14/10/2013
Eh par tous les saints, pourquoi ne pas venir dans notre pays libre ? Vous qui aimez les voyages, vous qui goûtez l'amitié, les applaudissements et les nouvelles amours
... Bon, bon, calmez-vous ! ceci n'est pas un appel à une immigration sauvage à fin souvent dramatique .
Tout au mieux, ce pourrait être un appel des professionnels du tourisme et des organisateurs de spectacles .
Ne vous emballez pas non plus au sujet des "novi amori", contentez vous d'Amora qui mettra du piquant dans votre vie assiette .
Oserai-je ajouter, car nous parlons ici de la France éternelle, vous qui aimez les fonctionnaires et le gaspillage des fonds publics, venez, vous trouverez votre bonheur .
« Au comte Francesco ALGAROTTI. 1
Aux Délices, 2 septembre [1758].
Ritorno dalle sponde del Reno alle mie Delizzie ; qui vedo la signora errante 2 ed amabile, qui leggo, mio caro cigno di Padova, la vostra vezzoza lettera. Siete dunque adesso a Bologna la grasse, ed avete lasciato Venezia la ricca. E 3, per tutti i santi, perchè non venire 4 al nostro paeze libero ? voi che vi dilettate nel viaggiare 5, voi che godete d' amici, d' applausi, di novi amori, dovunque andate? Vi è più facile di venire tra i Pappafighi che non è a me di andare fra i Papimani 6. Ov' è la raccolta delle vostre leggiadre opere? dove la potrô io trovare? dove l' avete mandata? per qual via? non lo so. Aspetto li figlioli per consolarmi dell' offenza 7 del padre. Voi passate i 8 vostri belli anni tra l' amore e la virtù. Orazio vi direbbe
Quod tu, inter scabiem tantam, et contagia lucri,
Nil parvi sapias, et adhuc sublimia cures.9
Ed il Petrarca 10 soggiungerebbe
Non lasciar la magnanima tua impresa.
La signora di Bentinck è, come il re di Prussia, condannata dal Consiglio aulico, e questa povera Marfisa 11 non è seguita da un esercito per difendersi 12 .Cette pauvre milady Blakaker,13 ou comtesse de Pimbesche 14, va encore plaider à Vienne. C'est bien dommage qu'une femme si aimable soit si malheureuse mais je ne vois partout que des gens à plaindre, à commencer par le roi de France, l'impératrice, le roi de Prusse, ceux qui meurent à leur service, ceux qui s'y ruinent, et à finir par d'Argens.
Felix qui potuit rerum cognoscere causas
fortunatus et ille deos qui novit agrestes 15
Le premier vers est pour vous, le second pour moi.16 Pour milady Montaigu 17, je doute que son âme soit à son aise. Si vous la voyez, je vous supplie de lui présenter mes respects.
Farewell, flos Italioe, farewell, wise man whose sagacity has found the secret to part from Argaleon 18 without being molested by him. 19
Si jamais vous repassez les Alpes, souvenez-vous de votre ancien ami, de votre ancien partisan
le Suisse Voltaire »
1 Il y a des différences entre la version de l'édition de Kehl et celle d'Algarotti ; elles sont signalées ci-après .
10 C'est la première fois que V* cite Pétrarque dans sa correspondance ; c'est ici le dernier vers du sonnet La Gola, e'il sonno . Le mot tua est omis dans l'édition de Kehl, à la suite de la copie .
12 Traduction : « Je reviens des rives du Rhin à mes Délices ; ici je vois l'aimable vagabonde ; ici je lis, mon cher cygne de Padoue, votre charmante lettre . Vous voici donc de nouveau dans Bologne la grasse, et vous avez laissé Venise l'opulente . Eh par tous les saints, pourquoi ne pas venir dans notre pays libre ? Vous qui aimez les voyages, vous qui goûtez l'amitié, les applaudissements et les nouvelles amours, partout où vous allez ; il vous est plus facile de venir chez les Papefigues qu'à moi d'aller chez les Papimanes . Où est le recueil de vos charmantes œuvres ? Où puis-je le trouver ? Où l'avez-vous envoyé ? Par quelle voie ? Je ne le sais . J'attends les enfants pour me consoler de l'offense [selon le texte d'Algarotti ; l'absence semble préférable] du père . Vous passez vos belles années entre l'amour et la vertu . Horace vous dirait : /Parmi une telle lèpre et contagion du lucre, /Ne te soucie de rien de petit, et continue à ne t'occuper que des pensées les plus hautes / Et Pétrarque ajouterait : / N'abandonne pas ta magnanime entreprise. / Mme de Bentinck est, comme le roi de Prusse, condamnée par le Conseil aulique, et cette pauvre Marphise n'est pas suivie d'une armée pour la défendre .
