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27/05/2014

je ne me mêle point, Dieu merci, des affaires des rois, et je me contente de plaindre les peuples

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 le malheur des peuples.gif

réveil du tiers état.jpg

 

 

« A Jean-Marie-Samuel Formey

Au château de Tournay par Genève

le 3 mars [avril] 1759 1

J'ai reçu votre lettre 2 avec un très grand plaisir , monsieur, je me sers, pour vous répondre sans qu'il vous en coûte de frais, de la voie des mêmes négociants qui envoient mes paquets au Salomon et à l'Alexandre du Nord : il se pourrait bien faire que ce paquet-ci tombât entre les mains de quelques housards ; car le champ des horreurs est déjà ensanglanté dans le meilleur des mondes possibles ; mais on ne verra dans mes paquets que de quoi rire ; je ne me mêle point, Dieu merci, des affaires des rois, et je me contente de plaindre les peuples .

J'ai fort connu le meurtrier Manstein dont vous me parlez 3; Dieu veuille avoir son âme ; c'était un vigoureux alguazil : il avait arrêté le général Munich, et s'était battu avec lui à coups de poing pour le service de sa gracieuse impératrice ; il s'enfuit quelque temps après du beau pays de la Russie pour venir dans votre sablonnière . Il me montra ses mémoires de Russie, que je corrigeai à Potsdam . Pendant que nous étions occupés à cette besogne, le roi m'envoya des vers par un coureur . Manstein, impatient de voir que je préférais les vers de Frédéric à la prose de Manstein , s'en plaignit au modeste Maupertuis, lequel encore plus fâché de ce que le roi ne le consultait pas sur la manière d'exalter son âme et d'enduire le corps de poix-résine, s'avisa de dire que le roi n'envoyait qu'à moi son linge sale à blanchir .

Après avoir dit ce prétendu bon mot, il s'avisa de m'en faire l'honneur, et de là vinrent toutes les belles tracasseries qui n'ont fait aucun profit, ni à Frédéric le Grand, ni à Maupertuis, ni à moi .

Depuis ce temps-là milord Maréchal m'a parlé à ma campagne de ce manuscrit que je connaissais mieux que lui . On a proposé aux Cramer, libraires de Genève, de l'imprimer . Mais qui diable a pu vous dire que je l'avais voulu acheter mille ducats ! Pourquoi l'achèterais-je ? Vous me croyez donc bien riche et bien curieux ! Il est vrai que je suis bien riche, mais je ne donnerais pas mille ducats de l'ancien testament, à plus forte raison d'un manuscrit moderne .

Je vous assure que je suis très sensible à la perte que vous avez faite ; mais , s'il vous reste autant d'enfants que vous avez fait de livres, vous devez avoir une famille de patriarche 4. Je serais fort aise de voir votre Philosophe païen 5, attendu que je suis assez païen et assez philosophe . A l’égard de vos Consolations pour les valétudinaires 6, je n'en ai pas besoin depuis que j'ai recouvré la santé avec la liberté dans un séjour charmant . Envoyez-moi plutôt des conseils pour gouverner mes paysans et mes curés . J'ai acheté deux belles terres à une lieue des Délices , je suis devenu laboureur et je vais semer cette année avec la nouvelle charrue : cela me donne la santé . Je croyais n'avoir pas deux mois à vivre quand je vins aux Délices . Votre roi se serait amusé à faire de moi une plaisante oraison funèbre ; il me mandait l'autre jour que Maupertuis se mourait 7; si cela est, il mourra au lit d'honneur ; car il vient d'avoir un petit procès à Bâle 8 pour avoir fait un enfant à une fille, et il s'en est tiré fort glorieusement .

Vous avez donc travaillé aussi à l'Encyclopédie . Eh bien ! Vous n'y travaillerez plus : la cabale des dévots l'a fait supprimer, et peu s'en est fallu qu'elle n'ait été brûlée comme les œuvres de Calvin . Laissons aller le monde comme il va . Puisse la guerre finir bientôt, et que votre chancelier en signe les articles ! Faites-lui bien des compliments .

Si ce n'était pas une indiscrétion, vous me feriez un plaisir extrême à me mander ce qu'est devenu l'abbé de Prades 9.

