Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

02/12/2024

tenir prêt vingt mille francs que je dois

... Paroles du CA de Stellantis . Goutte d'eau pour le riche démissionnaire Carlos Tavares qui va toucher quelques millions . Ecoeurant ! Le prix des voitures n'est pas prêt de baisser , et les salaires des ouvriers augmenté quand on gave de tels individus . Quel impôt va-t-on pouvoir prendre à ce lascar ?

https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-decryptage-eco/ecarte-par-stellantis-carlos-tavares-part-avec-un-bonus-chiffre-en-dizaines-de-millions-d-euros_6903365.html

 

 

 

« A Jacob Bouthillier de Beaumont

etc.,

Banquier

à Genève

Je vous prie, monsieur, de vouloir bien tenir prêt vingt mille francs que je dois payer à M. de Laborde le 20 juin préfix. Je lui envoie une lettre de change de cette somme sur vous . Je compte en remettre une plus considérable entre vos mains au mois d'août .

J'ai l’honneur d'être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire.

A Ferney 29è mai 1769. »

Je ne suis point du métier des meurtriers

... Ne pas me compter parmi les engagés en Syrie contre Bachar al Assad, trop de nos jeunes s'y sont laissé attirer , encore un sale coin de la planète où Poutine sait larguer des bombes et Erdogan canonner :

https://www.lemonde.fr/international/article/2024/12/01/en-syrie-alep-deuxieme-ville-du-pays-echappe-au-controle-du-regime-selon-l-observatoire-syrien-des-droits-de-l-homme_6423598_3210.html

 

 

 

« A Catherine II, impératrice de Russie

À Ferney, 27è mai 1769 1

La lettre dont Votre Majesté impériale m’honore, en date du 15 avril 2, m’a fait plus de bien que le mois de mai. Le beau temps ranime un peu les vieillards, mais vos succès me donnent des forces. Vous daignez me dire que vous sentez que je vous suis attaché ; oui, madame, je le suis et je dois l’être indépendamment de toutes vos bontés ; il faudrait être bien insensible pour n’être pas touché de tout ce que vous faites de grand et d’utile. Je ne crois pas qu’il y ait dans vos États un seul homme qui s’intéresse plus que moi à l’accomplissement de tous vos desseins.

Permettez-moi de vous dire, sans trop d’audace, qu’ayant pensé comme vous sur toutes les choses qui ont signalé votre règne, je les ai regardées comme des événements qui me devenaient en quelque façon personnels. Les colonies, les arts de toute espèce, les bonnes lois, la tolérance, sont mes passions ; et cela est si vrai qu’ayant, dans mon obscurité et dans mon hameau, quadruplé le petit nombre des habitants, bâti leurs maisons, civilisé des sauvages, et prêché la tolérance, j’ai été sur le point d’être très violemment persécuté par des prêtres. Le supplice abominable du chevalier de La Barre, dont Votre Majesté impériale a sans doute entendu parler, et dont elle a frémi, me fit tant d’horreur que je fus alors sur le point de quitter la France et de retourner auprès du roi de Prusse. Mais aujourd’hui, c’est dans un plus grand empire que je voudrais finir mes jours.

Que Votre Majesté juge donc combien je suis affligé, quand je vois les Turcs vous forcer à suspendre vos grandes entreprises pacifiques pour une guerre qui, après tout, ne peut être que très dispendieuse, et qui prendra une partie de votre génie et de votre temps.

Quelques jours avant de recevoir la lettre dont je remercie bien sensiblement Votre Majesté, j’écrivis à M. le comte de Shouvalof[2]3, votre chambellan, pour lui demander s’il était vrai qu’Azoph fût entre vos mains. Je me flatte qu’à présent vous êtes aussi maîtresse de Taganrok 4.

