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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

siècle des ridicules et des impertinences

http://www.deezer.com/listen-4611621 : Universal mind ... I'm a fredom man .

http://www.deezer.com/listen-4611622 : Light my fire .

 

impertinence.jpg

http://www.flickr.com/photos/nhadda/5380825369/

Les "ridicules" et les "impertinences" sont de tous les siècles, le nôtre ne fait pas exception, hélas . Reste à savoir si nous serons auteurs ou victimes de celà . Tâchons de n'être que le moins possible l'un ou l'autre !

 

Marin, traitre à Volti, s'est peut-être rendu compte, quand même, que celui-ci connaissait ses mauvais coups, en lisant : "siècle des ridicules et des impertinences" et "aux scélératesses dont on est inondé" . Je souhaite qu'il se soit senti dans ses petits souliers . Volti fera passer le bien commun des philosophes amis, avant l'esprit de vengeance , encore une fois .

Gloire à Volti ! Gloria :http://www.deezer.com/listen-4611626

 

 

 

« A François-Louis-Claude Marin

 

21è mars 1774 à Ferney

 

Nous vivons donc, mon cher ami, dans le siècle des ridicules et des impertinences . Sauve qui peut. Votre lettre m'apprend des chose que je ne savais pas . Il ne manquait aux absurdités, et aux scélératesses dont on est inondé que l'insolence d'une requête des Véron en cassation d'arrêt 1. J'ai une lettre de change sur un Véron à Paris, mais je me flatte qu'il n'est pas parent de la vieille aux cent mille écus .

 

On me mande qu'il y a un Taureau blanc échappé dans Paris qui frappe de ses cornes pour un écu . Ne pourriez-vous point engager M. de Sartines à ordonner discrètement qu'on ne laissât point sortir ce taureau de son écurie ? Il y a plus d'un an que je l'avais entièrement perdu de vue . Je suis très affligé qu'on le laisse courir ainsi . Il y a trop de gens qui voudraient manger mon taureau et moi .

 

Ma strangurie m'a repris . Je serai très fâché de quitter le pays des taureaux, des singes, des chats et des rats sans avoir eu la consolation de vivre quelques jours avec vous 2.

 

 

Voulez-vous bien avoir la bonté de donner cours aux incluses ?

V. »

 

1 Arrêt rendu le 3 septembre 1773 ; les Véron sont les adversaires de Morangiès, à qui « la Véron » disait avoir prêté « cent mille écus ».

Sur cette affaire, vous pouvez voir : http://www.labetedugevaudan.com/pages/morang_colin.html

2 V* sait pourtant que Marin est responsable de l'édition pirate des Lois de Minos ; voir lettre du 25 février à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/02/24/b...

D'Argental lui écrit le 11 mars : Marin « peut servir dans bien des occasions et il peut beaucoup nuire dans mille autres . Il a l'oreille du ministre le plus accrédité ..., il est admis avec une certaine distinction chez le premier président, M. de Sartines le soutient ... par politique », « Je pense donc que vous devez dissimuler les sujets de plainte qu'il vous a donnés, agir avec lui comme par le passé ... avec la défiance que vos découvertes doivent vous inspirer . » 

 

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21/03/2011 | Lien permanent

Pourquoi nous nommez-vous vilains ? Nous pillons, nous saccageons, et nous sommes larrons privilégiés, cela est vrai. So

... Ni plus ni moins, vous êtes tous mis dans le panier des indésirables sur cette terre que vous saccagez et polluez

 

saccage de la planete poubelle.jpg



 

 

 

« De Louise-Dorothée von Meiningen , duchesse de Saxe-Gotha
[janvier 1758]
Lettre des pandours au frère suisse.