Adieu, monsieur, je suis de tout cœur,

monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

comte de Tournay, gentilhomme ordinaire

du roi etc. »

1 Date fausse, indiquée par Formey, car la lettre de Frédéric dont parle V* est du 2 mars 1759 .http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/310-jean-henri-formey

2 Cette lettre ne nous est pas connue .

3 Formey premier éditeur de cette lettre dans Les Souvenirs d'un citoyen [page 294 : http://books.google.de/books?id=pXAGAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

], en donne un commentaire . Il avait écrit à V* de la part de la veuve du général Christopher Hermann von Manstein, qui, ayant entendu dire que V* offrait mille ducats pour les mémoires manuscrits de son mari, voulait savoir s'il était toujours dans les mêmes intentions . C'est à ces ouvertures que répond ici V* . En fait le livre, quoique rédigé en français devait être publié en anglais, [David Hume], Contemporary Memoirs of Russia from the year 1727 to 1744, Londres , 1770 .Voir : https://archive.org/stream/contemporarymem00mansgoog#page/n5/mode/2up

4 Formey eut une nombreuse progéniture, mais seulement sept ou huit de ses enfants survécurent .

6 Consolations pour les personnes valétudinaires, 1758 . http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k75719z

7 Dans sa lettre du 2 mars, Frédéric II demandait : « […] laissez […] mourir en paix un homme que vous avez cruellement persécuté, et qui selon toutes les apparences n'a plus que peu de jours à vivre. » Maupertuis mourra le 27 juillet 1759 .

 

26/05/2014

je volerai mes maçons et mes charpentiers pour vous donner un petit acompte si vous le trouvez bon

... Aurait pu dire Guéant à Nanard Tapie, en mal de copie comme il le nota  en omettant de spécifier car allant de soi, que les volés ne sont pas que maçons et charpentiers, mais tous les payeurs de l'impôt . Excusez un peu la taille de l'acompte !

 http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/05/26/claude-gueant-appele-a-clarifier-son-role-dans-l-affaire-tapie_4425911_3224.html

 Faul-cul à l'oeuvre

guéant faux cul.jpg

 

« A Louis-Gaspard Fabry

maire et subdélégué

à Gex

A Ferney 3 mars [avril] 1759 1

Je suis venu à Ferney, monsieur, uniquement pour vous ; j'y resterai jusqu'à samedi, je volerai mes maçons et mes charpentiers pour vous donner un petit acompte si vous le trouvez bon ; n'ayant encore rien réglé avec Mgr le comte de La Marche 2 j'aurai l'honneur de transiger immédiatement avec lui aussitôt que les embarras et les agréments de son nouvel établissement lui permettront de songer à ces petites affaires, lesquelles sont assez considérables pour un particulier comme moi, réduit fort à l'étroit par tant de nouvelles acquisitions .

Il y a aussi beaucoup d'autres petites choses sur lesquelles je souhaiterais avoir l'honneur de vous entretenir . J'ai celui d'être avec tout l'attachement possible, et du meilleur de mon cœur, monsieur,votre très humble et très obéissant serviteur .

Voltaire . »

1 La date a été corrigée par Fabry qui mentionne : « N[ot]a le 4 avril j'ai reçu douze cents livres à compter du tiers qui me revient du lod de Ferney. » Fabry demandait vers le 30 mars : … déduction faite des 1200 livres que j'ai déjà vues, il me reste dû 2883.6.8 comme vous le verrez par le mémoire ci-joint. » Il signera la quittance des lods et ventes de Ferney le 7 août 1759.

2 Louis-François-Joseph de Bourbon : http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis-Fran%C3%A7ois-Joseph_de_Bourbon-Conti

Il vient de se marier le 27 février 1759 à Marie-Fortunée d'Este-Modène .

 

jouer avec les révérends pères jésuites d'Ornex, mes amis et mes voisins, grands confédérés et fidèles alliés

... Les mettre en échec et les mater, sur l'échiquier en poussant du bois, dans la vie en poussant ses arguments , grand jeu de Voltaire où il mettait un malin plaisir à n'en pas douter .

 voltaire et père adam échecs.jpg

 

 

 

« A Jean-Robert Tronchin

J'envoie ces petits bouche-trous à mon cher correspondant . Je le supplie de m'en accuser la réception .

Comme je ne doute pas que parmi les préparatifs immenses que l'on fait pour la fête des Rois à Lyon il ne se trouve deux damiers de cuir pliés en deux pour jouer aux échecs, oserais-je prier monsieur Tronchin de vouloir bien ordonner qu'on m'en fit venir deux par la messagerie, pour jouer avec les révérends pères jésuites d'Ornex, mes amis et mes voisins, grands confédérés et fidèles alliés ?1 Le roi de Prusse est un drôle de corps, vous n'avez pas tout vu .

