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11/06/2013

J'ai pris l'énorme liberté, monsieur, de vous envoyer une bibliothèque complète de fatras

... Bien entendu, je ne parle pas ici des lettres de Voltaire, mais de ce qui peut sembler superflu à "monsieur", et à madame également , mes prologues sur lesquels vous, lecteurs, gardez un silence qui m'entraine à continuer . Soyez charitables, ne me laissez pas m'enferrer au delà du déraisonnable !

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« A Louis-Elisabeth de La Vergne, comte de Tressan

A Lausanne 11 février 1758

J'ai pris l'énorme liberté, monsieur, de vous envoyer une bibliothèque complète de fatras imprimés à Genève chez les frères Cramer . Je vous en demande bien pardon . J'aimerais mieux un quart d'heure de votre conversation que les dix sept volumes 1 qu'on doit avoir eu l'honneur de vous adresser de ma part .

J'ai reçu une lettre assez singulière et des vers plus étranges d'un séminariste de Toul nommé M. Légier . Il se renomme de vous . Je n'ai pu lui faire réponse parce que je suis très malade . C'est tout ce que je peux faire de vous écrire ces quatre lignes . Voici la copie de ce qu'on lui répond pour moi . Je vous présente mon respect et mon regret de mourir sans vous voir .

V. »

1 Voici quelle était la distribution de ces dix-sept volumes in-8° : Tome I, la Henriade, avec les pièces relatives; II, Mélanges de poésies, de littérature, d'histoire et de philosophie; III, Mélanges de philosophie; IV, Mélanges de littérature, d'histoire, et de philosophie; V, Suite des Mélanges de Littérature, d'histoire et de philosophie; VI, Histoire de Charles XII, roi de Suède; VII-X, Théâtre; XI-XVII, Essai sur l'Histoire générale. (Beuchot.)

 

 

 

10/06/2013

la religion , l'honneur, les bienséances les plus communes, et le savoir-vivre, ne permettent d'écrire de pareilles choses ni à des personnes qu'on connait, ni à des personnes qu'on ne connait pas

 ... Aussi ne dirai-je rien de malséant , rien qui puisse ressembler aux éructations de politiciens, d'intégristes, de fanatiques de tous ordres, d'extrêmistes de droite comme de gauche . Rien ?

Rien ! Nada !

 

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« A LÉGIER 1

[11 février 1758]

M. de Voltaire gentilhomme ordinaire du roi et ancien chambellan du roi de Prusse n'a jamais demeuré à Ripaille en Savoie ; il a une terre sur la route de Genève entre le territoire de Genève et celui de France . Il ne connait pas plus l'ode dont on lui parle que la maison de Ripaille . Il est actuellement malade ; sa famille qui a ouvert le paquet envoyé par M. l'abbé Légier lui renvoie ce paquet qui sûrement ne peut-être pour M. de Voltaire, puisqu'on y parle de choses dont il n'a aucune connaissance . Il y a des vers dans ce paquet qui sont sans doute pour quelque autre . Au reste la famille et les amis de M. de Voltaire avertissent M. Légier que la religion , l'honneur, les bienséances les plus communes, et le savoir-vivre, ne permettent d'écrire de pareilles choses ni à des personnes qu'on connait, ni à des personnes qu'on ne connait pas . »

1 V* le décrit au comte de Tressan comme étant « un séminariste de Toul ... qui se renomme de vous » dans une lettre du 11 février 1758 et en reparlera au même le 3 mars .

 

09/06/2013

vous goûterez l'auream mediocritatem

 

 

 

 

« A Claude-Etienne Darget

A Lausanne 10 février [1758]