Pourquoi nous nommez-vous vilains ? Nous pillons, nous saccageons, et nous sommes larrons privilégiés, cela est vrai. Sommes-nous en cela plus condamnables que ceux qui gouvernent le monde, que les auteurs qui dérobent les pensées d'autrui, et que les saints du paradis, qui, pour fonder des églises et des couvents, s'appropriaient les biens du peuple et des particuliers ? Non, assurément. Rendez-nous donc plus de justice, et souhaitez, au lieu de nous injurier, que les souverains de l'Europe suivent à l'avenir notre exemple qu'ils deviennent aussi avides que nous de posséder vos lettres; qu'ils apprennent, par leur lecture, à devenir philosophes, et pandours de la vertu. Si jamais nous avons le bonheur de vous attraper, nous tâcherons de piller votre esprit et vos connaissances, pour nous venger de votre mépris. Nos rossinantes seront alors métamorphosés en Pégases, et nous saurons bien, avec le secours d'une certaine dame qui se nomme Raison, vous empêcher de faire des neuvaines contre nous. Adieu.
P. S. J'ai reçu toutes vos lettres, et j'y réponds à la fois. Le plan de la comédie italienne n'est pas tout à fait assez juste; mais il me siérait mal de vouloir critiquer vos ouvrages. La sœur de Mezzetin 1 n'ose se mêler que de ce qui la regarde; et d'ailleurs il est bien dangereux d'entreprendre de jouer la comédie, puisqu'on risque d'être enlevé par les pandours, ou que les rôles ne soient interceptés. Il y a plus de quatre semaines que je n'ai aucunes nouvelles du roi. Il se peut qu'il m'ait écrit, ce que je crois très- sûrement mais je pense que ses lettres ont peut-être pris des routes qui ne conduisent pas ici.2
On dit que les Français ont reçu un petit échec à Bremen, et qu'il y a eu sept mille hommes de battus. Les Suédois sont au pis en Poméranie. Leur cavalerie s'est retirée dans l'île de Rugen. L'infanterie est à Stralsund, où on les a bloqués et où on va les bombarder. Voilà tout ce que je sais. Mon frère de Prusse m'a adressé cette lettre pour vous. Vous pouvez voir par la date combien les lettres arrivent régulièrement ici.3 Je plains votre aveuglement de ne croire qu'un dieu, et de renier JC . Comment ferez-vous pour plaider votre cause ? Si quelque chose pouvait me divertir encore, ce serait de voir votre apologie. Adieu; donnez-moi, je vous prie, de vos nouvelles, et surtout de celles de mon amant 4. Veuille le ciel qu'elles soient bonnes !
WILHELMINE.
J'ai oublié de vous dire que c'est moi qui suis la pandoure. Je me suis méprise, et j'ai envoyé un papier blanc au roi au lieu de votre lettre, que j'ai retrouvée. Je l'ai fait repartir. Si elle arrive à bon port, vous aurez bientôt réponse. »


 

1 Personnage de comédie : http://fr.wikipedia.org/wiki/Mezzetin

 

2 Ceci fait allusion à quelque passage d'une des lettres perdues. Peut-être s'agit-il d'un projet de paix. (Beuchot.)

 

3 Elle est perdue, ainsi que toute la correspondance entre Voltaire et le prince Auguste-Guillaume, né en 1722, devenu prince royal en 1740, mort le 12 juin 1758.

 

4 Le cardinal de Tencin, avec lequel elle voulait négocier la paix.

 

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07/03/2013 | Lien permanent

il viaggio ad terram sanctam non conviene ad un Franceze libero / un voyage à la terre sainte ne convient pas à un Fra

... Ce qui fait que je me garderai bien de poser le bout de quelque orteil le plus désespéré sur la "terre sainte" (saignante serait plus exact )  du prophète Mohammed qui ne rechignerait pas à recevoir le sang d'un roumi .

Je ne supporte pas la vue d'un sabre au dessus de ma nuque et le changement -dans la continuité- de souverain en Arabie saoudite a vu dès le lendemain de cette succession une énième exécution d'un homme, condamné il est vrai sous le règne de son prédécesseur -libéral  au dire de certains !?- qui avait fait trancher la tête de sept femmes ces dernières semaines . Il faut reconnaitre un certain respect de  l'égalité homme-femme devant la loi arabique qui se fait fort de rendre à la terre tout le monde à la même taille . J'aimerais tant que ce genre de dernier supplice n'existât  plus que dans Tintin et le lotus bleu , délire de fou ; la réalité dépasse la fiction , toujours hélas .

 http://www.lepoint.fr/editos-du-point/mireille-duteil/en-arabie-saoudite-le-changement-n-est-pas-pour-maintenant-24-01-2015-1899213_239.php

 

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  Bisou ou pas, non, je ne viendrai pas !

 

 

« Au marquis Francesco ALBERGATI CAPACELLI

senatore

à Bologna
Aux Délices, 27 janvier 1760. 1
Direte che io sono un uomo pococurante,2 e neghittoso e pigro, un' che manca alla sua promessa ; un traditore, che a ricevuto una bella tragedia italiana, se ne gode, e non manda la sua; un temerario, che voleva inviarvi il lord Bolingbroke's and lord Shaftesbury's works and such damn'd stuff. Ma, signore, la verità è che non sono contento della mia tragedia. Voglio incudi reddere versus 3, e ripulire il mio dramma Svizzero, degno si del mio Svizzero teatro, ma indegno del' vostro.
Noi poveri Francesi siamo sottoposti all' giogo della rima, come voi a quello della sacratissima inquisitione. Vivano i versi sciolti egli ingegni sciolti , e più facile comporre cento versi sciolti in italiano che quattro rime francese.
In tanto la riverisco di cuore. Credo che Bologna la Grassa sia molto più graziosa adesso, più dotta, più ripiena di buon gusto che mai, sotto i vostri auspici.

Veramente s' io fossi un Odoacro 4, un Teodorico 5, un Albuino 6, vorrei vedere cotesta bella Italia ; ma il viaggio ad terram sanctam non conviene ad un Franceze libero, il quale ha scritto alcune volte colla libertà inglese 7.
Soyez persuadé, monsieur, de toute la respectueuse estime qu'aura pour vous, toute sa vie, votre très-humble et obéissant serviteur.
V., ermite des Délices » 

1 Capacelli avait demandé , le 10 décembre 1759 si V* avait bien reçu La Semiramide envoyée le mois précédent ; dans l'attente de sa tragédie, il lui rappelait sa demande de ne pas faire imprimer sa pièce pendant deux ans et de ne la donner à personne pendant ce temps .

