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l'auteur se moque également des prêtres ... plus on rend ces gens-là ridicules, plus on mérite du genre humain

 http://www.deezer.com/listen-4310340

http://www.deezer.com/listen-5820509 : Ah ! Ah ! on rit déjà moins !

Orgueil des prêtres ? Rêve d'humains : "Que les mortels servent de modèle à Dieu"  . Volti plus modestement dit "Dieu nous a créé à son image et nous le lui avons bien rendu !"  : http://www.deezer.com/listen-2829102

 

 

 

« A Charles Bordes


5è septembre 1760 aux Délices


Jérôme Carré [i] est très flatté, Monsieur, de tout le bien que vous lui dites de M. Friport, et de L'Écossaise. Si vous voulez faire un petit pèlerinage vers le 18 septembre, vous trouverez à Tournay sur un théâtre de marionnettes [ii] deux ou trois acteurs qui valent bien ceux de Lyon, et surtout une actrice qui ne cède, je crois, à aucune de Paris ; vous verrez si le népotisme m'aveugle ; je ne suis pas si bon père que bon oncle; j'abandonne mes enfants [iii], mais je soutiens que ma nièce joue la comédie on ne peut pas mieux.


Il faut que vous me fassiez un petit plaisir ; un libraire nommé Rigolet, a imprimé à Lyon une petite brochure dans laquelle l'auteur se moque également des prêtres de Juda et des prêtres de Baal [iv] ; c'est toujours bien fait, plus on rend ces gens-là ridicules, plus on mérite du genre humain ; mais l'ouvrage est médiocre, et j'en suis fâché ; ce n'est pas assez de compiler, compiler [v], et d'écrire, d'écrire en faveur des philosophes ; tous ces ragoûts qu'on présente au public se gâtent en deux jours s'ils ne sont pas salés ; ce qu'il y a d'assez désagréable, c'est que Rigolet s'est avisé d'intituler sa feuille Dialogues chrétiens par M. V... imprimés à Genève.


Le second dialogue désigne un prêtre de Genève nommé Vernet auquel on reproche une demi-douzaine de friponneries [vi]; vous me rendriez un vrai service si vous pouviez savoir de Rigolet d'où il tient ces dialogues si chrétiens ; j'ai un très grand intérêt de le savoir. Si Rigolet vous confie son secret, soyez sûr que je ne vous compromettrai pas ; s'il ne veut point vous le dire, il le dira peut-être au lieutenant de police [vii] qui est votre ami. Je vous demande en grâce d'employer tout votre savoir-faire, tout votre esprit, toute votre amitié, pour contenter ma louable curiosité [viii]. Je vous embrasse de tout mon cœur ; Mme Denis vous en fait autant.


L'Ermite V. »

i Prétendu traducteur du prétendu auteur de l'Écossaise = V* ; « M. Friport » personnage de la pièce.

ii Allusion aux petites dimensions du théâtre de Tournay, et résurgence du travail de composition du Pot pourri qu'il a commencé et où la religion catholique est assimilée à un spectacle de marionnettes. Cf. Lettre du 24 octobre 1759 où il décrit la représentation de Tancrède chez lui : « Le théâtre de Polichinelle est bien petit ..., mais nous y tînmes neuf ... »

iii Ses œuvres.

iv Le 10 septembre il écrira au lieutenant de police Laffrusse que dans « ce libelle » imprimé à Lyon et « envoyé à un nommé Bardin, libraire genevois » « l'église de Lyon et celle de Genève sont également insultées. »

v Expression du Pauvre Diable.

vi Vernet avait entre autres écrit contre V* une lettre datée du 30 mai 1757, publiée dans le Journal helvétique de juin 1757 et reproduite dans La guerre littéraire en 1759 ; il y attaquait ce que V* avait dit explicitement dans une lettre à Thiriot datée du 26 mars 1757, publiée dans le Mercure de mai, et moins explicitement dans le chapitre 134 de l'Histoire -sur « l'âme atroce » de Calvin- qui avait fait brûler Servet et sur l'approbation que ces propos avait recueillie à Genève. Sur ces polémiques, voir lettres des 20 mai, 19 août, 6 septembre 1757 ; 27 décembre 1758 ; 7 et 10 février 1759.

Dans une lettre à d'Alembert du 29 décembre, V* proférait d'autres accusations contre Vernet : « ce Vernet convaincu d'avoir volé des manuscrits, convaincu d'avoir supposé une lettre de feu Giannone, Vernet qui fit imprimer à Genève les deux détestables premiers tomes de cette prétendue Histoire universelle » (en 1754, les deux volumes de l'édition Néaulme de 1753, reniés par V*, censés avoir été corrigés par Vernet), « Vernet qui reçut trois livres par feuille du libraire. »

vii Christophe de Laffrusse de Seynas, à qui V* écrira le 10 .

viii V* proposera même qu'on brûle la brochure à Genève, mais les Dialogues chrétiens ou Préservatif contre l'Encyclopédie sont actuellement publiés dans ses Œuvres.

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05/09/2010 | Lien permanent

nous n'avons point le goût sophistiqué, comme on l'a dans Paris, et nos lumières ne sont point obscurcies par la rage de

 Note rédigée le 1er juin 2011 , jour de sortie du film d'animation Le Chat du rabbin, félin pour qui j'ai une grande affection, déjà en temps que matou, ensuite pour son histoire qui aurait satisfait Volti par son ambiance de tolérance .

 http://musique.fnac.com/a3530364/Bande-originale-de-film-...

 

le-chat-du-rabbin-7-10436961qsguo_1819.jpg

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

 

26 janvier 1762, aux Délices

 

Ô mes anges ! Je vous remercie d'abord, vous , et M. le comte de Choiseul de l’éclaircissement que je reçois sur les propositions de mariage faites en 1725 entre deux têtes couronnées 1. Je vous prie de dire à M. le comte de Choiseul qu'un jour le maréchal Keit me disait : Ah ! Monsieur, on ment dans cette cour là encore plus que dans la cour de Rome .

 

Mais vous m'avouerez que si les Scythes savent mentir, ils savent encore mieux se battre, et qu'ils deviennent un peuple bien redoutable . Je suis leur serviteur, comme vous savez, et un peu le favori du favori, mais j'avoue qu'ils mentent beaucoup, et je ne l'avoue qu'à mes anges .

 

Il est fort difficile de trouver à présent les Sermons du Rabbin Akib. On tâchera d'en faire venir de Smyrne incessamment 2.

 

À l'égard du capitaine de chevaux 3, si les fiançailles ne sont pas épousailles, désir passager n'est pas fiançailles : on attendra tranquillement que Dieu et le hasard mettent fin à cette belle aventure .