Plût à Dieu que Votre Majesté eût une flotte formidable sur la mer Noire ! Vous ne vous bornerez pas sans doute à une guerre défensive ; j’espère bien que Moustapha sera battu par terre et par mer. Je sais bien que les janissaires passent pour de bons soldats ; mais je crois les vôtres supérieurs. Vous avez de bons généraux, de bons officiers, et les Turcs n’en ont point encore : il leur faut du temps pour en former. Ainsi toutes les apparences font croire que vous serez victorieuse. Vos premiers succès décident déjà de la réputation des armes, et cette réputation fait beaucoup. Votre présence ferait encore davantage. Je ne serais point surpris que Votre Majesté fît la revue de son armée sur le chemin d’Andrinople . Cela est digne de vous. La législatrice du Nord n’est pas faite pour les choses ordinaires. Vous avez dans l’esprit un courage qui me fait tout espérer.

J’ai revu l’ancien officier 5 qui proposa des chariots de guerre dans la guerre de 1756. Le comte d’Argenson, ministre de la guerre, en fit faire un essai. Mais comme cette invention ne pouvait réussir que dans de vastes plaines, telles que celles de Lutzen, on ne s’en servit pas. Il prétend toujours qu’une demi-douzaine seulement de ces chars, précédant un corps de cavalerie ou d’infanterie, pourrait déconcerter les janissaires de Moustapha, à moins qu’ils n’eussent des chevaux de frise devant eux. C’est ce que j’ignore. Je ne suis point du métier des meurtriers ; je ne suis point homme à projets ; je prie seulement Votre Majesté de me pardonner mon zèle. D’ailleurs il est dit, dans un livre 6 qui ne ment jamais, que Salomon avait douze mille chars de guerre dans un pays où il n’y eut avant lui que des ânes 7.

Et il est dit encore, dans le beau livre des Juges 8, qu’Adonaï était victorieux dans les montagnes ; mais qu’il fut vaincu dans les vallées, parce que les habitants avaient des chars de guerre.

Je suis bien loin de désirer une ligue contre les Turcs ; les croisades ont été si ridicules qu’il n’y a pas moyen d’y revenir ; mais j’avoue que si j’étais Vénitien, j’opinerais pour envoyer une armée en Candie pendant que Votre Majesté battrait les Turcs vers Yassi ou ailleurs ; si j’étais un jeune empereur des Romains, la Bosnie et la Servie me verraient bientôt, et je viendrais ensuite vous demander à souper à Sophie ou à Philippopolis de Romanie, après quoi nous partagerions à l’amiable.

Je vous supplierais de permettre que le nonce du pape en Pologne, qui a déchaîné si saintement les Turcs contre la tolérance, fût du souper : car je suppose qu’il serait votre prisonnier. Je crois, madame, que Votre Majesté lui en dirait tout doucement de bonnes sur l’horreur et l’infamie d’avoir excité une guerre civile pour ravir aux dissidents les droits de la patrie, et pour les priver d’une liberté que la nature leur donnait, et que vos bienfaits leur avaient rendue ; je ne sais rien de si honteux et de si lâche dans ce siècle. On dit que les jésuites polonais ont eu une grande part aux Saint-Barthélémy continuelles qui désolent ce malheureux pays. Ma seule consolation est d’espérer que ces turpitudes horribles tourneront à votre gloire : ou je me trompe fort, ou vos ennemis ne seront parvenus qu’a faire graver sur vos médailles : Triomphatrice de l’empire ottoman, et pacificatrice de la Pologne. 

Je viens à mon jeune Gallatin pour lequel je me jette aux pieds de Votre Majesté, en vous faisant les remerciements les plus sincères . Je veux qu'il apprenne le russe et l’allemand dans vos États, et non pas en Saxe . Je voudrais pouvoir multiplier le nombre de vos sujets . Il a trop d'esprit pour vouloir rien apprendre du fatras des universités allemandes, qui sont encore plus ridicules que les nôtres : des écoles dont le première est la théologie, sont les petites-maisons de Paris, ou le Bedlam de Londres . Je ne sais pas comment on appelle les petites-maisons de Moscou , mais je sais bien qu'il aurait fallu y renfermer tous vos théologiens, si vos lois et votre puissance n'avaient fait pénétrer la raison dans les repaires de la démence .

