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21/12/2023

Les bulletins de Paris sont faits par des gens qui ramassent ce qu'ils entendent dire dans les cafés, et qui mentent pour gagner de l'argent

...

 

« A Jean Ribote-Charron, etc.

à Montauban

16è avril 1768

Il n’y a pas un mot de vrai, monsieur, à tous les bruits qui se sont répandus dans les provinces . Les bulletins de Paris sont faits par des gens qui ramassent ce qu'ils entendent dire dans les cafés, et qui mentent pour gagner de l'argent . Le Compère Matthieu est un assez mauvais ouvrage dont le dernier volume surtout est détestable . Cela est composé par un moine défroqué qui a de l'esprit, mais qui n'a pas le ton de la bonne compagnie .

On ignore encore si on doit sous l'enveloppe de monsieur l'intendant 1 en mettre une autre pour M. Baudinot son premier secrétaire .

On vous fait mille compliments sincères. »

1 S'il s'agit bien de l'intendant de Montauban, c'est Alexis-François-Joseph de Gourgues ; voir : https://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc40086n

et : https://books.openedition.org/igpde/16883?lang=fr

20/12/2023

Je fais plus de cas d'un philosophe ... qui honore la médiocrité de sa fortune que d'un hypocrite nageant dans l'opulence, et se pavanant dans sa fausse grandeur

...

 

« A Claude-Germain Le Clerc de Montmercy 1

16è avril 1768

Plus j’avance en âge, monsieur, plus j'aime la philosophie et les philosophes ; jugez si j'ai conservé pour vous les sentiments d'une véritable amitié . Tout ce que vous m'avez jamais écrit a été conforme à ma manière de penser, excepté les éloges dont vous me comblez, éloges dont je suis redevable à votre seule indulgence .

Il est triste que tandis que la raison élève sa voix dans presque toute l'Europe, le fanatisme fasse toujours entendre ses cris dans Paris . Les honnêtes gens se taisent ou sont persécutés ; les fripons sont récompensés . Je fais plus de cas d'un philosophe comme vous qui honore la médiocrité de sa fortune que d'un hypocrite nageant dans l'opulence, et se pavanant dans sa fausse grandeur .

Comptez que je vous suis véritablement attaché .

V. »

1 Leclerc de Montmercy était poète, philosophe, avocat, botaniste, physicien, médecin, anatomiste ; il savait tout ce qu’on pouvait apprendre ; il mourut de faim dans son galetas ; mais il était savant… : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Cousin_d%E2%80%99Avallon_-_Diderotiana.djvu/70

Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65165379

19/12/2023

J'aimerais mieux mourir entre les bras d'un poète et d'un ami comme vous, qu'entre les mains de mon curé

... Qu'on se le dise !

C'est valable aussi contre tout rabbin et tout enturbanné qui gagne sa vie en prêchant . Ma vie éternelle n'a pas besoin d'un bon d'envoi . Redevenir poussière d'étoile, comme le dit si bien Hubert Reves, est une perspective suffisante dans l'état actuel de la connaissance . Enfer  , ou paradis avec ou sans purgatoire, réincarnations : quelles boeufferies !

 

 

« A George Keate Esqr

Nandos Coffeehouse

London

Monsieur,

J'ai vu le poème dont vous m'avez honoré 1 , annoncé dans les journaux, et je ne l’ai point reçu . Je suis réduit à l'entendre louer par d'autres, et je ne puis vous remercier que sur la voix publique . Je soupçonne que ce poème qui est l’objet de mes remerciements et de mes regrets est au nombre de plusieurs paquets qui ne me sont point parvenus . Il y a eu depuis plusieurs mois peu d'ordre dans les postes de Genève . Si vous pouviez me faire l'amitié de charger quelque ami de me faire parvenir cet ouvrage après lequel je soupire, je vous aurais une extrême obligation . Vous me rendrez Ferney plus cher, votre poésie l'embellira beaucoup plus que tous les architectes et les jardiniers ne pourraient faire . Horace a été obligé de chanter lui-même sa terre de Sabine, je serai plus heureux que lui . Mais Ferney me serait plus précieux encore si jamais je pouvais avoir le bonheur de vous y revoir . J'aimerais mieux mourir entre les bras d'un poète et d'un ami comme vous, qu'entre les mains de mon curé, quoique je lui soit très attaché .