2 Allusion au chapitre XXV de Candide : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-candide-ou-l-op...

Certaines éditions mettent poco vivente = sans énergie

3 Remettre mes vers sur le métier ; Horace, Art poétique, 441 .

4 Odoacre, barbare germain, gouverna l'Italie de 476 à 493 .

5 Theodoric assassina Odoacre et lui succèda .

6 Alboin, roi des Lombards fut proclamé « maître de l'Italie » (dominus Italiae) en 569 .

7 Les quatre derniers mots ont été biffés sur l'original et manquent dans les éditions .

Traduction : Vous direz que je suis un homme sans soin, et négligent et paresseux; un homme infidèle à sa promesse ; un traître qui a reçu une belle tragédie italienne, qui s'en est récréé, et qui n'envoie pas la sienne en retour; un téméraire qui voulait vous envoyer le lord Bolingbroke et les œuvres de lord Shaftesbury, et tels autres ouvrages damnés. Mais, monsieur, la vérité est que je ne suis pas content de ma tragédie; je veux « remettre les vers sur l'enclume », et repolir mon drame suisse, digne de mon théâtre suisse, mais indigne du vôtre.
Nous autres pauvres Français, nous sommes asservis au joug de la rime, comme vous à celui de la très sainte et très tyrannique inquisition . Vivent les vers libres et les esprits libres! Il est plus facile de composer cent vers libres en italien que quatre vers rimés en français.
Cependant, je vous révère de tout mon cœur. Je crois que Bologne l'opulente est maintenant, sous vos auspices, bien plus charmante, plus docte, plus remplie de bon goût que jamais.
Vraiment; si j'étais un Odoacre, un Théodoric, un Alboin, je voudrais voir cette belle Italie; mais un voyage « à la terre sainte » ne convient pas à un Français libre qui a écrit quelquefois avec la liberté anglaise. »

 

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01/02/2015 | Lien permanent

Il faudrait que vous eussiez la bonté de venir coucher chez nous ; une heure de conversation fait plus et mieux que mill

... Voilà ce que François Hollande a dû dire ou aurait dû dire à tous ces chefs d'Etats et de gouvernements qui viendront dimanche soutenir la république française et, du bout des lèvres pour beaucoup d'entre eux, la liberté de la presse .

Je me contrefiche des états d'âme de la Marine et son parti qui n'ont pas manqué d'attaquer à tort Charlie en son temps, ce n'est qu'une vieille peau, comme son père  .

Je me réjouis aussi de voir défiler une cohorte de faux culs de toutes obédiences religieuses qui n'ont jamais manqué une occasion de gueuler "au sacrilège", "à l'outrage", "au blasphème" pour couler un journal qui leur mettait la vérité en face .

Ah , le blasphème ! qu'elle invention de cerveaux malades ; je ne peux pas le voir autrement qu'une offense d'un catho envers la religion catholique, d'un muslim envers un soi disant prophète, d'un juif envers je ne sais qui . S'il n'y a pas ce distingo, alors j'accuse tous les religieux de blasphème envers moi laïc non croyant .

 

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Celui-ci est un homme de paix et tolérance selon mon coeur

 

 

« A Louis-Gaspard Fabry

4 janvier [1760] 1

J'ai relu, monsieur, avec une nouvelle attention , et un plaisir nouveau, vos deux mémoires sur le pays de Gex . Il m'est venu dans la tête une idée que je soumets à vos lumières .

Ne pourrait-on pas après avoir fait sentir aux fermiers généraux combien le pays de Gex leur est à charge, leur proposer d'accepter une somme de trois cent mille livres au nom du pays, avec la faculté pour tout remboursement, d'acheter le sel au même prix que 2 Genève, et les Grisons, et de le vendre à l'étranger et au pays de Gex, et surtout à Genève ; ceux qui fourniraient les 300 mille livres au nombre desquels vous seriez pour si petite somme qu'il vous plairait, se chargeraient de l'entretien des chemins . Plus de gardes, pas même à Versoy . La liberté et l'abondance seraient le partage du pays de Gex sous votre administration, point d'impôt sous le nom de rachat de gabelles, nulle gêne, rien que du profit .

Vous seriez à la tête de la compagnie qui avancerait les cent mille écus .

Cette compagnie demanderait à fournir le sel au pays de Gex, à Genève, à Versoy, et au pays de Vaud, s’il est possible, à tout l'étranger .

Elle achèterait 12000 minots 3 de sel par an, au moins chaque minot reviendrait à environ 6 livres ou 7 livres 4 . Elle en vendrait au pays de Gex et à l'étranger, le même prix que Genève a fixé .

Elle pourrait faire annuellement un profit de 60000 livres au moins .