14 Dans Les Plaideurs de Racine ; le mot est dur, de la part de V* visant Mme la comtesse Bentinck .
15 Virgile, Georgiques , II,v,490 et 493 : Heureux celui qui a pu connaître la raison des choses . / Fortuné aussi celui qui connait les dieux des champs .
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13/10/2013
Nos mœurs changent, Brutus il faut changer nos lois.
... Dans la mesure du raisonnable, comme pour le mariage pour tous qui met enfin à égalité les humains homosexuels désireux de s'allier officiellement et leurs compatriotes hétéro. Pour une fois une loi qui autorise et non qui interdit, ce n'est pas si fréquent , l'option répressive ayant trop d'adeptes à mes yeux .
Brigitte Bardot et Frigide Barjo peuvent faire gonfler leurs rancoeurs, en pure perte, elles ne laisseront pas de traces dans l'Histoire .
http://celeblog.over-blog.com/
« On est libre de choisir de quelle manière on va devenir esclave. » Jean-Rémi Girard
« A Jean le Rond d'ALEMBERT.
Aux Délices, 2 septembre 1758
Vous vouliez, mon cher philosophe, aller voir le saint-père, et vous restez à Paris. Je ne voulais point aller en Allemagne, et j'en reviens. Je trouve, en arrivant, votre Dynamique.1 Je lis le Discours préliminaire 2; je vous admire toujours, et je vous remercie de tout mon cœur.
Comment va l'Encyclopédie . Est-il vrai que Jean-Jacques écrit contre vous, et qu'il renouvelle la querelle de l'article de Genève 3 ? On dit bien plus, on dit qu'il pousse le sacrilège jusqu'à s'élever contre la comédie, qui devient le troisième sacrement 4 de Genève. On est fou du spectacle dans le pays de Calvin.
Nos mœurs changent, Brutus il faut changer nos lois.5
On a donné trois pièces nouvelles faites à Genève même, en trois mois de temps, et de ces pièces je n'en ai fait qu'une.
Voilà l'autel du dieu inconnu à qui cette nouvelle Athènes sacrifie. Rousseau en est le Diogène, et, du fond de son tonneau, il s'avise d'aboyer contre nous. Il y a en lui double ingratitude. Il attaque un art qu'il a exercé lui-même, et il écrit contre vous, qui l'avez accablé d'éloges. En vérité, magis magnos clericos non sunt magis magnos sapientes 6.
N'êtes-vous pas à Paris dans la consternation ? Le roi de Prusse est dans l'embarras, Marie-Thérèse est aux expédients, tout le monde est ruiné. Rousseau n'est pas le plus grave fou de ce monde. Ah quel siècle ! quel pauvre siècle ! Répondez à mes questions, et aimez un solitaire qui regrette peu d'hommes et peu de choses, mais qui vous regrettera toujours, qui vous admire et qui vous aime. »
1Voir lettre du 7 juin 1758 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/08/24/s-il-y-a-des-sots-il-faut-les-braver-5146727.html
3 La chronologie de la Lettre sur les spectacles de JJ Rousseau est importante ; elle fut commencée en octobre 1757 et achevée le 9 mars 1758 ; Rousseau l'envoya à l'éditeur le 15 mai et informa d'Alembert de son existence le 25 juin ; d'Alembert chargé de l'examiner, l'approuva le 22 juillet ; le 11 août l'éditeur en fit parvenir de nombreux exemplaires d'Amsterdam à Paris ; le livre fut largement connu à la mi septembre . Voir Histoire de l'impression et de la publication de la Lettre à d'Alembert de J-J. Rousseau .