La mère du jeune Gallatin m'écrit dans ce moment que son fils qui s'est fait inoculer a eu deux grains de petite vérole dans les yeux . Je ne voudrais pas présenter à Votre Majesté un borgne . J'attendrai qu'il soit guéri de cet accident qui est assez considérable . Que votre Majesté Impériale daigne agréer les sincères remerciements, l'attachement et le profond respect du solitaire de Ferney.»

1 Minute partiellement autographe ; copie contemporaine, seule à comporter les deux derniers paragraphes ; éd. Kehl ; Liublinski .

3 Cette lettre manque.

4 C’est dans cette ville que l’empereur Alexandre, petit-fils de Catherine, est mort le 1er décembre 1825. (Beuchot.)

6 La Bible ; III, Rois ; et II, Paralip. .

7 Sur les mille quatre-cents chars de guerre de Salomon, voir le Premier Livre des Rois, X, 26

8 Adonaï est dans la Bible un des noms du Seigneur ; V* commet-il  ici une inadvertance ? Voir en tout cas un autre emploi du nom Adonaï dans la lettre du 11 septembre 1769 à d'Argental : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/09/correspondance-annee-1769-partie-31.html

01/12/2024

Je suis persuadé qu'en y consacrant à votre loisir quelques matinées, vous en ferez un ouvrage qui restera

... La loi sur le budget , bien sûr . Et non pas la mention de censure désespérante et ruineuse réclamée par des bas de plafond .

 

 

« A Michel-Paul-Guy de Chabanon

26è mai 1769

Vraiment , mon cher ami, cette scène était nécessaire, elle doit faire un grand effet, elle justifie l'impératrice . Peut-être quand il s’agira de la faire jouer ajouterez-vous encore quelque nuances dans les caractères d'Eudoxie, de Maxime, et de l'ambassadeur. Ce sont ces nuances délicates qui assurent le succès . Vous joindrez de nouveaux détails à ceux qui font déjà le mérite de la pièce . Je suis persuadé qu'en y consacrant à votre loisir quelques matinées, vous en ferez un ouvrage qui restera au théâtre .

Votre divertissement pour les écoles gratuites 1 est non seulement d'un bon citoyen, mais d'un très aimable poète .

La petite et honnête correction 2 est très justement adressée à l'abbé Foucher . Plût à Dieu que je n'eusse à combattre que des antiquaires ! Les dévots sont plus à craindre . Il y a des Troyens qui forcent quelquefois les Grecs à jouer le rôle de Sinon 3 . Vive memor mei 4.

V. »

1 Ce divertissement destiner à collecter des fonds pour les écoles de dessin gratuites fut représenté le 22 novembre 1769 ; voir les Mémoires secrets en date du 19 et 24 novembre 1769 ; voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6531621s/f25.item....

et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6531621s/f29.item.r=24%20novembre%201769

3 Sinon est le traître qui fit introduire le fameux cheval de bois à l'intérieur de Troie .

4 Vis en te souvenant de moi .

30/11/2024

vingt personnes ... en parlant toutes ensemble, selon la coutume, criaient : « Nous sommes à Corte

... Sauf énorme erreur de trajet François n'ira pas à Corte et pourra dire : "Simu in Aiacciu è trionfarà di tuttu ! "

 

 

« A Louise-Honorine Crozat du Châtel, duchesse de Choiseul

Madame,

Aujourd’hui il est venu vingt personnes dans ma boutique, qui, en parlant toutes ensemble, selon la coutume, criaient : « Nous sommes à Corte 1, et il triomphera de tout ! » Je leur dis : « Je ne sais pas ce que c’est que Corte. »

Ma benche fossi guardian degli orti,
Vidi è connobbi pur l’inique corti.2

« Je vous dis, me répliquèrent-ils, qu’il sera appelé Corsicus 3, en dépit de l’envie. » Je n’entends rien à tout cela, madame ; mais j’ai cru devoir vous en donner avis, à cause de la grande joie dont j’ai été témoin, et à cause que j’ai l’honneur d’être par hasard votre typographe, me signant avec un profond respect,

madame,

de votre très humble et très obéissant serviteur.

