pierre, auteur d’un Projet de paix perpétuelle -1713, : Frederic dira : « il ne manque pour faire réussir ce projet que le consentement de l’Europe et quelque autre bagatelle semblable… » ; de Réflexions sur l’Anti-Machiavel de 1740 -1741 ] pleuré sur le genre humain dont vous devenez la terreur, je me livre à toute la joie que me donne votre gloire. Cette gloire sera complète si Votre Majesté force la reine d'Hongrie à recevoir la paix, et les Allemands à être heureux .Vous voilà le héros de l’Allemagne, et l’arbitre de l’Europe. Vous en serez le pacificateur, et nos prologues d’opéra [Quinault y  célébrait les victoires de Louis XIV] ne seront plus que pour vous.

 

La fortune qui se joue des hommes, mais qui vous semble asservie, arrange plaisamment les évènements de ce monde. Je savais bien que vous feriez de grandes actions ; j’étais sûr du beau siècle que vous alliez faire naître ; mais je ne me doutais pas, quand le comte du Four [Frederic avait fait un voyage sous le nom de comte du Four en 1740, avec son frère et Algarotti,  à Strasboug] allait voir le maréchal de Broglio, et qu’il n’en était pas trop content, qu’un jour ce comte du Four aurait la bonté de marcher avec une armée triomphante au secours du maréchal, et le délivrerait par une victoire. Votre Majesté n’a pas daigné jusqu’à présent instruire le monde des détails de cette journée. Elle a eu, je crois, autre chose à faire que des relations,[Friedrich von Borck apporta la nouvelle à Paris le 23 mai] mais votre modestie est trahie par quelques témoins oculaires, qui disent tous qu’on ne doit le gain de la bataille qu’à l’excès de courage et de prudence que vous avez montré. Ils ajoutent que mon héros est toujours sensible, et que ce même homme qui fait tuer tant de monde est au chevet du lit de M. de Rotembourg. Voilà ce que vous ne mandez point, et que vous pourrirez pourtant avouer comme des choses qui vous sont toutes naturelles. Continuez, Sire, mais faites autant d’heureux au moins dans ce monde que vous en avez ôté ; que mon Alexandre redevienne Salomon le plus tôt qu’il pourra, et qu’il daigne se souvenir quelquefois de son ancien admirateur, de celui qui par le cœur est à jamais son sujet, de celui qui voudrait passer sa vie à vos pieds, si l’amitié plus forte que les rois et que les héros, ne le retenait, et qui sera attaché à jamais à Votre Majesté avec le plus profond respect et la plus tendre vénération.

 

 

de Voltaire

A Paris ce 26 mai 1742. »

 

                       

 

05/05/2009

quatre jours à vivre : est-ce auprès des rois qu’il faut les passer ?

Ce soir, sauf erreur de ma part, un grand petit - petit grand lancera (jusqu'où ?) la conquête des places dorées au parlement européen . Fera-t-il miroiter sous  nos yeux le très vif intérêt que nous aurons à nous engager (-engagez-vous, rengagez-vous-) sous la houlette (qui est plus proche de la férule, ou même parfois de la schlague !) d'un parti qui lui est cher ?

Je dois avouer que je ne voterai pas, le coup de pied au cul (pas occulte, ni au culte !) qu'il soit de droite ou de gauche est toujours aussi vexant et je n'ai pas de préférence, sinon l'abstention...

 

Autre sujet terriblement sérieux : peut-on autoriser "l'Ignoble Dieudonné", l'anti-sioniste de service (ce que l'on traduit hativement par antisémite ; amis, prenez vite votre dico pour établir la différence !), à présenter un parti sous sa bannière ? Je vais faire comme Volti, une prière "mon Dieu, rendez mes ennemis bien ridicules", et souhaitons comme lui encore "et j'ai été exaucé". Dieudonné, je te mets dans le même sac que tes adversaires, vous êtes pétris d'intolérance ! Passez votre chemin, je vais du mien , je ne vous écoute pas . Brouhaha, bouillie pour les chats (les pauvres, ils n'ont rien fait pour mériter chat ça!).