6 Même formule que dans la lettre du 25 février 1758 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/06/22/l-un-est-un-fanatique-imbecile-qui-grace-au-ciel-est-beaucou.html
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12/10/2013
vous ne paraissez pas trop content de Paris et je crois fermement que vous avez raison.
... Peut on me souffler à l'oreille depuis quelque temps !
Que d'interdits !
« A Pierre -Robert Le Cornier de CIDEVILLE.
Aux Délices, 1er septembre [1758].
Mon cher et ancien ami, je reviens dans mes chères Délices, après un assez long voyage à la cour palatine. Je trouve, en arrivant, vos jolis vers 1, dans lesquels vous ne paraissez pas trop content de Paris et je crois fermement que vous avez raison. Mais avez-vous, dans votre Launay, un peu de société? Il me semble que la retraite n'est bonne qu'avec bonne compagnie. Vous savez, mon cher Cideville,
Que ce fantôme ailé qu'on nomme le bonheur
N'habite ni les champs, ni la cour, ni la ville.
Il faudrait, nous dit-on, le trouver dans son cœur;
C'est un fort beau secret qu'on chercha d'âge en âge.
Le sage fuit des grands le dangereux appui,
Il court à la campagne, il y sèche d'ennui
J'en suis bien fâché pour le sage.
Ce n'est pas des sages comme vous et moi que je parle; je suis bien sûr que l'ennui n'approche pas plus de votre Launay que de mes Délices. Je prends acte surtout que je n'ai pas quitté mes pénates champêtres par inquiétude, pour aller chez l'électeur palatin par vanité. Je vous avouerai que j'ai mis dans cette cour, et entre les mains de l'électeur, une partie de mon bien, qu'on pille presque partout ailleurs. Il a bien voulu avoir la bonté de faire avec moi un petit traité qui me met en sûreté, moi et les miens, pour le reste de ma vie. Le bon Horace dit Det vitam, det opes; æquum mi animum ipse parabo.2
Il aurait dû ajouter det amicos 3; mais vous me direz que c'est notre affaire, et non celle du ciel. C'est l'amitié de mes nièces qui fait de près le bonheur de ma vie c'est la vôtre qui le fait de loin Excepto quod non simul essem, caetera laetus.4
Je vous ai bien souvent regretté, et votre souvenir m'a consolé. Vous n'êtes pas homme à franchir les Alpes, et à me venir voir sur les bords de mon lac, comme Mme du Boccage 5 . Vous vous contentez de cueillir les fleurs d'Anacréon dans vos jardins; vous n'allez pas chercher comme elle la couronne du Tasse au Capitole.
Adieu, mon cher et ancien ami mes deux nièces, toute ma famille, vous font les plus tendres compliments.
V.
Eh bien, les Anglais ont donc quitté vos côtes normandes, nonobstant clameur de haro. Est-il vrai qu'ils ont pris beaucoup de canons, de vaches, de filles, et d'argent? Le Canada va donc être entièrement perdu, le commerce ruiné, la marine anéantie, tout notre argent enterré en Allemagne ? Je vous trouve très heureux, mon cher Cideville, de posséder la terre de Launay. Je n'ai aux Délices que l'agréable, et vous possédez l'agréable et l'utile.
Beatus ille qui, procul ridiculis,
Fœcunda rura bobus exercet suis 7»
1 Lettre du 26 juillet 1758 consistant en une douzaine de quatrains ; extraits : « Que laissai-je à Paris ? Des masques politiques / Cachant leur air d'avidité/ Et le Luxe en son char, dans les places publiques / Insultant à la Pauvreté […] / Je reviens sans regrets, en ce coin de la terre , / Où mes aïeux s'étaient bannis […] Le Sage, indépendant du joug des artifices, / Règne heureux, chez soi confiné:/ Vous illustre, opulent, vrai seigneur des Délices, / Moi, sans nom, peu riche à Launay. […] Oh ! Si j'écoutais l'oncle , en lorgnant ses deux nièces, / Tous trois charmants, peintres tous trois : / Si volant leurs crayons, j'en prenais leurs finesses, / Mon sort serait selon mon choix . »
2 Que [Jupiter] me donne la vie, qu'il me donne des ressources : pour l'égalité d’âme ,c'est à moi-même à me l'assurer ; Épîtres I, xviii, 112.
