25/09/2017
pour arriver à la paix que nous attendons, et qui clora le tout, il faut un peu de temps
...
« A Gabriel Cramer
[octobre-novembre 1762]
Mon cher Gabriel saura que je n'ai ici rien de l'état de l'Europe depuis Louis XIV .
Qu'il faut un peu de temps pour insérer la guerre de 1741 dans ce fatras, et que pour arriver à la paix que nous attendons, et qui clora le tout, il faut un peu de temps .
Qu'il faut songer à Corneille sérieusement, et presser la cadence, qu'il faut faire parler aux gros souscripteurs à Paris .
Qu'il faut m'employer pour les 25 exemplaires Shouvalow artillerie .
Mon cher Gabriel est prié d'imprimer et faire distribuer la feuille patriotique 1 ci-jointe .
On dit une certaine dame borgne 2 et un certain homme aveugle . »
1 Cette « feuille patriotique » n'a pu être identifiée ; on a proposé les Idées républicaines qui datent en effet de 1765, selon toute apparence .Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Id%C3%A9es_r%C3%A9publicaines
et : https://fr.wikisource.org/wiki/Id%C3%A9es_r%C3%A9publicaines/%C2%90%C3%89dition_Garnier
2 Mme de Pompadour dont les yeux étaient atteints ; l' « aveugle » est-il alors le roi ?
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24/09/2017
Votre souvenir et votre amitié sont bien plus précieux que tout ce qui se passe aujourd’hui dans l’Europe, et c’est de vos nouvelles surtout que nous voulons
... Chère Mam'zelle Wagnière .
Je ne peux dire mieux que notre ami Voltaire en ce moment, quelques nouvelles , je vous en prie .

« A François de Chennevières
Des Délices 30 octobre 1762 1
Mon cher correspondant, nous avons toujours les nouvelles d’Allemagne quatre jours avant vous ; nous avons rarement des détails sûrs. Vous ferez un sensible plaisir à ma nièce et à moi de vouloir bien nous instruire plus particulièrement.
Votre souvenir et votre amitié sont bien plus précieux que tout ce qui se passe aujourd’hui dans l’Europe, et c’est de vos nouvelles surtout que nous voulons. Nous nous soucions fort peu des mauvaises pièces de théâtre et des mauvais livres ; mais nous voudrions savoir, par exemple, s’il est vrai que le pape ait écrit un bref en faveur de l’archevêque de Paris. Peut-être n’en savez-vous rien ; mais continuez toujours, mon ami, à écrire à des gens qui vous aiment. »
1 Copie par Boissy d'Anglas .
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23/09/2017
la philosophie consiste à avoir du plaisir et d'en donner
... Réponse à tous ces lycéens qui se posent la question de l'utilité de la philosophie . Est-il une activité plus agréable que celle-ci ? je vous laisse le loisir d'en décider .

« A Caroline-Louise de Hesse-Darmstadt, margravine de Baden-Durlach
A Ferney par Genève 28 octobre [1762]
Madame,
M. le marquis des Marches 1 m'assure que Votre Altesse Sérénissime daigne se souvenir de moi avec bonté . Je partirais sur-le-champ avec lui pour venir vous en remercier, si mon âge et ma santé me permettaient un si agréable voyage . Il est vrai que M. des Marches m'a vu jouer un rôle de vieux grand-prêtre sur mon petit théâtre de Ferney, mais j'aimerais mieux, madame, être votre aumônier à Carlesruh que d'être pontife à Babylone, comme je l'ai été aujourd’hui . Que notre petite troupe ne peut-elle avoir des spectateurs tels que Votre Altesse Sérénissime ? L'envie de Lui plaire nous donnerait des talents . Nous sommes ici loin du bruit des armes dans le séjour de la philosophie : car la philosophie consiste à avoir du plaisir et d'en donner . Je me flatte, madame, qu'on rendra justice à la famille infortunée des Calas dont l'horrible aventure a touché le cœur généreux de Votre Altesse Sérénissime . L'affaire est au conseil du roi . J'espère que la cruauté et le fanatisme seront confondus, mais il faut bien du temps pour réparer les injustices qu'on fait trop vite . Permettez, madame, que je me mette aux pieds de monseigneur le margrave . Je suis avec un profond respect,
madame,
de Votre Altesse Sérénissime
le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire . »
1 Joseph-François de Bellegarde, marquis des Marches, dont l'épouse est Frances Charlotte Oglethorpe, sœur de James Edward Oglethorpe .Voir page 288 : https://books.google.fr/books?id=yrlYAAAAMAAJ&pg=PA288&lpg=PA288&dq=Joseph-Fran%C3%A7ois+de+Bellegarde,+marquis+des+Marches&source=bl&ots=qLhYN8T6tk&sig=jwd4o-cCm6Q9GXVfI1IbrHpt-rI&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwin9sX0srjWAhVInRoKHQyaDjQQ6AEIMzAB#v=onepage&q=Joseph-Fran%C3%A7ois%20de%20Bellegarde%2C%20marquis%20des%20Marches&f=false
et : http://gw.geneanet.org/pierfit?lang=fr&p=joseph+francois&n=noyel+de+bellegarde
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22/09/2017
Je serai toujours votre secrétaire
... Monsieur de Voltaire , et , -promis,- je ne ferai pas grève , ni ne demanderai un arrêt de travail abusif .