V.

2 avril [1759] »

1 Voir , entre autres, ce que V* fait à ces voisins et « amis » page 15 de http://www.alexdecotte.com/resources/1760+Final+publi$C3$A9.pdf

 

 

25/05/2014

Ce Voltaire est admirable de penser à moi et d'alimenter par ses lettres et par ses ouvrages mon esprit, qui a grand besoin d'une bonne nourriture

... Et ainsi oublier le brouet verbal d'une Marine-Féminité-Longueur-et-pointes, pseudo victorieuse (si je sais encore compter, 25% de 50% d'électeurs exprimés ne fait que 12,5% du total des électeurs inscrits, on est loin d'un parti majoritaire ), et le galimatia des vaincus d'un jour .

Si la présence des élus FN au parlement européen est égale à celle de Jean-Marie en son temps, on va encore assister au festival des chaises vides et je suppose qu'ils ne cracheront pas sur leurs indemnités parlementaires, ne songeront pas même à les faire diminuer, l'Europe étant à ce niveau tout à fait recommandable, comme par miracle .

Le ver est dans le fruit, il va falloir l'empêcher de se reproduire . 

PS 1 . -  Voltaire est admirable, même s'il n'a jamais pensé à moi . Je ne suis pas un pur esprit

 

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PS 2 . - Il n'est pas étonnant que le PS ne soit pas en tête des résultats de ce jour, sinon on l'appellerait ProLogue ![sic]

 

 

 

 

« A Frédéric II, roi de Prusse

[vers le 1er avril 1759]

[Lui envoie Candide, et la version révisée de l'Ode sur Wilhelmine suggère que certains poèmes du roi pourraient être publics, et lui transmet l'opinion de Tronchin Théodore sur la maladie du prince Ferdinand]1

1Ces détails sont tirés de la réponse du 28 avril 1759 de Frédéric : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f94.image . C'est le 12 mars que Frédéric avait demandé à V* de publier l'Ode, dont les premiers exemplaires parurent le 9 avril 1759 . La lettre présente , selon Catt, fut reçue le lendemain du jour où il avait dépêché la lettre qu'il écrivit lui-même de Landshut le 22 avril 1759 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f92.image , il y cite les paroles du roi recevant le lettre et Candide : « Ce Voltaire est admirable de penser à moi et d'alimenter par ses lettres et par ses ouvrages mon esprit, qui a grand besoin d'une bonne nourriture […] J'ai déjà lu ce matin une partie de son Candide et l'Ode sur la mort de ma chère sœur, il l'a supérieurement corrigée et embellie. » Catt ajoute que le roi lut Candide trois fois et remarqua : « C'est le seul roman qu'on peut lire et relire . » Frédéric écrivit d'ailleurs à peu près la même chose à V* le 28 avril 1759 .

Touchant à la santé de son frère, c'est dans sa lettre du 21 mars que le roi ajoutait un NB : « Vous m'avez tant parlé du médecin Tronchin ... [….] Je ne veux rien négliger de ce que je puis contribuer à la guérison de ce cher frère .» : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f74.image . Cependant ce voyage ne se fera pas .

Voir aussi lettre du 11 avril 1759 de Frédéric : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f88.image

et lettre du 18 avril 1759 :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f90.image

 

 

24/05/2014

Il n'y a pas un moment à perdre pour des raisons particulières

... http://lci.tf1.fr/cinema/news/cannes-2014-les-excuses-de-leila-hatami-apres-sa-bise-a-gilles-8423826.html

Mais comment fait-on pour rester Persan ?

Il faut une sacrée dose d’auto dérision et d'humour forcené, pousser le bouchon hors jeu, exposer au grand jour le ridicule des lois de vieillards impuissants , battre sa coulpe publiquement et saper le système par des millions de coups de canif, grignoter, raviner, émousser , éroder, ridiculiser surtout ces mollahs qui se croient des dieux .

Cachez cette bise que nous  ne saurions voir !

Femmes iraniennes vous gagnerez à coup sûr, ils sont trop cons !