 

Je vais tâcher, tout malingre que je suis, d'écrire un mot à M. le président de La Marche, et le remercier de son beau zèle pour mon nom 4. Vous devriez bien le détourner du malheureux penchant qu'il semble avoir encore pour cette secte abominable 5 contre laquelle le rabbin Akib semble porter de si justes plaintes .

 

Les jésuites et les jansénistes continuent à se déchirer à belles dents . Il faudrait tirer à balle sur eux, tandis qu'ils se mordent, et les aider eux-mêmes à purger la terre de ces monstres . Vous me trouverez peut-être un peu sévère dans ce moment, mais c'est que la fièvre me prend, et je vais me coucher pour adoucir mon humeur .

 

Je vous demande en grâce, mes divins anges, de me renvoyer mes deux Cassandre 6, et si la fièvre me quitte vous aurez bientôt un Cassandre selon vos désirs . Mille tendres respects .

 

Encore un mot tandis que j'ai le sang en mouvement . Je suis douloureusement affligé qu'on ait retranché l'homme qui paie noblement quand il perd une gageure, et la réponse délicieuse à mon gré : Ai-je perdu ?7 Nous nous gardons bien sur notre petit théâtre de supprimer ce qui est si fort dans la nature, car nous n'avons point le goût sophistiqué, comme on l'a dans Paris, et nos lumières ne sont point obscurcies par la rage de critiquer mal à propos, comme c'est la mode chez vous, à une première représentation . Il faut avoir le courage de résister aux premières critiques, qui s’évanouissent bientôt .

 

Je crois que ce qui me donne la fièvre est qu'on ait retranché dans Zulime le J'en suis indigne 8 du cinquième acte 9, qui fait chez nous le plus grand effet, et qui vaut mieux que Eh bien mon père ! dans Tancrède 10. Puisqu'on m'a ôté ce trait de la pièce, qui est le meilleur, je n'ai plus qu'à mourir, et je meurs (du moins je me couche). Adieu . »

 

1 Entre Louis XV et Élisabeth de Russie « alors pauvre princesse ».

2 Sermon du rabbin Akib prononcé à Smyrne le 20 novembre 1761 : http://www.voltaire-integral.com/Html/24/44_Rabbin.html

voir lettre du 27 novembre 1761 à Richelieu : page 392 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800358/f398.image.r=.langFR

et du 15 janvier 1762 à Mme de Fontaine : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/01/14/652f902d8fb0d0cb912f2134ab4e50b5.html#more

3 Colmont de Vaugrenand, prétendant éventuel à la main de Marie-Françoise Corneille.

4 Il avait écrit le 13 septembre à V* qu'il avait trouvé « au château de Voltaire (car Ferney n'aura plus , s'il-vous-plait, d'autre nom) » ce qu’il n'avait pas trouvé dans sa patrie . Le 14 septembre, à d'Argental dira : « M. de La Marche a été d'une humeur charmante ; il n'y parait plus . C'est, de plus, une belle âme ; c'est dommage qu'il ait certains petits préjugés de bonne femme. »

5 Les jésuites .

7 Dans Le Droit du seigneur ; III , 11 :

http://www.voltaire-integral.com/Html/06/01LEDROI.htm

8 Parole que prononce Zulime avant de se tuer ; la suppression est bien visible sur le manuscrit conservé à la Comédie française .

9 Voir lettre du 14 septembre 1761 à d'Argental : page 338 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800358/f344.image.r=.langFR

10 Dit par Arménaïde, vers 1561, V, 5 .

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26/01/2011 | Lien permanent

il y a encore des races d’hommes gris pommelé fort jolis : ceux qui aiment cette variété seront fort aise de cette décou

Vite fait, juste pour prouver que je ne suis pas dans l'eau-delà (mais dans le vin d'ici )...

« A Jean-Jacques Dortous de Mairan

 

                            Je vous remercie bien sensiblement, Monsieur, d’une attention qui m’honore, et d’un souvenir qui augmente mon bonheur dans mes charmantes retraites ; il y a longtemps que je regarde vos lettres au père Parennin et ses réponses, comme des monuments bien précieux ; mais n’allons pas plus loin, s’il vous plait ; j’aime passionnément Cicéron, parce qu’il doute ; vos lettres à Père Parennin sont sans doutes de Cicéron ; mais quand M. Guignes a voulu conjecturer après vous il a rêvé très creux. J’ai été obligé en conscience de me moquer de lui (sans le nommer pourtant) dans la préface de l’Histoire de Pierre Le Grand. On imprimait cette histoire l’année passée, lorsqu’on m’envoya cette plaisanterie de M. Guignes ; je vous avoue que j’éclatai de rire en voyant que le roi Yu était précisément le roi d’Égypte Menès, comme Platon était chez Scarron l’anagramme de Chopine, en changeant seulement Pla en Cho, et ton en pine. J’étais émerveillé qu’on fût si doctement absurde dans notre siècle. Je pris donc la liberté de dire  dans ma préface : Je sais que des philosophes d’un grand mérite ont cru voir quelque conformité entre ces peuples, mais on a trop abusé de leurs doutes etc.

 

 

                            Or ces philosophes d’un grand mérite, c’est vous, Monsieur, et ceux qui abusent de vos doutes, ce sont les Guignes. Je lui en devais d’ailleurs à propos des Huns : j’ai vu des Huns, moi qui vous parle, j’ai vu chez moi de petits huns, nés à trois cents lieues de l’est de Tobolskoy, qui ressemblaient comme deux gouttes d’eau à des chiens de Boulogne, et qui avaient beaucoup d’esprit ; ils parlaient français comme s’ils étaient nés à Paris, et je me consolais de nous voir battus de tous côtés, en voyant que notre langue triomphait dans la Sibérie ; cela est, par parenthèse, bien remarquable. Jamais nous n’avons écrit de si mauvais livres et fait tant de sottises qu’aujourd’hui ; et jamais notre langue n’a été si étendue dans le monde.

 

 

                            J’aurai l’honneur de vous soumettre incessamment le premier volume de L’empire de Russie sous Pierre le Grand. Il commence par une description des provinces de la Russie, et l’on y verra des choses plus extraordinaires que les imaginations de M. Guignes, mais ce n’est pas ma faute ; je n’ai fait que dépouiller les archives de Pétersbourg et de Moscou qu’on m’a envoyées. Je n’ai point voulu faire paraitre ce volume avant de l’exposer à la critique des savants d’Arcangel et du Canchatka, mon exemplaire a resté un an en Russie, on me le renvoie, on m’assure que je n’ai trompé personne, en avançant que les Samoyèdes ont le mamelon d’un beau noir d’ébène, et qu’il y a encore des races d’hommes gris pommelé fort jolis : ceux qui aiment cette variété seront fort aise de cette découverte, on aime à voir la nature s’élargir ; nous étions autrefois trop resserrés, les curieux ne seront pas fâchés de voir ce que c’est qu’un empire de deux mille lieues ; mais on a beau faire, Ramponneau, les comédiens du boulevard et Jean-Jacques mangeant sa laitue à quatre pattes, l’emporteront toujours sur les recherches philosophiques.