« A Pierre Pictet de Sergy
A Ferney, 27 octobre 1762 1
[…] Pardonnez à un pauvre malade s'il ne vous écrit pas de sa main . Je serai toujours votre secrétaire auprès de M. le duc de Choiseul et de Mme la duchesse de Gramont […]
Voltaire. »
1 Le manuscrit est passé chez Liepmannsohn (Berlin 1897) et ne spécifie pas le destinataire ; cependant comparer ce billet avec la lettre du 6 octobre 1762 au même : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/08/31/vous-sentez-bien-que-mes-remontrances-sont-peu-de-chose-5975437.html
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C'est aller soi-même choisir dans sa cuisine tout ce qu'il y a de plus mauvais, et se donner la peine de préparer de ses mains un fort méchant dîner
... C'est exactement ce que font Mélenchon et consorts qui nous donnent un bien mauvais spectacle dont certains acteurs, jouant les CRS, sont indubitablement malades puisqu'ils ont des certificats médicaux ; deux mille malades ! belle épidémie, gageons cependant qu'ils échapperont à l'abattage de tout le troupeau, ces poulets là sont déplumés et peu contagieux si j'en crois les chiffres de la police dont ils font partie .
« Au marquis Francesco Albergati Capacelli
senatore di Bologna
A Bologna
per Milano .
Au château de Ferney 27 octobre 1762 1
Je craindrais, monsieur, de vous écrire de l'autre monde, si je différais plus longtemps . La journée n'a que vingt-quatre heures, j'en souffre dix-huit, et je ne me porte pas trop bien pendant les six autres, malgré le docteur Tronchin, et le régime le plus sévère .
Je fais comme les anciens romains qui donnèrent la comédie pour guérir de la peste 2. Mais apparemment que les spectacles ne sont bons que contre la peste, et ne valent rien contre l'accablement d'un homme de soixante et neuf ans ; aussi tout mon plaisir se bornera à jouir de celui des autres . J'ai pourtant fait un effort pour écrire deux lettres à notre cher ami M. Goldoni . Je ne sais où le prendre, je ne sais où il loge à Paris, il ne m'a point envoyé son adresse ; le voilà englouti dans le tourbillon de cette grande ville, chacun sans doute le veut avoir, et je suis persuadé qu'il n'a pas un moment à lui .
Je voudrais bien que son voyage lui fût aussi utile qu'agréable, et que ma patrie eût la gloire de rendre solidement justice à son mérite .
Pour moi, je ne lui pardonnerai pas s'il ne revient point par Ferney . Je veux absolument avoir la consolation de m'entretenir de vous avec lui avant que je meure . On dit qu'il est aussi aimable par la douceur et la facilité de ses mœurs , que par ses talents .
Je suis toujours émerveillé de la bonté qu'ont vos virtuoses de traduire la malheureuse pièce d'Idoménée . C'est bien pis que d'admettre à sa table un ennuyeux parmi les gens d'esprit . C'est aller soi-même choisir dans sa cuisine tout ce qu'il y a de plus mauvais, et se donner la peine de préparer de ses mains un fort méchant dîner . Soyez très sûr que la tragédie d'Idoménée est entièrement oubliée parmi nous 3, et n'a même jamais eu l'honneur d'être critiquée ; mais enfin faites ce que vous voudrez ; il ne faut jamais s'opposer aux fantaisies ; et tout ce qui amuse est bienfait .
