29/01/2025
Vous n’êtes informée que des plaisirs de Paris, et je le suis des malheurs de trois ou quatre cent mille âmes qui souffrent dans les provinces
... Telle pourrait être la réponse de M. Bayrou à la bande des socialistes et écologistes qui jouent aux vierges effarouchées pour trouver un prétexte de chantage nouveau d'opposition au budget : https://www.msn.com/fr-fr/actualite/france/submersion-mig...
«Ce ne sont pas les mots qui sont choquants, c'est la réalité»: François Bayrou
"A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand
24è juillet 1769
Je vous ai envoyé en grand secret, madame, la tragédie des Guèbres. Vous me feriez une peine extrême si vous disiez publiquement votre pensée sur cette tolérance dont vous ne vous souciez guère 1, et qui me touche infiniment. Vous n’êtes informée que des plaisirs de Paris, et je le suis des malheurs de trois ou quatre cent mille âmes qui souffrent dans les provinces. On ne veut pas les reconnaître pour citoyens ; leurs mariages sont nuls ; on déclare leurs enfants bâtards. Un jeune homme de la plus grande espérance, plein de candeur et de génie, m’apporta, il y a près de six mois, cet ouvrage que je vous ai envoyé. J’ai beaucoup travaillé avec lui ; je l’ai aidé de mon mieux. Les comédiens allaient jouer la pièce, lorsque des magistrats, qui ont cru reconnaître nos prêtres dans les prêtres païens, s’y sont opposés. Les comédiens étaient enchantés de cet ouvrage, qui est très neuf, et qui aurait été encore plus utile.
Gardez-vous bien, madame, d’être aussi difficile que le procureur du roi du Châtelet. Je crois que cette tragédie sera bientôt imprimée à Paris. On la jouera, si les honnêtes gens la désirent fortement : leur voix dirige à la fin l’opinion des magistrats mêmes. Mes amis feront tout ce qu’ils pourront pour obtenir cette justice. Je vous mets à leur tête, madame, et je vous conjure d’employer pour mon jeune homme toute votre éloquence et toutes vos bontés.
Faites-vous lire la pièce par un bon récitateur 2 de vers. Vous verrez aisément de quoi il s’agit, et vous viendrez à notre secours. Je vous le demande avec la plus vive instance.
Quant à l’Histoire du Parlement, c’est une rapsodie. Les derniers chapitres sont d’un sot et d’un ignorant, qui ne sait ni le français ni l’histoire.
Mon dernier chapitre à moi, c’est de vous aimer très tendrement, et de souhaiter, avec une passion malheureuse, de vous voir et de vous entendre.
Adieu, madame ; cette vie n’est pas semée de roses.
V."
1 On a vu que Mme Du Deffand ne pense pas grand bien des Guèbres ; elle pensait à ce sujet comme Mme de Choiseul ; voir lettre du 3 juillet à Mme la duchesse de Choiseul : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/01/03/les-details-me-pilent-6529523.html
2 Récitateur est un mot ancien employé par Du Bellay et ressuscité par V* ; Littré ne donne comme exemple moderne que celui de ce texte .
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28/01/2025
les derniers chapitres sont un chef-d’œuvre d’erreurs, d’impertinences et de solécismes
... Si les députés socialistes étaient gens de lettres ils auraient peut-être pu justifier ainsi leur opposition au budget proposé ; pour l'instant ils jouent plutôt aux maîtres-chanteurs ( Bardella boit du petit-lait ) : https://www.lesechos.fr/politique-societe/gouvernement/bu...
"A François de Chennevières
23 juillet 1769 1
C’est belle malice à vous, mon cher ami, d’être malade sous les yeux de M. de Sénac 2, c’est crier famine près d’un tas de blé. Cependant, il faut avouer que, quand on serait l’ami intime de toute la famille 3, on n’en serait pas moins exposé à toutes les infirmités dont la nature a doté la race humaine ; j’en sais des nouvelles. J’ai vécu longtemps, mais toujours pour souffrir. Je n’existe aujourd’hui que pour être calomnié ; on m’impute je ne sais quelle Histoire du Parlement, dont les derniers chapitres sont un chef-d’œuvre d’erreurs, d’impertinences et de solécismes. Dieu soit béni ! Voilà le centième ouvrage qu’on m’attribue depuis trois ans. Quand je dicterais jour et nuit, comme Esdras 4, sans fermer la bouche, je n’aurais pu y suffire. Je vous écris à Versailles ; je ne vous crois pas à Compiègne, attendu qu’on ne tuera personne au camp, et que les hôpitaux militaires n’auront rien à faire.