 

 

                            Je ne peux finir cette lettre, Monsieur, sans vous dire un petit mot de vos Égyptiens : je vous avoue que je crois les Indiens et les Chinois plus anciennement policés que les habitants de Mesraïm ; ma raison est qu’un petit pays très étroit inondé tous les ans , a dû  être habité plus tard que le sol des Indes et de la Chine beaucoup plus favorable à la culture et à la construction des villes ; et comme les pêchers nous viennent de Perse, je crois qu’une certaine espèce d’homme à peu près semblable à la nôtre, pourrait bien nous venir d’Asie. Si Sésostris a fait quelques conquêtes, à la bonne heure, mais les Égyptiens n’ont pas été taillés pour être conquérants. C’est de tous les peuples de la terre le plus mou, le plus lâche, le plus frivole, le plus sottement superstitieux. Quiconque s’est présenté pour lui donner les étrivières l’a subjugué comme un troupeau de moutons ; Cambyse, Alexandre, les successeurs d’Alexandre, César, Auguste, les califes, les Circasses, les Turcs n’ont eu qu’à se  montrer en Égypte pour en être les maîtres. Apparemment que du temps de Sésostris ils étaient d’une autre pâte, ou que leurs voisins de Syrie et de Phénicie étaient encore plus méprisables qu’eux.

 

 

                            Pour moi, Monsieur, je me suis voué aux Allobroges, et je m’en trouve bien ; je jouis de la plus heureuse indépendance, je me moque quelquefois des Allobroges de Paris ; je vous aime, je vous estime, je vous révèrerai jusqu’à ce que mon corps soit rendu aux éléments dont il est tiré.

 

 

                            J’ai l’honneur d’être, avec le respect que je dois à votre mérite et la tendresse que méritent vos mœurs aimables, v[otre] t[rès] h[umble] ob[éissant] s[ervi]t[eu]r.

 

 

                            Le Suisse Allobroge V.

                            9è août 1760 au château de Tournay

pays de Gex par Genève. »

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ce monde-ci est une pauvre mascarade ; je conçois à toute force comment on peut dissimuler ses opinions pour devenir car

... Cardinal, pape, président, sénateur, député et autre bandes d'élus ... Mais rassurons nous, tout ça "c'était avant" (comme dit ma pauvre mère) et 2015 va tout changer , en bien, évidemment ! le compte à rebours est commencé , je prépare mes yeux, mes oreilles et mes quelques neurones qui ont survécu au gavage de niaiseries, à un monde plus franc .

 

 Fixez le centre de l'image 20 secondes puis regardez votre voisin(e) . Eh oui , la vérité est trou/tremblante !

 

« A Saverio Bettinelli 1

18è décembre 1759, aux Délices près de Genève

Votre souvenir, monsieur, m'est bien cher, et il m'est si doux de recevoir de vos nouvelles, que je veux beaucoup de mal au jeune homme que vous chargeâtes de votre paquet à Vérone, et qui ne me l'a fait rendre qu'au bout de deux mois 2; vous écrivez si bien dans ma langue que je n'ose vous répondre dans la vôtre ; d'ailleurs ma mauvaise santé me force à dicter, et mon secrétaire n'a pas comme moi le bonheur d’entendre cette belle langue italienne à laquelle vous prêtez de nouveaux charmes ; si j'étais moins vieux, et si j'avais pu me contraindre, j'aurais certainement vu Rome, Venise et votre Vérone ; mais la liberté suisse et anglaise, qui a toujours fait ma passion, ne me permet guère d'aller dans votre pays voir les frères inquisiteurs, à moins que je n'y sois le plus fort ; et comme il n'y a pas d'apparence que je sois jamais général d'armée, ni ambassadeur, vous trouverez bon que je n'aille point dans un pays où l'on saisit aux portes des villes les livres qu'un pauvre voyageur a dans sa valise . Je ne suis point du tout curieux de demander à un jacobin, à un dominicain, permission de parler, de penser et de lire ; et je vous dirai ingénument que ce lâche esclavage de l'Italie me fait horreur . Je crois Saint Pierre de Rome fort beau, mais j'aime mieux un livre anglais écrit librement , que cent mille colonnes de marbre . Je ne sais pas de quelle liberté vous me parlez auprès du monte Baldo 3; je ne connais d'autre liberté que celle de ne dépendre de personne ; c'est celle où je suis parvenu après l'avoir cherchée toute ma vie . J'ai eu le bonheur d'acquérir dans le voisinage de la petite maison où vous m'avez vu, des terres absolument libres et par conséquent faites pour moi ; la félicité que je me suis faite redoublera par votre commerce, je recevrai avec la plus tendre reconnaissance, les instructions que vous voulez bien me promettre sur l'ancienne littérature italienne , et j'en ferai certainement usage dans la nouvelle édition de l’Histoire générale ; histoire de l'esprit humain beaucoup plus que des horreurs de la guerre, et des fourberies de la politique ; je parlerai des gens de lettres beaucoup plus au long que dans les premières ; parce qu'après tout ce sont eux qui ont civilisé le genre humain ; l'histoire qu'on appelle civile et religieuse n'est que le tableau de la sottise et des crimes .

Je fais grand cas du courage avec lequel vous avez osé dire que Dante était un fou, et son ouvrage un monstre ; j'aime encore mieux pourtant ce monstre que tous les vermisseaux appelés Sonetti qui naissent et qui meurent par milliers dans l'Italie, de Milan jusqu'à Otrante 4. Algarotti a donc abandonné le triumvirat comme Lépidus ?5 Je crois que dans le fond il pense comme vous sur le Dante 6, il est plaisant que même sur ces bagatelles, un homme qui pense n'ose dire son sentiment qu'à l'oreille de son ami ; ce monde-ci est une pauvre mascarade ; je conçois à toute force comment on peut dissimuler ses opinions pour devenir cardinal ou pape ; mais je ne conçois guère qu'on se déguise sur le reste ; ce qui me fait aimer l’Angleterre c'est qu'il n'y a d'hypocrisie en aucun genre; j'ai transporté l'Angleterre chez moi, estimant d'ailleurs infiniment les Anglais et les Italiens, et surtout vous, monsieur, dont le génie et le caractère sont faits pour plaire à toutes les nations, et qui mériteriez d'être aussi libre que moi .

