14/05/2014
sa pétulance augmente avec l'âge . Il n'a rien gagné sur ses défauts et rien perdu de ses talents
... A combien d'hommes peut-on dire ceci ?
A part Voltaire, je pense à Jean d'Ormesson . Je suis sans doute mal renseigné pour donner une presque-liste aussi courte, mais des hommes dont la pétulance augmente (à part la mienne, bien sûr ;-) ) , cela ne court pas les rues chez les gens de lettres . Je suis prêt à citer tous ceux que vous pouvez suggérer .

Pétulance ? Appétence ?
« A Germain-Gilles-Richard de Ruffey
Aux Délices 27 mars 1759
Nous sommes Mme Denis et moi, monsieur, les deux plus envieuses créatures de ce monde et Mme de Fontaine 1 est l'objet de notre rage . Elle va vous voir et nous restons entre nos Alpes et le mont Jura . Je présente mes regrets et mes respects à Mme de Ruffey . Vous m'avez permis de m'adresser à vous, monsieur, pour l'aveu et le dénombrement du fief de Ferney . Je vous envoie ce que j'ai . S'il faut ma minute du contrat, j'aurai l'honneur de vous la faire tenir . Je n'ai point encore fini avec Mgr le comte de La Marche . On ne peut être plus sensible que je le suis à vos bontés . Regardez-moi comme un homme qui vous sera attaché toute sa vie .
V. »
1 Mme de Fontaine écrivait des Délices à Ruffey le 21 mars : « Je pars dans six jours . Je ferai un petit séjour à Dole et j'arriverai à Dijon le mardi 3 avril . J'irai descendre chez vous puisque vous l'ordonnez [...] » Elle retournait à Paris après un séjour à Ferney où ses relations avec Mme Denis n'avaient pas été excellentes .
Voir la lettre de Mme Denis à Cideville du 8 juin 1759 : « J'ai été assez malade , mon cher ami ; c'est ce qui m'a empêchée de vous écrire . J'ai eu depuis le départ de ma sœur une inflammation d'entrailles qui m'a mise en danger, mais Tronchin n'a pas voulu me laisser mourir et m'a tirée d'affaire à merveille . J'ai eu depuis un an des moments de chagrin qui peuvent bien avoir occasionné cet accident . Je vous en ai dit une partie . Le voyage des ma sœur avait entièrement changé l'humeur, et j'ose dire le caractère de mon oncle ; mais , mon cher ami, quelque chose qui arrive, croyez qu'il m'était impossible de ne pas me soumettre au parti que j'ai pris . J'en ai connu tous les dangers avant de m'y engager, mais l'honneur et même le devoir me forçaient de m'y rendre . Depuis le départ de ma sœur, je suis beaucoup plus heureuse . Le Florian et la sécheresse de caractère de la dame aigrissaient le sien . Tout va mieux présentement . Cependant sa pétulance augmente avec l'âge . Il n'a rien gagné sur ses défauts et rien perdu de ses talents .
Je ne vous envoie pas l'ode, parce que je sais qu'elle est publique à Paris . Dites-moi l'effet de la lettre en prose qui suit cette ode . Elle est un peu salée, et frère Berthier y est vivement houspillé . L'auteur prétend qu'il a actuellement son franc-parler, et il en use le mieux du monde . Sa prudence n'est pas encore consommée, mais ses talents sont plus brillants et plus abondants que jamais . Il vient de faire une tragédie sous mes yeux qui me confond d'admiration. Il n'a été qu'un mois à la faire . C'est ce que j'ai vu de plus touchant, sans en excepter aucune de ses autres pièces . Elle n'est sa plus fortement écrite . Il a voulu faire du nouveau et mêler les rimes; je ne déciderai pas s'il a bien fait . Mais malgré cela je suis sure que la pièce fera un effet prodigieux . Il y a bien encore deux ou trois petits défauts que l'on pourrait corriger en une demi-heure si l'on osait lui faire la plus petite objection, mais cela devient impraticable . C'est une qualité qu’il a acquise depuis eux ans, bien fâcheuse pour lui et pour les personnes qui s'y intéressent, parce qu'il est impossible de l'empêcher de suivre son premier mouvement et de lui faire la moindre réflexion . Voilà ce qui tourmente ma vie et ce qui me cause le plus d'inquiétude par l'extrême amitié et le vif intérêt que je prends à lui . Vous croyez qu'après avoir fait une tragédie il se reposera du moins quelques jours . Point du tout . Le jour qu'il a fini les derniers vers du cinquième acte, l'impératrice de toutes les Russies lui a envoyé une grande compilation de mémoires pour l'histoire de son père, et il y travaille douze heures par jour . Elle a accompagné cela de martre zibeline et des plus belles hermines avec une prodigieuse quantité de thé du roi de la Chine, qui est excellemment bon . Je voudrais bien que vous puissiez en venir prendre .