 

Sur ces 60000 livres on donnerait aux associés environ pour les deniers de leurs avances

 

30000 £

L'entretien de tous les cheminements par an ponts et chaussées

 

6000 £

Frais de régie ; et gratifications aux associés qui travailleraient

 

24000 £

 

60000 £

 

On pourrait encore exiger des fermiers généraux qu'ils nous vendissent tous les ans une certaine quantité de tabac, au prix coutant .

Par ces opérations on fournirait aux fermiers généraux cent mille écus dans les besoins pressants .

On aurait de ces cent mille écus une rente très considérable ; le pays de Gex serait riche, et l'administration n'y perdrait pas . Vous demanderez où l'on peut trouver 300000 livres, vous en trouverez quatre cent mille dans huit jours .

Je vous prie, monsieur, d’examiner cette idée, et de vouloir bien la rectifier ; il me semble qu'on en peut tirer quelque avantage, et que le plomb peut devenir or, en passant de ma tête dans la vôtre .

Il faudrait que vous eussiez la bonté de venir coucher chez nous ; une heure de conversation fait plus et mieux que mille lettres .

J'ai l'honneur d'être bien sincèrement

monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

V.

Celui qui m'a proposé cette affaire paraît en état de trouver en peu de temps les 300000 . mais il faudrait qu'un homme comme vous, monsieur, qui connait si bien le pays, rédigeât sa proposition, et la rendît praticable . »

1 A la suite de cette lettre, V* rédigea un mémoire, qui est conservé , sur la même affaire . Il y propose, en gros , le rachat de la gabelle par un versement annuel à la ferme de trente mille livres, qui serait récupéré grâce à une imposition de 5 sols par habitant et de 10 sols par tête de bétail .

2 V* a d'abord écrit , puis rayé qu'à .

3 La mine correspondait à environ 78 litres3/4, le minot valant la moitié d'une mine .

4 Ou 7 £ est ajouté par V*.

 

 

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10/01/2015 | Lien permanent

Je la prendrais, cette route, si les hommes qui aiment la vérité avaient du zèle ; mais on n’en a point, on est arrêté p

... Pessimiste ! mais pas si loin de la réalité actuelle. Le glaive est le profit à tout prix, y compris celui de la détérioration du climat . COP26 : mascarade !

Boris Johnson file en jet privé dîner avec un climatosceptique notoire -  Egalite et Réconciliation

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

18 auguste 1766 1

Ils en ont menti, les vilains Velches ; ils en ont menti, les assassins en robe. Je peux vous le dire en sûreté dans cette lettre . C’est par une insigne fourberie qu’on a substitué le Dictionnaire philosophique au Portier des Chartreux 2, que l’on n’a pas osé nommer à cause du ridicule.

Je sais, à n’en pouvoir douter, que jamais livre de philosophie ne fut entre les mains de l’infortuné jeune homme qu’on a si indignement assassiné.

Je ne vois, mon cher frère, que cruauté et mensonge. Il est si faux qu’on m’ait refusé, qu’au contraire on m’a prévenu, et qu’on a même tracé la route que je devais prendre 3. Je la prendrais, cette route, si les hommes qui aiment la vérité avaient du zèle ; mais on n’en a point, on est arrêté par mille liens, on demeure tranquillement sous le glaive, exposé non-seulement aux fureurs des méchants, mais à leurs railleries. Les fanatiques triomphent. Que deviendra votre ami 4? quel rôle jouera-t-il, quand l’ouvrage auquel il a travaillé vingt années devient l’horreur ou le jouet des ennemis de la raison ? Ne sent-il pas que sa personne sera toujours en danger, et que ce qu’il peut espérer de mieux est de se soustraire à la persécution, sans pouvoir jamais prétendre à rien, sans oser ni parler ni écrire ?

Le chevalier de Jaucourt, qui a mis son nom à tant d’articles, doit-il être bien content ? Enfin six ou sept cent mille sots huguenots ont abandonné leur patrie pour les sottises de Jean Chauvin, et il ne se trouvera pas douze sages qui fassent le moindre sacrifice à la raison universelle, qu’on outrage ? Cela est aussi honteux pour l’humanité que l’infâme persécution qui nous opprime.

Je dois être très mécontent que vous ne m’ayez pas écrit un seul mot de votre ami, que vous ne m’ayez pas même fait part de ses sentiments. Je vois bien que les philosophes sont faits pour être isolés, pour être accablés l’un après l’autre, et pour mourir malheureusement sans s’être jamais secourus, sans avoir seulement eu ensemble la moindre intelligence ; et quand ils ont été unis, ils se sont bientôt divisés, et par là même ils ont été en opprobre aux yeux de leurs ennemis. Ce n’était point ainsi qu’en usaient les stoïciens et les épicuriens . Ils étaient frères, ils faisaient un corps, et les philosophes d’aujourd’hui sont des bêtes fauves qu’on tue l’une après l’autre.