J’habite un petit pays autrefois très inconnu, où l’on n’était malade que des écrouelles ; on y a envoyé des troupes, et avec elles la vérole . Je remercie les bureaux de la Guerre de cette attention.
Bonsoir, mon cher ami ; on dit que vous aurez une très belle salle de spectacle à Versailles, et qu’on se prépare déjà pour les fêtes du mariage de M. le Dauphin. Vous allez être plongé jusqu’au col dans les plaisirs."
1 Copie par Boissy d'Anglas ; éd. Cayrol qui suit un autre manuscrit ancien .
2 Médecin du roi . Voir : C:UsersjeanmarcDownloads9782402570053.pdf
3 L'édition et le second manuscrit portent faculté pour famille ; c'est probablement le bon texte .
4 Esdras, de la classe sacerdotale des Juifs , ramena en Palestine les Hébreux captifs qui n'avaient pas suivi Zorobabel ( 467 av. J.C. ) De retour à Jérusalem il travailla à la restauration du culte et à la révision des Écritures .
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Le cœur ne vieillit point. Soyez sûr que je vous aime autant que je vous suis inutile
... Magnifique formule que seul un Voltaire, modèle d'amitié, a pu exprimer .

Paroles du père de San Antonio, un de mes auteurs favoris
https://fr.pinterest.com/pin/712131759812762025/
"A Michel-Paul-Guy de Chabanon
Plus vous aurez de frères, mon cher ami, mieux ce sera pour les gens qui pensent. Nous avons besoin d’une recrue de gens d’esprit contre les barbares. Il faut que votre soleil de l’Amérique 1 vienne réchauffer notre continent.
J’ai eu affaire, moi qui vous parle, à des barbares welches, qui m’ont imputé une Histoire du Parlement dont les derniers chapitres sont un tissu de faussetés et d’impertinences qui ne sont pas même écrites en français. Vous voyez que j’ai à soutenir la guerre à la fois contre les Perses et contre les Welches. Plût à Dieu qu’on ne me chicanât que sur le Sadder 2 ! Zoroastre ne me fera jamais de mal ; mais les dévots du siècle présent peuvent en faire beaucoup. Réjouissez-vous ; faites des vers comme Tibulle pour vos maîtresses et pour vos amis ; vivez plus longtemps que lui, et souvenez-vous quelquefois du vieil ermite des Alpes. Il est beau à vous, dans le fracas de Paris, de songer à un vieillard qui va se faire enterrer sur le bord du lac Léman. Le cœur ne vieillit point. Soyez sûr que je vous aime autant que je vous suis inutile. Je vous embrasse bien fort, et je suis à vous jusqu’au dernier moment de ma vie.
V.
23è juillet 1769."
1 Chabanon avait habité l’Amérique, il est né à Saint-Domingue : https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Paul_Guy_de_Chabanon
2 Il parle de sa querelle avec l’abbé Foucher ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_Œuvres_complètes_Garnier_tome27.djvu/439
et lettres à Foucher du 30 avril 1769 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/10/30/j-espere-que-vous-serez-content-de-ma-politesse-6520988.html
et du 25 juin 1769 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/12/21/il-a-pardonne-publiquement-a-ceux-qui-l-avaient-calomnie-6528157.html
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27/01/2025
Par quelle fatalité est-il plus aisé de rassembler des laboureurs et des vignerons que des gens qui pensent ?
... Les uns ont les pieds sur terre, les autres la tête dans les nuages ( the clouds, up to date ).

"A Jean Le Rond d'Alembert
Ce 23 de juillet [1769]
La providence fait toujours du bien à ses serviteurs, mon cher philosophe. J’ai beaucoup souffert pour la bonne cause ; j’ai été confesseur, confessé, et presque martyr ; mais le Dieu de miséricorde m’a envoyé un ange consolateur 1. Quoique cet envoyé soit du métier des exterminateurs, c’est un des plus aimables hommes du monde : vous me l’aviez bien dit 2, il y en a peu dans la milice céleste qui lui soient comparables.