Guillemet.

À Lyon, ce 24 mai 1769, en ma boutique. »

1 Ville de Corse, siège du gouvernement de Paoli depuis 1755, venait d’être prise par les troupes françaises.

2 D'après Le Tasse, La Jérusalem délivrée, VII, 95-96 : Mais bien que je fusse intendant des jardins, / Pourtant j'ai connu l'iniquité des cours .

3 « Le Corse » comme Scipion avait été surnommé « l »Africain » après avoir vaincu Carthage .

29/11/2024

On dit que nous aurons bientôt des choses très curieuses qui pourront faire beaucoup de bien

... La visite du pape en Corse ? Le bon exemple du président Macron qui laisse à l'archevêque Laurent Ulrich l'honneur de le précéder en entrant à Notre-Dame ?

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

24 de mai [1769] 1

Il y a longtemps que le vieux solitaire n’a écrit à son grand et très cher philosophe. On lui a mandé que vous vous chargiez d’embellir une nouvelle édition de l’Encyclopédie 2: voilà un travail de trois ou quatre ans. Carpent ea poma nepotes 3

Il est bon, mon aimable sage, que vous sachiez qu’un M. de La Bastide, l’un des enfants perdus de la philosophie, a fait à Genève le petit livre ci-joint 4, dans lequel il y a une lettre à vous adressée 5, lettre qui n’est pas peut-être un chef-d’œuvre d’éloquence, mais qui est un monument de liberté 6. On débite hardiment ce livre dans Genève, et les prêtres de Baal n’osent parler. Il n’en est pas ainsi des prêtres savoyards. Le petit-fils de mon maçon, devenu évêque d’Annecy, n’a pas, comme vous savez, le mortier liant ; c’est un drôle qui joint aux fureurs du fanatisme une friponnerie consommée, avec l’imbécillité d’un théologien né pour faire des cheminées ou pour les ramoner. Il a été porte-Dieu à Paris, décrété de prise de corps, ensuite vicaire, puis évêque. Ce scélérat a mis dans sa tête de faire de moi un martyr. Vous savez qu’il écrivit contre moi au roi l’année passée ; mais ce que vous ne savez pas, c’est qu’il écrivit aussi au Pantalon-Rezzonico, et qu’il employa en même temps la plume d’un ex-jésuite nommé Nonnotte. Il y eut un bref du pape dans lequel je suis très clairement désigné, de sorte que je fus à la fois exposé à une lettre de cachet et à une excommunication majeure : mais que peut la calomnie contre l’innocence ? La faire brûler quelquefois, me direz-vous ; oui, il y en a des exemples dans notre sainte et raisonnable religion : mais n’ayant pas la vocation du martyre, j’ai pris le parti de m’en tenir au rôle de confesseur, après avoir été fort singulièrement confessé.

Or voyez, je vous prie, ce que c’est que les fraudes pieuses. Je reçois dans mon lit le saint viatique, que m’apporte mon curé devant tous les coqs de ma paroisse ; je déclare, ayant Dieu dans ma bouche , que l’évêque d’Annecy est un calomniateur, et j’en passe acte par-devant notaire : voilà mon maçon d’Annecy furieux, désespéré comme un damné, menaçant mon bon curé, mon pieux confesseur, et mon notaire. Que font-ils ? ils s’assemblent secrètement au bout de quinze jours, et ils dressent un acte dans lequel ils assurent par serment qu’ils m’ont entendu faire une profession de foi 7, non pas celle du vicaire savoyard, mais celle de tous les curés de Savoie (elle est en effet du style d’un ramoneur). Ils envoient cet acte au maçon sans m’en rien dire, et viennent ensuite me conjurer de ne les point désavouer. Ils conviennent qu’ils ont fait un faux serment pour tirer leur épingle du jeu. Je leur remontre qu’ils se damnent, je leur donne pour boire, et ils sont contents.