Qu'ils apprennent cette leçon :"Je vous dis qu'il faut regarder tous les hommes comme nos frères . -Quoi ! Mon frère le Turc ? mon frère le Chinois ? le Juif ? le Siamois ? - Oui, sans doute ; ne sommes nous pas tous enfants du même père, et créatures du même Dieu ? "

Je vous l'accorde , nous ne croyons pas tous au grand et céleste barbu (poilu, vêtu de peaux de bêtes... ça y-est, je dérape et vous cite une chanson de Ricet-Barrier  http://fr.lyrics-copy.com/ricet-barrier/la-java-des-gaulo... ).

Nous n'avons pas tous le même père me dites-vous ?

D'abord qui est sur de connaitre le père, comme disait l'innocente Marie ?

Stop, vil blogger impie, tu vas choquer des pupilles naïves ! J'arrête, je sens que je m'enfonce  sans espoir de pardon (péché suprême) ! Eh bien tant pis ... Dieu y pourvoira !...

 

 

En cadeau, la trombine d'un septuagénaire de talent au grand coeur .ricet-chap02.gif 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental

 

 

                            Mon cher ange, le roi de Prusse, tout roi et tout grand homme qu’il est, ne diminue point le regret que j’ai de vous avoir perdu. Chaque jour augmente ces regrets. Ils sont bien justes, j’ai quitté la plus belle âme du monde et le chef de mon conseil, mon ami, ma consolation. On a quatre jours à vivre ; est-ce auprès des rois qu’il faut les passer ? J’ai fait un crime envers l’amitié. Jamais on n’a été plus coupable. Mais, mon cher ange, encore une fois daignez entrer dans les raisons de votre esclave fugitif. Était-il bien doux d’être écrasé par ceux qui se disent rivaux, d’être sans considération auprès de ceux qui se disent puissants, et d’avoir toujours des dévots à craindre ? ai-je fort à me louer de vos confrères du parlement ? ai-je de grandes obligations aux ministres ? et qu’est-ce qu’un public bizarre, qui approuve et qui condamne tout de travers ? et qu’est-ce qu’une cour qui préfère Bellecour à Lekain, Coypel à Van Loo, Royer à Rameau ? n’est-il pas permis de quitter tout cela pour un roi aimable qui se bat comme César, qui pense comme Julien, et qui me donne vingt mille livres de rente et des honneurs pour souper avec lui ? [V* s’est réconcilié avec Frederic le 5 ou 6 mars ; le 24 avril il écrit :  « Je soupe avec le premier des hommes quand j’ai un peu de santé, je reste chez moi quand je souffre »] .A Paris je dépendrais d’un lieutenant de police ; à Versailles je serais dans l’antichambre de M. Mesnard. Malgré tout cela, mon cœur me ramènera toujours vers vous, mais il faut que vous ayez la bonté de me préparer les voies. J’avoue que si je suis pour vous une maîtresse tendre et sensible, je suis une coquette pour le public, et je voudrais être un peu désiré. Je ne vous parlerai point d’une certaine tragédie d’Oreste plus faite pour les Grecs que pour les Français ; mais il me semble qu’on pourrait reprendre cette Sémiramis que vous aimiez, et dont l’abbé de Chauvelin était si content. Puisque j’ai tant fait que de courir la carrière épineuse du théâtre, n’est-il pas pardonnable que de chercher à y faire reparaître ce que vous avez approuvé ? Les spectacles contribuent plus que toute autre chose, et surtout plus que du mérite à ramener le public, du moins la sorte de public qui crie. J’espère que Le Siècle de Louis XIV ramènera les gens sérieux, et n’éloignera pas de moi ceux qui aiment les arts et leur patrie. Je suis si occupé de ce Siècle que j’ai renoncé aux vers, et à tout commerce excepté vous et Mme Denis. Quand je dis que j’ai renoncé aux vers, ce n’est qu’après avoir refait une oreille à Zulime et à Adélaïde ? Savez-vous bien que mon Siècle est presque fait, et que lorsque j’en aurai fait transcrire deux bonnes copies, je revolerai vers vous ? C’est, ne vous déplaise, un ouvrage immense. Je le reverrai avec des yeux sévères, je m’étudierai surtout à ne rendre jamais la vérité odieuse et dangereuse. Après mon Siècle il me faut mon ange. Il me reverra plus digne de lui. Mes tendres respects à la Porte-Maillot. Voyez-vous quelquefois M. de Mairan, voulez-vous bien le faire souvenir de moi ? Son ennemi est un homme un peu dur [Maupertuis], médiocrement sociable, et assez baissé. Mais point de vérité odieuse.