E saro sempre di cuore moi signore il vr hmo , e vero stre 7.

V.

Je trouve en ce moment dans votre paquet de beaux vers latins de M. Casarotti 8, je voudrais bien l'en remercier, mais je n'ai point son adresse ; d'ailleurs je suis très incommodé, et vous voyez d'ailleurs que je ne peux écrire de ma main . »

2On ne connait que quelques phrases de cette lettre du 10 Novembre 1759 de Bettinelli .

3 A l'est du lac de Garde, près de Vérone, où s'était fixé Bettinelli . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Monte_Baldo

4 Otrante ou Tarante, partie la plus méridionale de l'Italie . http://fr.wikipedia.org/wiki/Otrante

6 Voir Arturo Farinelli, Dante e Francia d'all' et à media al secolo di Voltaire, 1908, prend argument de cette lettre pour établir l'influence de Dante sur la France à cette époque . Voir : https://archive.org/stream/danteelafranciad00fari#page/n3/mode/2up

7 Je serai toujours de tout mon cœur, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur .

8 Melchiore Cesarotti, qui devait traduire plus tard, en 1780 à Padoue, une pièce de V* sous le titre La Semiramide . Suivant une copie de la présente lettre conservée à la bibliothèque communale de Mantoue, Carteggio Bettinelliano, Voltaire, n°4, il avait envoyé à V* quelques vers d'hommage . Voir : http://laboratoireitalien.revues.org/545

 

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28/12/2014 | Lien permanent

pourquoi ne pas dire aussi sufficit diei lœtitia sua ?/ à chaque jour suffit sa joie

... Oui ! pourquoi pas ?

 https://www.youtube.com/watch?v=PUDtHEUtjCM

 Image associée

 

 

 

« Au cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis

Aux Délices, 31è mars 1763 1

Je ne sais, Monseigneur, si notre secrétaire perpétuel a envoyé à Votre Éminence l’Héraclius de Calderon, que je lui ai remis pour divertir l’Académie. Vous verrez quel est l’original de Calderon ou de Corneille : cette lecture peut amuser infiniment un homme de goût tel que vous  et c’est une chose, à mon gré, assez plaisante, de voir jusqu’à quel point la plus grave de toutes les nations méprise le sens commun.

Voici, en attendant, la traduction très fidèle de la conspiration contre César par Cassius et Brutus, qu’on joue tous les jours à Londres, et qu’on préfère infiniment au Cinna de Corneille. Je vous supplie de me dire comment un peuple qui a tant de philosophes peut avoir si peu de goût ? Vous me répondrez peut-être que c’est parce qu’ils sont philosophes ; mais quoi , la philosophie mènerait-elle tout droit à l’absurdité ! et le goût cultivé n’est-il pas même un vraie partie de la philosophie ?

Oserai-je, monseigneur, vous demander à quoi vous placez la vôtre à présent ? Le Plessis , dont vous avez daté vos dernières lettres, est-il un château qui vous appartienne, et que vous embellissiez ?

On attrape bien vite le bout de la journée avec des ouvriers, des livres, et quelques amis ; et c’est bien assurément tout ce qu’il faut que d’attraper ce bout gaiement. Le sufficit diei malitia sua 2 a bien quelque vérité, mais pourquoi ne pas dire aussi sufficit diei lœtitia sua ?

Je suis toujours un peu quinze-vingts ; mais j’ai pris la chose en patience. On dit que ce sont les neiges des Alpes qui m’ont rendu ce mauvais service, et qu’avec les beaux jours j’aurai la visière plus nette. Je vous félicite toujours, monseigneur, d’avoir vos cinq sens en bon état ; poro unum necessarium 3, c’est apparemment sanitas. Je ne sais pas de quoi je m’avise de citer tant la sainte Écriture devant un prince de l’Église ; cela sent bien son huguenot . Je ne le suis pourtant pas, quoique je me trouve à présent sur le vaste territoire de Genève. M. le duc de Villars y est, comme moi, pour sa santé ; il a été fort mal ; Dieu et Tronchin l’ont guéri, pour le consoler de la mort de madame la maréchale sa mère.

Notre canton va s’embellir ; le duc de Chablais 4 établira sa cour près de notre lac, vis-à-vis mes fenêtres ; c’est une cour que je ne verrai guère, j’ai renoncé à tous les princes ; je n’en dis pas autant des cardinaux . Il y en a un à qui j’aurais voulu rendre mes hommages avant de prendre congé de ce monde . Je lui serai toujours attaché avec le plus tendre et le plus profond respect.

V. »



1 V* répond à une lettre du 10 mars 1763 dans laquelle Bernis écrit : « Je vous sais très bon gré, mon cher confrère, de me communiquer le mariage de Mlle Corneille […] Je consens très volontiers que mon nom soit inscrit au bas du contrat […] Puisque vous êtes arrivé à soixante et dix ans avec la machine frêle que je vous ai connue, et les travaux sans nombre auxquels vous l'avez assujettie, je vous promets une vie aussi longue que celle de la maréchale de Villars, qui s'est défendue dans son lit comme le maréchal de Malplaquet . Tant que vous serez gai vous vous porterez bien . Ménagez vos yeux, dictez et n'écrivez jamais . […] Envoyez-moi vos traductions de Shakespeare et de Calderon . J'ai été fort aise de la réception de l'abbé de Voisenon à notre Académie . »

2 A chaque jour suffit sa peine, Évangile de Matthieu ; la phrase transformée un peu plus loin par V* signifie : à chaque jour suffit sa joie .

3 Pourtant une seule chose est nécessaire, Luc, V, 42 ; plus loin sanitas signifie la santé .

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29/03/2018 | Lien permanent

ils ont saisi les malles, la voiture et les chevaux

... les yachts, les châteaux, les comptes, etc., etc., mais ça ne fait pas frémir Poutine, pour lui ce sont des babioles , il est maître du plus vaste pays au monde, et peut faire affamer tous les autres . C'est un héritier infernal de Staline , expert es horreurs, en 1932-1933 , qui a déjà orchestré une effarante famine, véritable génocide, en s'en prenant à l'Ukraine, vidée de ses céréales vendues à l'étranger : https://www.geo.fr/histoire/grande-famine-en-ukraine-orch...