Nous sommes à merveille avec M . le duc de Choiseul, il vient de nous accorder une grâce bien flatteuse et qui, par la suite, peut me devenir bien avantageuse . La terre de Ferney que mon oncle a achetée sous mon nom est franche et quitte de tous droits en plus grande partie, lorsqu'elle est possédée par un Genevois . Cet accord a été fait par traité entre la France et Genève ; mais si elle passe en d'autres mains, elle perd son droit à jamais, et quand un Genevois la rachèterait, il ne pourrait plus la recouvrer . Le roi par un brevet signé de sa main nous a conservé ce droit ce qui rend cette terre bien plus facile à vendre si jamais je voulais m'en défaire . Cette grâce était difficile à obtenir . Mme la marquise et M. le duc de Choiseul nous ont donné dans cette occasion toute sorte de marques de bonté .
J'ai actuellement un grand plaisir, Mlle Fel est aux Délices avec tous ses jolis rossignols et passera quinze jours avec nous . C'est une fille aimable , indépendamment de son talent, et sa voix m'enchante . Le concert de Lyon l'avait fait venir, ce qui lui a valu plus de deux cents louis . Je l'ai engagée de venir nous voir ; elle donne trois concerts à Genève et nous lui ferons une souscription de cinquante louis . Je n'avait point entendu de bonne musique française depuis mon départ de Paris et j'en avais besoin .
Adieu, mon cher ami, ne vendez point votre jolie terre . Si jamais je revois ma patrie, il serait bien plus doux de passer les étés à trente lieues de Paris qu'à cent vingt . Pour lors je vendrais la mienne . Qui sait s'il ne prendra pas fantaisie à mon oncle dans sa vieillesse de retourner à Paris, et si nous ne l’engagerons pas à vous y aller voir . Si cependant vous aviez envie de vous en défaire, je garderais la mienne, et il faudrait bien que vous vinssiez nous y tenir compagnie, mais tout bien pesé, croyez que Paris vaut mieux que Genève . Écrivez-moi des lettres que je puisse montrer . Écrivez quelquefois aussi à mon oncle, je voudrais réchauffer en lui l'ancienne amitié qu’il a eue pour vous, sans paraître y prendre trop d'intérêt, et je voudrais l'engager à vous prier de lui-même de nous venir voir . Écrivez-lui, écrivez-moi, mais surtout conservez-moi votre amitié . Songez que la mienne vous est acquise pour jamais . Adieu, vous me faites regretter mon pays ; je me souviens toujours des moments où nous causions avec le grand abbé si librement et avec cette liberté et cette confiance qu'on ne retrouve qu'avec ses vrais amis. »
Les rapports de Mme Denis avec de Ruffey peuvent laisser penser qu'ils ont dépassé ceux de la simple amitié .
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13/05/2014
Le président vient d'avoir à Bâle un procès avec une fille qui voulait être payée d'un enfant qu'il lui a fait . Plût à Dieu que je pusse avoir un tel procès
... Dans notre lignée de présidents de la république à la réputation d'hommes à succès (féminins, car pour le reste ...), je vous laisse trouver duquel il est question en titre . Ou pourrait être ! Porter un casque ne protège pas de tout accident .