Je voudrais qu’il m’eût pris par le peu de cheveux qui me restent, comme Habacuc 3, et qu’il m’eût transporté vers vous. Comme j’irai bientôt dans l’autre séjour de la gloire, je serais très fâché d’en aller prendre possession sans vous avoir embrassé ; mais je vous promets mes prières et mes bénédictions.
Il faut que je vous dise un mot de cette Histoire du Parlement qu’on m’attribue : voici ce que j’en sais très certainement. Des recherches sur l’histoire de France ayant été volées à bonne intention, on les a fait imprimer avec des erreurs et des sottises. C’est une chose très désagréable, et sur laquelle il n’y a d’autre parti à prendre que celui de souffrir et se taire.
L’ombre du chevalier de La Barre apparut ces jours passés à un homme de votre connaissance ; il lui dit :
Heu ! fuge crudeles terras, fuge littus iniquum.4
Notre ami lui répondit :
· · · · · Sed contra audentior ibo.5
Il faudrait avoir établi une ville de philosophes comme Ticho-Brahé fonda Uranibourg. Par quelle fatalité est-il plus aisé de rassembler des laboureurs et des vignerons que des gens qui pensent ? Quoi qu’il en soit, je m’unis de loin à vous dans votre charité philosophique, dans le saint amour de la vérité, et dans l’horreur des cagots.
Ô mes philosophes ! il faudrait marcher serrés comme la phalange macédonienne ; elle ne fut vaincue que parce qu’elle combattit dispersée. Ma consolation est que vous m’aimiez un peu ; moi je vous aime beaucoup, et de toutes mes forces."
1 Le comte de Schomberg, à qui est adressée la lettre du 4 août 1769 : https://www.monsieurdevoltaire.com/2015/09/correspondance-annee-1769-partie-26.html
2 La lettre de d'Alembert annonçant la venue de Schomberg n'est pas connue .
3 Daniel, chapitre xiv, verset 35 : https://www.aelf.org/bible/Dn/14
4 Virgile L'Enéide, III, 44 ( le texte porte avarum à la place de iniquum) . Trad. : Hélas, fuis ces terres cruelles, fuis ce rivage inique .
5 Virgile, L'Enéide, VI, 95 . (le texte porte ito au lieu de ibo) . Trad. : Tout au contraire j'irai avec plus d'audace .
14:26 | Lien permanent | Commentaires (0)
Que faire donc encore une fois ? Ne se plaindre de personne pour ne se point faire de nouveaux ennemis
... Bref résumé de ce que Linagora déclare après des débuts pénibles et indésirables de leur lucie.chat : pas de miaulements ni ronrons mais des couacs ! https://lucie.chat/

Pas de petits fours, mais un four complet, poor Lucie
"A Marie-Louise Denis
22 juillet [1769]1
Ma chère amie, mon indignation redouble chaque jour sur l’aventure des lettres et des derniers chapitres . Comment n'avez-vous pas remarqué que dans une de ces lettres il semble que le comte du Châtelet soit mon fils ? il était pourtant né avant que je connaisse sa mère . Vraiment, ce serait là le dernier coup dans les circonstances où la fortune se plaît à me placer . Plus je réfléchis sur cette complication d'infidélités et de dangers, plus je me dis qu’il faut me taire car si je crie "On m'a volé, on m'a falsifié ! ... -- Ah Ah, me répondra -t-on, ces choses-là sont donc de vous !" Que faire donc encore une fois ? Ne se plaindre de personne pour ne se point faire de nouveaux ennemis , mieux serrer ses papiers ; condamner hautement des chapitres détestables auxquels il est impossible qu'un homme instruit et qui sait un peu écrire ait la moindre part .
Peut-être faudra-t-il un jour engager doucement l'infidèle 2 à rendre d'autres papiers plus importants dont il s'est emparé . mais je suis très sûr qu'à présent il ne faut pas le pousser à bout. Il faut même avoir pitié de lui . M. le duc de Choiseul lui ôterait la pension dont il l'honore et qui est sa seule ressource pour lui et pour sa femme . L'indiscrétion, la mauvaise éducation, la pauvreté et non la mauvaise volonté lui ont fait commettre une assez méchante action .Ensevelissons nous dans le plus profond oubli . Il sera comme Crispin 3 , quelquefois honnête homme et quelquefois fripon . D'ailleurs je n'ai que ma certitude, mais nulle preuve que je puisse alléguer . Quand j'en aurais, je me tairais encore . Ce serait un fracas de tracasseries, une source d'horreurs qu'on ferait naître, si on laissait seulement tomber sur lui des soupçons . Tout cela est triste, me direz-vous . Oui sans doute, mais il me semble qu’on peut s'en tirer avec son innocence, des amis, et un peu d'attention. Il me semble qu'on peut tout réparer en peu de temps ; et qu'on a pris toutes les précautions nécessaires . MM. de Jaucourt et de Schomberg, favoris de M. le duc de Choiseul, lui ont écrit de Ferney sans même m'en prévenir 4 . M. Marin parlera sans doute à M. de Sartines et monsieur le chancelier .