Votre très humble et très obéissant serviteur

V.

A Ferney 16è avril 1768. »

18/12/2023

Encore une fois ne croyez rien de tout ce qu'on dit

... et de tout ce que vous voyez sur les réseaux sociaux, terrains de chasse d' "influenceurs" débiles et menteurs . Comment les utiliser sans se faire arnaquer : https://www.cybermalveillance.gouv.fr/tous-nos-contenus/b...

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Bull shit à gogo

Comme si croire au père Noël n'était pas déjà de trop

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

16 avril 1768 1

Encore une fois ne croyez rien de tout ce qu'on dit 2. Vous sentez bien, mon cher ami, qu'il est absurde que, quand des alguazils viennent de saisir des premiers venus qu'ils rencontrent dans une assemblée illicite, il y ait une dispute de générosité entre un père et un fils à qui restera entre leurs mains . Ce serait bon si le père avait été désigné, et si le fils s'était mis à sa place, mais ce n’est point du tout le cas dont il s'agit . Je sais bien que le jeune homme l'a dit depuis peu pour rendre la chose plus touchante, mais cela est aussi incroyable qu'il l'est dans la pièce que le galérien craigne d'avouer à sa maîtresse qu'il est aux galères pour son père.

Les orages sont toujours violents, voilà qui est très certain . Mon cher ami, les Grecs étaient légers et atroces ; aussi sont les Welches . Le bœuf tigre est un monstre, et les jésuites n'ont jamais fait tant de mal qu'en feront les jansénistes ; cette faction est plus odieuse que celle de la ligue . »

1  Nous avons ici la dernière lettre connue à Damilaville (il y en eut certainement d'autres) , celui-ci mourra, apparemment d'un cancer de la gorge, le 13 décembre 1768 .

Voir : https://data.bnf.fr/fr/12069704/etienne-noel_damilaville/

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tienne_No%C3%ABl_D%27Amilaville

2   Allusion au cas de Fabre ; voir la lettre du 11 avril 1768 à Falbaire de Quingey : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/12/11/batard-du-batard-de-zoile-6475141.html

Tous les honnêtes gens seront donc pour lui, et, quoi qu’on dise, il y en a beaucoup en France

... Puisses-tu dire vrai ami Voltaire !

 

 

« A Michel-Paul-Guy de Chabanon, de

l'Académie des belles-lettres

rue du Doyenné Saint-Louis du Louvre à Paris

16è avril 1768

Je crains bien, mon cher ami, d’avoir été trop sévère et même un peu dur dans mes remarques sur Eudoxie ; mais, avant l’impression, il faut se rendre extrêmement difficile, après quoi on n’est plus qu’indulgent, et on soutient avec chaleur la cause qu’on a crue douteuse dans le secret du cabinet. C’est ainsi que mon amitié est faite : plus mes critiques sont sévères, plus vous devez voir combien je m’intéresse à vous.

Je n’ai pas encore profité de vos conseils auprès de M. de Sartines. J’ai craint que l’Homme aux quarante écus et la Princesse de Babylone ne fussent pas des ouvrages assez sérieux pour être présentés à un magistrat continuellement chargé des détails les plus importants. Je lui réserve le Siècle de Louis XIV, dont on fait une nouvelle édition, augmentée d’un grand tiers. J’espère que le catalogue raisonné des artistes et des gens de lettres ne vous déplaira pas ; c’est par là que je commence : car c’est le Siècle de Louis XIV que j’écris, plutôt que la vie de ce monarque ; et vous pensez avec moi que la gloire de ces temps illustres est due principalement aux beaux-arts. Il ne reste souvent d’une bataille qu’un confus souvenir : les arts seuls vont à l’immortalité.