Futur gros titre de journal people ou retour vers des faits connus ? Allez savoir !
En tout cas on retrouve ici l'expression d'un grand regret de Voltaire, n'avoir pas eu d'enfant .
« A Frédéric II, roi de Prusse
Aux Délices , le 27 mars 1759
Sire, je reçois la lettre dont Votre Majesté m'honore, écrite le 2 mars de la main de votre secrétaire 1, mon compagnon suisse,signée Fédéric . Il paraît que Votre Majesté n'avait pas encore reçu le petit monument qu'elle a voulu que je dressasse de mes faibles mains à votre adorable sœur . En voici donc une copie que je hasarde encore dans ce paquet ; je le recommande à Dieu, aux housards, et aux curieux qui ouvrent les lettres . Votre paquet que j'ai reçu avec votre lettre contenait votre ode au prince Henri, votre épître à milord Maréchal 2 et votre ode au prince Ferdinand 3. Il y a dans cette ode un certain endroit dont il n'appartient qu'à vous d'être l'auteur . Ce n'est pas assez d'avoir du génie pour écrire ainsi , il faut encore être à la tête de cent cinquante mille hommes .votre Majesté me dit dans sa lettre qu'il paraît que je ne désire que les brimborions dont vous me faites l'honneur de me parler 4.
Il est vrai qu'après plus de vingt ans d'attachement, vous auriez pu ne me pas ôter des marques qui n'ont d'autre prix à mes yeux que celui de la main qui me les avait données . Je ne pourrais même porter ces marques de mon ancien dévouement pour vous pendant la guerre ; mes terres sont en France ; il est vrai qu'elles sont sur la frontière de Suisse ; il est vrai même qu'elles sont entièrement libres et que je ne paye rien à la France ; mais enfin elles y sont situées. J'ai en France soixante mille livres de rente ; mon souverain m'a conservé par un brevet la place de gentilhomme ordinaire de sa chambre . Croyez très fermement que les marques de bonté et de justice que vous voulez me donner ne me toucheraient que parce que je vous ai toujours regardé comme un grand homme . Vous ne m'avez jamais connu .
Je ne vous demande point du tout les bagatelles dont vous croyez que j'ai tant d'envie ; je n'en veux point ; je ne voulais que votre bonté : je vous ai toujours dit vrai quand je vous ai dit que j'aurais voulu mourir auprès de vous .
Votre Majesté me traite comme le monde entier ; elle s'en moque quand elle dit que le président se meurt . Le président vient d'avoir à Bâle un procès avec une fille qui voulait être payée d'un enfant qu'il lui a fait . Plût à Dieu que je pusse avoir un tel procès ; j'en suis un peu loin ; j'ai été très malade, et je suis très vieux ; j'avoue que je suis très riche, très indépendant, très heureux ; mais vous manquez à mon bonheur, et je mourrai bientôt sans vous avoir vu ; vous ne vous en souciez guère, et je tâche de ne m'en point soucier . J'aime vos vers, votre prose, votre esprit , votre philosophie hardie et ferme . Je n'ai pu vivre sans vous, ni avec vous . Je ne parle point au roi, au héros, c'est l'affaire des souverains ; je parle à celui qui m'a enchanté, que j'ai aimé, et contre qui je suis toujours fâché . »