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« A Gabriel Cramer

 

[vers le 1er avril 1759]

 

Je reçois dans ce moment une lettre du roi de Prusse 1 qui m'ordonne de faire imprimer sur le champ l'ode sur la mort de sa sœur, etc., et qui m'assure de sa tendre reconnaissance . Tarare 2 . Voyez si vous voulez que cela soit imprimé à Neufchâtel . Il n'y a pas un moment à perdre pour des raisons particulières . »

 

1 Sans doute celle du 12 mars 1759 : « J'ai reçu cette ode qui vous a si peu coûté, qui est très belle, et certainement ne vous fera pas deshonneur . C'est leprmeier moment de consolation que j'ai depuis cinq mois . Je vous prie de la faire imprimer et de la répandre dansz les quatre parties du monde . Je ne tarderai pas longtemps à vous en témoigner ma reconnaissance . » . Voir lettre 342 : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-avec-le-roi-de-prusse-annee-1759-partie-84-118848256.html

 

2 Tarare, interjection : marque de moquerie ou d'un propos que l'on ne croit pas ; synonyme : taratata .

 

 

 

PS1. Pour une raison inconnue, et sans explication, ce cher Hautetfort a fait disparaitre la barre d'outils de mise en forme d'où cette mise en ligne spartiate . Pas d'illustration . Pas de ... pas de .... A suivre .

PS2 [mais ce n'est pas une consol .-ation] : à ceux qui ont vu la version dépouillée, après 24 h les choses reprennent une apparence connue et normale . Ouf !

23/05/2014

ce qu'il désirait le plus dans le plus sot des mondes possibles était de réjouir un petit nombre de gens d'esprit

... Et je renvoie le compliment à son auteur, Voltaire .

Je dois vous avouer que j'ai un instant été tenté de titrer "la spirituelle, l'éloquente , la sucrée, la romanesque, la bavarde" en pensant à Mam'zelle Wagnière, qui je l'espère n'en sera pas fâchée car elle est, peu ou prou, tout cela et bien davantage qui la rendent unique ...

... comme notre soleil

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« A César-Gabriel Choiseul, comte de Choiseul 1

Son Excellence

lieutenant général des armées

ambassadeur à Vienne

[vers le 1er avril 1759]

J'ai mandé monsieur au bonhomme Ralph qu'il avait fait rire une Excellence qui va 2 dans le pays de l'ennui . Ce loustic 3 en est tout ragaillardi . Il dit que ce qu'il désirait le plus dans le plus sot des mondes possibles était de réjouir un petit nombre de gens d'esprit comme vous qui ne sont de ce siècle en aucune façon . Il prétend que si vous voulez le faire avertir par quelque rieur de vos amis, il vous fera présenter à Strasbourg de quoi vous amuser sur la route, et de quoi jeter dans le Danube .

N'oubliez pas la spirituelle, l'éloquente , la sucrée, la romanesque, la bavarde comtesse de Bentinck quand vous voudrez savoir au juste tous la ragotons de Vienne .

Si j'étais homme à me venger d'un certain Freitag, agent du roi de Prusse, ci-devant mis au pilori en Saxe et maintenant serré à Dusseldorf, et un coquin de Smith, faux-monnayeur de Francfort, conseiller du roi de Prusse, qui me volèrent, en sauçant ma nièce dans le ruisseau, et du roi de Prusse lui-même qui emploie ces dignes agents, je pourrais aller plaider à Vienne car c'est une chose délicieuse de se ruiner au conseil aulique pour ruiner Smith et mortifier Fédéric ; mais j’aime mieux bâtir des châteaux, puisqu'ils ne sont pas en Espagne.

Je souhaite à Votre Excellence tous les succès dont je ne doute pas . Elle est bien persuadée de mon tendre sentiment .

V. »

2 Mots soulignés, peut-être par allusion au fait que le départ en question n'est pas imminent . Le comte de Choiseul succédait au comte de Stainville (devenu duc de Choiseul) comme ambassadeur extraordinaire à Vienne . Il ne devait être officiellement accrédité que le début juin .

3 Mot allemand qui signifie joyeux . A proprement parler, dans les régiments allemands le « Lustig » était le bouffon de la troupe .

 

22/05/2014

Il a été question de soupçon d'inflammation d'entrailles

... Après avoir exploré la surface, hier , voyons plus profond dans la machine humaine et le lien entre cervelle et boyaux, avec effets indésirables

 

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 http://la-niche.top-forum.net/t412-dessins-et-legendes-de...

 

 

 

« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay

[mars / avril 1759]

Oncle et nièce remercient tendrement ma philosophe . Il a été question de soupçon d'inflammation d'entrailles 1. Quatre médecins de Paris nous auraient tués comme ils ont tué leur confrère La Virotte 2 en cas pareil . Mais avec notre cher docteur on ne craint rien . Mille tendres respects à ma philosophe . »