Je vois avec douleur, mon cher et ancien ami, que dans le meilleur des mondes possibles de Leibnitz vous paraissez n'avoir pas le meilleur lot ; et que lorsque tout est bien votre vessie est toujours un peu mal . Vous ne semblez guère plus content de votre fortune que de votre vessie . Durum , sed levius fit patientia 1. J'ai toujours été fort surpris que les personnes qui vous aiment et qui connaissent vos talents ne vous aient pas utilement employé comme ils le pouvaient . Il se fait actuellement des fortunes immenses dans des entreprises auxquelles vous aviez travaillé autrefois . Il me semble qu'il y avait de la justice à ne vous pas exclure . Le moindre intérêt dans ces affaires est une chose très considérable ; si vous avez perdu toute espérance de ce côté vous goûterez l'auream mediocritatem 2 d'Horace . Mais il faut songer à votre santé qui est le véritable bien . J'éprouve qu'on peut très bien prendre patience dans un état de langueur et de faiblesse ; mais on la perd dans les souffrances continuelles . Vous êtes à portée des soulagements : que seriez-vous devenu en Prusse loin des secours ? Vous me paraissez bien informé de ce pays-là . Je crois celui qui en est le maître encore plus malheureux cent fois que vous . Sa santé est très dérangée ; il n'a ni plaisirs ni amis ; et il est embarrassé dans un labyrinthe dont on ne peut sortir qu'à travers des flots de sang . Quelque chose qui arrive il est à plaindre . Il est difficile que la France et l'Autriche lui pardonnent et qu'à la longue il ne succombe pas .

J'ai oublié le nom du premier écuyer du prince de Prusse qui me venait voir quelquefois ; ne vous en ressouvenez-vous point ? Il me semble qu'il était originaire de Saxe . Le général Kiow 3 l'était aussi mais je ne le crois point arquebusé comme on l'a dit . Je ne crois point non plus au carcan de l'abbé de Prades . Comment et en quoi aurait-il trahi le roi de Prusse ? Il n’était certainement auprès du roi en campagne que pour lui faire la lecture . Du moins le roi me l'a mandé ainsi quatre jours avant la bataille de Rosbach 4. Il ne lui faisait point part de ses desseins militaires, qu'il ne confie pas même à ses officiers généraux , il ne le chargeait pas de négociations . L'abbé de Prades n'avait pas plus de crédit à Breslau que vous et moi ; il n'y connait personne . Je maintiens qu'il n'a pu trahir le roi de Prusse . Il aura écrit quelque lettre indiscrète et ce qui n'est point un crime ailleurs en est un dans ce pays-là, vu les circonstances présentes . Voilà ce que je pense : je crois l'abbé de Prades aussi mauvais chrétien que La Mettrie, mais ce n'est point un traitre . Je peux me tromper, j'attendrai que le temps me désabuse .

Le prince Henri m'a fait l'honneur de m'écrire de Dresde où il est adoré . La princesse Amélie est allée à Breslau ce qui m'étonne beaucoup . Mme la margrave de Bareith a une santé pire que la vôtre . Elle est enchantée des victoires de son frère mais elle craint les revers et elle est lasse de tant de dévastations . Comptez qu'on doit se trouver très heureux dans une douce retraite . Ce M. Coste dont vous me parlez n'est-il pas parent du traducteur 5 de Locke ?

Le papier me manque . Vale et me ama .

V. »

1 Cela est dur mais la patience l'adoucit . Horace, Odes I, xxiv, 19.

2 Médiocrité dorée . Horace Odes , II, x, 5.

4 La bataille est du 5 novembre 1757 et l'on n'a pas la lettre de Frédéric correspondant à la date indiquée par V* ; dans une lettre du 9 novembre il lui rappelle Potsdam où il « lisai[t] Sadic [Zadig] à l'abbé ».

5 Pierre Coste .

 

Ce n'est plus la peine de travailler pour une entreprise qui va cesser d'être utile et qui est traversée de tous côtés

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ArgentaI

conseiller d'honneur du parlement de Paris

A Lausanne 9 février [1758]

Avez-vous, lisez-vous l'Encyclopédie mon cher ange ? Savez-vous les tracasseries, les tribulations qu'elle essuie ? J'ai retiré mes enjeux, et j'ai mandé à M. Diderot de me renvoyer les articles et les papiers concernant cet ouvrage, et j'ai pris la liberté de stipuler qu'il enverrait chez vous les papiers cachetés . Vous me le permettrez sans doute . Ce n'est plus la peine de travailler pour une entreprise qui va cesser d'être utile et qui est traversée de tous côtés . Si Diderot qui est entouré de sacs comme Perrin Dandin 1 et qui est accablé du fardeau oubliait mes paperasses, j'ose vous supplier de vouloir bien envoyer cher lui rue Taranne 2 quand vous serez à la comédie . Nous allons nous autres Suisses jouer Fanime et La Femme qui a raison . Je pense qu'il faut différer longtemps pour le tripot de Paris et laisser dégorger Iphigénie en Crimée 3. Par ma foi vous autres Parisiens vous n'avez pas le sens commun . Luc n'en a pas davantage d'avoir commencé cette horrible guerre qui lui a donné à la vérité de la gloire mais qui le rend très malheureux, lui et onze ou douze cent mille hommes ses semblables , s'il y a quelque chose de semblable à Luc . Je ne vois que folie et bêtise . Interim vale

. Heureux qui digère tranquillement . Comment va la santé de Mme d'Argental ?