4 Si ce n'est que nous ne sommes pas ensemble, pour le reste, je suis heureux .Horace, Épîtres I, x, 50
5Voir la lettre de Mme du Boccage à Mme du Perron du 8 juillet 1758 : page 464 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411355v/f467.image
7 Heureux qui, loin des ridicules, travaille sa terre féconde avec ses propres bœufs . Horace, Épodes, II,i,3 .
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11/10/2013
voir les affaires plus brouillées, et les bourses plus vides que jamais
... Honni soit qui mal y pense !
Les affaires ? quelles affaires ?
Vides ... ou presque !
« A Jean-Robert Tronchin
Aux Délices 29 août , retardé jusqu'à samedi 2 septembre 1758
Je reviens, mon cher monsieur, à votre petit ermitage avec deux chagrins, celui de vous avoir point vu, et celui de voir les affaires plus brouillées, et les bourses plus vides que jamais . Il ne s'agit dans cette maladie épidémique de l’Europe que de conserver sa santé autant qu'on le peut dans son obscurité . Le naufrage parait général , il faut que chaque particulier se sauve sur sa planche .
J'apprends qu'on a voulu négocier aussi vainement entre Berne et Lyon qu'entre les puissances belligérantes . Tout le monde cherche de l'argent et je suis aussi chargé d'en négocier . J'ai déjà fait une petite affaire assez bonne, pour notre ami Labat et pour moi . Vous voulez bien lui fournir pour mon compte quatre-vingt dix mille livres . C'est un peu plus aisé à trouver que cinq cent mille livres de l'emprunt desquelles je suis chargé . On ne peut avoir une plus rude commission .
J'ai l'honneur de vous envoyer ci-joint quelques rafraichissements très légers de Cadix . Il y a entre autres un billet de change de 410 livres quinze sous du 22 juin 1757 . Il est étrange que je l'envoie aujourd'hui . Il avait été oublié dans mes papiers, et je l'ai retrouvé en faisant ma revue . Je ne sais si vous envoyez ces lettres de change en droiture à M. Gilli de Montaud à Paris 1, ou si vous les adressez à un tiers . En tout cas il vous sera aisé de spécifier que ce petit billet avait été oublié .
J'ai été sur le point d'acheter auprès de Nancy une très jolie terre ce qui aurait assuré à mes héritiers un fonds plus solide que les papiers sur le roi et sur la Compagnie des Indes . Le marché était très avantageux et c'est pour cela qu'il a manqué . C'est un fort mauvais marché à ce que je vois que d'avoir à présent des billets de loterie et des annuités . Qu'en pensez-vous ?
On prétend que Louisbourg est pris 2. Je le crois quoique je n'en aie aucune nouvelle et quant aux bonnes nouvelles de nos armées, je ne les crois pas . Une planche, vite une planche dans le naufrage ! Vendons nos effets royaux dès que nous le pourrons honnêtement . Si la flotte arrivée à Cadix ne nous apporte pas quelque consolation, je n'en espère plus ni du nouveau monde, ni de l'ancien .
Adieu mon cher monsieur . Quand nous aurons donné au baron de Grandcour les 90 000 livres nous verrons ce qui nous reste . Votre amitié est le meilleur de mes effets .
Votre très humble et très obéissant serviteur .
V...
2 septembre
J'ai laissé cette lettre sur ma table en attendant que j'eusse quelques nouvelles . Je ne vous parle pas de Louisbourg dont vous savez tous les funestes détails 3. Il y a actuellement à ce qu'on m'assure douze mille anglais joints au prince de Brunswick . Tout se déclare contre la France sur mer et sur terre . La nouvelle que les Russes on détruit près de Rupin un corps de six mille Prussiens ne se confirme pas encore . Si elle était vraie le roi de Prusse serait encore plus embarrassé que la France .
Vous passez vous autres Lyonnais pour avoir été refusés net à Berne au sujet d'un emprunt d'un million, et le landgrave de Hesse passe pour avoir eu ce million, ce que je ne crois point du tout . Bonjour mon cher correspondant.
