Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15/10/2016

Les vraies passions donnent des forces en donnant du courage

... Que dire de mieux ?

 Afficher l'image d'origine

 

« A Ivan Ivanovitch Schouvalov

A Ferney 24 octobre 17611

Monsieur, ne nous impatientons ni l'un ni l'autre, nous avons tous deux la même passion, nous viendrons à bout de la satisfaire . Jusqu'à ce que Votre Excellence ait rejeté mon idée, je persisterai dans le dessein de faire un volume in-4° de Pierre le Grand , et voici comme je compte procéder . J'aurai l'honneur de vous envoyer ce qui a déjà été imprimé, corrigé à la main suivant vos instructions, avec toute la suite écrite à demi-page , et ensuite, me conformant à vos observations pour cette seconde partie, comme pour la première, je vous dépêcherai sans perte de temps le même volume entièrement corrigé suivant vos ordres . Trouvez-vous cet arrangement de votre goût ? Soyez sûr que vous serez obéi très ponctuellement . Le commentaire sur Corneille est un ouvrage immense ; et je suis bien faible et bien vieux . Mais je trouverai des forces quand il s'agira de Pierre le Grand et de vous . Les vraies passions donnent des forces en donnant du courage .

Votre Excellence a dû recevoir mes tendres et respectueux remerciements pour Mlle Corneille . Elle joue la tragédie comme son grand-père en faisait . Les filles des grands hommes en sont dignes . J'ai un très joli théâtre dans le petit château que j'ai fait bâtir, mais j'ai peur que Votre Excellence ne m'enlève un de mes acteurs . Il y a un nommé Grenier 2, excellent sujet, jeune, sage, jouant des rôles de princes, d'amants, de héros et autres, en perfection ; en avez-vous besoin ? Je vous le cède, il brûle d'envie d'être dans la troupe de Sa Majesté Impériale . Non seulement j'ose répondre qu'il en serait l'ornement, mais qu'il la rendrait excellente encore par son exemple . Vous ne sauriez faire une meilleure acquisition . Si c'est votre bon plaisir monsieur vous pouvez me donner vos ordres et je le ferai partir . Je lui ferai compter pour son voyage ce que vous commanderez .

Si vous avez pris Colberg 3 comme on le dit permettez que je vous fasse mon compliment .

Recevez les tendres respects de votre humble et obéissant serviteur .

Voltaire . »

1 L'essentiel du paragraphe 2 (« J'ai un très joli théâtre ….commanderez ») et la fin («  très humble … Voltaire ») manquent dans toutes les éditions .

2 Grenier est nommé dans une lettre de Marie-Louise Denis à Jean-Robert Tronchin du 4 mars 1761, à côté de Mlle Soulet ; on l'attendait alors à Ferney avec Lekain ; voir aussi lettre du 20 octobre 1761 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/10/07/mettons-le-hors-d-etat-de-nuire-en-faisant-voir-combien-il-v-5856235.html

et la lettre du 10 octobre 1761 aux frères Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/09/30/je-ne-veux-pas-que-vous-jouiez-aux-cartes-le-jour-de-ma-mort-5854769.html

3 Kolberg, sur la Baltique, tomba en effet aux mains des Russes, mais seulement le 16 décembre 1761 .Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Si%C3%A8ge_de_Kolberg

 

14/10/2016

Adieu, réparez le passé, jouissez du présent, formez vous un avenir heureux et aimez

... Et laissez tomber cette course à l'investiture de la présidence, François H* . Cela vaut aussi pour l'excité avide Nico Ier sans oublier Marine fille indigne d'un père délabré. Vous voyez, je ne vous veux aucun mal, et pourtant les motifs d'insatisfactions sont plus nombreux que les nouvelles lois et décrets que vous avez pondus ces dix dernières années , ce qui n'est pas peu dire . Il fut un temps, très bref, où j'ai cru ouïr 'simplification', serais-je atteint de Jeanne d'Arc-éite aigüe ? 

Je viens juste de me rendre compte que je parle comme le Dalaï Lama [sic] qui se désole de voir mis au premier plan tout ce qui va mal et nourrit un pessimisme dégradant .

Oiseaux de mauvais augure, augures mensongers, circulez, on ne veut plus vous voir, ni vous entendre .

 GboxUpdate

Il est temps de débugguer le programme !

 

 

« A François-Pierre Pictet

À Ferney 24 octobre [1761]

Mon cher Russe, si Pierre le Grand et le grand Pierre Corneille, ne prenaient pas tous mes jours et une partie de mes nuits, si des histoires générales, et des tragédies nouvelles, et un théâtre que j'achève de bâtir et un jardin , que j'achève de planter, me laissaient un moment de loisir, il y a longtemps que j'aurais saisi ce moment pour vous répondre, pour vous dire combien je vous regrette, et même combien vous devez regretter notre petit pays, et notre manière de vivre, si libre, si franche, si faite pour l'homme .