                            Valete o cari.

 

 

                            Voltaire

                            4 mai 1751. »

 

 

Une dédicace particulière, que certains sauront attibuer : http://www.musicspot.fr/artiste/ricet-barrier-10110796/vi...

 

14/04/2009

je mépriserai toujours les fanatiques, en quelque genre que ce puisse être

"je mépriserai toujours les fanatiques, en quelque genre que ce puisse être" : les mépriser, parfois ! les détester, toujours ! c'est mon option ferme et définitive (je ne demanderai pas de joker , mon cher Jean-Pierre ! ).

Quelques exemples qui me sont tombés sous le museau du mulot !!

 

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Amis du sport, je vous conseille de garder le sourire comme le spectateur à lunettes, vous pleurerez plus tard !! Je me demande comment les sportifs peuvent recevoir les ovations d'une foule de beaufs comme le canari obèse ci-dessus, et continuer à s'y exposer ? Pour le fric, may be ?!

 

 

 

 

Ce qui me frappe dans la lettre suivante, c'est que Volti est devenu un EUROPEEN et parle de la France et des Français comme d'un peuple et une nation dont il n'est que spectateur désabusé . Que dirait-il aujourd'hui ?

 

 

 

« A Jean Le Rond d’Alembert

 

 

                            Mon cher philosophe, auriez-vous jamais lu un chant de la Pucelle, dans lequel tout le monde est devenu fou [chant XVII], et où chacun donne et reçoit sur les oreilles à tort et à travers ? Voilà précisément le cas de vos chers compatriotes les Français. Parlements, évêques, gens de lettres, financiers, antifinanciers [allusion au livre l’Antifinancier], tous donnent et reçoivent des soufflets à tour de bras ; et vous avez bien raison de rire ; mais vous ne rirez pas longtemps, et vous verrez les fanatiques maîtres du champ de bataille. L’aventure de ce cuistre de Crevier [qualifié d’ « âne » par Palissot, Crevier, vieux janséniste avait obtenu l’exil de Palissot et celui de l’archevêque de Paris] fait déjà voir qu’il n’est pas permis de dire d’un janséniste qu’il est un plat auteur . Vous serez les esclaves de l’université avant qu’il soit deux ans. Les Jésuites étaient nécessaires, ils faisaient diversion ; on se moquait d’eux, et on va être écrasé par des pédants qui n’inspireront que l’indignation. Ce que vous écrit un certain goguenard couronné [Frederic II a écrit à d’Alembert qu’il n’est en guerre ni avec « les cagots, ni avec les jésuites » et laisse aux Français le soin de « ferrailler envers et contre tout » ] doit bien faire rougir votre nation belliqueuse.

 

                            Répandez ce bon mot tant que vous pourrez, car il faut que vos gens sachent le cas qu’on fait d’eux en Europe. Pour moi, je gémis sérieusement sur la persécution que les philosophes vont infailliblement essuyer . N’avez-vous pas un souverain mépris pour votre France, quand vous lisez l’histoire grecque et romaine ? trouvez-vous un seul homme persécuté à Rome depuis Romulus jusqu’à Constantin, pour sa manière de penser ? le sénat aurait-il jamais arrêté l’Encyclopédie ? y-a-t-il jamais eu un fanatisme aussi stupide et aussi désespérant que celui de vos pédants ?

 

                            Vraiment oui, j’ai donné une chandelle au diable [expression de d’Alembert quand V* a envoyé son conte Les Trois Manières à Mme du Deffand]; mais vous auriez pu vous apercevoir que cette chandelle devait lui brûler les griffes, et que je lui faisais sentir tout doucement qu’il ne fallait pas manquer à ses anciens amis [lettre du 7 mars à Mme du Deffand].