Cependant ce polisson d’évêque, à qui je n’ai pas donné pour boire, jure toujours comme un diable qu’il me fera brûler dans ce monde-ci et dans l’autre. Je mets tout cela aux pieds de mon crucifix ; et, pour n’être point brûlé, je fais provision d’eau bénite. Il prétend m’accuser juridiquement d’avoir écrit deux livres brûlables, l’un qui est publiquement reconnu en Angleterre pour être de milord Bolingbroke ; l’autre, la Théologie portative 8, que vous connaissez, ouvrage, à mon gré, très plaisant, auquel je n’ai assurément nulle part, ouvrage que je serais très fâché d’avoir fait, et que je voudrais bien avoir été capable de faire 9.

Quoique cet énergumène soit Savoyard et moi Français, cependant il peut me nuire beaucoup, et je ne puis que le rendre odieux et ridicule : ce n’est pas jouer à un jeu égal. Toutefois j’espère que je ne perdrai pas la partie, car heureusement nous sommes au XVIIIe siècle, et le maroufle croit être au XIVe. Vous avez encore à Paris des gens de ce temps-là ; c’est sur quoi nous gémissons. Il est dur d’être borné aux gémissements ; mais il faut au moins qu’ils se fassent entendre, et que les bœufs-tigres 10 frémissent. On ne peut élever trop haut sa voix en faveur de l’innocence opprimée.

On dit que nous aurons bientôt des choses très curieuses qui pourront faire beaucoup de bien, et auxquelles il faudra que tous les gens de lettres s’intéressent ; j’entends les gens de lettres qui méritent ce nom. Vous, qui êtes à leur tête, mon cher ami, priez Dieu que le diable soit écrasé, et mettez, autant que la prudence le permet, votre puissante main à ce très saint œuvre.

Je vous embrasse bien tendrement, et je ne me console point de finir ma vie sans vous revoir. »

1Édition Kehl qui supprime la référence à Biord ; Renouard donne la version présente .

2 L'édition Panckoucke .

3 Mes arrières-neveux cueilleront ces fruits . Virgile., Églogues, IX, 50 : https://www.france-pittoresque.com/spip.php?article13503

4 Réflexions philosophiques sur la marche de nos idées : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bd6t53786837/f5.item

On les trouve dans le tome VIII de l’Évangile du jour : https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27%C3%89vangile_du_jour

L’édition dont parle Voltaire doit être une édition séparée. (Beuchot.)

Voir lettre du 4 juin 1769 à d'Alembert : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/08/correspondance-avec-d-alembert-partie-53.html

5 Lettre d’un avocat genevois à M. d’Alembert ; elle est aussi dans le tome VIII de l’Évangile du jour.

6 D'après l'édition Renouard qui est certainement fidèle, V* a ajouté ici en note : « Elle est d’un avocat nommé Mallet. Cela va faire un beau bruit dans le tripot de Genève. ».

7 Voltaire reparle de cette profession de foi, en patois savoyard, dans sa lettre du 21 octobre 1772 (https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1772/Lettre_8651), et aussi dans son Épître à Horace ; https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome10.djvu/45

9 Pourtant sur la page de titre de cet ouvrage V* a porté « livre dangereux », et cela correspond certainement à son opinion, au moins un peu plus tard .