Il est assez désagréable, lorsque je suis uniquement occupé d’un ouvrage que j’ose dire si important, qu’on ne cesse de m’attribuer les ouvrages du mathurin du Laurens et les insolences bataviques de Marc-Michel Rey, et je ne sais quel Catéchumène qui est tout étonné de trouver des temples chez des peuples policés, et le petit livre des Trois Imposteurs, tant de fois renouvelé et tant de fois méprisé, et cent autres brochures pareilles qu’un homme qui écrirait aussi vite qu’Esdras 1 ne pourrait composer en deux années. Il se trouve toujours des gens charitables et nullement absurdes qui favorisent ces calomnies, qui les répandent à la cour avec un zèle très dévot : Dieu les bénisse ! mais Dieu nous préserve d’eux !

Je crois la très désagréable aventure de La Harpe entièrement oubliée ; car il faut bien que de telles misères n’aient qu’un temps fort court. Pour moi, je n’y songe plus du tout.

Oui, mon très aimable ami, je suis sensible ; mais c’est à l’amitié que je le suis. Je plains notre cher pandorien 2 du fond de mon cœur ; mais ce qu’il m’a mandé me donne bonne opinion de son procès . Il est clair qu’il a affaire à un coquin hypocrite. Tous les honnêtes gens seront donc pour lui, et, quoi qu’on dise, il y en a beaucoup en France.

Je vous embrasse le plus tendrement du monde.

V. »

1 Esdras, de la classe sacerdotale des Juifs, ayant obtenu du roi Artaxercès Longue-main la permission de ramener à Jérusalem les Hébreux captifs qui n'avaient pas suivi Zonobabel (467 av. J.C) travailla à la restauration du culte et à la révision des Écritures . V* lui attribue une part importante dans leur composition . Voir lettre de 1721 à Thieriot qu'il compare à Esdras : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire...

https://fr.wikipedia.org/wiki/Esdras

2 Allusion à la plainte du musicien La Borde qui a composé la musique de Pandore contre le prêtre André de Claustre ; voir son Procès de Claustre, 1769 : https://fr.wikisource.org/wiki/Proc%C3%A8s_de_Claustre/%C...

17/12/2023

Le fanatisme est si violent dans certaines têtes 

... qu'il faudrait un Don Quichotte , et un Sancho Pança  pour l'anéantir : " Ecoute moi abominable monde ... " https://www.youtube.com/watch?v=z2XBaLsB_SM&ab_channe...

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental , Envoyé

de Parme, etc.

quai d'Orsay

à Paris

16è avril 1768

Vous demandez, cher ange, qu'on vous ouvre son cœur, et quand on vous l'a ouvert à deux battants, vous ne dites pas un mot à l'ouvreur de loge . Je ne vous ai point parlé de l'aventure de La Harpe, qui , je crois , n'est guère connu de vous, et à qui d'ailleurs je ne veux point faire de peine, et qui n'a jamais eu intention de me nuire, quelque tort qu'il ait pu avoir avec moi . Il est jeune, il est pauvre, il est marié ; il a besoin d'appui, je n'ai pas voulu lui ravir votre estime .

Je souhaite que Mme Denis vive heureuse à Paris, et je veux mourir dans la solitude . Le fanatisme est si violent dans certaines têtes , la persécution contre les gens de lettres se déclare si ouvertement, que je veux que Mme Denis soit à Paris pour repousser les coups de la calomnie et pour empêcher qu'on ne m’attribue les ouvrages de Chevrier 1, de l'ex-capucin Maubert, de l'ex-théatin Laurent, de l'auteur du Catéchumène, de celui du Militaire philosophe, de celui des Trois imposteurs, et de tant d'autres dont l'Europe est inondée  ; mon nom vient malheureusement sur le bout de la langue plutôt que celui de ces messieurs . Cela seul est capable de perdre un homme . Vous savez qu'on a cent oreilles pour la calomnie, et à peine une pour la justification d'un accusé . Il faut du moins qu'on me laisse mourir en paix , vous savez que c’est la seule grâce que je demande .