 

                            A l’égard des hauts lieux dont vous me parlez, sachez que ceux qui habitent ces hauts lieux sont philosophes, sont tolérants, et détestent les intolérants avec les quels ils sont obligés de vivre [allusion aux Choiseul].

 

                            Je ne sais si le Corneille entrera en France, et si on permettra au roi d’avoir ses exemplaires [« … entre les mains d’un cuistre nommé Marin, qui doit décider si le public pourra le lire. » : d’Alembert]. Ce dont je suis bien sûr, c’est que tous ceux qui s’ennuient à Sertorius et à Sophonisbe, etc., trouveront fort mauvais que je m’y ennuie aussi ; mais je suis en possession depuis longtemps de dire hardiment ce que je pense, et je mépriserai toujours les fanatiques, en quelque genre que ce puisse être. Ce qui me déplait dans presque tous les livres de votre nation, c’est que personne n’ose mettre son âme sur le papier, c’est que les auteurs feignent de respecter ce qu’ils méprisent ; vos historiens surtout sont de plates gens, il n’y en a pas un qui ait osé dire la vérité. Adieu, mon cher philosophe ; si vous pouvez écrasez l’Infâme, écrasez-la et aimez-moi, car je vous aime de tout mon cœur.

 

                            Voltaire

                            14 avril 1764. »

11/03/2009

Dans l’état déplorable où je suis

 "Dans l'état déplorable où je suis" : moi aussi, je pourrais le dire si je n'étais pas un Jacques le fataliste doublé d'un Candide. Comment donc concilier la rentabilité d'un monument historique national -le château de Voltaire, pour ne rien cacher- avec une politique de restriction des heures d'ouverture ? Hein ? Comment ?! J'espère que ce n'est qu'une possibilité à forte improbabilité, sinon, continuons à faire des lois, à grand renfort de commissions d'experts bien payées, pour par exemple , limiter le "piratage" via internet. Je vous le donne en mille,- non en cent , non pour rien,- qui sont les plaignants ? d'abord les compagnies de production, pour autant que je sache, et les artistes en second plan. J'ose dire et écrire que selon moi le "piratage" diminuerait notablement si les fameux CD (pour certains, en grand nombre, fumeux) étaient moins chers . Qui se gave le plus dans leur production ?

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Les "pirates" dûment pendus par leurs raccordements au Net (enfin, ceux qui n'ont pas la WiFi) deviendront-ils de fidèles acheteurs de CD-DVD ? Les dollars vont-ils affluer vers ceux qui réclament ? Je n'y crois pas . En tout cas, pour l'instant je plaide non-coupable (facile : la bécane dont je dispose ne me permet pas le téléchargement !), et quand bien même je reviendrais à la bonne vieille technique que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître : enregistrer sur cassette audio via la radio, et puis transfert sur le support désiré . Un peu long, un gros peu d'attention, de bons réflexes -appuyer sur le bon bouton au bon moment-, mais non répréhensible j'ose encore espérer . A moins que le flicage forcené n'amène un espion dans chaque foyer, plus un flic pour surveiller l'espion, etc., etc. Est-ce vraiment le bon moyen pour diminuer le chomage ? Pour les payer ne devra-t-on pas augmenter les taxes sur l'audio-visuel ? Ce qui entrainera automatiquement une baisse de consommation , et puis ... J'arrête mon délire, un chien qui court après sa queue , ça ne m'amuse qu'un temps. Je suppose que vous connaissez le nom du chien et l'adresse de son maître . Pour une fois , je le ferais piquer (le chien ou le maître, c'est vous qui choisissez ! ).

 "Je porterai jusqu’au tombeau le tendre triste souvenir de toutes vos bontés bétises passées, mon respectueux attachement mon irrespectueuse indépendance, mon admiration humour, et ma profonde douleur." Excuse me, Volti !!

