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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

le courage, la résignation aux lois de la nature, le profond mépris pour toutes les superstitions, le plaisir noble de s

... Programme intéressant, isn't it ?

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Aux Délices , 22è mai 1764 1

Vous me faites une peine extrême, madame ; car vos tristes idées ne sont pas seulement du raisonner 2, c’est de la sensation. Je conviens avec vous que le néant est, généralement parlant, beaucoup mieux que la vie ; le néant a du bon ; consolons-nous, nous en tâterons. Il est bien clair 3, que nous serons, après notre mort, ce que nous étions avant de naître ; mais, pour les deux ou trois minutes de notre existence, qu’en ferons-nous ? Nous sommes , à ce qu’on prétend 4(1), de petites roues de la grande machine, de petits animaux à deux pieds et à deux mains comme les singes, moins agiles qu’eux, aussi comiques, et ayant une mesure d’idées plus grande. Nous obéissons tous au mouvement général imprimé par le maître de la nature (2) ; nous ne nous donnons rien, nous recevons tout ; nous ne sommes pas plus les maîtres de nos idées que de la circulation du sang dans nos veines. Chaque être, chaque manière d’être tient nécessairement à la loi générale. Il est ridicule (3) et impossible que l’homme se donnât quelque chose (4), quand la foule des astres ne se donne rien , et que nous fussions libres (dans le sens théologien) quand (5) l’univers est esclave !

Voilà une belle chienne (6) de condition, direz-vous. Je souffre, je me débats contre mon existence que je maudis et que j’aime ; je hais la vie et la mort ; qui me consolera, qui me soutiendra ?  La nature entière est impuissante à me soulager.

Voici (7) , madame, ce que j’imaginerais pour remède. Il n’a dépendu ni de vous ni de moi de perdre les yeux (8), d’être privés de nos amis, d’être dans la situation où nous sommes. Toutes vos privations, tous vos sentiments, toutes vos idées sont des choses absolument nécessaires. Vous ne pouviez vous empêcher de m’écrire la très philosophique et très triste lettre que j’ai reçue de vous ; et moi je vous écris nécessairement que le courage, la résignation aux lois de la nature, le profond mépris pour toutes les superstitions, le plaisir noble de se sentir d’une autre nature que les sots, l’exercice de la faculté de penser, sont des consolations véritables.

Cette idée, que j’étais destiné à vous représenter, rappelle nécessairement dans vous votre philosophie. Je deviens un instrument qui en affermit un autre, par lequel je serai affermi à mon tour. Heureuses les machines qui peuvent s’aider mutuellement !

Votre machine est une des meilleures de ce monde. N’est-il pas vrai que, s’il vous fallait choisir entre la lumière et la pensée, vous ne balanceriez pas, et que vous préféreriez les yeux de l’âme à ceux du corps ? J’ai toujours désiré que vous dictassiez la manière dont vous voyez les choses, et que vous m’en fissiez part ; car vous voyez très bien et vous peignez de même.

 Dites moi, je vous prie , madame, votre critique de ma critique sur un endroit des Horace, cela vous amusera et m'éclairera . C'est une consolation de mettre son esprit sur la papier ; confiez-moi tout ce qui vous passe par la tête .(9)

J’écris rarement, parce que je suis agriculteur. Vous ne vous doutez pas de ce métier-là, c’est pourtant celui de nos premiers pères. J’ai toujours été accablé d’occupations assez frivoles qui m'engloutissaient tous mes moments (10); mais les plus agréables sont ceux où je reçois de vos nouvelles, et où je peux vous dire combien votre âme plaît à la mienne et à quel point je vous regrette. Ma santé devient tous les jours plus mauvaise, tout le monde n’est pas comme Fontenelle. Allons, madame, courage, traînons notre lien jusqu’au bout.

Soyez bien persuadée du véritable intérêt que mon cœur prend à vous et de mon très tendre respect.

V. (11)

Je suis très aise que rien ne soit changé pour les personnes auxquelles vous vous intéressez. Voilà un conseiller du parlement 5 intendant des finances ; il n’y en avait point d’exemple. Les Finances vont être gouvernées en forme. L’État, qui a été aussi malade que vous et moi, reprendra sa santé.6 »

1 L'original de cette lettre est conservé . On possède aussi la minute autographe de V* que Wagnière a fidèlement suivie pour transcrire la lettre . Deux autres manuscrits sont encore fortement intéressants . L'un est une copie avec des corrections autographes de V* : elle avait été préparée en vue d'une édition qui n'eut pas lieu . Cette copie à son tour portait tant de modifications qu'il fallut la transcrire de nouveau lorsque V* voulut y apporter de nouvelles corrections . D'autres copies n'ont pas d'intérêt . On a ici le texte qui fut réellement envoyé en réponse à la lettre de la marquise du 16 mai 1764 ci-après .

« Ce mercredi 16 mai 1764

« Je suis ravie , monsieur que l'honneur vous déplaise, il y a longtemps qu'il me choque , il refroidit, il nuit à la familiarité et ôte l'air de vérité . Je proposai il y a quelque temps à une personne de mes amies de le bannir de notre correspondance . Elle me répondit, faisons plus que François Ier, perdons jusqu'à l'honneur .  Vous avez bien mal lu ma dernière lettre, puisque vous avez compris que j'étais en liaison avec Mme de Pompadour . Je vous mandais que j'avais été fort occupée de sa maladie et de sa mort, et que je m'y intéressai autant que tant d'autres à qui cela ne faisait rien ; jamais je ne l'avais vue ni rencontrée, mais je lui avais cependant de l'obligation, et par rapport à mes amis j'appréhendais fort sa perte . Il n'y a pas d'apparence jusqu'à présent , qu'elle produise aucun changement dans leur situation . Voilà monsieur d'Albi archevêque de Cambrai . Voilà les dames qui suivent le roi à son premier voyage de saint-Hubert, et ce sont Mmes de Mirepoix, de Gramont et d'Ecquevilly . Je me chargerais volontiers de vous mander ces sortes de nouvelles si je croyais qu'elles vous fissent plaisir et que vous n'eussiez pas de meilleures correspondantes que moi .