Votre neveu peut aisément désabuser ses confrères . Mon petit billet à M. Marin me parait très convenable . On en peut faire cent copies . Il en faut surtout aux avocats généraux 5 . Voilà, je crois, , les emplâtres qu'on doit mettre sur les blessures que ma facilité et le hasard m'ont faites . J'ajuste sans peine l'affaire de la Duchesne .
J’espère qu'on n'annoncera 6 rien . Je n'aurais pas à présent de quoi me faire enterrer . Je prie Messieurs d’attendre . Bonsoir ma chère amie . J'oubliais de vous dire que j'ai fait pour M. d'Argental ce que j'ai pu ."
1 Manuscrit olographe . La date est de la main de Mme Denis .
2 La Harpe ; voir lettre du 22 juillet 1769 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/01/24/on-s-en-est-servi-on-a-supplee-on-a-ajoute-on-a-broche-brode-6532437.html
3 Rôle du personnage de la Comédie-Française qu'on dit avoir été inventé par Raymond Poisson ; c'est celui d'un valet ingénieux et pas très scrupuleux . V* peut penser spécialement au Crispin de Crispin rival de son maître, de Le Sage, 1707 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Crispin_rival_de_son_maître
4 Cette lettre n'est pas connue .
5 Les mots Il en faut surtout aux avocats généraux sont placés en interligne ; voir lettre à d'Argental du 22 juillet 1769 .
6 V* semble utiliser le mot au sens légal "en vue d'une saisie".
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26/01/2025
Théologal insupportable, Quel dogme nous annonces-tu ! Moins de dogme, et plus de vertu : Voilà le culte véritable
... Entends-tu Trump, faux jeton, chrétien en peau de lapin ?
"A Paul-Claude Moultou
à Genève
22è juillet 1769 1
Mon cher philosophe, notre Zurichois 2 ira loin. Il marche à pas de géant dans la carrière de la raison et de la vertu. Il a mangé hardiment du fruit de l’arbre de la science, dont les sots ne veulent pas qu’on se nourrisse, et il n’en mourra pas. Un temps viendra où sa brochure sera le catéchisme des honnêtes gens. On dira à tout théologien :
Théologal insupportable,
Quel dogme nous annonces-tu !
Moins de dogme, et plus de vertu :
Voilà le culte véritable .3
Je vous embrasse toujours en Zaleucus, en Confucius, en Platon, en Marc-Aurèle, et non en Augustin, en Jérôme, en Athanase.
V."
1 Manuscrit olographe sauf l’adresse . Moultou a porté sur le manuscrit : "Voilà mon cher ami la lettre de M. de Voltaire. Elle est de sa propre main . Je vous embrasse de tout mon cœur. N'oubliez pas mon cher Garcin. Il est à Paris. Embrassez-vous bien pour moi et en moi comme les deux meilleurs amis de mon cœur et Mme de V. Qu’elle se trompe sur mon compte ! elle ne m'est que trop chère . Le 22 juillet ." . Il adressait sa lettre à "Mme de Vermenoux la jeune pour M. Meister / rue des Petits-Champs vis-à-vis / de M. Saint-Julien / à Paris."
2 Jacob-Heinrich Meister, né le 6 août 1744, avait publié, sans y mettre son nom, l’Origine des principes religieux, Zurich, 1778, in-8°.
Voir : https://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/565-jakob-meister
3 Voltaire a déjà cité ces vers dans une autre version dans ses Remontrances du corps des pasteurs de Gévaudan à A.-J. Rustan ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_Œuvres_com...