Mettez-vous en état de la reprendre . Vous reviendrez à Varembey mais vous reviendrez quand je ne serai plus . Peut-être qu'alors vos prêtres sociniens n'auront plus l'insolence de croire ou de feindre qu'il n'est pas de la dignité d'un membre des quinze cents de jouer Cinna avec ses amis . Vous trouverez votre petite nation plus raisonnable que vous ne l’avez laissée, car la raison gagne de jour en jour et les prêtres perdent . Alors votre Genève sera la plus jolie ville de la terre . En attendant il faut que votre jeunesse vienne se former à Ferney . On vous aura mandé sans doute que vos cuistres de prédicants qu'on appelle la vénérable compagnie ont écrit à la sensée compagnie de Berne pour les conjurer d'empêcher que les histrions de Châtelaine ne soient reçus par Leurs Excellences, et qu'on s'est moqué prodigieusement de vos cuistres .

Mille tendres respects je vous prie à M. de Voronzof . Je viens de boire à la santé de M. de Loudon, et j'ai fait tirer l'artillerie de Ferney . Je trouve la prise de Shwednits la plus belle action de la guerre .

Mme de Bentinck devait venir à cheval me l'annoncer . Si vous approchez d'elle dites-lui je vous prie qu'elle ne méprise plus tant le pays d Gex, et que mon château est plus beau que celui de M. le baron de Thundertentrunchk en Wesphalie et que Mlle Corneille ne lavera jamais les écuelles comme Mlle la baronnette , quoi que M. de Caunits n'ait pas souscrit pour Pierre Corneille .

Adieu, réparez le passé, jouissez du présent, formez vous un avenir heureux et aimez .

V.

Je présente encore une fois mes très tendres respects à M. de Voronzof . Je lui suis attaché comme si j'avais eu l'honneur de le voir toute ma vie . Je lui demande la continuation de ses bontés . »

 

13/10/2016

Encore un autodafé dans ce siècle ! et que dira Candide ?

...

 Afficher l'image d'origine

 Pires que les tremblements de terre et les éruptions, les imbéciles/salopards armés , leur pouvoir de nuisance est sans limite comme leur ignorance crasse .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

24 octobre [1761]

Il était impossible mes chers anges qu'il n'y eût des bêtises dans le petit manuscrit dont je vous ai régalés 1. La rapidité d'Esdras ne lui a pas permis d'éviter les contradictions, ni à moi non plus .

Il y a un Cassandre pour un Antigone à la fin du 4è . Voici la correction toute musquée . Il n'y a qu'à la coller avec quatre petits pains rouges . Je supplie mes anges de m'avertir des autres bêtises .

J'ai lu cette pièce de couvent à M. le duc de Villars et à des hérétiques . Ô dame, c'est qu'on fondait en larmes à tous les actes, et si cela est joué, bien joué, joué, vous m’entendez, avec ces sanglots étouffés, ces larmes involontaires, ces silences terribles, cet accablement de la douleur, cette mollesse, ce sentiment, cette douceur, cette fureur qui passent des mouvements des actrices dans l'âme des écoutants, comptez qu'on fera des signes de croix . Cependant si on ne joue pas Le Droit du seigneur je renonce au tripot . Je crois, Dieu me pardonne, que j'aime Mathurin autant qu'Olympie .

Je ne suis pas fâché qu'on ait brûlé frère Malagrida 2, mais je plains fort une demi-douzaine de Juifs qui ont été grillés . Encore un 3 autodafé dans ce siècle ! et que dira Candide ? Abominables chrétiens, les nègres que vous achetez douze cents francs valent douze cents fois mieux que vous ! Ne haïssez-vous pas bien ces monstres ?

Et l'Espagne ! Pour Dieu un petit mot de l'Espagne . »

1 Charlotte Constant écrit à minuit le 23 octobre 1761 à son mari : « [,,,] Nous avons dîné à Ferney avec le duc [de Villars] . Voltaire nous a lu son admirable tragédie qui est son chef-d’œuvre au dire de tous ceux qui l'ont entendue, même du duc qui comme tu sais n'est pas flatteur . Elle a été imaginée, fait[e] , finie et envoyée à Paris dans six jours ni plus ni moins, tous les actes en feraient un beau cinquième quoiqu’ils s'amènent merveilleusement les uns les autres et que l'intérêt croisse toujours . Le sujet est tout neuf, l'appareil superbe et presque tous les vers admirables . [,,,] ayant pleuré depuis la quatrième scène jusqu'à la dernière j'en suis encore émue et étonnée . Je voudrais bien t'en savoir faire l'analyse mais viens la lire si tu veux . Le titre est Statira fille de Darius et veuve d'Alexandre . »

2 Étrange oraison funèbre de Malagrida, étranglé le 21 septembre au cours d'un autodafé ; il était âgé de soixante-douze ans . Voir lettre de février 1759 à François Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/03/20/tachez-de-nous-honorer-dimanche-de-votre-presence-reelle-5327905.html

3 Texte corrigé ; le manuscrit porte dans pour un .

 

12/10/2016

Il faut que les êtres pensants se rencontrent

... Est-ce pour cela que Poutine n'as pas daigné rencontrer Hollande ? Lequel des deux ne pense pas ? ou plutôt pense  que son homologue n'est pas digne d'être mis sur un pied d'égalité ?