Je vois bien qu’il faut mourir sans aucune espérance. Cependant ne m’abandonnez pas, écrivez à M. Boursier sur la manufacture, sur M. Tonpla, sur toutes les choses qu’il entendra à demi-mot. Je ne vous dirai pas aujourd’hui, mon cher frère  écrasez l’infâme, car c’est l’infâme qui nous écrase . Voici un petit mot pour le prophète Élie5. »

1 Dans la copie contemporaine Darmstadt B. manque la dernière phrase .

2 Allusion au fait que le Dictionnaire philosophique saisi chez le chevalier de La Barre a été condamné au feu en même temps que le chevalier . Sur Le Portier des Chartreux, voir note 13 de https://satires18.univ-st-etienne.fr/texte/contre-le-franc-de-pompignan-et-autres-adversaires-de-voltaire/le-pauvre-diable

et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1511476g/f9.item

et lettre à Jean-Robert Tronchin du 6 juillet 1757 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/11/18/ce-n-est-point-avoir-vaincu-que-de-ne-pas-poursuivre-vivemen.html

3 Offre de service de Frédéric II de juillet 1766 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6409

4 Diderot .

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11/11/2021 | Lien permanent

L’Italie commence à mériter d’être vue ... on peut y aller aujourd’hui pour y voir des hommes qui pensent, et qui foulen

... Il y a de quoi rire -jaune-,  ami Voltaire , tant l'actualité est biscornue et si peu conforme à ton idéal espéré. Les Italiens étant aussi nases que les Français s'opposent à l'obligation du pass sanitaire  et se bagarrent : https://www.20minutes.fr/dossier/italie

Que n'ont-ils pas employé ce temps pour aller plutôt se faire vacciner ?

Il est vrai que la logique et les humains bornés sont incompatibles .

 

 

« A Charles-Joseph, prince de Ligne 1

Aux eaux de Rolle en Suisse par Genève 22 juillet 1766 2

Vous voyez bien, mon prince, par le lieu dont je date, que je ne suis pas le plus jeune et le plus vigoureux des mortels, mais, en quelque état que je sois, je ressens vos bontés comme si j’avais votre âge. Votre lettre me fait voir que vous êtes aussi philosophe qu’aimable. Né dans le sein des grandeurs, vous faites peu de cas de celles qui ne sont pas dans vous-même, et qu’on n’obtient que par la faveur d’autrui.

Il ne vous appartient pas d’être courtisan, c’est à vous qu’il faut faire sa cour , et vous pouvez jouir assurément de la vie la plus heureuse et la plus honorée, sans en avoir l’obligation à personne.

Je serais bien tenté de vous envoyer un petit écrit sur une aventure horrible, assez semblable à celle des Calas 3; mais j’ai craint que le paquet ne fût un peu trop gros . Il est de deux feuilles d’impression. Je suis persuadé qu’il toucherait votre belle âme ; vous y verriez d’ailleurs des choses très curieuses. Je passe dans ma petite sphère les derniers temps de ma vie, comme vous passez vos beaux jours, à faire le plus de bien dont je suis capable ; c’est par cela seul que je mérite un peu les bontés dont vous daignez m’honorer. Vous en ferez beaucoup dans vos belles et magnifiques terres ; vous y vivrez en souverain ; vous pourrez attirer auprès de vous des hommes dignes de vous plaire . Les plus grands rois n’ont rien au-dessus. On m’a dit que vous iriez faire un tour en Italie . Je ne sais si ce bruit est fondé, mais il me plaît infiniment. Je me flatterais que vous prendriez la route de Genève, que je pourrais avoir l’honneur de vous recevoir dans ma cabane ; vos grâces ranimeraient ma vieillesse. L’Italie commence à mériter d’être vue par un prince qui pense comme vous. On y allait, il y a vingt ans, pour voir des statues antiques, et pour y entendre de nouvelle musique ; on peut y aller aujourd’hui pour y voir des hommes qui pensent, et qui foulent aux pieds la superstition et le fanatisme.

Tes plus grands ennemis, Rome, sont à tes portes. 4

Il s’est fait en Europe une révolution étonnante dans les esprits. J’ai trop peu d’espace pour nous dire ici ce que je pense du vôtre, et pour vous faire connaître toute l’étendue de mon respect et de mon attachement.

V.»

2 La lettre à laquelle V* répond n'est pas connue .

3 Avis au public sur les parricides imputés aux Calas et aux Sirven : https://tolosana.univ-toulouse.fr/fr/notice/083232508

4 Racine, Mithridate, ; act. III, sc. 1, vers 820 : https://www.theatre-classique.fr/pages/pdf/RACINE_MITHRIDATE.pdf

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17/10/2021 | Lien permanent

Voici le temps où mon sang bout, voici le temps de faire quelque chose. Il faut se presser, l’âge avance, il n’y a pas u

... Signé Voltaire .

Contresigné Emmanuel Macron , possiblement .

Constat souhaitable des candidats au Bac ce matin ?

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« A Charles-Augustin Ferriol , comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

29 juin [1763] 1

Divins anges, je reçois votre lettre du 21 juin. Voici le temps où mon sang bout, voici le temps de faire quelque chose. Il faut se presser, l’âge avance, il n’y a pas un moment à perdre. Ils me font jouer de grands rôles de tragédies, pour amuser ces enfants et ces Genevois . Mais ce n’est pas assez d’être un vieil acteur, je suis et je dois être un vieil auteur , car il faut remplir sa destinée jusqu’au dernier moment.