00:31 | Lien permanent | Commentaires (0)
25/01/2025
On s’en est servi, on a suppléé, on a ajouté, on a broché, brodé comme on a pu . On a vendu le tout
... Paroles de sénateur après avoir adopté le projet de loi des finances : https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/textes-legisl...
Qu'on se le dise !
"A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
22 juillet [1769]
Mon cher ange, sur votre lettre du 13, je vous renvoie à Mme Denis. Je lui ai confié une partie du mystère d’iniquité 1. Je ne l’ai su que par elle. En vérité tout est un jeu de hasard dans ce monde, ou peu s’en faut.
La Duchesne, bonne imbécile, consulte Mme Denis sur un recueil de mes lettres 2 qu’on lui a vendu, et qu’elle veut imprimer. Je ne reçois ce beau recueil par Mme Denis 3 que le 19 du mois. Je vois alors qu’on m’a volé beaucoup de manuscrits, et entre autres ces lettres, peu faites assurément pour voir le jour, et un gros manuscrit de recherches sur l’histoire, par ordre alphabétique. La lettre P était fort ample 4. On s’en est servi, on a suppléé, on a ajouté, on a broché, brodé comme on a pu . On a vendu le tout.
L’auteur 5 de toute cette manœuvre m’est assez connu, mais je dois absolument me taire. On me dirait : « Vous avouez qu’on vous a volé ces lettres : donc elles sont de vous ; vous avouez qu’on vous a volé le recueil P : donc il est de vous. » De plus, que de noirceurs nouvelles on ajouterait à la première ! on ne s’arrête pas dans le chemin du crime. Cette affaire deviendrait un labyrinthe horrible dont je ne pourrais me tirer. Je n’ai que la certitude entière qu’on a trahi l’hospitalité. Je n’ai point de preuves juridiques, et, quand j’en aurais, elles ne serviraient qu’à me plonger dans un abîme, et les cagots m’y égorgeraient à leur plaisir.
Je n’ai donc d’autre parti à prendre que celui de me justifier sans accuser personne.
Je vous jure, mon cher ange, que je n’ai pas la moindre petite part à ces derniers chapitres. Je les trouve croqués, plats, faux, ridicules, insolents, et je le dis, et je ferai encore plus.
Ce petit mot écrit a M. Marin 6 me paraît déjà un léger appareil sur la blessure qu’on m’a faite. Il me semble qu’on ne peut trop faire courir mon billet à M. Marin chez les personnes intéressées. Je voudrais que M. l’abbé de Chauvelin en eût 7 des copies, et qu’on en donnât aux avocats généraux. Mon neveu d’Hornoy 8 peut y servir beaucoup. On a déjà prévenu les coups que l’on pourrait porter du côté de la cour. Je compte sur la voix de mes anges, beaucoup plus que sur tout le reste. Elle est accoutumée à soutenir la vérité et l’amitié ; elle a toujours été ma plus grande consolation. J’ai résisté à des secousses plus violentes. J’ai pour moi mon innocence et mes anges ; je puis paraître hardiment devant Dieu.
Ah ! mon cher ange, que me dites-vous sur le bonheur que j’ai eu de vous offrir 9 un petit service . Vous êtes mille fois trop bon.
V."
1 Lettre du 8 juillet 1769 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/01/12/il-faut-se-resigner-et-agir-6530715.html
2 Je n’ai pas connaissance que ce recueil de lettres ait été imprimé. (Beuchot.)
3 Ces trois mots sont une addition interligne sur le manuscrit.
4 L’Histoire du Parlement de Paris.
5 Voltaire veut parler de La Harpe, qui, en 1768, lui avait dérobé quelques manuscrits ( voir page 17 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_Œuvres_complètes_Garnier_tome27.djvu/ ); mais La Harpe n’était pour rien dans la publication de l’Histoire du Parlement.
Voir lettre du 8 juillet à Mme Denis .
6 Lettre à Marin du 5 juillet 1769 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/01/06/la-multitude-des-ouvrages-inutiles-est-si-immense-que-la-vie-6529896.html
7 V* a corrigé en eût en et que les avocats généraux en eussent . Il est revenu ensuite au texte initial .
8 Conseiller au parlement.
9 Voltaire lui avait prêté 10,000 francs.
Voir lettre du 7 juillet 1769 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/01/08/vous-ne-sauriez-croire-quelle-consideration-le-ministere-de-france-a-chez-l.html
00:05 | Lien permanent | Commentaires (0)