10 Denis-Louis Pasquier .

28/11/2024

Le jeune homme regarde cet ouvrage comme une chose assez essentielle, parce qu’au fond quatre ou cinq cent mille personnes sentiront bien qu’on a parlé en leur nom

... A quelques centaines de milliers près . Bardella et son bouquin qui disparaitra à brève échéance ?  Ou son accord pour émettre une mention de censure gouvernementale , juste par intérêt à courte vue , qui mettra les Français dans une mouise mémorable pour longtemps ?

images.jpg

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

23 mai 1769

Mes chers anges, je réponds à tous les articles de votre lettre du 15 de mai. Parlons d’abord des Guèbres ; Zoroastre m’intéresse plus que Luchet 1.

Le jeune homme regarde cet ouvrage comme une chose assez essentielle, parce qu’au fond quatre ou cinq cent mille personnes sentiront bien qu’on a parlé en leur nom, et que quatre ou cinq mille philosophes sentiront encore mieux que c’est leur sentiment qu’on a exprimé. Il a donc, depuis sa dernière lettre, passé huit jours à tout réformer . Il a corrigé toutes les fautes qui se glissent nécessairement dans les ouvrages de ce genre, avant qu’ils aient été polis avec le dernier soin ; termes impropres, mots répétés, contradictions apparentes rectifiées, entrées et sorties mieux ménagées, additions nécessaires, rien n’a été oublié. Il faudrait donc encore faire une nouvelle copie. On prend le parti de faire imprimer la pièce à Genève. L’auteur et l’éditeur me la dédient 2. Ce qu’on me dit dans la dédicace était d’une nécessité absolue dans la situation où je me trouve. Cette édition sera pour les pays étrangers, et pour quelques provinces méridionales de France. L’édition de Paris sera pour Paris, et doit valoir honnêtement à M. Marin et à M. Lekain. Je vous enverrai dans huit ou dix jours la préface, l’épître dont on m’honore 3, et la pièce.

Vous me parlez d’un nommé Josserand : je ne savais pas qu’il existât, encore moins les obligations qu’il vous avait. On ne me mande rien dans mon tombeau. Ce Josserand m’écrivit, il y a près d’un mois, de lui envoyer un billet sur Laleu 4 ; j’en donnai un autre à la nommée Suisse, son associée.

À l’égard des Scythes 5, je baise le bout de vos ailes avec la plus tendre reconnaissance. Si Mlle Vestris joue bien, je ne désespère pas du succès.