1 Catt .
2« Épître au maréchal Keith sur les vaines terreurs de la mort et les terreurs d'une autre vie »Cette épitre imitée de Lucrèce combat la thèse de la survie de l'âme .Voir : http://friedrich.uni-trier.de/de/oeuvresOctavo/10/194/
3 Ode satirique dirigée contre les Français ; sur l'exemplaire qu'avait V*, il nota « Ode du roi de Prusse dans lesquelles il y trois strophes terribles » Voir « Ode au prince Ferdinand de Bronswic sur la retraite des Français en 1758 « : http://books.google.fr/books?id=jc4TAAAAQAAJ&pg=PA115&lpg=PA115&dq=ode+au+prince+ferdinand+fr%C3%A9d%C3%A9ric+II&source=bl&ots=CcL3f-lqN5&sig=Q2mEnYiKt1p63RaI0EKVLUq_sHI&hl=fr&sa=X&ei=qUlyU7T5A_Da0QX6hoG4CA&ved=0CDYQ6AEwAQ#v=onepage&q=ode%20au%20prince%20ferdinand%20fr%C3%A9d%C3%A9ric%20II&f=false
4 Cette lettre est incontestablement une réponse à la lettre du 2 mars 1759 de Frédéric . Or telle qu'elle est connue , il n'y a rien sur les « brimborions » [clé de chambellan et croix] . Elle est donc certainement incomplète dans l'état où elle est conservée ; on peut en juger par l'importante lettre à d'Argental du 6 avril 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/04/05/est-ce-l-infame-amour-propre-dont-on-ne-se-defait-jamais-bie.html
C'est une des preuves que l'édition de cette lettre par les éditeurs de Kehl et par Koser-Droysen repose, non sur le texte reçu par V*, mais sur quelque minute antérieure à l'état de la lettre envoyée . En revanche il a déjà été question des « brimborions » dans la lettre du 9 février 1759 à Frédéric II : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/03/03/je-vous-regarderai-sire-comme-le-plus-grand-homme-de-l-europ-5313056.html
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si la guerre continue on ne pourra pas seulement faire venir des maquereaux
... Au contraire, hélas mon cher Voltaire , au contraire !
On pourrait même en exporter de ces saletés à deux pattes .
Temps de guerre ou temps de paix, les maquereaux de toutes nationalités s'en viennent sans compter sur notre territoire, lâches exploitants de la misère de filles pas-de-joie . Ces sales bestiaux ne méritent que de se retrouver en boîtes, à barreaux, sans aromates et sans confort . Une peine salée est bien nécessaire , n'est-ce pas Dédé la Saumure ?

http://www.languefrancaise.net/bob/detail.php?id=3254#35799
« A Jean-Robert Tronchin
26 mars [1759]
Votre correspondant mon cher monsieur a reçu vos sacs de 12341 livres 16 sous, et les a déjà entamés . Il a de plus reçu un bateau d'épiceries . Il n'y manquait que du sucre . Je ne crois pas que mon sucre soit à la Guadeloupe . Mais avouez donc que j'ai bien fait de faire venir de tout cela . On nous prend nos vaisseaux, et si la guerre continue on ne pourra pas seulement faire venir des maquereaux .
Monsieur votre frère a du vous envoyer ma réponse à un homme qui ne sera pas du voyage de Lyon 1 . Mais ce voyage est-il sûr ? La marquise 2 et le traducteur Silhouette ne s'y opposent-ils pas ?
Le roi de Prusse m'a envoyé une oraison funèbre d'un maître cordonnier qui n'est pas indifférente . Je vous en ferai parvenir des extraits, car il n'y a que ces extraits de bons, et je n'ai qu'un exemplaire imprimé . Voilà un drôle de corps de roi .
Mille tendres remerciements .
V.
Voulez-vous bien donner cours à l'incluse ? »
1 Le voyage de Louis XV à Lyon pour y rencontrer sa fille Marie-Louise-Elisabeth, épouse de Philippe V d'Espagne ; atteinte de la petite vérole elle mourra à Versailles le 6 décembre 1759 .
2 De Pompadour .
14:40 | Lien permanent | Commentaires (0)
12/05/2014
quel livre a-t-on brûlé ?
... Au propre comme au figuré, on brûle chaque jour au moins un livre . La brûlure électronique est laissée au libre arbitre de nos grands fournisseurs de données et de matériel . C'est laisser un chimpanzé jouer avec un chalumeau, gare à vous !
L'Inquisition moderne n'a pas fini de donner des motifs de révolte .