Malheureux Ukrainiens, décidément, rien de bon ne vient de Moscou !

https://static.lexpress.fr/medias_12393/w_1925,h_1444,c_crop,x_75,y_0/w_640,h_358,c_fill,g_center/v1647702474/poutine-27_6345654.jpg

Trois des plaies contemporaines

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

23 décembre 1766 

Voici, mes anges, une aventure bien cruelle. Cette femme 1 que vous m’avez recommandée fait un petit commerce de livre avec des libraires de Paris. Elle est venue chez moi, comme vous savez ; elle m’a dit qu’elle pourrait me défaire de quelques anciens habits de théâtre, et d’autres trop magnifiques pour moi. Elle en a rempli trois malles ; mais au fond de ces trois malles elle a mis quelques livres en feuilles qu’elle avait achetés à Genève. On dit qu’il y a quatre-vingt petits exemplaires d’un livre intitulé Recueil nécessaire de chansons 2, et d’autres livres pareils.   C’est l’usage, comme vous savez, que l’on fasse plomber ses malles au premier bureau, pour être ouvertes ensuite à la douane de Lyon ou de Paris.

Elle est donc allée faire plomber ses malles au bureau de Collonges 3, à la sortie du pays de Gex. Les commis ont 4 visité ses malles, ils y ont trouvé des imprimés  ils ont saisi les malles, la voiture et les chevaux. Cette femme pouvait aisément se tirer d’affaire en disant : « Il n’y a point là de contrebande, rien qui doive payer à la ferme ; je n’ai de vieux papiers imprimés que pour couvrir de vieilles hardes. Vous pouvez , si vous le voulez , ne pas plomber mes hardes5 , mais vous n’êtes pas en droit de saisir ce qui m’appartient. » Elle avait avec elle un homme qu’on croyait intelligent, et qui a manqué de tête. Celle de la femme a tourné. Elle a pris la fuite parmi les glaces et les neiges, dans un pays affreux. On ne sait où elle est. Elle a fait là un bien cruel voyage. Je ne sais point quels autres livres en feuilles elle a achetés à Genève . J’ignore même si les rogatons qu’elle a achetés à Genève ne sont point des maculatures, des feuilles imparfaites qui servent d’enveloppe. En tout cas, je crois que les fermiers-généraux chargés de ce département peuvent aisément faire restituer les effets dans lesquels il n’y a rien de sujet aux droits du roi. Ces fermiers-généraux sont MM. Rougeot, Faventine et Poujaut . Ils peuvent aisément étouffer cette affaire.

A l’égard de la femme, sa fuite la fait croire coupable. Mais de quoi peut-elle l’être ? elle ne sait pas lire ; elle obéissait aux ordres de son mari ; elle ne sait pas si un livre est défendu ou non. Je la plains infiniment ; je la fais chercher partout : j’ai peur qu’elle ne soit en prison, et qu’on ne l’ait prise pour une Genevoise à qui il n’est pas permis d’être sur les terres de France. Tandis que je la fais chercher de tous côtés, je pense bien qu’à la réception de cette lettre, vous parlerez, mes divins anges, à Faventine, à Poujaut , à Rougeot. Il n’y a pas certainement un moment à perdre. Un mot d’un fermier-général au directeur du bureau de Collonges, suffira ; mais ce mot est bien nécessaire . Il faut qu’on écrive sur-le-champ.

Tout ce qui serait à craindre, ce serait que le directeur du bureau de Collonges n’envoyât les papiers à la police de Lyon ou de Paris, et que cela ne fît une affaire criminelle qui pourrait aller loin. »

2 Beuchot qui avait l'original sous les yeux, note que ces deux derniers mots ont été écrits par V* au dessus de la ligne . Bien entendu il s'agit du fameux Recueil nécessaire, le plus violent des ouvrages antichrétiens de V*, et ce détail établit, s'il en est besoin, la complicité de celui-ci dans l'affaire . Du reste, les « trois malles », la voiture et les chevaux avec lesquels voyage cette femme qui « ne sait pas lire » indiquent qu'il s'agit d'une opération d'importance . Voir lettre du 29 décembre 1766 à d'Argental : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/03/correspondance-annee-1766-partie-56.html

3 Il y a aux environs de Genève plusieurs lieux portant ce nom, mais il s'agit ici de celui qui est frontière avec la France .

4 Selon Beuchot, tout ce qui suit est de la main de V*, preuve de importance qu'il attache à garder le secret .

5 Ce début de phrase a été omis par Beuchot, par saut du même au même » sur hardes . Sa présence dans la copie indique que celle-ci provient aussi de l'original et ne doit rien à Beuchot .

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28/03/2022 | Lien permanent

J’embrasse tendrement mon cher frère, je m’intéresse à tous ses plaisirs ; mais le plus grand de tous, et en même temps

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« A François Achard Joumard Tison, marquis d'Argence

11è octobre 1763

Le second livre des Macchabées, livre écrit très tard 1, et que saint Jérôme ne regarde point comme canonique, n’a rien de commun avec la loi des Juifs. Cette loi consiste dans le Décalogue, dans le Lévitique, dans le Deutéronome, et elle passe, chez les Juifs, pour avoir été écrite quinze cents ans avant le livre des Macchabées.

Vouloir conclure qu’une opinion qui se trouve dans les Macchabées était l’opinion des Juifs du temps de Moïse serait une chose aussi absurde que de conclure qu’un usage de notre temps était établi du temps de Clovis.

Il est indubitable que la loi attribuée à Moïse ne parle en aucun endroit de l’immortalité de l’âme, ni des peines et des récompenses après la mort. La secte des pharisiens n’embrassa cette doctrine que quelques années avant Jésus-Christ ; elle ne fut connue des Juifs que longtemps après Alexandre, lorsqu’ils apprirent quelque chose de la philosophie des Grecs dans Alexandrie.

Au reste, il est clair que les livres des Macchabées ne sont que des romans . L’histoire y est falsifiée à chaque page . On y rapporte un traité prétendu fait entre les Romains et les Juifs, et voici comme on fait parler le sénat de Rome dans ce traité :

Bénis soient les Romains et la nation juive sur terre et sur mer, à jamais ! et que le glaive et l’ennemi s’écartent loin d’eux ! 2

C’est le comble de la grossièreté et de la sottise de l’écrivain d’attribuer ainsi au sénat romain le style de la nation juive.

Il y a quelque chose de plus ridicule encore, c’est de prétendre que les Lacédémoniens et les Juifs venaient de la même origine 3.

Les livres des Macchabées sont remplis de ces inepties. On y reconnaît à chaque page la main d’un misérable Juif d’Alexandrie qui veut quelquefois imiter le style grec, et qui cherche toujours à faire valoir sa petite nation.