« Un autre article de ma lettre que vous avez encore mal entendu, c'est que je vous disais que le plus grand de tous les malheurs était d'être né . Je suis persuadée de cette vérité et qu'elle n'est pas particulière à Judas, Job et moi , mais à vous, mais à feue Mme de Pompadour, à tout ce qui a été, à tout ce qui est et à tout ce qui sera . Vivre sans aimer la vie ne fait pas désirer sa fin, et même ne diminue guère la crainte de la perdre . Ceux de qui la vie est heureuse ont un point de vue bien triste, ils ont la certitude qu'elle finira . Tout cela sont des réflexions bien oiseuses, mais il est certain que si nous n'avions pas de plaisir il y a cent ans, nous n'avions ni peine ni chagrins , et des 24 heures de la journée, celles où l'on dort me paraissent les plus heureuses ; vous ne savez point et vous ne pouvez savoir par vous même quel est l'état de ceux qui pensent, qui réfléchissent, qui ont quelque activité, et qui sont dans le même temps sans talent, sans passion, sans occupation, sans dissipation, qui ont eu des amis, qui les ont perdus sans pouvoir les remplacer ; joignez à cela de la délicatesse dans le goût, un peu de discernement, beaucoup d’amour pour la vérité ; crevez les yeux à ces gens-là, et placez -les au milieu de Paris, de Pékin, enfin où vous voudrez, et je vous soutiendrai qu'il serait heureux pour eux de n'être pas né . L'exemple que vous me donnez de votre jeune homme est singulier, mais tous les maux physiques quelque grands qu'ils soient (excepté la douleur ) attristent et abattent moins l’âme , que les chagrins que nous causent le commerce et la société des hommes . Votre jeune homme est avec vous, sans doute qu'il vous aime, vous lui rendez des soins, vous lui marquez de l'intérêt, il n’est point abandonné à lui-même, je comprends qu'il peut être heureux . Je vous surprendrais si je vous avouais que de toutes mes peines, mon aveuglement et ma vieillesse sont les moindres . Vous concluerez peut-être de là que je n'ai pas une bonne tête, mais ne me dites point que c'est ma faute si vous ne voulez pas vous contredire vous-même ; vous m'avez écrit dans une de vos dernières lettres, que nous n'étions pas plus maîtres de nos affections , de nos sentiments, de nos actions, de notre maintien, de notre marcher, que de nos rêves ; vous avez bien raison et rien n'est si vrai ; que conclure de tout cela ? Rien et mille fois rien, il faut finir sa carrière en végétant le plus qu'il est possible .

« Une seule chose me ferait plaisir c'est de vous lire . Si j'étais avec vous , j'aurais l'audace de vous faire quelques représentations sur quelques-unes de vos critiques sur Corneille . Je les trouve presque toutes fort judicieuses, mais il y en a une dans Les Horaces à laquelle je ne saurais souscrire . Mais vous vous moqueriez de moi si j'entreprenais une dissertation .

Ayez bien soin de votre santé monsieur . Vous êtes heureux à ce qu'il me paraît, et vous adoucissez mes malheurs par l'assurance que vous me donnez de votre amitié et par le plaisir que me font vos lettres. »

2Sur cet emploi substantivé de l'infinitif raisonner, voir lettre du 14 mars 1762 à Thibouville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/02/24/les-anges-ni-vous-ni-moi-ne-connaissaient-la-piece-il-y-a-qu-5914624.html

3 Le passage de Sénèque le Tragique auquel pense ici V* , comme en plusieurs autres occasions (Poème sur le désastre de Lisbonne, Traité sur la Tolérance, Dieu et les Hommes, De l'âme, Un chrétien contre six juifs ) est celui-ci , dans les Triades, 397, 407-408 : Postmortem nihil, ipsaque mors nihil […] / Quaeria quo jaceant post obitum loco ? / Quo non nata jacent. = Après la mort il n'y a rien, et la mort elle-même n'est rien […] Tu demandes où peuvent aller loger [les êtres] après la mort / Là où sont ceux qui ne sont pas nés .

Quant aux passages de Lucrèce concernant l' anéantissement posthume, V* les a relevés lui-même dans les Questions sur l'Encyclopédie (Les Pourquoi?).

4 Pour les variantes des éditions, repérées par les chiffres entre parenthèses voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/07/correspondance-annee-1764-partie-18.html

5 Laverdy .

6 Le post scriptum a été barré, puis restauré ; il est omis dans la troisième copie du manuscrit

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la langue et le goût, deux choses assez inconstantes dans ma volage patrie

http://www.deezer.com/listen-7159389

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http://www.deezer.com/listen-6832214

http://www.deezer.com/listen-803850

http://www.deezer.com/listen-231579 : petite leçon de français par nos cousins canadiens . Avec cet accent que je supporte encore chez les hommes, mais qui, pour moi, est un remède à l'amour chez les femmes .

http://www.deezer.com/listen-209933 : suite de la leçon, la logique (?) de notre langue .

 

 

 

« A Charles Pinot Duclos 1

 

De Ferney 10 avril [1761]

 

Je vous assure , Monsieur, que vous me faites grand plaisir en m'apprenant que l'Académie va rendre à la France et à l'Europe le service de publier un recueil de nos auteurs classiques avec des notes qui fixeront la langue et le goût, deux choses assez inconstantes dans ma volage patrie . Il me semble que Mlle Corneille 2 aurait droit de me bouder si je ne retenais pas le grand Corneille pour ma part . Je demande donc à l'Académie la permission de prendre cette tâche en cas que personne ne s'en soit emparé .

 

Le dessein de l'Académie est-il d'imprimer tous les ouvrages de chaque auteur classique ? Faudra-t-il des notes sur Agésilas et sur Attila, comme sur Cinna et sur Rodogune ? Voulez-vous avoir la bonté de m'instruire des intentions de la compagnie ? Exige-t-elle une critique raisonnée ? Veut-elle qu'on fasse sentir le bon, le médiocre, et le mauvais, qu'on remarque ce qui était autrefois d'usage et ce qui ne l'est plus, qu'on distingue les licences des fautes ? Et ne propose -t-elle pas un petit modèle auquel il faudra se conformer ? L'ouvrage est-il pressé ? Combien de temps me donnez-vous ?

 

Puisqu'on veut bien placer ma maigre figure 3 sous le visage rebondi de M. le cardinal de Bernis, j'aurai l'honneur de vous envoyer incessamment ma petite tête en perruque naissante 4. L'original aurait bien voulu venir se présenter lui-même et renouveler à l'Académie son attachement et son respect, mais les laboureurs, les vignerons, et les jardiniers, me font la loi, e nitido fit rusticus 5. Comptez cependant que dans le fond de mon cœur, je sais très bien qu'il vaut mieux vous entendre que de planter des mûriers blancs 6. »

 

1Duclos, secrétaire perpétuel de l'Académie française : http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Pinot_Duclos

2 Qu'il a recueillie : voir lettre du 19 novembre 1760 à Thieriot : http://www.monsieurdevoltaire.com/ext/http://voltaireatho...

, 15 janvier 1761 à Dumolard-Bert : http://www.monsieurdevoltaire.com/ext/http://voltaireatho...

, 2 février aux d'Argental : http://www.monsieurdevoltaire.com/ext/http://voltaireatho...

, 18 février à Thieriot et Damilaville : http://www.monsieurdevoltaire.com/ext/http://voltaireatho...

3 Il a été question à plusieurs reprises de ce portrait ; V semble l'avoir fait faire par Jean-Etienne Liotard, peintre genevois, et envoyé à Paris ; voir lettre à d'Argental du 24 mai 1758 : http://www.monsieurdevoltaire.com/ext/http://voltaireatho...