 

 

 

 

« A Frédéric II, roi de Prusse

 

 

                                   Sire,

 

                                    Dans l’état déplorable où je suis, il ne me reste qu’à obtenir de Vôtre Majesté la triste grâce de partir, et d’aller chercher aux bains de Plombières une guérison dont je me flatte peu, ou la mort qui mettra fin à mon étrange et douloureuse situation. Ma famille [=Mme Denis] que j’avais abandonnée, ainsi que tout le reste, pour vous consacrer une vie devenue si malheureuse, va m’attendre à Plombières ; et elle espère que Votre Majesté daignera  accorder à elle et à moi la consolation que nous vous demandons.

 

                                   Si par un bonheur inespéré je pouvais recouvrer un peu de santé, et si par bonheur plus grand Votre Majesté voulait jamais m’avoir avant ma mort pour témoin de ses nouveaux progrès dans les arts qui ont fait jusqu’ici ses nobles amusements, je me trainerais encore auprès d’Elle.

 

                                   Si Votre Majesté veut permettre que je me jette à ses pieds à Potsdam avant mon départ, et que je lui renouvelle les sentiments d’un cœur qui sera toujours à Elle, ce sera le dernier moment agréable que j’aurai eu en ma vie.

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                                    A l’égard de la clef et de la croix [clé de chambellan et croix du mérite] dont Votre Majesté m’a honoré, vous savez, Sire, que je ne suis qu’un homme de lettres. Ces décorations étrangères à mon état ne me sont chères que par la main qui me les a données. Je les conserverai avec la plus tendre reconnaissance si vous me les conservez, et je vous les rendrai avec la résignation la plus soumise si vous les reprenez.Medaille_pour_le_Merite prussien.jpg

 

                                   Pour les dix mois de la pension de trois mille écus, que vous aviez, Sire, la générosité de me faire, il n’est pas juste que je la touche, vous ayant été inutile depuis longtemps. La moindre marque de vos bontés à mon départ me tiendrait lieu des plus grandes récompenses ; mais soyez sûr que rien ne me tiendra jamais lieu de vous. J’ai perdu ma patrie, ma santé, mes emplois [historiographe ], une partie de ma fortune. J’ai tout sacrifié pour vous. Mais j’ai été comblé près de trois ans de vos bienfaits .Je vous ai vu, je vous ai entendu. Je porterai jusqu’au tombeau le tendre souvenir de toutes vos bontés passées, mon respectueux attachement, mon admiration, et ma profonde douleur.[Fredéric II répondra le 16 : « Vous pouvez quitter mon service quand vous voudrez ; mais avant de partir, faites moi remettre le contrat de votre engagement, la clef, la croix , et le volume de poésies que je vous ai confié » . V* quitte Potsdam le 26 mars et arrive à Leipzig le 27. ]

 

 

                                   Voltaire

                                   A Berlin au Belvédère 11 mars 1753. »

 

 

 

11/02/2009

Il faut que la guerre soit par elle-même quelque chose de bien vilain

Pendant un instant, « un instant seulement » comme disait le Grand Jacques, j’ai eu la sensation de lire du Proust (par sa longueur) en parcourant cette phrase sur la guerre avec une vision « philosophique ». A cette différence près, qu’en bon béotien qui persiste et signe, Proust m’a laissé froid (comme une vieille madeleine rassie dans un thé de la veille) et m’est tombé des mains alors que Volti* m’emballe !

« Il faut que la guerre soit par elle-même quelque chose de bien vilain puisque les détails en sont si ennuyeux » : doux euphémisme !! La presse d’aujourd’hui, sans doute en réponse au public, ou forçant le public (selon mon avis !), nous inonde inutilement de ces « détails… si ennuyeux ». Inutilement, oui, cent fois oui, mille fois oui !! L’ONU, « le machin » du Grand Charles, n’est pas en état de s’interposer valablement entre les belligérants, juste capable de compter les morts et les estropiés. Juste capable d’héberger certains représentants « faux-culs » défenseurs de leurs chefs d’états qui les ont nommés ; quelle indépendance d’esprit peut-on en attendre ? bien sûr, aucune ! Quel pas vers la paix ? Aucun ! « tout le monde criant la paix, la paix, et faisant la guerre à outrance » : toujours vrai ! Bla-bla et Cie !

 le machin recherché.jpg

Je passe la parole à un roi du bon sens.