Voir par exemple :
http://www.numerama.com/magazine/29163-encore-un-livre-censure-par-apple-pour-sa-couverture.html
et suivre : http://blog.voltairopolis.org/

« A Nicolas-Claude Thieriot
[26 mars 1759]
Vous êtes un paresseux, comme je le dis fort bien à Mme Belot 1. Rendez-lui donc cette lettre, mon ancien ami, puisque vous n'avez pas voulu me dire sa demeure . Si vous êtes du voyage de Lyon,2 venez me voir dans le voisinage .
Quid novi ?3 où demeurez-vous à présent ? quel livre a-t-on brûlé ? On dit que vous êtes gras comme un moine . Que devient la petite affaire des jésuites lusitaniens ?
Le roi de Prusse vient de faire imprimer l'oraison funèbre d'un cordonnier 4 . C'est un rare corps ; bon soir .
V. »
1 Voir lettre du même jour à Mme Belot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/05/09/jugez-quels-sont-mes-sentiments-quand-je-sais-que-vous-etes-de-ce-sexe-qui.html
2 Voir lettre du 21 mars 1759 à Elie Bertrand : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/05/06/il-faut-se-contenter-de-penser-pour-soi-et-laisser-la-le-pub-5363362.html
3 Quoi de neuf ?
4 Voir note de la lettre du 21 mars 1759 à Elie Bertrand : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/05/06/il-faut-se-contenter-de-penser-pour-soi-et-laisser-la-le-pub-5363362.html
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11/05/2014
J’aurais parié qu'il aurait donné quelques coups de pied au cul de ses impertinents confrères
... "J'ai proposé, avec le président nigérian Goodluck Jonathan, une réunion des pays limitrophes du Nigeria", a déclaré le chef de l'État français."
Comme je l'ai écrit plus haut, j'attendais plus de votre part Mister président . Peut-être suis-je trop pressé , je tends à prendre mes désirs pour des réalités ; dommage, ce serait jouissif à voir, même si c'étaient des coups de pied occultes (qui, entre nous soit dit, ont toute chance d'être efficaces au pays des grigris et du ngolo ngolo dans la case ).
A tous les membres de Boko Haram je souhaite ardemment de débarasser la planète de leur présence , en un mot comme en cent, de crever la bouche ouverte . Il n'y a pas d'autres mots pour dire ma haine envers eux .
Islamistes fanatiques, je vous conchie .

« A David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches
major de la garde de Son Altesse Royale etc.
à Lausanne
Aux Délices 26 [mars 1759]
Vous me parlez, monsieur le major des gardes, de courre un lièvre . Vous avez l'air d'en courir plus d'un à la fois et de les prendre . Un pauvre vieillard comme moi n'est plus fait pour la fatigue . Je garderai vos manteaux, c'est le rôle qui me reste . Je suis un peu occupé à présent à rebâtir à la moderne un château du douzième siècle . Je garde mes tours et mes mâchicoulis pour tirer sur le prêtre de Vevey quand il passera sur mes états . Notre ami de Bottens n'a pas eu la fermeté que j'attendais de sa mine noble, et de sa taille de cinq pieds sept pouces et de son caractère . J’aurais parié qu'il aurait donné quelques coups de pied au cul de ses impertinents confrères .
Je pars dans l’instant pour Ferney . Je vais presser cinquante ouvriers premièrement pour être en état de venir aux Rois me présenter en qualité d'Orgon ou de Géronte 1, et ensuite pour avoir de quoi vous recevoir vous et Mme d'Hermenches quand vous nous ferez l'honneur de venir au petit pays de Gex . Vous y ordonnerez un petit théâtre, vous obtiendrez que Mme d'Aubonne y peigne de sa belle main quelque bout de décoration, et qu'elle honore la scène de quelque rôle qu'elle embellira . Mme d'Hermenches fera verser des larmes . Vous nous enchanterez par l'universalité de vos talents . Nous vous donnerons une fête de village . Vous serez complimenté par le bailli, et les sujets vous salueront de trois salves . Nous avons un tambour dont nous allons faire recoudre la peau . Je ne suis pas trop bien dans la mienne . Ma santé n’est pas des plus brillantes, mais mon cœur sera à vous tant qu'il battra dans son léger et chétif étui . Toute ma famille présente ses obéissances à monsieur et madame d'Hermenches et à toute votre famille .