V »
1 Gilly de Montaud : voir : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahrf_0003-4436_1984_num_258_1_1088 en faisant Rechercher « gilly »
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10/10/2013
quand les déesses de l'Ostfrise daigneront honorer notre cabane de leur présence, nous leur présenterons les légumes de notre jardin , et l'eau de notre lac
...
« A Charlotte-Sophie von Altenburg, comtesse Bentinck etc.
à Lausanne
Aux Délices 29 août [1758]
Je ne crois pas , madame, qu'il y ait quinze mille Anglais dans notre sale Westphalie, mais je crois qu'il y en a assez pour nous battre . Je n’ai point de nouvelle de la prise de Louisbourg , mais je crois Louisbourg pris . Je pense que la France est couverte de honte et d'infortune, et que le roi de Prusse n'aura que la gloire .
J'ai envoyé au plus vite votre beau pro memoria au sieur Cathala à qui il ne faut pas de si belles choses . On escomptera votre lettre de change selon l’usage , et voilà tout .
Ma nièce Denis et moi nous sommes des gardeurs de dindons, dans le goût de Philémon et de Baucis,1 et quand les déesses de l'Ostfrise daigneront honorer notre cabane de leur présence, nous leur présenterons les légumes de notre jardin , et l'eau de notre lac . Baucis ne peut avoir l'honneur de vous écrire parce qu’elle ne se porte pas bien et moi, j'écris quoique malade . Jouissez, madame, de votre belle santé . C'est un bien que la cour aulique 2 ne vous ôtera pas , c'est le plus grand de tous et celui que je connais le moins . Si je le possédais, je vous écrirais des volumes, mais je n'en peux plus et je finis malgré moi en vous assurant de mon respect, et de l'envie de venir au plus tôt vous faire ma cour .
V. »
2 La comtesse est en procès avec son ex-mari et est dépossédée d'une partie de ses biens . Aulique. Se dit en parlant d'une certaine Cour supérieure qui a une Juridiction universelle et en dernier ressort, sur tous les sujets de l'Empire pour tous les procès qui y sont intentés.
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09/10/2013
Il faut en physique se contenter toujours des à peu près . C’est la marche de la nature
... Dans la nature il est peu de choses ou êtres qui soient définitivement fixés pour toute éternité . Il est des constantes qui ne sautent pas toujours aux yeux et qui sont du domaine des savants spécialistes .
Le peu de physique que je connais est certainement diablement fourré d'à peu près, comme mes professeurs me l'ont confirmé à moult reprises en corrigeant mes devoirs boiteux . Le pourquoi et le comment gardent leurs parts de mystère, les résultats ne tiennent debout que par la béquille d'un facteur hypothétique .
A peu près en physique: représentation graphique
« A monsieur l'abbé Charles Bossut,1
professeur royal,
aux écoles du génie, à Mézières .
Aux Délices 28 août [1758]
Je trouve, monsieur, au retour d'un assez long voyage que j'ai fait chez l’Électeur palatin, la lettre 2 dont vous m'avez honoré en date du 28 juin . Je me hâte de vous remercier . Je suis bien sensible à vos politesses et plus encore à votre mérite . Vous joignez le goût à la vraie philosophie . Je crois que la ville de Mézières n'est guère accoutumée à posséder de tels avantages 3 . L'Académie des sciences paraît devoir être votre vrai séjour mais il est bon que la lumière s'étende un peu dans les provinces, et qu'à la longue tout l'horizon soit éclairé : vos rayons pénètrent jusqu'au lac de Genève . Les observations que vous avez la bonté de faire sont très justes . La parallaxe des étoiles fixes est une exagération , mais je ne sais si Broadley 4 ne s'est pas servi de cette expression . Il appelait autant que je peux m'en souvenir l'instrument dont il se servit tube parallactique 5.
Quand à la différence entre une sphère changée en ovale, il est certain que physiquement parlant la circonférence est toujours la même . C'est ce qui fait que les boulangers vous vendent le même pain rond ou ovale le même prix . Il faut en physique se contenter toujours des à peu près . C’est la marche de la nature . Il lui importe peu que ses ouvrages soient dans la rigueur mathématique . Au reste, monsieur, de toutes les vérités il n'y en a point dont je sois plus convaincu que des sentiments d'estime que je vous dois et avec lesquels j'ai l'honneur d'être
monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
gentilhomme ordinaire du roi »
3 A l'âge de vingt-deux ans, en 1752, Bossut avait été nommé professeur de mathématiques à l'école du Génie de Mézières et il avait publié quelques études .