Il est vrai que, dans la relation du prétendu martyre des Macchabées, on représente la mère comme pénétrée de l’espérance d’une vie à venir 4. C’était la créance de tous les païens, excepté des épicuriens.

C’est insulter à la raison, de se servir de ce passage pour faire accroire aux esprits faibles et ignorants que l’immortalité de l’âme était énoncée dans les lois judaïques. M. Warburton, évêque de Worcester 5, a démontré, dans un très savant livre 6, que les récompenses et les peines après la vie furent un dogme inconnu aux Juifs pendant plusieurs siècles. De là on conclut évidemment que si Moïse fut instruit de cette opinion si utile à la canaille, il fut bien malavisé de n’en pas faire la base de ses lois ; et s’il n’en fut pas instruit, c’était un ignorant indigne d’être législateur.

Pour peu qu’un homme ait de sens, il doit  se rendre à la force de cet argument.

S’il veut d’ailleurs lire avec attention l’histoire des Juifs, il verra sans peine que c’est, de tous les peuples, le plus grossier le plus féroce, le plus fanatique, le plus absurde.

Il y a plus d’absurdité encore à imaginer qu’une secte née dans le sein de ce fanatisme juif est la loi de Dieu et la vérité mêmes . C’est outrager Dieu, si les hommes peuvent l’outrager.

J’espère que mon cher frère fera entendre raison à la personne que l’on a pervertie.

J’oubliais l’article de la pythonisse 7 . Cette histoire n’a rien de commun avec la créance des peines et des récompenses après la mort . Elle est d’ailleurs postérieure à Moïse de plus de six cents ans. Elle est empruntée des peuples voisins des Juifs, qui croyaient à la magie, et qui se vantaient de faire paraître des ombres, sans attacher à ce mot d’ombre une idée précise . On regardait les mânes comme des figures légères ressemblantes aux corps .

Enfin la pythonisse était une étrangère, une misérable devineresse . Mais, si elle croyait à l’immortalité de l’âme, elle en savait plus que tous les Juifs de ce temps-là, etc.

Je me flatte que mon cher frère saura bien faire valoir toutes ces raisons. Je l’exhorte à détruire, autant qu’il pourra, la superstition la plus infâme qui ait jamais abruti les hommes et désolé la terre.

J’embrasse tendrement mon cher frère, je m’intéresse à tous ses plaisirs ; mais le plus grand de tous, et en même temps le plus grand service, est d’éclairer les hommes ; mon cher frère en est plus capable que personne . Je lui serai bien tendrement attaché toute ma vie 8.

V. »

1 Macchabées I fut écrit en hébreu au premier siècle avant Jésus-Christ, Macchabées II en grec un peu plus tard . Les deux livres sont considérés comme apocryphes par les protestants .

2 Maccabées I, VIII, 23 .

3 Macchabées I, XII, 21 .

4 Macchabées II, VII, 23 .

5 Ou plutôt de Gloucester .

6 The Divine legation of Moses demonstrated, or the Principles of a religion deist.

7La sorcière d'Endor . Le passage, comme toute la lettre annonce encore Le Taureau blanc . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sorci%C3%A8re_d%27Endor

et : https://ebooks-bnr.com/ebooks/pdf4/voltaire_le_taureau_blanc.pdf

8 Selon Georges Avenel, c'est ici qu'il faut placer le lettre de Noverre imprimée mal à propos à la date du 1er octobre 1760, alors qu'elle est du 11 octobre 1763 .

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03/10/2018 | Lien permanent

je manque peut-être à l'étiquette; mais ce que je sais, et ce que je trouve fort mauvais, c'est qu'on s'égorge après avo

...http://jmdinh.net/sujet/international/mediterranee-international

 

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« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de SAXE-GOTHA
22 mai 1759, aux Délices.
Madame, voici les extraits des principaux passages de l'oraison funèbre d'un cordonnier, par Sa Majesté le roi de Prusse 1. Le livret est assez considérable, et de la taille des oraisons funèbres du grand Condé et du maréchal de Turenne. Il est étonnant que le roi de Prusse ait pu s'amuser à un tel ouvrage, l'hiver dernier, tandis qu'il préparait à Breslau les opérations de la campagne qu'il exécute aujourd'hui. Il en a fait bien d'autres; mais comme il a livré son Cordonnier à l'impression, on peut en donner des extraits à une princesse discrète sans trahir des secrets d'État, et sans manquer à ce qu'on doit à la majesté du trône. On dit que le prince Henri pourrait ajouter quelques talons aux souliers que le roi de Prusse a célébrés, attendu qu'il a vu ceux de l'armée de l'empire, laquelle est nommée, je pense, l'armée d'exécution 2. Je ne sais pas trop bien les termes, madame, et je manque peut-être à l'étiquette; mais ce que je sais, et ce que je trouve fort mauvais, c'est qu'on s'égorge après avoir plaisanté. Le canon gronde, le sang coule autour des États de Votre Altesse sérénissime. Elle daigne souhaiter que je vienne lui faire ma cour; quel chemin prendre? On ne peut passer que par- dessus des morts.
Enfin, madame, Votre Altesse sérénissime a donc pris le parti de l'inoculation !3 Vous êtes sage en tout. Les autres cours ne le sont guère, de se ruiner et de faire tant de malheureux. Je ne pardonne qu'à César et à Alexandre d'avoir fait la guerre : il s'agissait de la moitié de la terre ; mais ici (pour se servir d'un proverbe noble) le jeu ne vaut pas la chandelle. La grande maîtresse des cœurs n'est-elle pas de mon avis?
Le vieux Suisse se met aux pieds de Votre Altesse sérénissime et de votre auguste famille. »

1 On verra aisément dans quelle intention ces extraits ont été faits, et de quelle manière piquante ils montrent la contradiction des écrits de Frédéric avec sa conduite en ce moment même. — Le titre n'est pas moins étrange que l'ouvrage : Panégyrique du sieur Jacques-Matthieu Reinhardt, maître cordonnier, prononcé le 13e mois de l'an 2899, dans la ville de l'Imagination, par Pierre Mortier, diacre de la cathédrale. (A. F.)