Je n'ai pu, monsieur, vous envoyer la tragédie que je vous ai promise . Mes souffrances continuelles ne m'ont pas permis d'y mettre la dernière main ; et j'ai bien peur qu'elle ne soit qu'une espèce d'Idoménée . Si M. Goldoni passe par chez moi, je la lui donnerai pour vous . Je vous jure que j'aurai la plus vive tentation d'accompagner M. Goldoni à Bologne, et si j'étais un peu moins vieux, et un peu moins malade, je ne résisterais pas à la tentation . Je suis né avec la passion des voyages, vous l'augmentez furieusement en moi, et cependant il y a huit ans que je ne suis sorti de l'enceinte de mes montagnes .
Il faut que je sois un mauvais physicien, car j'avais imaginé que la ceinture des Alpes et du mont Jura serait une barrière contre les vents, mais nous en avons ici d'épouvantables, et la faiblesse de mon tempérament ne s'en accommode guère . J'avais désiré de finir ma vie dans une entière liberté , et dans un beau climat . Je n'ai que la moitié de ce que je désirais ; cela est encore bien honnête . Je crois que Bologna la grassa , vaut mieux que le pays de Gex, mais je crois surtout que vous l'embellissez . Votre goût pour la littérature, vos spectacles, vos fêtes, doivent attirer chez vous la meilleure compagnie d'Italie . Vous êtes à la fois auteur et protecteur , Mécène n'avait qu'un de vos avantages . Vous ne sauriez croire, monsieur, à quel point je vous révère . J'ose encore ajouter que je prends la liberté de vous aimer de tout mon cœur . Jouissez longtemps de votre considération, de votre fortune, de votre mérite, et de vos plaisirs, ce sont les vœux de votre serviteur le plus sincère et le plus tendre .
V. »
1Sur l'original , mention de service « fco Milano » ; l'édition de Kehl omet la fin du 5è paragraphe depuis Soyez très sûr …, suivie par les autres éditions .
2 On sait que les drames anciens étaient à l'origine des cérémonies religieuses .
3 L'Idoménée de Crébillon ne fut jamais reprise après sa création en décembre 1705 .Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Idom%C3%A9n%C3%A9e_(Cr%C3%A...)
et : http://cesar.org.uk/cesar2/titles/titles.php?fct=edit&script_UOID=175995
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21/09/2017
Mais enfin la grâce tire parti de tout
... Et la canaille également .
« A Etienne-Noël Damilaville
[vers le 25 octobre 1762] 1
Je voudrais que mon frère me fit avoir le livre de l'abbé Houtteville 2 avec les lettres de l'abbé Desfontaines 3 contre l'auteur . Il est plaisant de voir le Mercure du fermier général Laugeois 4 et du cardinal Dubois 5 écrire pour notre sainte religion, et un bougre comme Desfontaines écrire contre . Mais enfin la grâce tire parti de tout . »
1 La date est déduite du fait que l'un des deux ouvrages que réclame V*, La Vérité de la Religion chrétienne prouvée par les faits, 1722, de l'abbé d'Houtteville, lui parvint vers le 28 novembre 1762 ; voir lettre du 28 novembre 1762 à Damilaville . L'autre ouvrage demandé, Lettres sur le Religion chrétienne prouvée par les faits, 1722, de Desfontaines, critique notamment le style néologique et précieux de l'abbé d'Houtteville .
2 Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_Fran%C3%A7ois_Alexandre_Houtteville
et : http://data.bnf.fr/10692411/claude_francois_houtteville/
3 Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Fran%C3%A7ois_Guyot_Desfontaines
et : http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/383-pierre-guyot-desfontaines
et : http://data.bnf.fr/11886148/pierre-francois_guyot_desfontaines/
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20/09/2017
Je m'imagine que votre esprit conciliant ne nuira pas à l’œuvre de la paix . Je vois bien des Anglais qui n'en veulent point , mais ils ne songent pas que leur gouvernement doit plus de livres tournois qu'il n'y a de minutes depuis la création
... Ce qui est vrai au sortir de la Guerre de Sept ans au XVIIIè siècle , et selon des calculs voltairiens, n'est que le brouillon de l'actualité du Brexit de notre XXIè siècle ; l'histoire bégaie, les petits esprits sécessionnistes ont encore de belles victoires à la Pyrrhus à leur actif . Diviser pour régner! messieurs les Anglais, c'est loupé !
http://www.lemonde.fr/referendum-sur-le-brexit/article/20...