4 James Bradley surtout connu pour sa découverte de l'aberration des rayons lumineux . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/James_Bradley
5 Nommé de nos jours télescope équatorial . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Monture_%C3%A9quatoriale
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08/10/2013
entre le succès et la gloire la différence est grande. Je connais des armées et des généraux qui n'ont eu ni l'un ni l'autre
.... Faut-il vous faire un dessin ?
https://www.youtube.com/watch?v=ucxd2Ano6vM
Gagner une bataille, une guerre, c'est un succès .
Où est la gloire dans ces meurtres ordonnés ?
http://voiretmanger.fr/sentiers-gloire-kubrick/
« A Charles-Augustin Ferriol , comte d'ARGENTAL.
Aux Délices, 28 août [1758]. 1
Me voilà rendu à mon ermitage des Délices, mon divin ange, après un voyage à la cour palatine, aussi agréable qu'il était nécessaire. Votre lettre, qui m'attendait, redouble le seul chagrin que je puisse avoir, en m'ôtant l'espérance de vous embrasser. Les tantes 2 et les débarbouillées sont donc d'étranges personnes . Il ne faut pas songer à réformer des têtes aussi mal faites. D'ailleurs, mes établissements et les dépenses considérables que j'y ai faites ne me permettent pas de me transplanter. J'avais voulu acheter une terre, uniquement dans la vue d'avoir un bien solide que je pusse laisser à mes héritiers, comptant fort peu sur la nature des autres biens qui peuvent périr en un jour; mais cela est encore aussi difficile que de faire entendre raison à des dévotes.3
Je me flatte que votre ami 4 a parlé de lui-même, je serais fâché qu'on crût que je l'ai prié de faire cette démarche; mais je n'en aurais pas moins d'obligation à vos bontés et aux siennes. Vous avez donc aussi des coliques, mon respectable ami ! Ce serait bien le cas de venir consulter Tronchin, en dépit des tantes; mais ces mêmes coliques vous empêchent de venir dans le temple d'Épidaure, et c'est ce qui me désespère. Je vous conjure de me mander des nouvelles de votre santé, ne me laissez pas sans consolation.
Mme du Boccage vous a donc montré notre Femme qui a raison. Elle nous a amusés en Savoie mais il se pourrait, à toute force, que le goût des Parisiens fût un peu différent de celui des Savoyards. Mme Denis ne m'a point encore fait voir vos commentaires critiques. Je ne crois pas, en général, que Fanime et Mme Du Ru 5 soient des personnes bien merveilleuses: elles peuvent avoir quelque succès par le mérite des actrices mais entre le succès et la gloire la différence est grande. Je connais des armées et des généraux qui n'ont eu ni l'un ni l'autre. Toutes les pièces des Français sont aujourd'hui sifflées de l'Europe. On dit que nous n'avons ni auteurs, ni acteurs, ni argent pour payer les places. Nous voilà in fœce Romuli.6 Où est le temps où l'on donnait Iphigénie 7 au retour de la campagne de 1672 ?
Il ne faut songer qu'à vivre dans la retraite et, si les choses continuent à aller du même train, on n'aura plus même de quoi y vivre. Comment se porte Mme d'Argental ? Mille tendres respects à tous les anges. Mme Denis et Mme de Fontaine vous font mille compliments; et moi, je suis pénétré de reconnaissance.
V.»
3 On peut penser que la lettre de d'Argental que nous ne connaissons pas, contenait quelque avis de Mme de Pompadour selon lequel le retour de V* en France serait mal accueilli . La tristesse de V* paraît évidente dans cette lettre qui parait même un peu décousue ; on a ici un moment important dans l'évolution de ses sentiments à l'égard de la patrie, marquant le début de son détachement.
4 Le chevalier de Chauvelin, qui portait le titre de marquis depuis son mariage.
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