« Extraits de plusieurs morceaux de l'éloge funèbre du cordonnier Reinhardt par sa majesté le roi de Prusse2.
Une chaussure mal faite révolte par sa forme désagréable ; elle presse le pied et lui donne, en le gênant, des duretés qui causent des douleurs à chaque pas que l'on fait; elle n'empêche pas l'eau d'y pénétrer et d'y occasionner à force de refroidissement des humeurs goutteuses, maladie cruelle qui par de longs tourments conduit au tombeau. Matthieu Reinhardt excellait à éviter tous ces défauts. Ses ouvrages avaient atteint le degré de perfection dont ils sont capables. Il avait surpassé tous ses compagnons et tous ses émules par son talent; et quiconque s'élève d'une manière aussi triomphante sur ses compétiteurs est sûrement un grand homme ; celui qui gouverne sagement, avec ordre et avec application, son atelier et sa maison, gouvernerait de même une ville, une province, et, pour ne rien dissimuler, un royaume. Oui, messieurs, ce bon citoyen que nous pleurons avait des qualités qui n'auraient point déparé le trône ; tandis qu'un nombre de ceux qui l'occupent sans talent et sans application ne seraient que de mauvais cordonniers, si l'aveugle fortune qui dispose des naissances ne les avait faits ce qu'ils sont par charité et pour que ces hommes ineptes ne mourussent pas de faim et de misère.
Demi-dieux sur la terre, puissances que la Providence a établies pour gouverner de vastes provinces avec humanité et sagesse, rougissez de honte qu'un pauvre cordonnier vous confonde et vous apprenne vos devoirs; que l'exemple de sa vie laborieuse vous enseigne ce qu'exigent de vous ces peuples que vous devez rendre heureux. Vous n'êtes point élevés par le ciel pour vous assoupir sur le trône aux concerts de vos flatteurs; vous y êtes placés pour travailler pour le bien de ces milliers de mortels qui vous sont soumis, et qui sont vos égaux. Vous ne fûtes point élevés si haut pour passer des semaines, des mois, des années, dans les forêts, à poursuivre sans cesse ces animaux sauvages qui vous fuient, à vous glorifier de la méprisable adresse de les attraper, divertissement innocent par soi-même si sa fureur ne vous le rendait pas un métier; tandis que les chemins dans vos provinces tombent en ruine, que les villes sont infectées de ces objets dégoûtants de la pitié et de la commisération publique, que le commerce languit dans vos États, que l'industrie est sans encouragement, et la police générale même mal observée.
Quel exemple de modération pour vous, grands de la terre, et quelle leçon vous fait un pauvre, mais pieux artisan! Un homme, peut-être l'objet de votre orgueilleux mépris, et dont vous croyez que le nom salirait votre mémoire, s'il y était gravé, vous enseigne que l'on peut vivre en bonne harmonie avec ses plus proches voisins. Sa jurisprudence, si différente de la vôtre, vous montre qu'il y a des voies pour éviter les querelles, pour éluder les disputes et pour conserver la paix et le repos ; qu'il y a une certaine magnanimité d'âme, bien supérieure aux emportements de la vengeance, qui porte la miséricorde jusqu'à pardonner les injures et les outrages, au lieu que chez vous, les moindres démêlés s'enveniment, de petites querelles produisent des guerres sanglantes. Votre vanité, plus cruelle que la barbarie des tyrans, sacrifie des milliers de citoyens à la fausse gloire, et pour un mot que l'ambition et la haine interprètent, des provinces entières sont saccagées et ruinées; vos fureurs livrent la terre à la rapacité des bêtes féroces déchaînées pour l'envahir. Tous les fléaux, toutes les calamités, désolent le monde à leur suite, et tant de malheurs déplorables ne proviennent que de vos inimitiés funestes. Que Matthieu Reinhardt était sage, et que l'on devrait graver en lettres d'or sur les palais des rois ces belles et mémorables paroles : « C'est beaucoup gagner que de savoir céder à propos. »
Jamais foi ne fut plus fervente que la sienne. De tous nos saints livres, ceux qu'il lisait avec le plus d'application et de plaisir, c'étaient les prophètes de l'Ancien Testament et l'Apocalypse de saint Jean; parce, disait-il, qu'il n'y comprenait rien du tout. Il souhaitait que toute la religion ne fût que mystère, pour mieux raisonner sur ce qu'il avait lu. Rien n'était incroyable pour lui. Avec quel zèle nous l'avons vu assister dans ces saints lieux à toutes les cérémonies religieuses, avec l'humilité d'un chrétien, avec l'attention d'un disciple, avec la componction d'un régénéré!
Sachez et retenez bien que l'on peut se distinguer dans toutes les conditions; que ce ne fut pas parmi les riches que l'Homme-Dieu choisit ceux qu'il daigna associer à ses saints travaux, mais parmi la lie du peuple hébreu. Et vous, sa famille éplorée, séchez vos larmes, et ne souillez point, par vos regrets outrés, la gloire de celui qui est assis à présent à la droite du Père, entre le Fils et le Saint-Esprit. » 

2 « C'est avec beaucoup de précision et selon l'étiquette de la chancellerie impériale que vous nommez monsieur, l'armée de l'empire armée d’exécution . » : réponse de la duchesse .

3 Dans sa lettre du 28 avril 1759 la duchesse disait : « Me voilà quitte grâce à Dieu de la crainte de la petite vérole, mes deux ainés ont passé heureusement par cette cruelle maladie et le cadet en est quitte au moyen de l'inoculation . Vous voyez que nous sommes gens à la mode et au dessus du préjugé . »

 

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06/07/2014 | Lien permanent

malade, ne pouvant sortir, et m’amusant à me faire bâtir un petit tombeau fort propre dans mon cimetière

... Tel est l'avenir des manifestants anti-pass qui ont encore défilé aujourd'hui, comme les anti-vax , les cuistres ! Je serai curieux de savoir combien ont été contaminés et combien seront malades, et en mourront ( ne pas oublier que les traitements ne font pas  de miracles ) . Cent soixante et un mille selon la police, qui prennent le temps de semer le désordre, purement nuisibles et malfaisants , bel exemple pour les jeunes !  Ce temps aurait été plus intelligemment utilisé pour se faire vacciner et avoir ce pass-sanitaire normalement : ça vous embête de faire un peu de bien ?

Jean-Marie Bigard, grand bienfaiteur de l'humanité, anti-pass s'est vu, ô joie, dans l'incapacité de faire son show à Nice, contré par les anti-vax , ce qui n'est pas une perte pour l'art du spectacle en général, et l'humour en particulier . 

Manifestation contre le pass sanitaire à Bayonne | Euskal Herria | MEDIABASK

NB.- Petit quart d'heure de gloire ! Arrêtez de vous gargariser de formules de publicitaires de lessives . Rappel : on ne peut parler de dictature qu'en l'absence de lois limitant les abus de pouvoir .

 

 

« Au chevalier Pierre de Taulès

Ferney, 1 mai 1766

Je suis un pauvre diable de laboureur et de jardinier, possesseur de soixante-douze ans et demi, malade, ne pouvant sortir, et m’amusant à me faire bâtir un petit tombeau fort propre dans mon cimetière, mais sans aucun luxe. Je suis mort au monde. Il ne me faut qu’un De profundis.

Voilà mon état, mon cher monsieur ; ce n’est pas ma faute si Jean-Jacques Rousseau s’imagina que le docteur Tronchin et moi nous ne trouvions pas son roman d’Héloïse assez bon. Souvenez-vous bien que voilà l’unique origine des petits troubles de Genève. Souvenez-vous bien, quand vous voudrez rire, que Jean-Jacques s’étant imaginé encore que nous avions ri des baisers âcres 1, et du faux germe 2, et de la proposition de marier l’héritier du royaume à la fille du bourreau 3, s’imagina de plus que tous les Tronchin et quelques conseillers s’étaient assemblés chez moi pour faire condamner Jean-Jacques, qui ne devait être condamné qu’au ridicule et à l’oubli. Souvenez-vous bien, je vous en prie, que le colonel Pictet écrivit une belle lettre qui n’avait pas le sens commun 4, dans laquelle il accusait le Conseil d’avoir transgressé toutes les lois, de concert avec moi ; que le Conseil fit emprisonner le colonel, qui depuis a reconnu son erreur ; que les citoyens alors se plaignirent de la violation de la loi, et que tous les esprits s’aigrirent. Quand je vis toutes ces querelles, je quittai prudemment les Délices, en vertu du marché que j’avais fait avec le conseiller Mallet, qui m’avait vendu cette maison 87 000 francs, à condition qu’on me rendrait 38 000 francs quand je la quitterais.

Ayez la bonté de remarquer que pendant tout le temps que j’ai occupé les Délices, je n’ai cessé de rendre service aux Genevois. J’ai prêté de l’argent à leurs syndics ; j’ai tiré des galères un de leurs bourgeois 5; j’ai fait modérer l’amende d’un de leurs contrebandiers ; j’ai fait la fortune d’une de leurs familles 6 ; j’ai même obtenu de M. le duc de Choiseul qu’il daignât permettre que les capitaines genevois au service de la France ne fissent point de recrues à Genève, et j’ai fait cette démarche à la prière de deux conseillers qui me furent députés. Voilà les faits, et les lettres de M. le duc de Choiseul en sont la preuve. Je ne lui ai jamais demandé de grâces que pour les Genevois. Ils sont bien reconnaissants.

À la mort de M. de Montpéroux, trente citoyens vinrent me trouver pour me demander pardon d’avoir cru que j’avais engagé le Conseil à persécuter Rousseau, et pour me prier de contribuer à mettre la paix dans la République. Je les exhortai à être tranquilles. Quelques conseillers vinrent chez moi, je leur offris de dîner avec les principaux citoyens et de s’arranger gaiement. J’envoyai un mémoire à M. d’Argental pour le faire consulter par des avocats. Le mémoire fut assez sagement répondu, à mon gré. M. Hennin arriva, je lui remis la minute de la consultation des avocats, et je ne me mêlai plus de rien. Ces jours passés, les natifs vinrent me prier de raccourcir un compliment ennuyeux qu’ils voulaient faire, disaient-ils, à messieurs les médiateurs ; je pris mes ciseaux d’académicien, et je taillai leur compliment. Ils me montrèrent ensuite un mémoire qu’ils voulaient présenter ; je leur dis qu’il ne valait rien, et qu’il fallait s’adresser au Conseil.

J’ignore qui a le plus de tort, ou le Conseil, ou les bourgeois, ou les natifs. Je n’entre en aucune manière dans leurs démarches, et depuis l’arrivée de M. Hennin je n’ai pas écrit un seul mot à M. le duc de Praslin sur Genève.

À l’égard de M. Augspurger 7, j’ai tort de n’avoir pas envoyé chez lui. Mais j’ai supplié M. Sinner d'Aubigny de lui présenter mes respects. Je suis un vieux pédant dispensé de cérémonies . Mais j’en ferai tant qu’on voudra. Je vous supplie, mon cher monsieur, d’ajouter à toutes vos bontés celle de m’excuser auprès de messieurs les médiateurs suisses, et de me continuer vos bons offices auprès de monsieur l’ambassadeur. Pardonnez-moi ma longue lettre, et aimez le vieux bonhomme

Voltaire. »

4 Lettre du 22 juin 1762 de Charles Pictet : https://ge.ch/archives/16-proces-laffaire-charles-pictet-1762

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25/07/2021 | Lien permanent

Sur toutes les oppressions que le peuple souffre

 

Yes, we can’t !! La boite à images a encore une fois montré une vérité qui dérange, qui doit déranger !! Hier, jeudi 5 mars, immersion dans la vie de pauvres gens qui, très agés, ont encore à subir l’imbécilité d’un système de retraite inadéquat. Je ne dis pas pauvre vie car ils sont touchants et exemplaires de modestie. Notre monde est encore capable de balancer des millions en foutaises (vins d’honneur pour inaugurations de pissotières, déplacements lointains pour arroser des pots de fleurs –pardon, dépôts de gerbes-, meetings pour brasseurs d’air, personnalisation de bagnoles ministérielles, remue-ménages à grand renfort de flics –touche pas à mon pote le bronzé-corse -, etc.), mais pas un fifrelin pour une aide de proximité . Le sacro-saint budget ne l’a pas prévu . Pourtant, on trouvera l’argent pour payer des escrocs patentés , loueurs de chambres à la petite semaine, dans des hôtels sordides le plus souvent . Décideurs, décidez une fois pour toute que ça a assez duré. Que les rois des ministères et des deux assemblées daignent enfin regarder et aider les sans grade. Bien sûr, ceux-ci ne seront pas capables d’ériger des barricades, sinon de leurs matelas et leur valise quand on est assez inhumain pour les exproprier. Proprios sans coeur, je vous déteste ; je vous souhaite mille tourments et mourir seuls et sans secours.expropriation.jpg

 

 

http://www.linternaute.com/photo_numerique/photographe/ph...

 

 

 

 

 

 

 

Volti, heureusement, quoique chicanier en diable (vieil emmerdeur !), a utilisé son argent et son génie, pour lui-même bien sûr, et aussi pour les nécessiteux. On ne pourra pas lui enlever ses bonnes actions.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« A Marie-Jean-Antoine-Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, etc.

 

 

                            Mon illustre ami, vous voyez que les monstres noirs [les membres de l’ancien Parlement de Paris, rappelés après la mort de Louis XV et le départ de Maupéou ] mordent hardiment le sein qui les a réchauffés. Notre Rosny [= