Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Ce sont les brouillons qui doivent craindre de perdre leurs privilèges pour peu qu'ils en abusent

... Avis à tous  !

 

 

« A François Tronchin

22 [janvier 1765] au soir 1

Vous penserez peut-être mon cher ami qu'il est très essentiel que le Conseil voie l'extrait ci-joint après que vous l'aurez communiqué à M. Tronchin Calendrin et votre famille .

On paraissait soupçonner que Mme la duchesse de Luxembourg protégerait le misérable dont il s'agit , et pourrait même procurer une médiation favorable aux brouillons . Je répondis et je réponds encore sur ma tête qu'il n'en sera rien .

Vous êtes bien persuadé que le Conseil peut déployer toute sa fermeté et toute sa justice sans avoir à craindre de jamais perdre la moindre des prérogatives que la médiation lui assure . Ce sont les brouillons qui doivent craindre de perdre leurs privilèges pour peu qu'ils en abusent .

On attend que le Conseil agira contre le livre séditieux de la montagne comme on agit contre un perturbateur du repos public . L'auteur est tel, et doit être déclaré tel .

Voilà de qu'on dit, car pour moi je ne dis mot . Je ne suis pas de la paroisse .

 

22 au soir .

Extrait mot pour mot d'une lettre du 16 janvier 2

J'ai montré à M. de Praslin ce que vous m'avez écrit sur Genève . Il ne croit pas que le gouvernement de la 3 république soit en danger, mais je vous assure qu'il ne souffrira pas qu'on le change .

Vous paraissez surpris que Rousseau soit un malhonnête homme . On ne vous a donc pas donné les mémoires que j'ai eus . Il est noir, ingrat, faux dans ses idées, dans ses sentiments, dans ses actions ; en un mot il cache l’âme d'un scélérat sous le manteau de Diogène . »

1 Date complétée par Tronchin sur le manuscrit original .

2 Les deux passages cités le sont assez exactement, extraits d'une lettre du 16 janvier 1765 à d'Argental .

3 Trois mots ajoutés par V* au-dessus de la ligne .

Lire la suite

06/04/2020 | Lien permanent

Combattant contre l’oisiveté et l’ignorance naturelle avec laquelle nous sommes nés

J'ai le bonheur de disposer encore de mes cinq sens, le sixième étant un sens interdit que je prend nuitamment, sans aucun risque, pour cause de travaux. N'appelez pas les bleus, ils sont couchés à cette heure là (en tout cas, je le souhaite ! ).  Bon , puisque personne ne réagit, je vais me coucher moi aussi .

 

"Il y a beaucoup de maisons dans la demeure de mon père" disent les écritures, oui il y a beaucoup de maisons -demeures de l'Etat- pendant que des malheureux se gèlent dehors . M. Jean S.....y, si vous êtes assez couillu pour vous présenter à un poste de président sans autre bagage que votre bagout et un père logorrhéique à tic , occuppez-vous vite de ceux qui vivent sous des cartons ; sinon , circulez, y'a rien à voir, gardez votre Rolex, je garde mon Solex !

 

rolex.jpg

 

Solex-3800.jpg

 

 

 "

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"Eh bien moi, je préfère ma petite jument" nous aurais déclaré le Patriarche de Ferney à qui on présentait un Solex chinois, et "je ne veux point d'autre montre que de Ferney, les Genevois vont savoir qu'on est meilleurs qu'eux, et dans vingt ans, nous serons maitres de ce marché !"  devant une Rolex genevoise fabriquée par des français, italiens, espagnols, etc .

 

 

 

 

 

« A Pierre-Joseph Thoulier d’Olivet

 

 

                            Quoique je sois en commerce avec Neuton Maupertuis, et avec Descartes Mairan, cela n’empêche pas que Quintillien d’Olivet ne soit toujours dans mon cœur et que je ne le regarde comme mon maître et mon ami. Multae sunt mansiones in domo patris mei [Il y a beaucoup de maisons dans la demeure de mon père.], et je peux encore dire : in domo mea. Je passe ma vie , mon cher abbé, avec une dame qui fait travailler trois cents ouvriers, qui entend Neuton, Virgile et Le Tasse, et qui ne dédaigne pas de jouer au piquet.[Emilie du Châtelet, le château est en plein travaux encore] Voilà l’exemple que je tâche de suivre quoique de très loin. Je vous avoue , mon cher maître, que je vois pas pourquoi l’étude de la physique écraserait les fleurs de la poésie. La vérité est-elle si malheureuse qu’elle ne puisse souffrir les ornements ? L’art de bien penser, de parler avec éloquence, de sentir vivement et de s’exprimer de même serait-il donc l’ennemi de la philosophie ? Non, sans doute  ce serait penser en barbare. Malebranche, dit-on, et Pascal avaient l’esprit bouché pour les vers. Tant pis pour eux, je les regarde comme des hommes bien formés d’ailleurs, mais qui auraient le malheur de manquer d’un des cinq sens.

 

Je sais qu’on s’est bien étonné et qu’on m’a même fait l’honneur de me haïr, de ce qu’ayant commencé  par la poésie je m’étais ensuite attaché à l’histoire et que je finissais par la philosophie. Mais, s’il vous plait, que  faisais-je au collège, quand vous aviez la bonté de former mon esprit ? Que me faisiez-vous lire et apprendre par cœur à moi  et aux autres ? Des poètes, des historiens, des philosophes . Il est plaisant qu’on n’ose pas exiger de nous dans le monde ce qu’on a exigé dans le collège, et qu’on n’ose pas attendre d’un esprit fait les mêmes choses auxquelles on exerça son enfance.

 

                            Je sais fort bien et je sens encore mieux que l’esprit de l’homme est très borné mais c’est par cette raison-là même qu’il faut tâcher d’étendre les frontières de ce petit État, en combattant contre l’oisiveté et l’ignorance naturelle avec laquelle nous sommes nés. Je n’irai pas en un jour faire le plan d’une tragédie et des expériences de physique, sed omnia tempus habent [Mais toutes choses ont leur temps.], et quand j’ai passé trois mois dans les épines des mathématiques je suis fort aise de retrouver des fleurs.

 

Je trouve même fort mauvais que le père Castel ait dit dans un extrait des Éléments de Neuton [Dans les Mémoires de Trévoux], que je passais du frivole au solide . S’il savait ce que c’est que le travail d’une tragédie et d’un poème épique, si sciret donum dei [S’il connaissait le don de Dieu], il n’aurait pas lâché cette parole . La Henriade m’a coûté dix ans , les Éléments de Neuton m’ont coûté six mois et ce qu’il y a de pis, c’est que La Henriade n’est pas encore faite . J’y travaille encore quand le dieu qui l’a fait faire m’ordonne de la corriger, car, comme vous savez,

Est deus in nobis agitante calescimus illo.

[Il y a un dieu en  nous, nous nous enflammons sous son action.]

Et pour vous prouver que je sacrifie encore aux autels de ce dieu, c’est que M. Thiriot doit vous faire lire une Mérope de ma façon [Mérope remaniée], une tragédie française, où, sans amour, sans le secours de la religion une mère fournit cinq aces entiers . Je vous prie de m’en dire votre sentiment tout aussi naïvement que vous l’avez dit à Rousseau sur les Ayeux chimériques [d’Olivet est un des signataires d’un sonnet et d’une lettre adressée par « Voltaire et d’autres »  à Jean-Baptiste Rousseau, où étaient attaquées ses « trois épitres gothiques » et son « ode détestable sur la paix » et son « impertinente comédie des Ayeux Chimériques ».]

 

                            Je sais que non seulement vous m’aimez mais vous aimez aussi la gloire des lettres, et celle de votre siècle. Vous êtes bien loin de ressembler à tant d’académiciens, soit de votre tripot [l’Académie française], soit de celui des inscriptions, qui n’ayant jamais rien produit, sont les mortels ennemis de tout homme de génie et de talent, qui se donneront bien de garde d’avouer que de leur vivant la France a eu un poète épique , qui loueront jusqu’au Camouens [Luis de Camouens (1524-1580, auteur des Lusiades (1572), traduites par Duperron de Castera en 1735] pour me rabaisser, et qui me lisant en secret, affecteront en public de garder le silence sur ce qu’ils estiment malgré eux.  Peut être extinctus amabitu idem [Une fois mort le même sera aimé]. Vous êtes trop au-dessus de ces lâches cabales formées par les esprits médiocres, vous encouragez trop les arts par vos excellents préceptes pour ne pas chérir un homme qui a été formé par eux .Je ne sais pourquoi vous m’appelez pauvre ermite. Si vous aviez vu mon ermitage, vous seriez bien loin de me plaindre gardez-vous de confondre le tonneau de Diogène avec le palais d’Aristippe [voir une phrase du portrait malveillant de Voltaire qui a circulé en 1735, où on disait « le matin Aristippe et Diogène le soir »]. Notre première philosophie est ici de jouir de tous les agréments qu’on peut se procurer. Nous saurions très bien nous en passer , mais nous savons aussi en faire usage, et peut êtes si vous veniez à Cirey, préféreriez-vous la douceur de ce séjour   à toutes les infâmes cabales des gens de lettres, au brigandage des journaux, aux jalousies, aux querelles, aux calomnies , qui infectent la littérature. Il y a des têtes couronnées, mon cher abbé, qui ont envoyé dans cet ermitage de Mme du Châtelet leurs favoris pour venir l’admirer [Le favori de Frédéric, Dietrich von Kayserlingk a été envoyé l’été précedent], et qui voudraient y venir eux-mêmes ; et si vous y veniez nous en serions tout aussi flattés. La visite du sage vaut celle des princes .

 

                            Adieu, je ne vous écris point de ma main, je suis malade, je vous embrasse tendrement . Adieu, mon ami et mon maître.

 

 

                            V.

                            A Cirey ce 20 octobre 1738. »

.

 

Lire la suite

20/10/2009 | Lien permanent

Oui je suis innocent au jugement des dieux, Devant le monde entier, mais non pas à mes yeux

... Aussi vous présentais-je mes excuses, au mieux,

    Au pire, restant lâchement  avide de vos voeux .

François Fillon, Pénélopegate , I, 1 .

 Résultat de recherche d'images pour "oui je suis innocent humour fillon"

Clair comme de l'encre de seiche !

 

 

 

«A Charles-Augustin Ferriol, comte d' d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

A Ferney 24 février 1762 1

Humble réponse à l’édit de mes anges donné rue de la Sourdière, 16 Février.

La créature V. fera ponctuellement tout ce que ses anges lui ont signifié.

Il enverra lettres, déclarations conformes à leur sage et bénigne volonté, et ne fera pas comme le parlement de Bourgogne, qui cesse ses fonctions parce qu’il croit qu’on lui a dit des injures.

Il n’attend que la pièce pour la faire repartir sur-le-champ avec force corrections ; il avise ses divins anges qu’on a plus étendu, plus circonstancié le meurtre de Cassandre, qui doit s’exécuter au sortir du temple, afin que nul ne soit surpris de voir que la pauvre Olympie, après avoir précédemment prié Cassandre de vider le temple, lui dise tout effarée de n’en pas sortir. Si mes anges s’y sont mépris, bien d’autres s’y méprendraient.

Quant au local, je ne vous entends point, ou vous ne m’entendez pas, et, dans l’un et l’autre cas, c’est ma faute. Peut-être a-t-on oublié dans la copie de marquer que le temple est fermé à la première scène du quatrième 2 acte, et ouvert ensuite. C’est au pied d’un autel, et près d’une colonne, que Cassandre trouve Olympie ; ils se parlent vers cet autel qui est dans le temple. Si les acteurs n’ont pas la voix assez forte pour se faire entendre de l’intérieur de ce temple, ce n’est pas ma faute . S’ils avancent un peu dans le parvis, le public suppose toujours qu’ils sont dans l’intérieur, et, tant qu’il voit le temple ouvert, il est assez sous-entendu que la scène est dans ce temple. Jamais l’unité du lieu n’a été plus rigoureusement observée. Il serait à souhaiter que la façade du temple ne laissât que huit 3 pieds pour le vestibule, que, les portes du temple étant ouvertes, les acteurs ne s’avançassent jamais jusque dans ce vestibule ouvert, jusque dans ce parvis. Mais, encore une fois, si leur voix alors ne faisait pas assez d’effet, il faudrait bien leur passer de s’avancer deux ou trois pas dans ce parvis. Je soupçonne que vous avez cru que la porte du temple devait être, comme à l’ordinaire, dans le fond du théâtre ; mais non, elle est sur le devant. Imaginez qu’au premier acte la toile se lève ; on voit sur le bord du théâtre la façade d’un temple fermé . Sostène est à la porte du temple ; cette porte s’ouvre. Dès que la toile est levée, Cassandre sort du temple pour parler à Sostène, et la porte se referme incontinent, après avoir laissé voir au spectateur deux longues files de prêtres et de prêtresses couronnés de fleurs, et une décoration magnifiquement illuminée au fond du sanctuaire. L’œil toujours curieux et avide est fâché de ne voir qu’un instant ce beau spectacle ; mais il est ravi lorsqu’à la troisième scène il voit la pompe de la cérémonie du mariage dans ce temple, et Antigone qui frémit de colère à la porte.

Il ne s’agit donc que de marquer en marge expressément les endroits où les acteurs doivent être.

Il serait à souhaiter qu’on pût représenter une place, un parvis, un temple ; mais, puisque dans nos petits tripots parisiens nous ne pouvons imiter la magnificence du théâtre de Lyon, il faut suppléer comme on peut à notre mesquinerie. On fermera donc le temple au commencement du quatrième acte, et Cassandre et Antigone, qui étaient dans l’intérieur à la fin du troisième, seront dans le vestibule ou parvis au commencement du quatrième ; ils seront prêts à fondre l’un sur l’autre, partant chacun de la première coulisse, le grand-prêtre et sa suite au milieu. Cela doit faire un très beau spectacle. Tout parle aux yeux dans cette pièce, tout y forme des tableaux, tantôt attendrissants, tantôt terribles.

Ce genre un peu nouveau demande le plus grand concert de tous les acteurs et du décorateur, et ce n’est peut-être pas l’ouvrage de six jours.

Un des tableaux les plus difficiles à exécuter est celui où Statira est mourante entre les mains d’Olympie, qui, embrassant sa mère et repoussant Cassandre, appelant du secours, et craignant en même temps pour son amant et pour sa mère, doit exprimer un mélange de mouvements et de passions qui ne peut être rendu que par une actrice consommée. Le tableau du cinquième acte est d’une exécution encore plus difficile ; ainsi j’avoue avec mes anges qu’il y a que mademoiselle Clairon qui puisse jouer Olympie. Il me semble qu’elle a pour elle le premier acte, le quatre et le cinq ; Statira n’en a que deux où elle efface sa fille. De plus, on peut donner à la pièce le nom d’Olympie afin que mademoiselle Clairon ait encore plus d’avantages, et paraisse jouer le premier rôle.

J’avouerai encore, après y avoir bien pensé, qu’il vaut mieux ne point donner la pièce au théâtre que de la hasarder entre des mains qui ne soient pas exercées et accoutumées à faire approcher celles du parterre l’une de l’autre.

J'imagine qu'avec un Cassandre bien emporté, bien tendre, bien égaré, avec un Antigone insolent, un hiérophante rempli d'onction, Mlle Dumesnil n’ayant bu que bouteille 4

Je rouvre ma lettre pour vous dire que

J'ai tué Statira ! Mais c'est dans les combats,

C'est en sauvant mon père, en lui prêtant mon bras,

C'est dans l'emportement du trouble et du carnage

Où le devoir d'un fils égarait mon courage .

J'ai tué Statira ! Mais seul de tant de rois

J'ai gémi, j'ai pleuré sur ces affreux exploits .

Je les détesterais quand mon âme asservie

N'aurait jamais connu les charmes d’Olympie .

Oui je suis innocent au jugement des dieux,

Devant le monde entier, mais non pas à mes yeux,

Non pas pour Olympie ; et c'est là mon supplice,

C'est là mon désespoir etc. 5 »

1 Date complétée par d'Argental.

2 V* semble avoir d'abord écrit troisième .

3 V* a d'abord écrit dix, rayé .

4 Il manque ici au moins deux pages du manuscrit, ce passage s'arrêtant à un verso et le post scriptum étant un recto . L'éditeur de Kehl note, sur la copie Beaumarchais ; « (la fin manque) » et raie le post scriptum, si bien que ce dernier manque dans les éditions . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1762-partie-7-122883261.html

5 Ces vers considérablement modifiés, apparaissent dans Olympie, III, 1 .

 

Lire la suite

13/02/2017 | Lien permanent

Je ne vous parlerai pas aujourd'hui, mon cher ange, des deux enfants que j'ai faits dans ma quatre-vingt-quatrième année

 

Mademoiselle_de_Beaumont,_chevalier_d'Éon_(1728-1810).jpg

http://www.youtube.com/watch?v=qgre_75wrsU

 Je viens de revoir comme partenaire de la petite rousse, la brune Zouc, et comme Volti se vante de faire des enfants à 84 ans, parlons d'accouchement :

http://www.youtube.com/watch?v=CZ4vjgxylE0&feature=re...

 

Le_chevalier_d’Éon_(1728-1810).jpg

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

6è décembre 1777 à Ferney

 

Je ne vous parlerai pas aujourd'hui, mon cher ange, des deux enfants que j'ai faits dans ma quatre-vingt-quatrième année i. Vous les nourrirez s'ils vous plaisent ; vous les laisserez mourir s'ils sont contrefaits. Mais je veux absolument vous parler d'un autre monstre, c'est de cet animal amphibie qui n'est ni fille ni garçon ii; qui est, dit-on, habillé actuellement en fille ; qui porte la croix de Saint Louis sur son corset, et qui a comme vous douze mille francs de pension. Tout cela est-il bien vrai ? Je ne crois pas que vous soyez de ses amis s'il est de votre sexe, ni de ses amants s'il est de l'autre. Vous êtes à portée plus que personne de m'expliquer ce mystère . Il ou elle m'avait fait dire par un Anglais de mes amis, qu'il ou elle, viendrait à Ferney iii, et j'en suis très embarrassé.

 

Je vous demande en grâce de me dire un mot de cette énigme.

 

Je ne sais point de nouvelles de la santé de M. de Thibouville, vous croyez bien que je m'y intéresse. La mienne est bien déplorable,vous savez que je n'ai pas besoin d'un fort hiver.

 

Je remercie de loin votre fort aimable secrétaire qui a bien voulu raccommoder les langes de mon dernier enfant iv. Savez-vous bien que je vous en enverrais encore un autre, si celui-là ne mourait pas en nourrice ? Il est plaisant que je sois si prolifique en étant continuellement à la mort.

 

Avez-vous mis en nourrice mon Contantinopolitain v chez M. le maréchal de Duras vi? Je ne vous fais cette question, mon cher ange, que pour vous remercier de vos bontés, car je ne suis pressé de rien. Si j'avais des passions vives, ce serait de venir me mettre à Paris sous les ailes de mon ange. Je me recommande à M. de Thibouville.

 

V. »

 

i Agathocle, et Irène.

 

 

iii Cependant,V* le 16 septembre a écrit au chevalier qu'il aspirait au plaisir de voir un capitaine-femme aussi célèbre. George Keate lui ayant vanté dans une lettre du 15 août les mérites du chevalier d'Éon, dont « on ne parlera plus à présent ... que sous le titre de Mlle de Beaumont » qui souhaitait vivement « passer deux ou trois jours dans sa société [de V*] » dans le courant de septembre .http://fr.wikipedia.org/wiki/George_Keate

 

 

iv V* a envoyé le 17 novembre « des emplâtres pour mettre un appareil à toutes les blessures d'Irène » en indiquant le mode d'emploi à l'« aimable secrétaire » : « J'ose instamment supplier la secrétaire aimable que vous avez élevée de vouloir bien placer ces petits papiers que j'envoie. Il n'y a qu'à lire l'indication de chacun, ensuite in coupe avec des ciseaux cette indication , et on met la correction avec quatre petits pains à cacheter à la place convenable. »

 

v Irène.

 

vi Premier gentilhomme de la chambre alors « d'année » qui décide des programmes des spectacles à la Comédie Française.

Emmanuel-Félicité de Durfort, duc de Duras : http://wapedia.mobi/fr/Emmanuel-F%C3%A9licit%C3%A9_de_Dur...

 

 Zouc encore, parce que je l'aime : http://www.dailymotion.com/video/x109eh_zouc_fun

 http://www.dailymotion.com/video/x7kib0_zouc-chez-michel-...

 http://www.dailymotion.com/video/x169z4_zouc-la-fourmi_fun

 

 

 

Lire la suite

04/12/2010 | Lien permanent

Mon zèle ne se ralentira point . Vous m'avez fait Russe

... Et j'en ai tout le caractère excessif, dit notre Gégé 2par2, en enchaînant rôle sur rôle et se mettant dans la peau d'Obélix aussi bien (façon de parler) que de Dirty Silly Keutard . Gégé sera beaucoup pardonné, car il a beaucoup déconné/détonné .

 Afficher l'image d'origine

« A Ivan Ivanovitch Schouvalov

Aux Délices par Genève 2 août 1760

Monsieur, à peine ai-je reçu la lettre agréable dont Votre Excellence m'a honoré par la voie de M. le comte de Keizerling que ma joie fut bien altérée par l'amertume d'une nouvelle de La Haye . Les frères Cramer, libraires citoyens de Genève, à qui j'ai fait présent de l'Histoire de Pierre le Grand, m'apportèrent une gazette de La Haye, par laquelle j'appris qu'un libraire de La Haye nommé Pierre de Hondt 1 met en vente cet ouvrage . Ce coup me fut d'autant plus sensible que je n'ai point encore reçu les nouvelles instructions que Votre Excellence veut bien me donner . Me voilà donc exposé , monsieur, et vous surtout, à voir ce monument que vous éleviez, paraître avant qu'il soit fini . Le public le verra avec les fautes que je n'ai pu encore corriger, et avec celles qu'un libraire de Hollande ne manque jamais de faire .

J'ai écrit incontinent à Son Excellence de Golofskin 2, votre ambassadeur à La Haye . Je lui ai expliqué l'affaire, les démarches de la cour de Vienne à Hambourg, l'intérêt que vous prenez à l'ouvrage, l'injuste et punissable procédé du libraire Hondt et je ne doute pas que M. le comte de Golofskin n'ait le crédit d'arrêter , du moins pour quelque temps, les effets de la rapine des libraires hollandais .

Mais, tandis que je prends ces précautions avec la Hollande, je suis bien plus en peine du côté de Genève . Les frères Cramer ont fait beaucoup de dépenses pour l'impression du livre, ils ne sont pas riches, ils tremblent de perdre le fruit de leurs avances, je ne peux les empêcher de débiter le livre qu'ils ont imprimé à leurs frais . J'espère que le second volume n'essuiera pas les disgrâces que le premier a souffertes . Mon zèle ne se ralentira point . Vous m'avez fait Russe, vous m'avez attaché à Pierre le Grand . Nous avons en France une comédie 3 dans laquelle il y a une fille amoureuse d'Alexandre le Grand . Je ressemble à cette vieille fille . Je me flatte que ma passion ne sera pas malheureuse, puisque c'est vous qui la protégez .

J'attends avec empressement les nouveaux mémoires que Votre Excellence a la bonté de me destiner . Je les mettrai en œuvre dès qu'ils seront arrivés . Il est vrai que la paix serait un temps plus favorable pour faire lire ce livre dans l’Europe . Les esprits sont trop occupés de la guerre ; mais il est à croire que vos victoires nous donneront bientôt cette paix nécessaire . Alors je prendrais ce temps pour venir vous faire ma cour dans Petersbourg si j'avais plus de santé et moins d'années que je n'en ai . Les lettres dont vous m'honorez sont la consolation la plus flatteuse que je puisse recevoir et la seule qui puisse me dédommager . Je serai jusqu'au dernier jour de ma vie, avec la plus respectueuse reconnaissance et le plus inviolable attachement

monsieur

de Votre Excellence

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire »

1 Pierre de Hondt [http://data.bnf.fr/12402162/pieter_de_hondt/#allmanifs] était le fils d'Abraham de Hondt qui avait édité Les Illustres Françaises, et le Journal de voyage aux Indes de Robert Challe (https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Challe).

2 La lettre de V* n'est pas connue, mais son existence est établie également par la réponse de Golovskin, datée de La Haye du 26 août 1760 : «  ... j'ai parlé au libraire de Hondt qui m'a dit qu'on imprimait ici toutes sortes d'histoires .... qu’ainsi il croyait pouvoir le faire aussi ... protestant en même temps qu'il se donnerait bien garde d'imprimer rien qui soit désagréable à ma cour ... Il m'a promis de suspendre son impression ; mais en même temps il m'a fort prié que ... on veuille bien lui accorder la préférence ... j'attendrai les ordres de ma cour . »

3 Cette comédie est Les Visionnaires, 1637, de Desmarets de Saint Sorlin : http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/DESMARETS_VISIONNAIRES.xml

Lire la suite

02/08/2015 | Lien permanent

Je pense que tout le monde est devenu fou ; cela ne serait rien, si l'on n'était pas devenu aussi gueux

... Soyons fous, gueux !

miracle des gueux.jpg

 

 

 

« Au marquis Bernard-Louis de CHAUVELIN,
ambassadeur à Turin.

Aux Délices, 11 décembre [1759].

Il est bien beau à Votre Excellence de songer à des tragédies françaises, quand vous avez des opera italiens. Pour moi, je renonce cet hiver aux uns et aux autres. Phèdre, non pas la Phèdre de Racine, mais Phèdre, le conteur de fables, dit :

Vaces oportet, Eutiche, a negotiis,
Ut liber animus sentiat vim carminis.
1

 
Je maintiens que le public de Paris est comme ce M. Eutichius ; il n'est pas en état de sentir vim carminis.2 Il lui faut argent, gaieté, succès; il n'a rien de tout cela; il siffle tout pour se venger.
J'avais fait ma Chevalerie dans un temps moins malheureux, et j'espérais que vous pourriez la voir à Paris. Vous et madame l'ambassadrice l'avez assez honorée dans ma petite retraite.
M. le duc de Choiseul est, je crois, à présent un vrai Eutichius ; moi, chétif, je suis attristato, malinconico, ammalato 3. L'hiver me rend de mauvaise humeur ; il m'ôte le plaisir de me ruiner en bâtiments. J'essuie des banqueroutes. Les misères publiques poussent jusqu'au mont Jura, et viennent m'y trouver.
Vraiment oui, monsieur, j'ai reçu une lettre du roi de Prusse ; j'en ai reçu trois en huit jours. Je suis comme les gens de l'île des Papegaux 4 : « L'avez-vous vu, bonnes gens, l'avez-vous vu ?
Eh oui, pardieu ! nous en avons vu trois, et nous n'y avons guère profité. 5» Cette petite affaire me paraît aussi épineuse que celle de ce rude abbé d'Espagnac, qui ne finit point, et qui s'amuse à présent à condamner le lit de justice.
Je pense que tout le monde est devenu fou ; cela ne serait rien, si l'on n'était pas devenu aussi gueux. Je crois pourtant que Luc écrira à votre ami 6 avant un mois. Pour moi, je vous remercierai toujours des bontés dont vous m'avez honoré auprès de cet épineux d'Espagnac. Il devrait bien plutôt songer à tirer le pays de Gex de la misère qu'à grimeliner 7 des lods et ventes.
Il ne m'appartient pas de parler à Votre Excellence des affaires publiques ; mais il faut que je vous conte un trait assez singulier qui a quelque rapport à ce qui se passe sur terre. Vous savez que le roi de Prusse m'écrit quelquefois en vers et en prose, quand il a fait sa revue et joué de la flûte ; or il m'écrivait le 17 de novembre : « Nous touchons à la fin de notre campagne ; elle sera bonne, et je vous écrirai, dans une huitaine de jours, de Dresde, avec plus de tranquillité et de suite qu'à présent ; » et vous savez, au bout de trois jours, ce qui lui est arrivé 8. Je trouve partout la fable du Pot au lait 9. Quel pot au lait que ce Silhouette ! Son premier début m'avait séduit. Ce traducteur du Tout est bien, de Pope, m'a vite rangé du parti de Martin, et m'a fait voir combien tout est mal. Il faut tâcher de vivre comme le seigneur Pococurante. Mais il y a un seigneur qui me paraît de tout point préférable ; c'est le plus aimable des hommes, mari de la plus aimable des femmes. Je leur présente à tous deux, avec leur permission, les plus tendres respects.

V. »

1 Il faut, Eutichius, que tu lances tes occupations, pour que ton esprit libre sente la force du poème . Phèdre , Fables, III, prologue, v. 2-3 : http://latinjuxtalineaire.over-blog.com/article-24810395.html

2 La force du poème .

3 Attristé, mélancolique, malade, ce sont presque les termes du début de la lettre à Algarotti du 10 décembre 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/12/17/la-musique-change-c-est-une-affaire-de-gout-et-de-mode-mais-5514916.html

4 Voyez Pantagruel, liv. IV, chap. XLVIII; comment Pantagruel descendit en l'isle des Papimanes. — C'était de mémoire seulement que Voltaire en citait ce passage.

V* écrit papes gaux en deux mots . Les trois lettres de Luc sont sans doute celles des 12, 17 et 19 novembre ; voir lettre du 4 décembre 1759 à Frédéric II qui répond à celle du 19 novembre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/12/12/quelle-idee-quel-contraste-quel-mot-5509288.html

6 Le duc de Choiseul

7 De grimelin, petit écolier, signifie « jouer petit jeu » comme des enfants . Le sens du texte est tout proche de celui-là . Littré dit «  se ménager quelque petit profit dans une affaire . »

 

 

Lire la suite

19/12/2014 | Lien permanent

pas un seul qui ose imprimer ce qu'il pense . Jugez si dans des matières plus importantes les hommes ne trahissent pas l

... Oui, Voltaire, tu dis vrai encore  : 524 romans à la rentrée littéraire de septembre 2019 en France ! auxquels il faut ajouter maintenant les romans/biographies/élucubrations de nos hommes politiques, anciens présidents ou candidats à la présidence, vedettes du show biz, chroniqueurs extrèmistes, ex-ceci ou cela ... ! Mazette ! même Bernard Pivot ne peut ingurgiter cette masse , et encore moins votre serviteur  .

A ceux qui ont vandalisé la librairie où Jean-Marie Le Pen devait signer son dernier livre (Dieu veuille que ce soit bien le dernier ) je dis qu'ils sont encore plus détestables que lui, et plus idiots encore en lui faisant une publicité de martyr . Casser le thermomètre n'a jamais fait baisser la fièvre .

https://francais.rt.com/france/66518-nouvelle-librairie-vandalisee-avant-venue-de-jean-marie-le-pen

 

 

« A Adrien-Michel-Hyacinthe Blin de Sainmore

à Paris

9è auguste 1764 à Ferney

Vous avez montré, monsieur, autant de courage que de raison et de goût 1. Ce qui est assez singulier c'est que de tous les gens de lettres qui m'ont écrit sur l'édition de Corneille, il n'y en a pas un seul qui ne pense comme vous, et pas un seul qui ose imprimer ce qu'il pense . Jugez si dans des matières plus importantes les hommes ne trahissent pas la vérité tous les jours . Nous sommes inondés de livres en France, je n'en connais pas deux dont les auteurs aient parlé avec une sincérité entière . Quand une fois un préjugé est établi, il est respecté en public de ceux qui s'en moquent en secret . J'avoue qu'il n'appartient pas à tout le monde de déchirer le bandeau de l'erreur et de l'ignorance : mais vous avez commencé d’une main si ferme, et d'une manière si raisonnable, que vous êtes digne d'achever seul l'ouvrage .

Je n'ai peut-être pas remarqué le quart des fautes dont les meilleurs pièces de Corneille fourmillent ; le texte aurait disparu sous les remarques . J'ouvre, par exemple , le 3è acte de Cinna :

Vous êtes son rival, oui j'aime sa maîtresse,

Et l'ai caché toujours avec assez d'adresse …

En ces occasions ennuyé de supplice …

Nous disputons en vain, et ce n'est que folie .

Ce n'est pas le moyen de plaire à ses beaux yeux.

Pour moi j'estime peu qu'Auguste me la donne .

Je veux gagner son cœur plutôt que sa personne.

Je ne fais point d’état de sa possession.

J'espère toutefois qu'à force d'y rêver

Tous ces vers sont de la première scène de cet acte ; ils sont tous ou bas ou comiques, ou mal écrits 2. On ferait après mes remarques une moisson beaucoup plus abondante que la mienne ; et si les hommes étaient justes, ils ne m'accuseraient que de trop de retenue .

Vous pourriez très aisément faire un petit volume sur ce canevas . Comptez que la raison triomphe à la fin de toutes les chicanes, quand elle est exposée avec candeur .

J'ai beaucoup d'envie de lire votre héroïde des Calas 3, le sujet est bien intéressant, et je ne doute pas qu'il ne le devienne encore davantage sous votre plume .

Continuez, monsieur, à aimer les lettres et la vérité, ce sont les deux objets les plus dignes d'un être pensant . Comptez, monsieur, sur l’estime bien véritable que j'ai pour vous, j'y ajoute aujourd'hui la reconnaissance ; c'est avec ces sentiments que j'ai l'honneur d'être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

1 Blin de Sainmore a publié (anonymement) une Lettre sur la nouvelle édition de Corneille par M. de Voltaire, 1764, dont l'original olographe, daté du 1er août 1764, est conservé à la Bibliothèque nationale , et dans laquelle il n'a pas fait plus que Voltaire preuve de compréhension historique à l'égard de l’œuvre dramatique de Corneille . Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5530882n

Et : https://www.revuedesdeuxmondes.fr/wp-content/uploads/2016/11/2879b220932eff741dc05174d5803a45.pdf

2 V* juge cette scène , comme le reste de l’œuvre de Corneille, d'après une esthétique à la fois très personnelle et très liée au goût d'une époque qui n'a rien à voir avec celle de Corneille:il suffit à cet égard de comparer le mobilier Louis XIII et le mobilier de la fin du règne de Louis XV . En outre, V* accumule des vers séparés de leur contexte . Enfin , il semble ne pas comprendre que le français a évolué depuis 1639 , et il se moque d’une expression comme ennuyé de supplices, qui , dans le texte a beaucoup de force et n'a rien de bas :

Auguste s'est lassé d'être si rigoureux ;

En ces occasions, ennuyé de supplices,

Ayant puni les chefs, il pardonne aux complices.