À l’égard du déjeuner 6, je vous répète qu’il était indispensable. Vous ne savez pas avec quelle fureur la calomnie sacerdotale m’a attaqué. Il me fallait un bouclier pour repousser les traits mortels qu’on me lançait. Voulez-vous toujours oublier que je suis dans un diocèse italien, et que j’ai dans mon portefeuille la copie d’un bref de Rezzonico contre moi ? voulez-vous oublier que j’allais être excommunié comme le duc de Parme et vous ? voulez-vous oublier enfin que, lorsqu’on mit un bâillon à Lally, et qu’on lui eut coupé la tête pour avoir été malheureux et brutal, le roi demanda s’il s’était confessé ? voulez-vous oublier que mon évêque savoyard, le plus fanatique et le plus fourbe des hommes, écrivit contre moi au roi, il y a un an, les plus absurdes impostures ; qu’il m’accusa d’avoir prêché dans l’église où son grand-père le maçon a travaillé ? Il est très faux que le roi lui ait fait répondre, par M. de Saint-Florentin, qu’il ne voulait pas lui accorder la grâce qu’il demandait. Cette grâce était de me chasser du diocèse, de m’arracher aux terres que j’ai défrichées, à l église que j’ai rebâtie, aux pauvres que je loge et que je nourris. Le roi lui fit écrire qu’il me ferait ordonner de me conformer à ses avis ; c’est ainsi que cette lettre 7 fut conçue. L’évêque-maçon a eu l’indiscrétion inconcevable de faire imprimer la lettre de M. de Saint-Florentin. Ce polisson de Savoyard a été autrefois porte-Dieu a Paris, et repris de justice pour les billets de confession. Il s’est joint avec un misérable ex-jésuite, nommé Nonnotte, excrément franc-comtois, pour obtenir ce bref dont je vous ai parlé. Ils m'ont imputé les livres les plus abominables : ils auront beau faire, je suis meilleur chrétien qu’eux ; je leur pardonne comme à La Bletterie. J’édifie tous les habitants de mes terres, et tous les voisins, en communiant. Ceux que leurs engagements empêchent d’approcher de ce sacrement auguste ont une raison valable de s’en abstenir ; un homme de mon âge n’en a point après douze accès de fièvre. Le roi veut qu’on remplisse ses devoirs de chrétien : non-seulement je m’acquitte de mes devoirs, mais j’envoie mes domestiques catholiques régulièrement à l’église, et mes domestiques protestants régulièrement au temple : je pensionne un maître d’école pour enseigner le catéchisme aux enfants. Je me fais lire publiquement l’Histoire de l’Église’' et les Sermons de Massillon à mes repas 8. Je mets l’imposteur d’Annecy hors de toute mesure, et je le traduirai hautement au parlement de Dijon s’il a l’audace de faire un pas contre les lois de l’État. Je n’ai rien fait et je ne ferai rien que par le conseil de deux avocats, et ce monstre sera couvert de tout l’opprobre qu’il mérite. Si par malheur j’étais persécuté , ce qui est assez le partage des gens de lettres qui ont bien mérité de leur patrie, plusieurs souverains, à commencer par le pôle, et à finir par le quarante-deuxième degré 9, m’offrent des asiles. Je n’en sais point de meilleur que ma maison et mon innocence ; mais enfin tout peut arriver. On a pendu et brûlé le conseiller Anne Du Bourg 10. L’envie et la calomnie peuvent au moins me chasser de chez moi ; et, à tout hasard, il faut avoir de quoi faire une retraite honnête.

C’est dans cette vue que je dois garder le seul bien libre qui me reste ; il faut que j’en puisse disposer d’un moment à l’autre : ainsi, mes chers anges, il m’est impossible d’entrer dans l’entreprise Luchette 11.

Je sais ce qu’ont dit certains barbares ; et, quoique je n’aie donné aucune prise, je sais ce que peut leur méchanceté. Ce n’est pas la première fois que j’ai été tenté d’aller chercher une mort paisible à quelques pas des frontières où je suis ; et je l’aurais fait, si la bonté et la justice du roi ne m’avaient rassuré.

Je n’ai pas longtemps à vivre ; mais je mourrai en remplissant tous mes devoirs, en rendant les fanatiques exécrables, et en vous chérissant autant que je les abhorre. »

1 Le marquis de Luchet qui a engagé des fonds dans une entreprise minière . Voir : https://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/532-jean-pierre-luchet

2 « Gabriel Grasset et associés » éditeurs de la première édition des Guèbres .

3 La dédicace des Guèbres ; voyez tome VI, page 487 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvre...

5 Les Scythes ne devaient être repris que le 21 février 1770 .

6 La communion pascale du 1er avril 1769.

7 Une lettre du 14 juin 1768 adressée par Louis Phélipeaux à Jean-Pierre Biord disant : « Sa majesté n'a pu qu'applaudir aux sages conseils que vous avez donnés à M. de Voltaire […]. »

8 A moins quelquefois . Le 7 juin 1769 Georges-Louis Lesage écrit à Delalande à Paris : « M. de Voltaire, ayant l'autre jour à dîner la femme du président au parlement de Bourgogne, parlement qui a été quelquefois sur le point de le chagriner à l'occasion de son indévotion : il demande à la compagnie la permission de se conformer à l'usage établi dans la maison de se faire lire un sermon d'abord après la soupe, et il ne leur en fit pas grâce d'une syllabe . » ( minute olographe, Genève ).