Au reste, vous ne m'avez point répondu sur une lettre de change de quarante écus que je vous ai envoyée . Vous êtes tout juste le contraire de M. le maréchal de Richelieu ; il n'envoie point de lettre de change, et vous ne faites pas semblent d'en recevoir .

On m'a mandé que vous aviez été fort content de la tragédie de M. de Chabanon ; pour moi, je lui ai dit la vérité . Je l’aime trop pour n'être pas très fâché s'il fait imprimer cet ouvrage dans l'état où il est .

Dieu merci, la santé de Mme d'Argental va toujours de mieux en mieux, et il y a tout lieu d'espérer qu'elle jouira très longtemps d'une vie très heureuse . C'est une grande consolation pour moi de savoir qu'à la fin la nature n'a plus de tort avec elle .

Je reviens aux articles de votre lettre du 26 mars , où vous me parliez de Babylone 2 et d'un malheureux chevalier . Je vous ai envoyé tout ce que je savais de Babylone par M. Jeannel . Mais nulle réponse sur ce qui se passe vers l'Euphrate ni de M. Jeannel ni de vous .

Je ne sais rien du malheureux chevalier, et je n'en saurai rien que quand des paquets de Hollande, qui sont toujours trois mois en chemin seront arrivés, alors je vous en rendrai un compte fidèle . Comptez, mon très cher ange, sur mon exactitude autant que sur les sentiments qui m'attachent à vous depuis soixante années ; car vous savez que je vous ai aimé depuis votre enfance, comme je vous aimerai jusqu'au dernier moment de ma vie .

V. »

1 Sur Chevrier, voir lettre du 11 octobre 1761 à Damilaville et Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/10/01/il-a-fait-avec-le-droit-du-seigneur-la-meme-petite-infamie-q-5855131.html

Tous les noms qui suivent ont été rencontrés à plusieurs reprises dans d'autres lettres . Sur Jean Maubert du Gouvest, voir lettre du 29 juillet 1755 à Clavel de Brenlès : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/03/03/je-n-ai-jamais-rien-vu-de-plus-plat-et-de-plus-horrible-cela.html

Sur Du Laurent, voir lettre du 12 juillet 1766 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/10/04/le-ministere-ne-s-occupe-pas-sans-doute-de-ces-pauvretes-il-6341560.html

et du 4 avril 1768 à Charles Bordes : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/11/28/on-sait-assez-combien-tous-ces-bruits-sont-faux-mais-a-force-6473139.html

2 Comme la quasi-totalité des lettres d'Argental à V*, cette lettre du 26 mars relative à la Princesse de Babylone ne nous est pas parvenue .

16/12/2023

c'est l'auteur lui-même qui la lui envoie

... Pas de piratage ..." C'est du moins ce qu'affirme Elisabeth Borne concernant l'utilisation d'Olvid , application de messagerie instantanée qu'on vient de voir utiliser les serveurs d'Amazon : https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/nouveau-monde/la...

Bien entendu, n'oublions pas que ce surcroit de sécurité assurée se paye .

 

 

« A Henri Rieu

Jeudi matin [avril 1768 ?] 1

Mon cher corsaire, n’envoyez point à Marc Michel La Guerre de Genève ; on lui en envoie une aujourd'hui par la poste corrigée et très augmentée . Mandez-lui je vous prie que c'est l'auteur lui-même qui la lui envoie et qu’il compte sur son amitié .

Je vous embrasse bien tendrement. »

1 Date donnée par rapport à la mention de La Guerre de Genève.

 

 

 

« A Henri Rieu

[vers avril 1768] 1

Mon cher corsaire n’aura pas sans doute oublié d'avoir la bonté d'écrire à ce Marc-Michel pour avoir quelques exemplaires du Chevalier de La Barre et du Bannissement des jésuites . Je voudrais avoir douze La Barre et six Jésuites. »

1 La réédition hollandaise des ouvrages mentionnés dans la lettre suivit rapidement l'édition de Genève, d'où la date proposée .