Allez ! salut Vlad' !

 

Deux roseaux penchants (comme dit le Blaise Pascal)

"Nous sommes heureux !

La joie brille dans nos yeux !" [air connu : Marche funèbre de Chopin ]

 

 

 

« Au comte Francesco Algarotti

Chambellan du Roi de Prusse

à Venise

et s'il n'est pas à Venise

à Bologna

Au château de Ferney 24 octobre 1761

J'écris bien rarement de ma pauvre main, caro cigno 1, mais quand j'ai un moment où je souffre un peu moins, ce moment est pour vous . M. Crawford qui vous rendra cette lettre est le parent de ceux qui nous battent, et il est fait pour être au nombre de ceux qui nous instruisent . Il dit qu'il va passer l'hiver en Italie pour sa santé . Mais dans le fond je crois que c'est uniquement pour vous voir . Car assurément ce n'est pas pour voir des moines . Il faut que les êtres pensants se rencontrent . Vous êtes dignes l'un de l'autre , et je vous envie tous deux .

On prétend que vous venez en France au printemps . Passez donc par ma petite retraite avec M. Cravford . Vous y trouverez la liberté que vous aimez, et l'estime, l'amitié, le zèle, l'accueil que vous méritez . Adio , farewell et adieu . Tâchez que votre partisan le plus passionné ne meure point sans avoir la consolation de vous embrasser .

Voltaire . »

1 Cher cygne ; V* nomme Algarotti cygne d'Italie, cygne de Padoue, cygne de Venise, … au gré des lieux habités par celui-ci, tout comme Virgile était surnommé cygne de Mantoue .

 

11/10/2016

Je vous félicite monsieur

... François-Xavier Verger pour votre soin apporté au château de Voltaire à Ferney,  votre souci de rendre ce lieu vivant , et permettre d'accomplir le voeu du Patriarche qui bâtissait pour mille ans !

 

 

« A un destinataire inconnu

Je vous félicite monsieur, vous et M. de Crawford 1 si vous avez le bonheur d'être ensemble . Vous avez le mérite d'être des Anglais . Il a celui des Italiens . Un Français ne serait pas à plaindre s'il se trouvait entre vous deux . Ma santé est toujours déplorable . Je suis un peu consolé quand je peux vous écrire, et je crois que je serais guéri si j'avais le bonheur de vous voir .

Voltaire .

Au château de Ferney 24 octobre 1761 . »

1 John Crawford of Auchinames . Voir : https://en.wikipedia.org/wiki/Clan_Crawford

 

10/10/2016

envoyer cette copie à

... Tout le monde .

Car l'oeuvre et la pensée de Voltaire ne sont pas propriété privée , au contraire .

Au fait, il s'en passe des choses en son château de Ferney : http://france3-regions.francetvinfo.fr/rhone-alpes/ain/le...

 

 © France 3 Rhône-Alpes

 

 

 

« A Monsieur le président

Germain-Gilles-Richard de Ruffey etc.

en son hôtel

à Dijon

[20 octobre 1761] 1

Je supplie monsieur de Ruffey d'envoyer cette copie à M. de La Marche, ancien premier président, quand il l'aura lue . »

1 Cette note est écrite en tête de la copie de la lettre à De Brosses du même jour : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/10/07/vous-vous-preparez-a-accabler-du-poids-de-votre-credit-une-f-5857815.html

 

Il ne peut que me répéter son auri sacra fames

... Maudite soif de l'or !

Afficher l'image d'origine

Et, bis repetita, je vous parie qu'on reverra aux premières places les pires profiteurs de la planète, qu'on leur lèchera les bottes , avant de les déboulonner  trop tard, comme toujours .

 

 

 

 

« A Jean-Philippe Fyot de La Marche

A Ferney , 20 octobre 1761

Monsieur, j'ose à la fois vous remercier de l'arbitrage que vous avez daigné accepter et plaindre M. De Brosses de ne s'y être pas soumis . Je prends la liberté de vous envoyer la lettre que je lui écris . Je suis réduit à n'en faire juge que votre honneur, sans avoir la consolation de voir ce procès terminé par votre bouche . Vous me jugerez en secret, et ce sera tant pis pour celui qui n'a pas voulu votre jugement définitif . Cette affaire est plus grave qu'il ne pense . Il est triste d'être condamné unanimement par tous les gentilshommes de la province, et plus triste encore de l'être dans votre cœur . Je ne vois pas ce qu'il peut répondre . Il ne peut que me répéter son auri sacra fames 1. Mais l'or du pays des fétiches ne vaut pas assurément votre estime, et c'est là ce que j'ambitionne . Je suis avec un profond respect, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur .

Voltaire . »

1 Maudite soif de l'or ; Virgile, Enéide, II, 57 .