 

 

 

 

 

 

 

« A Frédéric II, roi de Prusse

 

 

                Sire,

 

                Eh bien vous aurez Sémiramis [pièce de théâtre « ordonnée » pour les relevailles de la dauphine qui mourut le 21 août 1746 le jour où la pièce fût achevée]. Elle n’est pas à l’eau rose, c’est ce qui fait que je ne la donne pas à notre peuple de sybarites, mais à un roi qui pense comme on pensait en France du temps du grand Corneille et du Grand Condé, et qui veut qu’une tragédie soit tragique et une comédie comique.

 

                Dieu me préserve, Sire, de faire imprimer l’histoire de la guerre de 1741. Ce sont de ces fruits que le temps seul peut murir ; je n’ai fait assurément ni un panégyrique ni  une satire. Mais plus j’aime la vérité, et moins je dois la prodiguer. J’ai travaillé sur les mémoires et sur les lettres des généraux et des ministres .Ce sont des matériaux pour la postérité. Car sur quels fondements bâtirait-on l’histoire, si les contemporains ne laissaient pas de quoi élever l’édifice ? César écrivit ses Commentaires, et vous écrivez les vôtres [Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps], mais où sont les acteurs qui puissent ainsi rendre compte du grand rôle qu’ils ont joué ? Le maréchal de Broglie était-il homme à faire des Commentaires ? Au reste , Sire, je suis très loin d’entrer dans cet horrible et ennuyeux détail de journaux de siège, de marches, de contremarches, de tranchées relevées, et de tout ce qui fait l’entretien d’un vieux major et d’un lieutenant-colonel retiré dans sa province. Il faut que la guerre soit par elle-même quelque chose de bien vilain puisque les détails en sont si ennuyeux. J’ai tâché de considérer cette folie humaine un peu en philosophe ; j’ai représenté l’Espagne et l’Angleterre dépensant cent millions à se faire la guerre pour quatre-vingt mille livres portées en compte, les nations détruisant réciproquement le commerce pour lequel elles combattent, la guerre au sujet de la pragmatique devenue comme une maladie qui change trois ou quatre fois de caractère [ la Pragmatique Sanction signée en 1713 pour régler la succession d’Autriche ], et qui de fièvre devient paralysie, et de paralysie convulsion, Rome qui donne sa bénédiction et qui ouvre ses portes aux têtes de deux armées ennemies en un même jour [ en novembre 1744, entrée des Napolitains par une porte et sortie des Autrichiens par une autre ; « Quand le bonhomme de saint Père / Donne sa bénédiction / A plus d’une armée étrangère … »], un chaos d’intérêts divers qui se croisent à tout moment, ce qui était vrai au printemps devenu faux en automne, tout le monde criant la paix, la paix, et faisant la guerre à outrance, enfin  tous les fléaux qui fondent sur cette pauvre race humaine ; au milieu de tout cela un prince philosophe qui prend toujours bien son temps pour donner des batailles et des opéras, qui sait faire la guerre, la paix, et des vers et de la musique, qui réforme les abus de la justice, et qui est le plus bel esprit de l’Europe . Voilà à quoi je m’amuse, Sire, quand je ne meurs point, mais je me meurs fort souvent et je souffre beaucoup plus que ceux qui dans cette funeste guerre ont attrapé de grands coups de fusil.

 

                J’ai revu M. le duc de Richelieu qui est au désespoir de n’avoir pu faire sa cour [lors de sa mission à Dresde en décembre 1746] au grand homme de nos jours. Il ne s’en console point. Et moi je ne demande à la nature un ou deux mois de santé que pour voir encore une fois ce grand homme avant d’aller dans le pays où Achille et Thersite, Corneille et Danchet sont égaux ; je serai attaché à Votre Majesté jusqu’à ce beau moment où l’on va savoir à point nommé ce que c’est que l’âme, l’infini, la matière , et l’essence des choses . Et tant que je vivrai, j’admirerai et j’aimerai en vous l’honneur et l’exemple de cette pauvre espèce humaine.

 

                Voltaire

                A Paris, ce 9 février 1747. »

 

28/01/2009

S’il y a quelque sottise nouvelle...