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
A Ferney 25 octobre [1762] 1
Mon cher ange, il est bien juste que M. le comte de Choiseul ait la consolation de vous tenir à Fontainebleau . Je m'imagine que votre esprit conciliant ne nuira pas à l’œuvre de la paix . Je vois bien des Anglais 2 qui n'en veulent point , mais ils ne songent pas que leur gouvernement doit plus de livres tournois qu'il n'y a de minutes depuis la création , j'en faisait le compte avec eux ces jours-ci, et il s'est trouvé juste .
Que M. le comte de Choiseul se garde bien de perdre un temps précieux à écrire à une marmotte des Alpes . C'est bien assez qu'il soit content de mes sentiments et qu'il ait la bonté de m'en assurer par vous .
Je ne sais plus où j'en suis pour Mariamne . Je n'ai point ici votre lettre où vous parliez de quelques changements . Je me souviens seulement que vous me disiez que le second acte n'était pas fini . Cependant Mariamne sort pour aller consulter Dieu, l'honneur et le devoir 3. N'est-ce pas une raison de sortir quand on a de telles consultations à faire ? et ne voilà-t-il pas l'acte fini ? Vous parliez mon divin ange de distribution de rôles 4. Je ne m'en souviens plus . Tous mes papiers sont entassés aux Délices que M. le duc de Villars occupe, mais voici mon blanc-seing tragique que vous ferez remplir comme il vous plaira et que vous appuierez de votre protection .
Nous ne faisons pas comme vous, nous allons rejouer Le Droit du seigneur . Je vous avertis que je joue le bailli, et le grand- prêtre dans Sémiramis, et que je suis fort claqué 5.
Pour Olympie, vous l'aurez quand vous voudrez . Mon ouvrage des six jours est devenu un ouvrage d'un an. Cette maudite opiniâtreté de vouloir faire évanouir Statira sur le théâtre m'avait écarté de la bonne voie . J'y ai mis tous mes soins et mon tout petit savoir-faire .
Je ne me console point de ce que Zulime n'a point dit , j'en suis indigne 6.
Mais ce qui fait ma vraie tribulation, c'est que M. le duc de Choiseul m'a cru l'auteur de cette belle rapsodie anglaise, c'est qu'il me l'a écrit (avec bonté il est vrai), mais cette bonté est affreuse . J'en ai été outré, et je lui ait dit bien des injures 7 qu'il mérite . Il faut absolument que M. le comte de Choiseul le gronde .
Il est vrai que M. le duc de Richelieu se porte fort bien, et qu’il en a donné de belles preuves . Mais de moi, ce n'est pas de même . De vingt-quatre heures j'en souffre dix-huit . Je griffonne les six autres, et je vous aime tous les moments de ma vie .
V. »
1 A cause d'une tache sur la copie Beaumarchais, l'édition de Kehl place cette lettre en novembre, suivie par les autres éditions .
2 L'un de ces Anglais peut avoir été William Guise (qui sera fait baronnet) ; voir de Beer-Rousseau, page 55 et : https://en.wikipedia.org/wiki/Sir_William_Guise,_5th_Baronet
3 Hérode et Mariamne, II, 5 .Voir : https://books.google.fr/books?id=rEFTAAAAcAAJ&pg=PA95&lpg=PA95&dq=Mariamne,+II,+5+consulter+Dieu,+l%27honneur+et+le+devoir&source=bl&ots=XUaQsEa_tE&sig=IDJM7rQYmdN8Duk11Qq28N6Lpg0&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjIpc_0wbLWAhULaFAKHZj1CDQQ6AEILjAC#v=onepage&q=Mariamne%2C%20II%2C%205%20consulter%20Dieu%2C%20l%27honneur%20et%20le%20devoir&f=false
et autre version différente : page 163 : https://books.google.fr/books?id=qB8HAAAAQAAJ&pg=PA126&lpg=PA126&dq=Mariamne,+II,+5&source=bl&ots=-m2IMy4c8H&sig=leZU8A0NeH_1rwOpQBZFw_s865Q&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiewqaXwLLWAhXRJVAKHaq2CWEQ6AEIVTAM#v=onepage&q=consulter%20dieu&f=false
4 La représentation suivante de la pièce n'eut lieu que le 7 septembre 1763 .
5 A savoir : applaudi .
6 Voir lettre du 14 septembre 1761 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/13/ah-pauvres-francais-rejouissez-vous-car-vous-n-avez-pas-le-s.html
7 Ces « injures » ne sont pas connues .
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