V. »

1Personnage des Plaideurs de Racine, Ac. I, sc . 4.

2 Le logement de Diderot était tout proche de la rue Saint-Germain des Prés où était située la Comédie Française et qui est devenue la rue de L'Ancienne Comédie .

3 Iphigénie en Tauride : voir lettre du 5 janvier à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/03/13/i...

Beuchot dit que V* nomme la pièce ainsi à cause de la rudesse de sa versification ; on doit noter surtout que la Crimée est l'ancienne Tauride .

 

10/04/2013

Je souhaite que les intérêts particuliers ne s'opposent pas à un si grand bien

 ... Le bien pour la France !

Voltaire y était bien plus attaché qu'on peut le croire quand, par fierté, il vante les mérites de la Suisse voisine , dépité au fond de ne pouvoir être en France. 

Comme on dit, il péterait les plombs en constatant que tant de particuliers particuliers : des ministres, des élus  qui vivent de nos impôts, profitent de leur position pour se gaver .

Au passage, Volti nous fait aujourd'hui une déclaration de patrimoine sans dissimulation . Prenez-en de la graine, mesdames et messieurs qui prêchez le respect de la loi et la détournez , qu'y a-t-il donc d'inavouable dans vos patrimoines ?

Vous êtes petits .

 

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http://www.google.fr/imgres?start=365&hl=fr&clien...

 

 

 

« A Jean-Robert Tronchin

A Lausanne 5 février 1758

Mon cher monsieur, je reçois le compte que vous avez la bonté de m'envoyer ; c'est la liste des obligations que je vous ai .

Je conçois, par le résumé que vous voulez bien vous charger à 4 pour cent d'un fonds de 330 mille livres, que vous avez outre ce fonds quarante annuités, et pour trente mille livres de billets de loterie ; que vous voulez bien garder outre cela seize mille cinq cents livres pour le courant ; qu'à ces 16 654 livres qui sont en caisse vous ajouterez les 6 664 à recouvrer des lettres de change de MM. Gilli et les 6 500 sur l'envoyé de l'Électeur palatin à Paris .

Je présume qu'il n’y a aucune erreur dans le compte du mois d'août de M. Cathala de 7 280 livres, argent courant de Genève évalué à 12 104 livres . Je n'ai pas ici son compte du mois d'août . Il me semble qu'alors il avait de l'argent à moi provenant de lettres sur Paris à lui remises . Il se pourrait faire que ses teneurs de livres eussent porté à votre compte ce qu'ils devaient porter au mien . Cependant ils sont très exacts . Mais comme ils sont en usage de tout porter à votre compte, il ne serait pas impossible qu'ils eussent chargé votre partie de ce qu'ils auraient dû rejeter sur la mienne . C'est une chose que j'éclaircirai aisément avec MM. Cathala . Je n'ai ce petit doute que parce que mes papiers ne sont pas à ma maison de Lausanne .

Voilà monsieur pour ce qui regarde la grosse besogne . A l'égard de la besogne délicate, je vous serai très obligé de me mander ce que contiendra à peu près la réponse qu'on recevra de Lyon et celle qu'on enverra de Lyon à sa destination, laquelle doit passer par mes mains 1. Vous sentez combien je dois m'intéresser à une chose qu'on doit faire tôt ou tard, qu'on fera peut-être un jour avec un très grand désavantage et qu'on pourrait faire aujourd'hui avec une utilité bien reconnue 2. Je souhaite que les intérêts particuliers ne s'opposent pas à un si grand bien .

En tout cas vivons toujours tout doucement et laissons les hommes être aussi fous, aussi méchants et aussi malheureux qu'ils veulent l'être .

Je vous embrasse du meilleur de mon cœur . Autant en fait Mme Denis .

V.