4 Perruque qui imite les « cheveux naissants », c'est-à-dire flottants ou frisés en long .

5 De brillant citadin il devient campagnard .

6 Pour l'élevage des vers à soie .

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10/04/2011 | Lien permanent

Les parlements crient contre le despotisme ; mais ceux qui font mourir des citoyens, sans dire précisément pourquoi, son

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

 

13 de juin [1766]

 

Vous aurez pu savoir, mon cher philosophe, par la Lettre de Covelle 1, quelle a été l'absurde insolence du nommé Vernet, digne professeur en théologie . Je sais que vous dédaignerez à Paris les coassements de grenouilles du lac de Genève ; mais elles se font entendre chez toutes les grenouilles presbytériennes de l'Europe, et il est bon de les écraser en passant .

 

Je ne sais pas qui sont les auteurs qui travaillent actuellement au Journal encyclopédique 2; ce journal est très maltraité dans le libelle du professeur . Voyez si vous pouvez lui faire donner quelques coups de fouet dans ce journal . Pour moi, je me dispose à faire une justice exemplaire sur la personne dudit huguenot lorsqu’il viendra sur mes terres catholiques 3. Je ne souffrirai pas qu'il attaque impunément notre Saint Père le pape, et vous et frère Hume, et frère Marmontel, et même faux-frère Rousseau, et la comédie 4.

 

Vous avez peut-être vu le livre attribué à Fréret 5 qu'on dit être d'un capitaine au régiment du roi . Ce capitaine est plus savant que dom Calmet, et a autant de logique que Calmet avait d'imbécillité . Ce livre doit faire un très grand effet ; j'en suis émerveillé, et j'en rends grâce à Dieu . Vous souciez-vous beaucoup du bâillon de Lally 6, et de son gros cou que le fils aîné de l’exécuteur a coupé fort maladroitement pour son coup d’essai ? Je connaissais beaucoup cet Irlandais, et j'avais eu même avec lui des relations fort singulières en 1746 7. Je sais bien que c'était un homme très violent, qui trouvait aisément le secret de se faire haïr de tout le monde ; mais je parierais mon petit cou qu'il n’était point traitre . L'arrêt ne dit point qu'il ait été concussionnaire . Cet arrêt lui reproche vaguement des vexations, et ce mot de vexations est si indéterminé qu'il ne se trouve chez aucun criminaliste .

 

La France est le seul pays où les arrêts ne soient point motivés . Les parlements crient contre le despotisme ; mais ceux qui font mourir des citoyens, sans dire précisément pourquoi, sont assurément les plus despotiques de tous les hommes .

 

Savez-vous quand finira l'Assemblée du clergé, et quand on débitera l'Encyclopédie ? J'imagine qu'elle paraîtra quand l'Assemblée sera disparue 8.

 

Est-il vrai qu'on fait beaucoup de niches à Mlle Clairon ? Est-il vrai qu'on fait ce qu'on peut pour trouver admirable une nouvelle actrice 9 par qui on prétend qu'elle sera remplacée ?

 

Vous avez lu, sans doute, en son temps, la Prédication de l'abbé Coyer 10. Ne trouvez-vous pas qu'il prend bien son temps pour louer Genève ? La moitié de la ville voudrait écraser l'autre, et les deux moitiés sont bien basses et bien sottes devant les médiateurs . Adieu, mon très cher et très aimable philosophe ; quand vous aurez un moment de loisir, répondez à mes questions, et aimez moi .

 

Croyez-vous que la préface de l'Abrégé de l'histoire de l’Église soit de mon ancien disciple ? 11»


1 Lettre curieuse de M. Robert Covelle ... à la louange de M. le professeur Vernet, 1766, qui répondait aux Lettres critiques d'un voyageur anglais sur l'article Genève du Dictionnaire encyclopédique, et sur la lettre de d'Alembert à mr Rousseau, et observations sur deux articles du Journal encyclopédique, de Jacob Vernet .

http://www.voltaire-integral.com/Html/25/32_Lettre_curieuse.html

2 Encore édité par Pierre Rousseau .

3 V* dispose des droits seigneuriaux sur ses terres, et il a déjà menacé d'exercer ce droit de justice en 1759.

4 V* faisait en outre ce reproche, dans un billet à Cramer : « De quoi s'avise -t-il de parler de ma nièce ? » ; car Vernet avait écrit : « Madame sa nièce tient sa maison sur un pied splendide, ce qui n'est pas un petit relief dans ce temps-ci ».

5 Examen critique des apologistes ... , ouvrage attribué à Jean Levesque de Burigny ou à d'Holbach ou à Naigeon ;

voir lettre du 1er avril : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/06/11/toutes-les-querelles-de-cette-espece-ont-commence-par-des-ge.html

et 2 juin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/06/02/c...

6 Lally-Tollendal avait été conduit bâillonné au supplice le 9 mai 1766 .

7 En 1745-1746, ils militaient tous deux pour le prétendant au trône d'Angleterre Charles-Edouard Stuart, en faveur de qui la France projeta de tenter un débarquement en Angleterre .

9 Marie-Pauline-Christine Alziari de Roquefort, dite Mlle Saint-Val (ainée), qui avait débuté le 5 mai . Le 26 juin, par Damilaville, V* apprendra qu'elle « a réellement du talent ». Voir aussi lettre du 26 juin de d'Alembert page 3 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800389/f8.image.r=.langFR

 

11 De Frédéric II . Le 15 août V* écrit aux d'Argental au sujet de cette préface : « C'est une terrible préface ... » ; voir page 51 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800389/f56.image.r=.langFR

Frédéric avouera le 15 décembre 1766 à V* qu'il est l'auteur de cette préface, puis qu'il est l'auteur de cet Abrégé de l'Histoire ecclésiastique de Fleury, traduit de l'anglais, 1766. http://books.google.fr/books?id=75gnCU-dfB4C&pg=PP7&dq=Abr%C3%A9g%C3%A9+de+l%27Histoire+eccl%C3%A9siastique+de+Fleury,+traduit+de+l%27anglais&hl=fr&ei=cjH3TbGQB8jX8gO8rJzICw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=9&ved=0CFgQ6AEwCA#v=onepage&q&f=false

 

 

 

 

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13/06/2011 | Lien permanent

Ce nom est dangereux et met tout bon théologien en garde.

... Et les mauvais théologiens en fuite , pour le moins .

Fables, récits merveilleux, -trop merveilleux pour  dire la vérité,- dogmes, contradictions, mauvaise foi, voila ce que Voltaire met au jour et dénonce dans toutes les religions sources d'intolérance . Pourquoi craindre cette vérité ? Pourquoi s'en prendre à celui qui ôte le voile de l'ignorance ? Oui, Voltaire , face à tous ceux qui vivent de la religion, ton nom est dangereux pour toi  ; jusqu'à quand durera cette ineptie ? Toi, au moins, tu n'as jamais mis, ni bénit, d'armes aux mains de tes partisans .

 Qui ose encore te censurer ?

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ARGENTAL.