3 Le genre des « héroïdes » vient d'être mis en vogue par Daurat qui a fait des Lettres portugaises des héroïdes en vers au goût du jour ( voir : https://www.persee.fr/doc/caief_0571-5865_1968_num_20_1_896 ) . Blin de Sainmore a composé la sienne : Jean Calas à sa femme et à ses enfants, héroïde, 1763 : http://terment.ru/fr8/?q=Jean+Calas+%C3%A0+sa+femme+et+%C3%A0+ses+enfans%2C+h%C3%A9ro%C3%AFde

et voir : https://www.academia.edu/37962286/Jean_Calas_un_mythe_dans_le_theatre_francais_fin_XVIII

Lire la suite

07/10/2019 | Lien permanent

l'un est un fanatique imbécile qui grâce au ciel est beaucoup plus vieux que moi, et l'autre un … dont je ne veux rien d

 ... Parmi les commis de l'Etat , ces deux types d'individus existent malheureusement  , l'affaire Tapie n'étant qu'une preuve par l'absurde .

 

commis vautour 1.png


 Pour info :http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/06/21/01016-20130621ARTFIG00640-comprendre-l-affaire-tapie-en-3-minutes.php

 

commis vautour 2.png

De plus, qu'il me soit permis de saluer bien bas l'exploit des services de sécurité du président pudibond qu'on ne saurait exposer à l'agression de deux paires de seins féminins . Ces femmes ont au moins le grand mérite de ne pas se contenter de promesses d'actions, elles agissent  , elles !

http://www.lepoint.fr/politique/deux-femen-seins-nus-interpellent-francois-hollande-au-bourget-21-06-2013-1684412_20.php

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

rue Simon Lefranc

A Lausanne 25 février [1758]

Dieu merci, mon cher philosophe, turpiter allucinaris et magis magnos clericos non sunt magis magnos sapientes 1 sur les petites intrigues de ce monde . Soyez très sûr que Mme de Pompadour et M. l'abbé de Bernis sont très loin de se déclarer contre l'Encyclopédie . L'un et l'autre, je vous en réponds, pense en philosophe, et agira hautement dans l'occasion quand on le pourra sans se compromettre . Je ne réponds pas de deux commis dont l'un est un fanatique imbécile qui grâce au ciel est beaucoup plus vieux que moi, et l'autre un … dont je ne veux rien dire .

Il y a quatre ou cinq barbouilleurs de papier et l'auteur de la gazette en est un . C'est un misérable petit bel esprit, ennemi de tout mérite . Quelques coquins de cette trempe se sont associés , et les auteurs de l'Encyclopédie ne s'associeraient pas ; et ils ne seraient pas animés du même esprit ; et ils auraient la bassesse de travailler en esclaves à l'Encyclopédie et de ne pas attendre qu'on leur rende justice et qu'on leur promette l'honnête liberté dont ils doivent jouir ? N’y a-t-il pas 3000 souscripteurs intéressés à crier vengeance avec eux ?2

Dès que je fus informé de l'article Genève et du bruit qu'il excitait, j'écrivis à Diderot et je lui mandai qu'il y allait de votre honneur à tout jamais si vous vous rétractiez . Je lui écrivis aussi un petit billet au sujet du malheureux libelle des kakouacs . Je n'ai point eu de réponse . Ce n'est point paresse , il a écrit au docteur Tronchin 3 qui tenait la plume du comité des prédicants de Genève . Je ne suis point content de sa lettre à Tronchin , mais je suis indigné de son impolitesse grossière avec moi . Vous pouvez lui montrer cet article de ma lettre . Je reçois enfin ce 26 une lettre de Diderot . Quel procédé ! après un mois ! et quelle misère de mollir ! Lui , l'esclave des libraires! quelle honte 4. Je veux absolument qu'il me rende tout ce que je lui ai écrit sur l'article Genève et sur les Kakouacs, et qu'il remette ces papiers à Mme de Fontaine, ou à M. d'Argental, ou à vous que je supplie de les rendre à Mme de Fontaine .

Au reste je n'ai point de terme pour vous exprimer combien je serai affligé et indigné si vos confrères continuent à écrire sous la potence ; attendez seulement un an , et il n'y aura qu'un cri

dans le public pour vous engager à continuer en hommes libres et respectés .

M. de Malesherbes vous a, je crois 5 donné la profession servétine qu'on lui a envoyée pour vous . Servet sans doute aurait signé cette confession . C'est là une des belles contradictions de ce monde . Ceux qui ont fait brûler Servet pensent absolument comme lui, et le disent . On vient d'imprimer le socinianisme tout cru à Neufchâtel . Il triomphe en Angleterre . La secte est nombreuse à Amsterdam . Dans vingt ans Dieu aura beau jeu .

Tout ce qu'on a écrit des officiers généraux prussiens et sur l'abbé de Prades est faux. On ne dit que des sottises . L'abbé de Prades est aux arrêts pour avoir mandé des nouvelles assez indifférentes, les seules qu'il pouvait savoir . On traite à Paris les hommes comme des singes, ailleurs comme des ours , fortunatus et ille deos qui novit agrestes 6. J'attends les beaux jours pour aller voir mes Délices . En attendant nous jouons la comédie et mieux qu'à Paris, vana absit gloria 7 .

Vive liber et felix 8.

V.

Il faut que vous fassiez encore un voyage à Genève . »

1 Latin de cuisine rabelaisien : « tu divagues de façon honteuse et les plus grands clercs ne sont pas les plus grands sages . » Voir aussi Montaigne, Essais I, xxiv : http://www.bribes.org/trismegiste/es1ch24.htm

2 Phrase ajoutée entre les lignes .

3 Cette lettre du 30 décembre 1757 a été imprimée dans « Lettres inédites pour servir à l'histoire du Xviiiè siècle », La Réformation au XIXè siècle, Genève ; voir : http://oreilletendue.com/2011/11/05/enquete-diderotienne/

Diderot se déclare persuadé que d'Alembert n'a offensé les Genevois que par inadvertance et insiste sur le fait qu'il n'a lui-même aucune part dans cet article, soit comme auteur, soit comme éditeur .

4 Ces lignes, depuis « Je reçois ... » sont ajoutées au bas de la page avec renvoi .

5 « je crois » est en surcharge sur « donné » écrit premièrement .

6 Heureux aussi celui connait les dieux agrestes ; Virgile, Georgiques II, 493 .

7 Sans vaine gloire .

8 Vis libre et heureux .

 

Lire la suite

22/06/2013 | Lien permanent

vous connaissez mon cœur et ma manière de penser . J'ai pleuré sa mort et je voudrais être avec elle

Version française de la lettre écrite en anglais à Thieriot le 26 octobre 1726, rédigée le 19 août 2011 pour parution le 26 octobre 2010 .

 

 

 

« A Nicolas-Claude Thieriot

 

[26 octobre 1726]

 

Je veux vous envoyer deux ou trois poèmes de M. Pope, le meilleur poète d'Angleterre et, pour le moment , du monde entier . J'espère que vous connaissez assez la langue anglaise pour être sensible à tous les charmes de ses ouvrages . Pour moi, je considère son Essai sur la critique comme supérieur à l'Art poétique d'Horace, et sa Boucle de cheveux enlevée, dans le genre comique, est à mon avis supérieure au Lutrin de Despréaux . Je n'ai jamais rencontré une imagination aussi aimable, des grâces aussi charmantes, une variété aussi grande, autant d'esprit et une connaissance aussi raffinée du monde que dans ce petit ouvrage .

 

Maintenant , mon cher Thieriot, après avoir répondu tout au long de vos questions sur les livres anglais, laissez-moi vous mettre au courant de cette mauvaise fortune qui me poursuit toujours . Je suis revenu en Angleterre vers la fin de juillet, fort désappointé de mon voyage secret en France 1, qui a été à la fois inutile et coûteux . Je n'avais sur moi que quelques lettres de change sur un juif au nom de Médina 2, pour la somme d'environ huit à neuf mille livres françaises, tout compris . En arrivant à Londres j'appris que mon diable de Juif avait fait banqueroute 3. Je n'avais pas un penny 4, j’étais malade à mourir d'une fièvre violente, personne ne me connaissait ; milord et milady Bolingbroke étaient à la campagne ; je n'osais me présenter à notre ambassadeur dans un état aussi misérable 5. Je n'avais jamais souffert une telle détresse ; mais je suis né pour subir toutes les vicissitudes de la vie . En ces circonstances, mon étoile qui , au milieu de ses influences les plus désastreuses, fait toujours descendre sur moi quelque douceur, dirigea vers moi les pas d'un gentleman anglais que je ne connaissais pas, qui me força d'accepter quelque argent dont j'avais besoin 6. Un autre habitant de Londres 7 que je n'avais vu qu'une fois à Paris, m'a emmené à sa maison de campagne, où, depuis, je mène une vie obscure et charmante, sans aller à Londres , et tout aux plaisirs de la paresse et de l'amitié . L'affection sincère et généreuse de cet homme qui adoucit l'amertume de ma vie , me porte à vous aimer de plus en plus . Tous les exemples d'amitié me rendent mon ami Thieriot plus cher encore . J'ai souvent vu milord et milady Bolingbroke ; j'ai trouvé que leur affection est toujours la même et avait même grandi an proportion de mon infortune ; ils m'ont tout offert leur argent, leur maison ; mais j'ai tout refusé parce qu'ils sont lords, et j'ai tout accepté de M. Faulkener parce que c'est un simple particulier .

 

J'avais l'intention tout d'abord d'imprimer notre pauvre Henri 8 à Londres à mes frais ; mais la perte de mon argent a fâcheusement mis fin à mon projet . Je me demande si je ferai l'essai d'une souscription patronnée par la Cour . Je suis fatigué des cours, mon cher Thieriot . Tout ce qui est roi ou dépend d'un roi épouvante ma philosophie républicaine . Je ne veux pas tremper mes lèvres à la coupe de l'esclavage sur la terre de la liberté .

 

J'ai écrit librement à l'abbé Desfontaines, c'est vrai, et j'agirai toujours de même, n'ayant aucune raison de me contraindre 9. Je ne crains , je n'espère rien de votre pays . Tout ce que je désire c'est de vous voir un jour à Londres . Je me plais à vivre dans cet espoir ; si ce n'est qu'un rêve, laissez-moi en jouir, ne me désabusez pas, laissez-moi croire que j’aurai le plaisir de vous voir à Londres, vous assimilant l'esprit vigoureux de cette inexplicable nation . Vous traduirez mieux leurs pensées étranges, lorsque vous vivrez au milieu d'eux . Vous verrez une nation dévouée à la liberté, savante , spirituelle, méprisant la vie et la mort, une nation de philosophes ; ce n'est pas qu'il n'y ait pas quelques sots en Angleterre, chaque pays a ses fous ; il se peut que la sottise française soit plus agréable que la folie anglaise, mais par Dieu la sagesse anglaise et l'honnêteté anglaise sont supérieures à ce que vous avez chez vous . Je vous ferai connaître un jour le caractère de cet étrange peuple 10, mais il est temps de mettre fin à mon bavardage anglais . Vous prendrez, je le crains, cette longue épître pour quelqu'un de ces ennuyeux livres anglais que je vous ai conseillé de ne pas traduire . Avant de fermer ma lettre, je dois vous dire pourquoi j'ai reçu la vôtre si tard ; c'est la faute de mon correspondant de Calais, maître Dunoquet . Aussi, désormais, vous devez m'adresser vos lettres chez lord Bolingbroke , à Londres . C'est plus court et plus sûr . Dîtes à tous ceux qui veulent m'écrire de se servir de cette adresse .

 

J'ai tant écrit sur la mort de ma sœur 11 à ceux qui m'avaient écrit à ce sujet que j'oubliais de vous en parler . Je n'ai rien à vous dire sur ce malheur, sinon que vous connaissez mon cœur et ma manière de penser . J'ai pleuré sa mort et je voudrais être avec elle . La vie n'est qu'un rêve avec de fréquents accès de folie et plein de misères réelles ou imaginaires . La mort nous réveille de ce rêve pénible et nous donne soit une existence meilleure, soit pas d’existence du tout 12 . Adieu . Ecrivez-moi souvent . Comptez sur mon exactitude à vous répondre lorsque je serai fixé à Londres .

 

Ecrivez-moi quelques lignes en anglais, afin que je puisse juger de vos progrès dans cette langue .

 

J'ai reçu la lettre du marquis de Villars 13 et celle qui est venue de Turquie par Marseille 14.

 

J'ai oublié le roman dont vous parlez ; je ne me souviens pas avoir jamais fait de vers à ce sujet ; oubliez cela, oubliez tous ces délires de ma jeunesse ; pour moi j'ai bu l'eau du Léthé ; je ne me souviens de rien sauf de mes amis . »

 

1 V* est venu clandestinement en France vers le 20 juillet pour tenter encore de se venger du chevalier de Rohan, responsable de son embastillement et de son exil, et aussi pour chercher de l'argent .

2 Anthony Mendes da Costa ; ici commence la rétrospective des débuts de son séjour en Angleterre à partir de mai 1726 .

3 Il a fait banqueroute en décembre 1725.

4 Le père du banqueroutier, qu'il était allé trouver lui avait donné « quelques guinées » 

5 Le comte de Broglie, pour lequel il avait une lettre de recommandation .

6 Peut-être John Brinsden, homme d'affaire de lord Bolingbroke, ou bien Furnese .

7 Le négociant Everard Fawkener , un des dirigeants d'une importante maison d'import-export . En rentrant à Londres en 1725, celui-ci s'était arrêté à Paris et y avait rencontré V* . En 1726 il accueille dans sa propriété de Wandsworth l'exilé qui y reste de juin à octobre .

9 Dans sa lettre du 16 août, Thieriot l'avait mis en garde : « Ce scélérat d'abbé Desfont... dit que vous ne lui avez jamais parlé de moi qu'en termes outrageants … Il gagne par an plus de mille écus par ses infidélités … Il avait fait contre vous un ouvrage satirique dans le temps de Bicêtre que je lui fis jeter dans le feu et c'est lui qui a fait une édition du poème de La Ligue dans lequel il a inséré des vers satiriques de sa façon ... »

10 Ébauche du projet des Lettres anglaises , futures Lettres philosophiques ?

11 Mme Marguerite-Catherine Mignot, -mère du futur abbé Mignot, de celle qui deviendra Mme Marie-Elisabeth de Fontaine, et de la future Mme Marie-Louise Denis,- était morte le 10 août, la nouvelle parvenant à V* le 25 ou 26 août .

12 Hamlet III, 1 .

13 Le futur duc de Villars qui eut avec le chevalier de Rohan des démêlés semblables à ceux de V* .

14 Lettre du comte de Bonneval sans doute .

 

goya sottise déchainée.jpg

Desenfrenado Disparate (Sottise Déchainée), de Goya 

 

 

Lire la suite

26/10/2010 | Lien permanent

Tout est coup de dés dans ce monde.

... Y compris le choix d'un premier ministre et du gouvernement y associé . Alea jacta est !

 

 

« A Nicolas-Claude Thieriot

4 mars 1769 1

J’ai beaucoup rêvé, mon ancien ami, à votre lettre du 13 de janvier 2. Je vois que je ne pourrai pas suivre les mouvements de mon cœur aussitôt qu’il le veut. Figurez-vous que je donne, moi chétif, trente-deux mille francs de pension, tant à mes neveux et nièces qu’à des étrangers qui sont dans le plus grand besoin ; et qu’en comptant à Ferney mes domestiques de campagne, j’en ai soixante à nourrir. Vous me direz que Corneille et Racine, Danchet et Pellegrin, n’en faisaient pas tant : cela est rare au Parnasse ; et la chose est d’autant plus extraordinaire que je suis né avec les quatre mille livres de rente que vous possédez aujourd’hui.

L’idée m’est venue de vous procurer un petit bénéfice cette année. J’ai en main le manuscrit d’une comédie très singulière 3, dont l’auteur m’a laissé le maître absolu . C’est un jeune homme d’une grande espérance, fils d’un président à mortier de province, qui ne veut pas être connu. Il a passé quelques jours dans le château de Ferney, et il m’a étonné. Le sujet de sa pièce est le dépôt dont Gourville mit la moitié entre les mains de Ninon, et l’autre moitié dans celles d’un dévot. Ninon rendit son dépôt, et le dévot viola le sien.

La pièce n’est pas dans le genre larmoyant . Ce jeune homme n’a pris que Molière pour son modèle . Cela pourra lui faire tort dans le beau siècle où nous vivons. Cependant, tous ses personnages étant caractérisés, et prêtant beaucoup au jeu des acteurs, l’ouvrage pourrait avoir du succès.

Si on était devenu plus difficile et plus rigoureux à la police qu’on ne l’était du temps du Tartuffe, il serait aisé de substituer les mots de probité à piété, et de bigot à dévot . Il n’y aurait pas alors la moindre difficulté.

Vous pourriez choisir parmi les comédiens quelqu'un qui eût un peu de goût et qui ne fût ni fat ni insolent . Vous le mettriez dans le secret, vous partageriez le profit avec lui, vous auriez l'impression pour vous seul, et on donnerait seulement vingt louis au valet de chambre du jeune homme 4.

Ce serait, à mon avis, une chose fort plaisante de faire réussir sur le théâtre une putain estimable, qui fait d’un sot dévot un honnête homme.

Je vous enverrai la pièce par le premier courrier : elle peut vous valoir beaucoup, elle peut vous valoir très peu. Tout est coup de dés dans ce monde.

C’est à vous à bien conduire votre jeu, et surtout à ne pas laisser soupçonner que je suis dans la confidence . Ce serait le sûr moyen de tout perdre.

Si vous m'envoyez des livres par les guimbardes de Lyon, envoyez-moi plutôt du Linguet que du Greenville 5. Je fais grand cas de ce M. Linguet. Il pense et il exprime 6.

Je suis bien aise que vous disiez notre cher Damilaville ; mais il y avait plus de deux ans que je croyais que vous n’étiez plus lié avec lui. La philosophie a fait en lui une grande perte . C’était une âme ferme et vigoureuse, il était intrépide dans l’amitié. Celui-là était bien incapable de dire du mal de son ami pour plaire à ceux qui en disaient . C'est là la pierre de touche.

Je vous embrasse de tout mon cœur.

V.

Où logez-vous ? Je n'en sais rien .»

1 Manuscrit olographe ; copie Beaumarchais-Kehl faite d'après l'original ; édition Kehl avec un certain nombre de passages biffés sur l’autographe .

3 Le Dépositaire, voir : https://francs-bourgeois/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compo%C3%A8tes_Garnier_tome6.djvu/399

La composition de cette pièce explique peut-être le silence épistolaire de V* entre le 14 et le 20 février 1769 .

4 Paragraphe biffé sur l'original par les éditeurs de Kehl, et manque par conséquent dans la copie Beaumarchais-Kehl et dans l'édition .Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/08/correspondance-annee-1769-partie-8.html

5 Thieriot a recommandé à V* l'ouvrage suivant : Simon-Nicolas-Henri Linguet , Canaux navigables ou Développement des avantages qui résulteraient de l'exécution de plusieurs projets en ce genre pour la Picardie, l'Artois, la Bourgogne, la Champagne, la Bretagne, 1769 ; voir : https://books.google.ru/books?id=dp1gAAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

Sur « le Greenville » voir lettre du 1er mars 1769 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/09/03/comme-les-rois-ils-font-payer-leurs-fetes-au-peuple.html

6 Ce paragraphe est omis par l'édition de Kehl . Tout ce qui suit est biffé dans l'original et manque en conséquence dans la copie de Kehl. Pourtant l'édition de Kehl ne supprime que deux passages de la fin : Celui-là était bien […] pierre de touche ., ainsi que le post scriptum.

Lire la suite

07/09/2024 | Lien permanent

Page : 126 127 128 129 130 131 132 133 134 135 136