Je juge par les lettres que je reçois de Petersbourg que les Russes vont recommencer la guerre . Mais aussi toute l'Angleterre se déclare pour le roi de Prusse . Le parlement a déjà voté un subside d'une commune voix . Il faudrait un dieu pour faire la paix dans ces circonstances . »

1 A savoir la lettre de Bernis contenant les instructions au cardinal de Tencin, et la réponse de ce dernier à Wilhelmine ; voir lettre du 3 février 1758 à JR Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/02/02/lettre-sur-un-ministre-public-ce-n-est-pas-une-chose-ordinai.html

2 La paix avec Frédéric II .

 

09/04/2013

Je regarderai, monsieur, comme la plus grande faveur les instructions que vous voudrez bien me donner

... Et de vous aussi, Madame, j'écouterai les commentaires pour améliorer mon blogounet . Il en est qui me sont chers, Mam'zelle Wagnière ...

 

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« A Ivan Ivanovitch SCHUVALOV
A Lausanne, 5 février 1758
Monsieur, la dernière lettre que Votre Excellence m'a fait l'honneur de m'écrire 1 me flatte que, dans quelque temps, vous voulez bien m'envoyer, non-seulement les documents authentiques du règne de Pierre le Grand, mais encore ceux qui peuvent servir à la gloire de votre nation, jusqu'à ces jours. En effet, monsieur, tout ce qu'on a fait depuis lui est une suite de ses établissements. C'est à lui qu'il faut rapporter tout ce que les Russes ont fait de grand et de mémorable. Je fais des vœux pour la prospérité de son auguste et digne fille 2. Sa gloire m'est aussi chère que celle du grand homme dont elle est née. Je regarderai, monsieur, comme la plus grande faveur les instructions que vous voudrez bien me donner. Le plaisir que vous me procurez de rendre justice à un héros, à l'impératrice régnante, et à votre nation, sera le plus agréable travail de ma vie. J'espère qu'il me sera permis de vous en marquer ma reconnaissance.
J'ai l'honneur d'être, avec tous les sentiments que je vous dois,

Monsieur

de Votre Excellence

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

1 Lettre du 23 décembre 1757 .

2 Elisabeth Ière, tzarine .

 

08/04/2013

les aventures des pédants en us, oubliés pour jamais

... Sans doute comme Fabius qui dans  l'Histoire ne tiendra qu'en deux lignes pour les plus diserts historiens .

Allez savoir pourquoi , Fabius n'est mémorable pour moi que par sa participation au jeu Champions en 1970, dérivé de La Tête et les Jambes (des années soixante), et que j'avais vu chez une aimable voisine assez aisée pour avoir un poste de TV , noir et blanc . Ce cher crâne d'oeuf (qui à l'époque avait encore un duvet présentable ) est cultivé et fût un honorable cavalier . Je ne l'avais pas aimé à cette occasion, je ne l'aime toujours pas . Tant pis ! il s'en fiche , et je vis très bien sans penser à lui .

 

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A vue de nez "Ane US"* (NDLR* : Démocrate )


 

 

 

« A Alexis-Jean Le Bret

 A Lausanne le 5 février [1758]

 A la réception de votre lettre, monsieur, j'ai écrit à l'un des Cramer à Genève 1, celui avec qui vous avez traité est en Portugal, l'autre se chargera de vous satisfaire .

 A l'égard de votre ouvrage, on est bien loin d'en vouloir retrancher les articles historiques, intéressants ; au contraire on voudrait les allonger et les fortifier . Tous ceux qui ne contiennent que des faits vagues ou les aventures des pédants en us, oubliés pour jamais, pourraient être sacrifiés . Beaucoup d'articles philosophiques demandent des additions, puisqu'on est plus instruit aujourd’hui que du temps de Bayle .

 Quant au marché fait avec les frères Cramer, je l'aurais fait rompre très aisément et vous auriez été le maître de vos manuscrits, mais les raisons que vous me donnez, monsieur, et qui vous empêchent de venir chez moi sont sans répliques et ne me laissent que des regrets .

 Je puis vous répondre d'ailleurs que quand on aura imprimé cet abrégé de Bayle avec les additions qui pourraient le rendre précieux aux philosophes, les frères Cramer ne s'en tiendront pas au marché qu'ils ont fait avec vous, et qu'ils vous témoigneront la reconnaissance qu'ils vous doivent , etc. »

 1 Voir lettre du 8 janvier 1758 à Le Bret : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/03/15/ce-n-est-que-par-des-choses-nouvelles-qu-on-peut-reveiller-l.html