« A Frederic II, roi de Prusse

 

                            Sire,

                           

                   Je mets aux pieds de Votre Majesté un ouvrage [ Le Siècle de Louis XIV  ] que j’ai composé en partie dans votre maison . Et je lui en présente les prémices longtemps avant qu’il soit publié . Votre Majesté est bien persuadée que dès que ma malheureuse santé pourra me le permettre je viendrai à Potsdam sous son bon plaisir .

 

                   Je suis bien loin d’être dans le cas d’un de vos bons mots : qu’on vous demande la permission d’être malade. J’aspire à la seule permission de vous voir et de vous entendre . Vous savez que c’est ma seule consolation et le seul motif qui m’a fait renoncer à ma patrie, à mon roi, à mes charges, à ma famille, à des amis de quarante années ; je ne me suis laissé de ressource que dans vos promesses sacrées qui me soutiennent contre la crainte de vous déplaire.

                   Comme on a mandé à Paris que j’étais dans votre disgrâce, j’ose vous supplier très instamment de daigner me dire si je vous ai déplu en quelque chose [ V. avait fait des « tracasseries » à propos d’ « éditions subreptices » du Siècle de Louis XIV ce qui fâcha le roi ]. Je peux faire des fautes ou par ignorance ou par trop d’empressement . Mais mon cœur n’en fera jamais . Je vis dans la plus profonde retraite, donnant à l’étude le temps que les maladies cruelles peuvent me laisser . Je n’écris qu’à ma nièce, ma famille, et mes amis ne se rassurant contre les prédictions qu’ils m’ont faites que par les assurances respectables que vous leur avez données [ Mme Denis et les d’Argental entre autres ]. Je ne lui  parle que de vos bontés, de mon admiration pour votre génie, du bonheur de vivre auprès de vous [ c’est ce qu’il fait dans les lettres aux correspondants autres que sa nièce ]. Si je lui envoie quelques vers où mes sentiments pour vous sont exprimés, je lui recommande même de n’en jamais tirer de copie et elle est d’une fidélité exacte.

                   Il est bien cruel que tout ce qu’on m’a mandé à Paris la détourne de venir s’établir ici avec moi et d’y recueillir mes derniers soupirs . Encore une fois, Sire, daignez m’avertir s’il y a quelque chose à reprendre dans ma conduite. Je mettrai cette bonté au rang de vos plus grande faveurs . Je la mérite m’étant  donné à vous sans réserve ; le bonheur de me sentir moins indigne de vous  me fera soutenir patiemment les maux dont je suis accablé .

 

                            V.

                            27 janvier 1752. »

 

 

Un bon résumé de la volonté de Volti* :"...celui qui rit de toutes les sottises qui sont frivoles, et qui tâche de réparer celles qui sont barbares ". Humoristes de tous temps et optimistes de tout poil, Hommes de bonne volonté , je vous le dis, je trouve que c'est une bonne attitude .

 

« A Jean Ribote-Charron, à Montauban

 

                   D’une main on donne le fouet aux parlements, et de l’autre on les caresse ; on déclare que les commandants n’ont fait qu’obéir aux ordres supérieurs, et on les rappelle [ allusion au duc de Fitz-James qui ayant fait arrêter des membres du parlement de Toulouse qui refusaient d’appliquer les édits du roi, fut relevé de ses fonctions par le roi après libération des parlementaires décembre 1763 ]. On chasse les jésuites, et on en garde quatorze à la cour qui confessent, ou font semblant de confesser. On est irrité des remontrances, et on invite à en faire ; ce monde est gouverné par des contradictions . Nous verrons quelle contradiction résultera du procès des Calas qui est actuellement sur le bureau . Est-il vrai que votre parlement s’est avisé de casser l’arrêt de celui de Paris, qui cassait le décret d’appréhension au corps du duc commandant de la province [ duc de Fitz-James ]?

                   S’il y a quelque sottise nouvelle, Monsieur Ribote est prié d’en faire part à celui qui rit de toutes les sottises qui sont frivoles, et qui tâche de réparer celles qui sont barbares .

 

                   Voltaire

                   Le 27 janvier 1764. »