9 C'est-à-dire la Russie et la Prusse .

11 L’affaire des mines du marquis de Luchet.

27/11/2024

Sachez qu’il lui passe tant de sottises, de misères, de bêtises devant les yeux, que vous ne devez pas en augmenter le nombre

... Voir les priorités élyséennes : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/liberte-egalite-fra...

 

 

 

« A Louise-Honorine Crozat de Châtel, duchesse de Choiseul

Lyon 20 mai1769

Madame, rapport que Votre Excellence m’a ordonné de lui envoyer les livrets facétieux qui pourraient m’arriver de Hollande, je vous dépêche celui-ci 1, dans lequel il me paraît qu’il y a force choses concernant la cour de Rome, dans le temps qu’on s’y réjouissait, et que le Saint-Esprit créait des papes de trente-cinq ans. Ce livret vient à propos dans un temps de conclave.

Je me doute bien que monseigneur votre époux n’a pas trop le temps de lire les aventures d’Amabed et d’Adaté 2, et d’examiner si les premiers livres indiens ont environ cinq mille ans d’antiquité. Des courriers qui ont passé dans ma boutique m’ont dit que madame était à Chanteloup, et que, dans son loisir, elle recevrait bénignement ces feuilles des Indes.

Pendant que je faisais le paquet, il a passé trois capitaines du régiment des gardes-suisses qui disaient bien des choses de monseigneur votre époux. J’écoutais bien attentivement. Voici leurs paroles : « Jarni dié ... si jamais il lui arrivait de se séparer de nous, nous ne servirions plus personne, et tous nos camarades pensent de même. »

Ces jurements me firent plaisir, car je suis une espèce de Suisse, et je lui suis attaché tout comme eux, quoique je ne monte pas la garde.

Ces Suisses, qui revenaient de Versailles, dirent après cela tant de bagatelles, tant de pauvretés, par rapport au pays d’où ils venaient, que je levai les épaules, et je me remis à mon ouvrage. Oh ! voyez-vous, madame, je laisse aller le monde comme il va ; mais je ne change jamais mon opinion, tant je suis têtu. Il y a soixante ans que je suis passionné pour Henri IV, pour Maximilien de Rosny 3, pour le cardinal d’Amboise, et quelques personnes de cette trempe ; je n’ai pas changé un moment, aussi tout le monde me dit : « Monsieur Guillemet, vous êtes un bon cœur, il y a plaisir avec vous à bien faire ; il est vrai que vous prenez la chèvre quand on vous dit qu’il faut vous enterrer 4; mais aussi vous entendez raillerie. Tachez d’envoyer des rogatons à madame la grand-maman, car, en son genre, madame vaut monsieur. La journée n’a que vingt-quatre heures, monsieur Guillemet ; heureux qui peut l’amuser une heure dans les vingt-quatre ! c’est beaucoup. N’écrivez jamais de longues lettres à madame la grand-maman, de peur de l’ennuyer, et n’écrivez point du tout à son époux ; contentez-vous de lui souhaiter, du fond du cœur, prospérité, hilarité, succès en tout, et jamais de gravelle. Sachez qu’il lui passe tant de sottises, de misères, de bêtises devant les yeux, que vous ne devez pas en augmenter le nombre. » Ainsi donc, pour couper court, je demeure avec un bien grand respect,

madame,

de Votre Excellence

le très soumis et humble serviteur.

Guillemet , typographe. »

2 Lettres d’Amabed : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome21.djvu/461

Leur première mention semble être trouvée dans une lettre de Louise-Suzanne Gallatin à Frédéric II, landgrave de Hesse-Cassel du 28 janvier 1769 : « On annonce un nouveau roman du solitaire de Ferney ; j'aurai soin de vous l'envoyer du moment qu'il paraîtra . » Nous corrigeons le texte de l’édition Besterman qui met Afaté pour Adaté .

3 Le duc de Sully, ministre de Henri IV.

4 On avait rapporté à Voltaire que La Bletterie avait imprimé que Voltaire avait oublié de se faire enterrer.