V. »
1 Orgon dans Tartuffe, Géronte dans Le Médecin malgré lui, Les Fourberies de Scapin de Molière et dans Le Mentor de Corneille .
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10/05/2014
mes héritiers n'étant pas tenus de payer ces 12000 livres, je ne dois pas être tenu de payer aujourd'hui le centième d'un argent dont le fonds serait nul
...

« A Antoine-Benoit Girard de Propiac
directeur général des fermes
à Dijon
Aux Délices près de Genève 28 mars 1759 1
J'ai l'honneur de faire observer à messieurs les fermiers généraux
1° Que j'ai commencé par demander leur avis et que je me soumets sans aucun procès à la décision de M. Chauvelin 2 sur l'affaire du centième denier qu'on exige pour la terre de Tournay, terre de l’ancien dénombrement de Berne et de Genève .
2° Que l'on n'a pas accusé juste à messieurs les fermiers généraux, en leur disant que mon contrat porte que je serai obligé de faire pour 12000 livres de réparations . Il est dit expressément que si je meurs dans l'espace de trois années, cette dépense de 12000 livres ne sera pas exigible . Or il est clair qu'en cas de mort dans l'espace de trois années, mes héritiers n'étant pas tenus de payer ces 12000 livres, je ne dois pas être tenu de payer aujourd'hui le centième d'un argent dont le fonds serait nul .
3° Que la terre de Tournay est toute entière dans l'ancien dénombrement de Genève ; que cette terre n'est sujette à aucun droit quel qu'il puisse être ; que ne payant ni taille, ni capitation, ni dixième, ni lods, ni aucun droit , elle ne peut être sujette à celui du centième .
4° Que M. le président De Brosses m'a garanti toutes les franchises, et tous les privilèges, qu'ainsi ce serait à lui qu'il faudrait s’adresser en vertu de la clause particulière du 11 décembre 1758, signée De Brosses 3.
Je prie messieurs les fermiers généraux de peser toutes ces raisons ; et s'il était décidé qu'on dût enlever à la terre de Tournay les privilèges dont elle a toujours joui, je prie qu'on s'adresse à M. le président De Brosses .
J'ai l'honneur d'être, etc.
Signé : Voltaire
gentilhomme ordinaire du roi etc. »
1 Manuscrit portant la date, signature et adresse de la main de V*, avec en tête la mention « copie de ma lettre à MM. les fermiers généraux », mais cette »copie » fut effectivement envoyée comme le confirme le cachet postal.
2 Voir lettre du 26 mars 1759 à Chauvelin :http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/05/10/j...
3 Voir note dans la lettre du 10 décembre 1758 à De Brosses : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/12/25/j...
14:31 | Lien permanent | Commentaires (0)
je suis prêt à payer, si je dois
... Je dis bien "si je dois", si vraiment il n'y a pas d'autre solution pour sauver le pays, le président, les ministres et les parlementaires sans oublier les sénateurs, la foule des grands et petits fonctionnaires, et j'ai ici la sensation de réciter la litanie des saints . Franchement, si je m'en réfère au mérite, je ferais plus d'effort pour sauver un chat qui est bien plus méritant et qui en voit des vertes et des pas mûres .

« A Jacques-Bernard Chauvelin
Aux Délices, 26 mars 1759
J'ose présenter encore que je suis prêt à payer, si je dois .
Mais je supplie monsieur de Chauvelin de lire mon dernier mémoire 1. Je me soumets toujours à sa décision et à ses ordres .
Je lui présente mon respect .
Voltaire. »
1 Voir lettre à Girard de Propiac du 28 mars 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/05/10/m...
14:30 | Lien permanent | Commentaires (0)