Conseiller d'honneur du parlement

rue de la Sourdière

à Paris

Aux Délices, 16 juin [1758]

Mon cher ange, je cours grand risque de vous déplaire, en ne vous envoyant que la prose pour l'Encyclopédie, au lieu de vous dépêcher des cargaisons de vers pour Clairon et pour Lekain. Je fais partir, sous l'enveloppe de M. de Chauvelin, Imagination et Idolâtrie; ce sont deux morceaux qui m'ont coûté bien de la peine. C'est une entreprise hardie de prouver qu'il n'y a point eu d'idolâtres 1. Je crois la chose prouvée, et je crains de l'avoir trop démontrée. C'est à vous à protéger les vérités délicates que j'ai dites dans les articles Idolâtrie 2 et Imagination 3. Elles pourront passer au tribunal des examinateurs, si elles ne sont pas annoncées sous mon nom. Ce nom est dangereux et met tout bon théologien en garde.

Enfin, nostrorum sermonum candide judex 4, voyez si vous pouvez avoir la bonté de donner ces articles à Diderot. Je vous ai déjà envoyé celui d'Histoire par M. de Chauvelin, tout cela composerait un livre. J'ai sacrifié mon temps à l'Encyclopédie; je ne plaindrai pas mes peines si le livre devient meilleur de jour en jour, et je souhaite que mes articles soient les moins bons.

Peut-être est-ce prendre bien mal son temps de vous parler de ce qui ne peut occuper que des philosophes, tandis qu'il se passe tant de choses qui doivent intéresser tout le monde.

Je me flatte au moins que vous n'avez de maison ni à Saint-Malo 5 ni sur les bords du Rhin 6.

Puisse M. le comte de Clermont battre les Hanovriens ! Puissent les Anglais, qui sont descendus près de Saint-Malo, ne pas retourner chez eux! Et puissiez-vous approuver et faire approuver Histoire, Idolâtrie, Imagination! Je n'en ai plus, de cette imagination mais les sentiments qui m'attachent à vous sont plus vifs que jamais.

V.

J'ajoute encore un petit mot sur ma triste figure. Je vous jure que je suis aussi laid que mon portrait; croyez-moi. Le peintre n'est pas bon, je l'avoue mais il n'est pas flatteur 7. Faites-en faire, mon cher ange, une copie pour l'Académie. Qu'importe, après tout, que l'image d'un pauvre diable, qui sera bientôt poussière, soit ressemblante ou non ? Les portraits sont une chimère comme tout le reste. L'original vous aimera bien tendrement tant qu'il vivra.

V. »

1 C'est la thèse de Zadig au chapitre xii , du souper : voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-conte-zadig-ou-la-destinee---partie-2-68776204.html

3 A ce propos, puisque nous sommes en 2013, année anniversaire pour Diderot, parlons de l'imagination de celui-ci : http://www.uqtr.uquebec.ca/AE/Vol_12/Dumouchel/Beaulne.htm

4 Horace, lib. I, Epîtres, I, iv, i : juge loyal de nos entretiens .

5 Le 5 juin, les Anglais mouillèrent à Cancale près de Saint-Malo, et débarquèrent le lendemain quatorze à quinze mille hommes pour assiéger cette ville; mais ils se rembarquèrent les 12, 13 et 14 du même mois.

6  Le 12 juin, la duchesse de Saxe-Gotha écrit à V* : « Vous saurez peut-être déjà […] que le prince Ferdinand à la tête de l'armée de Hanovre a passé le Rhin » ; c'était dans la nuit du 31 mai , à la poursuite des Français .

7  Le 7 juin 1758, Marie-Louise Denis écrivait à d'Argental : « Nous vous avons envoyé un portrait dont je vous demande bien pardon . Mettez-le au grenier […] Heureusement Liotard, peintre que vous avez vu habillé en Turc à Paris s'est retiré à Genève, sa patrie et va peindre mon oncle la semaine prochaine . Ma sœur emportera le portrait et en fera faire des copies en huile à Paris . Cet homme attrape la ressemblance à merveille . J'espère que vous reconnaitrez votre ami quand il sera tracé de sa main . »

 

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27/08/2013 | Lien permanent

quand on est content de la conduite des gens, on n’exige point qu’ils disent leurs raisons

... Comme ici , mille fois hélas, et ne manquez pas les commentaires : https://www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/article/20...

 

 

« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

Aux Délices 30è mars 1763

J’ai envoyé votre lettre à M. le duc de Villars, à l’instant que je l’ai reçue. Je n’ai pu, monseigneur le duc, la porter moi-même, attendu que les vents et les neiges me poursuivent jusque dans le printemps ; c’est un petit inconvénient attaché à la beauté de notre paysage, bordé par quarante lieues de glace. On dit que c’est ce qui me rend quinze-vingts, et que j’aurai des yeux avec les beaux jours . J’en doute beaucoup, car lorsqu’on est dans la soixante-dixième année, rien ne revient. Je ne parle pas pour les maréchaux de France qui auront leur septante 1 ans comme nous autres chétifs ; nos seigneurs les maréchaux sont d’une meilleure pâte ; et je suis sûr que quand vous serez leur doyen, comme vous l’êtes de l’Académie, vous serez le plus joyeux de la bande. Notre confrère M. de Pompignan n’est pas si gai, quoiqu’il fasse rire tout le monde. Je ne crois pas que son sermon soit parvenu jusqu’à vous ; c’est son panégyrique qu’il a fait prononcer dans l’église de son village de Pompignan, et dont il est l’auteur ; il l’a fait imprimer à Paris, et vous croyez bien qu’il a été affublé de plus de brocards que n’en a jamais essuyé feu M. Chie-en-pot-la-perruque 2.

Un M. de Radonvilliers, ci-devant jésuite, est votre autre frère académicien. Il était, comme vous savez, fort recommandé par la cour, et en conséquence il a obtenu six boules noires. Nos pauvres gens de lettres, tout effrayés, craignant d’être perdus à la cour, ont fouillé vite dans leurs poches, et ont montré, par les boules noires qui leur restaient, qu’ils en avaient donné de blanches . De façon qu’il a été bien avéré que c’étaient messieurs de la cour eux-mêmes qui avaient fait ce petit présent à M. de Radonvilliers ; cela fait voir qu’il y a des malins partout.

Pour M. le duc de Villars, votre confrère en pairie, en Académie, et en gouvernement de province, il est engraissé et embelli depuis environ trois semaines ; ses créanciers ont appris avec une joie incroyable la mort de madame la maréchale sa mère ; mais, pour moi, j’en ai été très affligé. Je crois qu’il restera encore quelque temps à Genève ; ce n’est pas qu’il y soit amoureux ; mais Tronchin, qui est malade, et qui ne sort pas de son lit, lui promet de le guérir radicalement ; il n'a plus d'autre mal que de roter un peu après dîner, comme Pont-de-Veyle, mais il n'a pas les mêmes bonnes fortunes .

Ah ! monseigneur, je n’ai point du tout l’esprit plaisant, et je ne sais plus que faire de ma fiancée. Vous devriez bien, quand vous serez de loisir, faire des mémoires de votre vie ; ils seraient écrits du style de ceux de M. le comte de Gramont, et ils contiendraient des choses plus intéressantes, plus nobles, et plus gaies. Est-ce que vous ne serez jamais assez sage pour passer trois à quatre mois à Richelieu ? Vous repasseriez tout ce que vous avez fait dans votre illustre et singulière vie, et personne ne peindrait mieux que vous les ridicules de votre siècle.

Vraiment notre victoire des Calas est bien plus grande qu’on ne vous l’a dit : non seulement on a ordonné l’apport des pièces, mais on a demandé au parlement compte de ses motifs. Cette demande est déjà une espèce de réprimande ; quand on est content de la conduite des gens, on n’exige point qu’ils disent leurs raisons. Aussi M. Gilbert 3, grand parlementaire, n’était point de cet avis.

Le quinze-vingts V. se met à vos pieds. »

2 Ce Chiampot la perruque doit être un personnage du théâtre de marionnettes , pseudonyme que prendra à l'occasion V* . Voir aussi lettre à d'Argental du 21 septembre 1750 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/09/21/df40a821fb169cb0faa0ca782bd67517.html

3 Pierre-Paul Gilbert de Voisins, opposé à l'arrêt de révision du procès de Calas, et petit-fils de l'avocat général Pierre Gilbert de Voisins qui avait requis contre les Lettres philosophiques . Voir : http://data.bnf.fr/15559852/pierre_gilbert_de_voisins/

et : http://journals.openedition.org/rives/2?gathStatIcon=true&lang=en

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26/03/2018 | Lien permanent

Je joins de loin mes acclamations à celles de tout Paris

... aux heureux déconfinés des départements verts  !

Consolation : il fait très beau, et si François d'Assise veut bien plaider pour moi et dire un mot aux pigeons, pies et merles, j'aurai le loisir de manger les quelques cerises restantes.

Le sermon aux oiseaux - Photo de Saint François d'Assise - images ...

 

 

 

« A Pierre-Laurent Buyrette de Belloy

6 mars 1765 1

Je suis presque entièrement aveugle, monsieur, mais j'ai encore des oreilles, et les cris de la renommée m'ont appris vos grands succès ; j'ai un cœur qui s'y intéresse . Je joins de loin mes acclamations à celles de tout Paris . Jouissez de votre bonheur, et de votre mérite . Il ne vous manque que d'être dénigré par Fréron pour mettre le comble à votre gloire . Je vous embrasse sans cérémonie, il n'en faut point faire entre confrères . 

V.»

1 Il y a plusieurs copies contemporaines dont est ici retenue la plus soignée , de l'édition Lettres, 1766 . Les Mémoires secrets signalent cette lettre à la date du 17 mars, en même temps que la réponse de Belloy . Le 4 avril 1765, envoyant une copie de la présente à Formey. , Trubler ajoute, non sans perspicacité : « Il y a encore lancé un trait à Fréron, comme il fait dans tout ce qu'il écrit . Ce n'est pas prudent : c'est donner acte et aveu à Fréron de sa sensibilité aux traits qu'il lui lance de son côté, et il vaudrait mieux feindre de les mépriser ; mais l'amour-propre de Voltaire est trop fort pour être habile . » Il faut ajouter que les critiques de Fréron sont souvent pénétrantes et frappent juste .

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20/05/2020 | Lien permanent

Je ne sais s’il entend les arts et métiers et s’il a le temps d’ entendre le monde

 

 

 


« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental
conseiller d’honneur du parlement
rue de la Sourdière à Paris

Aux Délices 19 mai [1758]

Mon cher et respectable ami, je bénis actuellement les Anglais qui ont brûlé votre maison [à l’île d‘Aix ; il demande à être indemnisé]. Puissiez-vous  être payé et eux être confondus.

Pardon de vous importuner de l’Encyclopédie. Vous aimeriez mieux une tragédie, mais il faut que je m’adresse à vous pour ne pas perdre mon temps. J’ai fait des recherches assez pénibles pour rendre les articles Histoire et Idolâtrie intéressants et instructifs. Je travaille à tous les autres. Mon temps m’est très précieux. Ce serait me faire perdre une chose irréparable, m’outrager sensiblement et donner beau jeu aux  ennemis de l’Encyclopédie d’avoir avec moi un mauvais procédé tandis que je tue à faire valoir cet ouvrage, et à procurer des travailleurs.[comme le pasteur Bertrand a qui il demandait le 9 mai : « Vous pouvez donner aisément une cinquantaine d’articles d’histoire naturelle et surtout l’article « tremblement de terre ». »] Je vous demande en grâce d’exiger de Diderot une réponse catégorique et prompte.[le 8 mai, aux d’Argental : « Avez-vous vu Diderot ? Veut-il accepter les articles qu’on m’avait confiés ? »] Je ne sais s’il entend les arts et métiers et s’il a le temps d’ entendre le monde. Mon cher ange, vous qui entendez si bien l’amitié, vous pardonnerez mes importunités.

V. »

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19/05/2010 | Lien permanent

Tout ce que peuvent faire les adeptes, c’est de s’aider un peu les uns les autres, de peur d’être sciés : et si un monst

... Telle est la conduite à tenir effectivement face au RN et à un Zemmour , un Mélenchon et tous les extrémistes qui divisent pour tenter de régner .

 

 

« A Bernard-Joseph Saurin, de l'Académie

française, etc.

Rue Neuve-des-Petits-Champs

vis-à-vis celle de Louis-le-Grand

à Paris

28è décembre 1768 à Genève

Premièrement, mon cher confrère, je vous ai envoyé un Siècle 1, et je suis étonné et confondu que vous ne l’ayez pas reçu.

En second lieu, vos vers sont très jolis 2.

Troisièmement, votre équation est de fausse position. Ce n’est point moi qui ai traduit l’A, B, C ; Dieu m’en garde ! Je sais trop qu’il y a des monstres qu’on ne peut apprivoiser. Ceux qui ont trempé leurs mains dans le sang du chevalier de La Barre sont des gens avec qui je ne voudrais me commettre qu’en cas que j’eusse dix mille serviteurs de Dieu avec moi, ayant l’épée sur la cuisse, et combattant les combats du Seigneur 3.

Il y a présentement cinq cent mille Israélites en France qui détestent l’idole de Baal ; mais il n’y en a pas un qui voulût perdre l’ongle du petit doigt pour la bonne cause. Ils disent : Dieu bénisse le prophète ! et si on le lapidait comme Ézéchiel, ou si on le sciait en deux comme Jérémie, ils le laisseraient scier ou lapider, et iraient souper gaiement.

Tout ce que peuvent faire les adeptes, c’est de s’aider un peu les uns les autres, de peur d’être sciés : et si un monstre vient nous demander : Votre ami l’adepte a-t-il fait cela ? il faut mentir à ce monstre.

Il me paraît que M. Huet, auteur de l’A, B, C, est visiblement un anglais qui n’a acception de personne. Il trouve Fénelon trop languissant 4, et Montesquieu trop sautillant 5. Un Anglais est libre, il parle librement : il trouve la Politique tirée de l’Écriture sainte 6, de Bossuet, et tous ses ouvrages polémiques, détestables ; il le regarde comme un déclamateur 7 de très-mauvaise foi. Pour moi, je vous avoue que je suis pour Mme du Deffand, qui disait que l’Esprit des lois était de l’esprit sur les lois. Je ne vois de vrai génie que dans Cinna et dans les pièces de Racine ; et je fais plus de cas d'Armide 8 et du IVè acte de Roland 9 que de tous nos livres de prose . Montesquieu dans ses Lettres persanes se tue à rabaisser les poètes ; il voulait renverser un trône où il sentait qu'il ne pouvait s'asseoir . Il insulte violemment dans ses Lettres persanes l'Académie dans laquelle il sollicita depuis une place 10. Il est vrai qu’il avait quelquefois beaucoup d'imagination dans l'expression . C'est à mon sens son principal mérite . Il est ridicule de faire le goguenard dans un livre de jurisprudence universelle . Je ne peux souffrir qu'on soit plaisant si hors de propos . Enfin chacun a son avis . Le mien est de vous aimer et de vous estimer toujours .

V. »



1 L’édition de 1768 du Siècle de Louis XIV

2 Saurin avait adressé à Voltaire des vers qui sont effectivement fort jolis, et dont il est parlé dans les Mémoires secrets de Bachaumont, à la date du 16 janvier 1769*. Le rédacteur des Annonces, affiches et avis divers de la Haute et Basse-Normandie les inséra dans le numéro du vendredi 3 février 1769 de son journal, avec cet intitulé : Sorin (sic) à M. de Voltaire, en réponse à l’A, B, C, pièce où il traite purement et simplement Montesquieu de bel esprit, et où il dénigre Fénelon. Un arrêt du parlement de Rouen, en date du 20 février 1769, ordonne que ce numéro des Annonces sera lacéré et brûlé, comme blasphématoire et impie*. Les vers de Saurin n’ayant pu, en conséquence de cet arrêt, entrer dans la collection de ses Œuvres, sont en quelque sorte inédits : je pense que le lecteur les verra ici avec plaisir.

*. Voyez aussi Grimm, édition Tourneux, tome VIII, page 267.

 

Esprit vaste et sublime, et le plus grand peut-être
Qu’aucun pays jamais, qu’aucun siècle ait vu naître ;
Voltaire, des humains le digne précepteur,
Poursuis, en instruisant amuse ton lecteur ;
Et, joignant à propos la force au ridicule,
Dans tes écrits, nouvel Hercule,
Abats l’hydre des préjugés
De cette nuit profonde où des fourbes célèbres
Au nom du ciel nous ont plongés,
Ose dissiper les ténèbres :

Arrache à l’erreur son bandeau,
Rends à la vérité ses droits et son flambeau ;
Mais du doux Fénelon ne trouble point la cendre,
Laisse au grand Montesquieu son immortalité :
Ton cœur de les aimer pourrait-il se défendre ?
Du genre humain tous deux ont si bien mérité !
Ils ont pu se tromper, mais ils aimaient les hommes.
Eh ! combien par l’amour de péchés sont couverts !
Le sublime écrivain que bel esprit tu nommes
À, même en se trompant, éclairé l’univers ;
Nous lui devons ce que nous sommes.
Trop libre peut-être en mes vers,
Je te dis ma pensée. Oh ! grand homme, pardonne.
Souvent, par ses écrits jugeant de sa personne,
Voltaire me paraît une divinité ;
Mais quand, rabaissant ceux que l’univers renomme,
Le génie est par toi de bel esprit traité,
Je vois avec chagrin que le dieu se fait homme.

(Note de M. Ravenel).

3 Ier livre des  Rois, xviii, 17 .

4 Fénelon est auteur des Aventures de Télémaque : Voir page 377 :

https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome27.djvu/385

6 Exactement La Politique tirée des propres paroles de l'Ecriture sainte, 1709 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k103256m.image

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06/07/2024 | Lien permanent

Je pardonne de tout mon cœur à tous ceux dont je me suis moqué .

...

 

« Au marquis Francesco Albergati Capacelli 1

Au château de Ferney en Bourgogne

23è décembre 1760 2

Monsieur, nous sommes unis par les mêmes goûts, nous cultivons les mêmes arts ; et ces beaux-arts ont produit l'amitié dont vous m'honorez ; ce sont eux qui lient les âmes bien nées, quand tout divise le reste des hommes .

J'ai su dès longtemps que les principaux seigneurs de vos belles villes d'Italie se rassemblent souvent pour représenter sur des théâtres élevés avec goût, tantôt des ouvrages dramatiques italiens, tantôt même les nôtres . C’est aussi ce qu'ont fait quelquefois les princes des maisons les plus augustes et les plus puissantes ; c'est ce que l'esprit humain a jamais inventé de plus noble et de plus utile pour former les mœurs, et pour les polir ; c’est là le chef-d’œuvre de la société : car , monsieur, pendant que le commun des hommes est obligé de travailler aux arts mécaniques, et que leur temps est heureusement occupé, les grands et les riches ont le malheur d'être abandonnés à eux-mêmes, à l'ennui inséparable de l'oisiveté, au jeu plus funeste que l'ennui, aux petites factions plus dangereuses que le jeu et que l'oisiveté .

Vous êtes, monsieur, un de ceux qui ont rendu le plus de services à l'esprit humain dans votre ville de Bologne, cette mère des sciences . Vous avez représenté à la campagne, sur le théâtre de votre palais, plus d'une de nos pièces françaises, élégamment traduites en vers italiens ; vous daignez traduire actuellement la tragédie de Tancrède 3: et moi qui vous imite de loin, j'aurai bientôt le plaisir de voir représenter chez moi la traduction d'une pièce de votre célèbre Goldoni, que j'ai nommé et que je nommerai toujours le peintre de la nature . Digne réformateur de la comédie italienne, il en a banni les farces insipides, les sottises grossières, lorsque nous les avions adoptées sur quelques théâtres de Paris . Une chose m'a frappé surtout dans les pièces de ce génie fécond , c'est qu’elles finissent toutes par une moralité qui rappelle le sujet et l'intrigue de la pièce, et qui prouve que ce sujet et cette intrigue sont faits pour rendre les hommes plus sages et plus gens de bien .

Qu'est-ce en effet que la vraie comédie ? C'est l'art d'enseigner la vertu et les bienséances en action et en dialogues . Que l'éloquence du monologue est froide en comparaison ! A-t-on jamais retenu une seule phrase de trente ou quarante mille discours moraux ? Et ne sait-on pas par cœur ces sentences admirables , placées avec art dans des dialogues intéressants ?

Homo sum : humani nihil à me alienum puto 4.

Apprime in vita est utile, ut ne quid nimis 5.

Natura tu illi pater es, consiliis ego, etc.6

c'est ce qui fait un des grands mérites de Térence ; c'est celui de nos bonnes tragédies, de nos bonnes comédies . Elles n'ont pas produit une admiration stérile ; elles ont souvent corrigé les hommes . J'ai vu un prince pardonner une injure, après une représentation de La Clémence d'Auguste 7. Une princesse qui avait méprisé sa mère, alla se jeter à ses pieds en sortant de la scène où Rodolphe demande pardon à sa mère 8 . Un homme connu se raccommoda avec sa femme en voyant Le Préjugé à la mode 9. J'ai vu l'homme du monde le plus fier, devenir modeste après la comédie du Glorieux 10. Et je pourrais citer plus de six fils de famille que la comédie de L'Enfant prodigue 11 a corrigés . Si les financiers ne sont plus grossiers ; si les gens de cour ne sont plus de vains petits-maîtres 12; si les médecins ont abjuré la robe, le bonnet et les consultations en latin ; si quelques pédants sont devenus hommes ; à qui en a-t-on l'obligation ? Au théâtre, au seul théâtre .

Quelle pitié ne doit-on pas avoir de ceux qui s'élèvent contre ce premier art de la littérature, qui s'imaginent qu'on doit juger du théâtre d'aujourd'hui par les tréteaux de nos siècles d'ignorance, et qui confondent les Sophocle et les Ménandre, les Varius 13 et les Térence, avec les Tabarin et les Polichinelle !

Mais que ceux-là sont encore plus à plaindre, qui admettent les Polichinelle et les Tabarin 14, et qui rejettent les Polyeucte, les Athalie, les Zaïre et les Alzire, ce sont là de ces contradictions où l'esprit humain tombe tous les jours .

Pardonnons aux sourds qui parlent contre la musique, aux aveugles qui haïssent la beauté ; ce sont moins des ennemis de la société, conjurés pour en détruire la consolation et le charme, que des malheureux à qui la nature a refusé des organes .

Nos vero dulces teneant ante omna Musae 15.

J'ai eu le plaisir de voir chez moi à la campagne représenter Alzire, cette tragédie où le christianisme et les droits de l'humanité triomphent également . J'ai vu, dans Mérope, l'amour maternel faire répandre des larmes sans le secours de l'amour galant . Ces sujets remuent l'âme la plus grossière, comme la plus délicate ; et si le peuple assistait à des spectacles honnêtes, il y aurait bien moins d'âmes grossières et dures . C'est ce qui fit des Athéniens une nation si supérieure . Les ouvriers n'allaient point porter à des farces indécentes l'argent qui devait nourrir leurs familles ; mais les magistrats appelaient dans des fêtes célèbres la nation entière à des représentations qui enseignaient la vertu et l'amour de la patrie . Les spectacles que nous donnons chez nous sont une bien faible imitation de cette magnificence ; mais enfin , elles en retracent quelque idée . C'est la plus belle éducation qu'on puisse donner à la jeunesse , le plus noble délassement du travail, la meilleur instruction pour tous les ordres des citoyens : c'est presque la seule manière d'assembler les hommes pour les rendre sociables .

Emollit mores, nec sinit esse feros 16 .

Aussi , je ne me lasserai point de répéter que parmi vous le pape Léon X, l'archevêque Trissino 17, le cardinal Bibbiena 18, et parmi tous les cardinaux Richelieu et Mazarin, ressuscitèrent la scène : ils savaient qu'il vaut mieux voir l'Oedipe de Sophocle, que de perdre au jeu la nourriture de ses enfants, son temps dans un café, sa raison dans un cabaret, sa santé dans des réduits de débauche, et toute la douceur de sa vie dans le besoin et dans la privation des plaisirs de l'esprit .

Il serait à souhaiter, monsieur, que les spectacles fussent dans les grandes villes, ce qu'ils sont dans vos terres et dans les miennes , et dans celles de tant d'amateurs ; qu'ils ne fussent point mercenaires ; que ceux qui sont à la tête des gouvernements, fissent ce que nous faisons, et ce qu'on fait dans tant de villes . C'est aux édiles à donner les jeux publics ; s'ils deviennent une marchandise, ils risquent d'être avilis . Les hommes ne s'accoutument que trop à mépriser les services qu'ils payent . Alors l'intérêt plus fort encore que la jalousie enfante les cabales . Les Claveret 19 cherchent à perdre les Corneille ; les Pradon veulent écraser les Racine .

C'est une guerre toujours renaissante, dans laquelle la méchanceté, le ridicule et la bassesse sont sans cesse sous les armes .

Un entrepreneur des spectacles de la Foire tâche à Paris de miner les comédiens qu'on nomme italiens ; ceux-ci veulent anéantir les Comédiens-français par des parodies ; les Comédiens-français se défendent comme ils peuvent : l'opéra est jaloux d'eux tous ; chaque compositeur a pour ennemis tous les autres compositeurs et leurs protecteurs, et les maitresses des protecteurs .

Souvent pour empêcher une pièce nouvelle de paraître, pour la faire tomber au théâtre, et si elle réussit, pour la décrier à la lecture, et pour abimer l'auteur, on emploie plus d'intrigues que les wighs n'en ont tramé contre les tory, les guelfes contre les gibelins, les molinistes contre les jansénistes, les coccéiens 20 contre les voétiens, etc., etc., etc., etc.

Je sais de science certaine , qu'on accusa Phèdre d'être janséniste . Comment, disaient les ennemis de l'auteur, sera-t-il permis de débiter à une nation chrétienne ces maximes diaboliques !

Vous aimez, on ne peut vaincre sa destinée,

Par un charme fatal vous fûtes entrainée 21.

N'est-ce pas là évidemment un juste à qui la grâce a manqué ? J'ai entendu tenir ces propos dans mon enfance, non pas une fois, mais trente . On a vu une cabale de canailles, et un abbé desf... 22 à la tête de cette cabale au sortir de Bicêtre, forcer le gouvernement à suspendre les représentations de Mahomet, joué par ordre du gouvernement ; ils avaient pris pour prétexte que dans cette tragédie de Mahomet, il y avait plusieurs traits contre ce faux prophète, qui pouvaient rejaillir sur les convulsionnaires : ainsi ils eurent l'insolence d'empêcher pour quelque temps les représentations d'un ouvrage dédié à un pape, approuvé par un pape .

Si M. de l'Empyrée 23, auteur de province, est jaloux de quelques autres auteurs , il ne manque pas d'assurer dans un long discours public, que messieurs ses rivaux sont tous ennemis de l’État, et de l'Eglise gallicane . Bientôt Arlequin accusera Polichinelle d'être janséniste, moliniste, calviniste, athée, déiste, collectivement .

Je ne sais quels écrivains subalternes se sont avisés dit-on , de faire un Journal chrétien 24, comme si les autres journaux de l'Europe étaient idolâtres . M. de Saint-Foix, gentilhomme breton célèbre par la charmante comédie de L'Oracle, avait fait un livre très utile et très agréable sur plusieurs points curieux de notre histoire de France . La plupart de ces petits dictionnaires ne sont que des extraits des savants ouvrages du siècle passé : celui-ci est d'un homme d'esprit qui a vu et pensé . Mais qu'est-il arrivé ? Sa comédie de L'Oracle, et ses recherches sur l'histoire, étaient si bonnes que messieurs du Journal chrétien l'ont accusé de n'être pas chrétien . Il est vrai qu'ils ont essuyé un procès criminel, et qu'ils ont été obligés de demander pardon 25; mais rien ne rebute ces honnêtes gens .

La France fournissait à l'Europe un Dictionnaire encyclopédique dont l'utilité était reconnue . Une foule d'articles excellents rachetaient bien quelques endroits qui n'étaient pas des mains des maîtres . On le traduisait dans votre langue ; c'était l'un des plus grands monuments des progrès de l'esprit humain . Un convulsionnaire 26 s'avise d'écrire contre ce vaste dépôt des sciences . Vous ignorez peut-être, monsieur, ce que c'est qu'un convulsionnaire ; c'est un de ces énergumènes de la lie du peuple, qui pour prouver qu'une certaine bulle d'un pape est erronée, vont faire des miracles de grenier en grenier, rôtissant des petites filles sans leur faire de mal, leur donnant des coups de buche et de fouet pour l'amour de Dieu 27, et criant contre le pape . Ce monsieur convulsionnaire se croit prédestiné par la grâce de Dieu à détruire l'Encyclopédie ; il accuse, selon l'usage, les auteurs de n'être pas chrétiens ; il fait un illisible libelle 28 en forme de dénonciation ; il attaque à tort et à travers tout ce qu'il est incapable d'entendre . Ce pauvre homme s'imaginant que l'article Âme 29 de ce dictionnaire n'a pu être composé que par un homme d'esprit, et n'écoutant que sa juste aversion pour les gens d’esprit, se persuade que cet article doit absolument prouver le matérialisme de son âme ; il dénonce donc cet article comme impie, comme épicurien, enfin comme l'ouvrage d'un philosophe .

Il se trouve que l'article, loin d'être d'un philosophe, est d’un docteur en théologie, qui établit l'immatérialité, la spiritualité, l'immortalité de l'âme de toutes ses forces . Il est vrai que ce docteur encyclopédiste ajoutait aux bonnes preuves que les philosophes en ont apportées, de très mauvaises qui sont de lui; mais enfin la cause est si bonne, qu'il ne pouvait l'affaiblir 30; il combat le matérialisme ; il attaque même le système de Locke  , supposant que ce système peut favoriser le matérialisme ; il n'entend pas un mot des opinions de Locke, cet article enfin est l'ouvrage d'un écolier orthodoxe, dont on peut plaindre l’ignorance, mais dont on doit estimer le zèle, et approuver la sainte doctrine . Notre convulsionnaire défère donc cet article de l’Âme, et probablement sans l'avoir lu . Un magistrat accablé d'affaires sérieuses, et trompé par ce malheureux 31, le croit sur sa parole ; on demande la suppression du livre ; on l'obtient : c'est-à-dire, on trompe mille souscripteurs qui ont avancé leur argent, on ruine cinq ou six libraires considérables qui travaillaient sur la foi d'un privilège du roi, on détruit un objet de commerce de trois cent mille écus . Et d'où est venu ce grand bruit, et cette persécution ? De ce qu'il s'est trouvé un homme ignorant, orgueilleux et passionné .

Voilà, monsieur, ce qui s'est passé, je ne dis pas aux yeux de l'univers 32, mais au moins aux yeux de tout Paris . Plusieurs aventures pareilles que nous voyons assez souvent, nous rendraient les plus méprisables de tous les peuples policés, si d'ailleurs nous n'étions pas assez aimables . Et dans ces belles querelles, les partis se cantonnent , les factions se heurtent, chaque parti a pour lui un folliculaire 33, Maître Aliboron,34 par exemple, est un folliculaire de M. de l'Empyrée ; ce maître Aliboron ne manque pas de décrier tous ses camarades folliculaires , pour mieux débiter ses feuilles : l'un gagne à ce métier cent écus par an, l'autre mille, l'autre deux mille ; ainsi l'on combat pro focis 35. Il faut bien que je vive, disait l'abbé Desfontaines à un ministre d’État 36; le ministre eut beau lui dire qu'il n'en voyait pas la nécessité, Desfontaines vécut et tant qu'il y aura une pistole à gagner dans ce métier, il y aura des Fréron qui décrieront les beaux-arts et les bons artistes .

L'envie veut mordre, l'in

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23/12/2015 | Lien permanent

Il faut que vous me parliez de vous davantage, si vous voulez que je sois mieux avec moi-même.

C'est ce que je demande à vous lecteurs assidus ou occasionnels, égarés ou à l'affut de nouvelles voltairiennes . Commentez, SVP !

 

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« A M. le comte d'ARGENTAL.

20 septembre [1755]

Mon cher ange, tout malade que je suis, j'ai lu avec attention le grand Mémoire sur l'Orphelin. J'en fais les plus sincères remerciements au chœur des anges mais les forces et le temps me manquent pour donner à cet ouvrage la perfection que vous croyez qu'il mérite, et, du moins, les soins que je lui dois après ceux que vous en avez daigné prendre. Je crois que le mieux serait de ne pas reprendre la pièce après Fontainebleau, de gagner du temps, de me laisser celui de me reconnaître. Songez que je n'ai ni santé ni recueillement d'esprit. Cette cruelle aventure de l'Histoire de 1741, l'injustice de M. de Malesherbes, ses discours offensants et si peu mérités, six mille copies répandues dans Paris d'un ouvrage tout falsifié et qui me fait grand tort, tant de tribulations jointes aux souffrances du corps , des ouvriers de toute espèce qu'il faut conduire, un voyage à mon autre ermitage 1, qu'il faut faire; tout m'arrache à présent à l’Orphelin, mais rien ne m'ôtera jamais à vous. Tâchez, je vous en prie, que les comédiens oublient l'Orphelin cet hiver; mais ne m'oubliez pas.
Vous ne m'aimez que comme faiseur de tragédies, et je ne veux pas être aimé ainsi. Vous ne me parlez point de vous, de votre vie, de vos amusements vous ne me dites point si vous êtes aussi mécontent que moi de Cadix 2; si vous avez été à la campagne cet été. Vous ne savez pas que vos minuties sont pour moi essentielles. Il faut que vous me parliez de vous davantage, si vous voulez que je sois mieux avec moi-même. Adieu; je vous demande toujours en grâce de faire lire à M. de Thibouville ce que vous savez 3. »

2 Ce fut sans doute en 1755 que Voltaire fit la perte des 80,000 livres dont il est parlé dans la note 4 de la lettre du 12 mars 1754 : page 188 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411354g/f191.image.r=2713.langFR

3 La Pucelle, corrigée.

 

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02/04/2012 | Lien permanent

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