Cela ne m’empêchera pas, dans les entractes, de travailler à votre gazette. Je suivrai très exactement les ordres de M. le duc de Praslin, s’il m’en donne. Encore une fois, il est pourtant bien étrange  que je n’aie pas vu une seule Gazette littéraire 2 : qu’est-ce que cela veut dire ?

Cramer assure qu’il n’a envoyé aucun exemplaire 3 à Robin-Mouton, et qu’on a ôté mon nom partout. Je désirerais fort de n’être pas réduit à faire un désaveu inutile, qu’on ne croira pas, et qui ne servira à rien. Il ne s’agit que d’engager Merlin à veiller sur son propre intérêt ; c’est ce que j’ai mandé à frère Damilaville.

Au reste, il y a longtemps que j’ai pris mon parti sur cette affaire. Si on me poursuit, je crois la chose très injuste, et tout le monde ici pense de même. Je n’ai pas écrit un seul mot qui puisse déplaire à la cour ; ma justification est toute prête. Je sais bien que le roi ne me soutiendra pas plus contre le parlement que le président d’Éguilles 4; mais je me soutiendrai très bien moi-même. Je n’habite point en France, je n’ai rien en France qu’on puisse saisir ; j’ai un petit fonds pour les temps d’orage. Je répète que le parlement ne peut rien sur ma fortune, ni sur ma personne, ni sur mon âme, et j’ajoute que j’ai la vérité pour moi. Un corps entier fait souvent de très fausses démarches . Il faut s’y attendre . Mais soyez très sûrs qu’à mon âge tous les parlements du monde ne troubleront pas ma tranquillité. Le sang ne me bout que pour les vers . Je suis et serai serein en prose : il importe fort peu où je meure ; j’ai quatre jours à vivre, et je vivrai libre ces quatre jours.

J’ai été fidèle avec le dernier scrupule . Je n’ai envoyé à personne une seule ligne de ce que vous avez très sagement supprimé. Je vous supplie de m’instruire si les Cramer ont laissé subsister mon nom à la tête de quelques exemplaires . Ce point est très important, car on ne peut procéder contre la personne que quand elle s’est nommée. Toutes les procédures générales et sans objet tombent. Mais enfin, qu’on procède comme on voudra, je suis aussi imperturbable que je suis dévoué à mes anges.

Respect et tendresse.

V.

J'ajoute que M. le maréchal de Richelieu m'a demandé tous mes rôles comiques pour une damoiselle d'Epinay . Je les ai donnés . Arrangez-vous avec lui mes anges . »

1 L'édition de Kehl supprime le post-scriptum .

2 Elle ne parut qu'en 1764 .

3 De l'Essai sur l'histoire générale ; voir lettre du 23 juin 1763 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/06/15/on-a-tant-brule-de-livres-bons-ou-mauvais-tant-de-mandements-6059834.html

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18/06/2018 | Lien permanent

ce qui finirait en deux jours si j’étais à Paris, traîne des mois entiers

... Last news from Brégançon ?

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

27è février 1767

En réponse à votre lettre du 21, mon cher ami, je vous dirai d’abord que j’ai été plus occupé que vous ne pensez de l’abominable calomnie qu’un homme en place a vomie contre vous. J’ai écrit à un de ses parents 1 d’une manière très forte qui ne compromet personne, et qui ne laisse pas même soupçonner que vous soyez instruit de ce procédé infâme. Vous êtes d’ailleurs à portée d’employer des gens de mérite qui le détromperont ou qui le désarmeront.

J’admire sous quelles formes différentes le fanatisme se reproduit : c’est un Protée né dans l’enfer, qui prend toutes sortes de figures sur la terre.

Je ne suis pas fâché de l’éclat qu’on a voulu faire contre Bélisaire. On ne peut que se rendre ridicule et odieux en attaquant une morale si pure. Les ennemis de la raison achèvent d’amonceler des charbons ardents sur leur tête . Le livre qu’ils attaquent en sera plus connu et plus goûté. Dieu et la raison savent tirer le mal du bien.

Je crois enfin l’affaire de M. de Lemberta finie  Ce n’a pas été sans peine. La communication entre nous et Genève est absolument interdite, et sans les bontés de M. le duc de Choiseul, nous mourrions de faim, après avoir fait vivre tant de monde.

J’ai été très content de la conversation du curé et du marguillier 2, dans laquelle on rend justice aux vues saines et patriotiques du ministère . Plus la permission qu’il a donnée d’exporter les blés mérite notre reconnaissance, et plus nous en devons aussi au Dictionnaire encyclopédique, qui démontre en tant d’endroits les avantages de cette exportation. Il est certain que c’est le plus grand encouragement qu’on pût donner à l’agriculture. Je le sens bien, moi qui suis un des plus forts laboureurs de ce petit pays.

J'attends de vos nouvelles sur ce beau mémoire en faveur des Sirven, et sur cette méprise dont vous devez être instruit . .

J'attends aussi l'ouvrage de M. de Beaumont, et je souhaite d'y trouver les traits que j'ai admirés dans l'autre .

Je suis, pour les Scythes, à peu près dans le même cas où Beaumont est pour son mémoire. J’éprouve des difficultés de la part de mes avocats ; et ce qui finirait en deux jours si j’étais à Paris, traîne des mois entiers . Voilà pourquoi vous n’avez point eu les Scythes. On dit que le tragique est absolument tombé ; je n’ai pas de peine à le croire.

M. le chevalier de Chastellux est une belle âme. Il a des parents qui ne sont pas si philosophes que lui. Je vous assure qu’on l’a échappé belle, et qu’il y avait là de quoi perdre un homme sans ressource. Je suis affligé que vous n’ayez rien à me dire de Platon 3 sur toutes les occasions que je saisis de lui rendre justice. Ec l'inf.

Voici les propres mots d’une lettre de l’impératrice de Russie 4, en m’envoyant son édit sur la tolérance :

« L’apothéose n’est pas si fort à désirer qu’on le pense ; on la partage avec des veaux, des chats, des ognons, etc., etc., etc. Malheur aux persécuteurs ! ils méritent d’être rangés avec ces divinités-là. » Elle m’ajoute que  les suffrages de MM. Diderot et d’Alembert l’encouragent beaucoup à bien faire .

Voici le premier chant de la Guerre de Genève, puisque vous voulez vous amuser de cette plaisanterie. »

1 Cette lettre manque.

2 Dialogue d’un curé de campagne avec son marguillier, au sujet de l’édit du roi qui permet l’exportation des grains ; par M. Gérardin, curé de Rouvre en Lorraine, 1766, in-8°.

Voir 222, https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_litt%C3%A9raire,_philosophique_et_critique,_%C3%A9d._Garnier/7/1767/F%C3%A9vrier

3 Diderot.

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31/07/2022 | Lien permanent

Je ne songe à présent qu'à rebâtir

... Louable intention mister Président, encore faut-il avoir plans, matériaux et ouvriers  . Les avez-vous ?

Il est vrai que deux lignes de votre programme sont infiniment plus raisonnables que les éructations de l'opposition, mais pour des Français forts en gueule, amateurs de Cyril Hanouna (c'est dire leur goût pour la barbarie ), tout ce qui est  raisonnable est banni . Le retour de bâton va leur faire drôle , surtout qu'il va frapper de gauche et de droite . Y aura-t-il un service d'urgence pour soigner les fracassés ?  Les futurs élus relativement majoritaires vont faire comme les punaises de lit , ponctionner leurs électeurs : parasites !

 

 

 

« A Marie-Louise Denis

16è décembre 1768

Vous trouverez dans ce petit papier, ma chère nièce, la réponse à la lettre apportée par Fabry 1.

Dieu soit béni de ce que vous êtes à Paris dans un temps où sans vous cette pièce 2 ne pourrait jamais être jouée . Il est important qu'elle le soit pour des raisons que vous pouvez aisément deviner . C'est une chose très sérieuse . Et Le Duc de Bénévent sera pour vos menus plaisirs .

L'abominable épreuve par laquelle a passé Damilaville serait bien plus capable de tuer un vivant que de faire revivre un mort .

La personne dont vous me parlez me paraît mieux sifflée que les actrices de la comédie, et doit mieux jouer son rôle .

La Borde compte donner son opéra de Pandore pour le mariage de monsieur le Dauphin 3.

Si le premier gentilhomme de la chambre ne demande pas un autre spectacle, ce sera ma destinée d'ennuyer tous les dauphins l'un après l'autre . Engagez vite les anges à demander à M. le duc de Duras sa parole pour Pandore.

Vous voilà chargée de trois plaisirs. Ma vie n'est pas si brillante ; je mène précisément celle d'un chartreux . J'ai barricadé la porte du vestibule . On n'entre plus que par les souterrains . Je me fais lire à table, je mange très peu et je travaille beaucoup . Je ne suis pas heureusement dans l'état du pauvre syndic Pictet, quoique j'aie son âge ; mais si j'étais à sa place je l'imiterais . Il a été approuvé de tout le monde . Le esprits s'éclairent de plus en plus dans toute l'Europe . J'en reçois tous les jours des témoignages incontestables .

Vous aurez Empereurs et Marseillais . J'achèterai A.B.C. pour vous l’envoyer . Vous sentez bien qu'A.B.C. ne peut être de moi . Comment d'ailleurs aurais-je pu faire tant de choses différentes à la fois ? Je ne songe à présent qu'à rebâtir votre Châtelard , c'est mon seul alphabet .

On dit que deux fermiers généraux 4 ont fait banqueroute et que Marchant est en place 5 . S'il fait banqueroute aussi, il ne sera plaint de personne . Votre neveu est dans un vilain tripot ; mais s'il cherchait à éclairer les jeunes gens, on pourrait à la fin le détripoter . Le corps des maîtres des requêtes est un peu mieux composé .

Le frère de Mme de Sauvigny 6 est venu chez moi . J'ai été obligé de lui prêter de l'argent . Je n'y conçois rien ; il était né pour avoir cinquante mille écus de rente . La voix publique est pour lui dans le pays où il est . Croiriez-vous bien qu'il a fait des vers très jolis qu'on a fait graver sur le frontispice d'un hôtel de ville ? Il y a d'étranges malheurs et d'étranges aventures dans ce monde .

Nous verrons comment ma Catau se tirera d'affaire avec Moustapha . J'ai très bonne opinion de la fortune de ma Catau, et la fortune fait tout .

Je vous embrasse avec la tendresse la plus vive et la plus inaltérable . »

1 Le 23 décembre 1768, Dupan écrit à Mme de Freudenreich : « Fabry de Gex, qui était allé à Paris recevoir le cordon de Saint-Michel et les ordres de M. de Choiseul, était de retour […]. »

2 Les Guèbres .

3 Le dauphin ne se mariera que le 16 mai 1770 .

4 Virli et Roussel .

5 Marchant de Varennes , un neveu de V* ( « à la mode de Bretagne » ), qui accède au corps des fermiers généraux .Voir : note 142 de la page 168 : https://books.openedition.org/igpde/4495?lang=fr#bodyftn142

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21/06/2024 | Lien permanent

Tu me glaces d’horreur !

...Vu sur Google actualités le 13/8/2022 ! Fabuleuse conception de nos US fournisseurs de data de ce qu'est un divertissement ; ils seront bien capables de mettre les fusillades meurtrières communes chez eux dans cette rubrique

Le Parisien
 
 

 

« A Henri-Louis Lekain

Mercredi au matin, après les autres lettres écrites,

4 mars [1767]

Il m’a paru convenable de jeter, dans les premiers actes des Scythes, quelques fondements de la loi qui fait le sujet du cinquième acte ; mais il n’est pas naturel qu’on parle dans un mariage de venger la mort d’un époux dont la vie semble en sûreté, et qui n’est encore menacé de rien par personne.

On peut, dans Tancrède et dans Brutus, commencer le premier acte par dévouer à la mort quiconque trahira sa patrie ; on peut commencer dans Œdipe par la proscription du meurtrier de Laïus : cet artifice serait grossier et impraticable dans les Scythes. Cependant il serait heureux que le spectateur pût au moins deviner quelque chose de cette loi, qui a, en effet, existé en Scythie. Voici comme je m’y prends à la deuxième scène du second acte ; voici le couplet qu’Indatire doit substituer à son premier couplet, qui commence par ces mots : en ce temple si simple.

Cet autel me rappelle à ces forêts si chères ;
Tu conduis tous mes pas, je devance nos pères :
Je viens lire en tes yeux, entendre de ta voix,
Que ton heureux époux est nommé par ton choix.
L’hymen est parmi nous le nœud que la nature
Forme entre deux amants, de sa main libre et pure.
Chez les Persans, dit-on, l’intérêt odieux,
Les folles vanités, l’orgueil ambitieux,
De cent bizarres lois la contrainte importune,
Soumettent tristement l’amour à la fortune :
Ici le cœur fait tout, ici l’on vit pour soi ;

D’un mercenaire hymen on ignore la loi ;
On fait sa destinée. Une fille guerrière
De son guerrier chéri court la noble carrière,
Se plaît à partager ses travaux et son sort,
L’accompagne aux combats, et sait venger sa mort.
Préfères-tu nos mœurs aux mœurs de ton empire ?
La sincère Obéide aime-t-elle Indatire ?

Obéide

Je connais les vertus, j’estime ta valeur, etc.

Non-seulement ces vers préparent un peu le cinquième acte, mais ils sont plus forts et meilleurs.

M. Lekain est prié de les donner à M. Molé, et de lui faire de ma part les plus sincères compliments. Je persiste toujours à croire qu’il ne faut donner que cinq ou six représentations avant Pâques. La pièce demande à être beaucoup répétée, et, en ce cas, l’approbation du public pourra produire quelque avantage aux acteurs après Pâques.

N. B. Au cinquième acte :

Obéide

[· · · · ]· C’est assez, seigneur ; j’ai tout prévu :
J’ai pesé mon destin, et tout est résolu.
Une invincible loi me tient sous son empire ;
La victime est promise au père d’Indatire ;
Je tiendrai ma parole. Allez, il vous attend
Qu’il me garde la sienne ; il sera trop content.

Sozame

Tu me glaces d’horreur !

Obéide

Hélas ! je la partage.
Seigneur, le temps est cher, achevez votre ouvrage,
Laissez-moi m’affermir ; mais surtout obtenez
Un traité nécessaire à ces infortunés
, etc.

N. B. Comment des gens du monde peuvent-ils condamner sénat agreste ? Ils n’ont pas vu les conseils généraux des petits cantons suisses. Le mot agreste est noble et poétique. Il est vrai qu’étant neuf au théâtre, quelques Frérons peuvent s’en effaroucher au parterre ; mais c’est à la bonne compagnie à le défendre. »

 

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15/08/2022 | Lien permanent

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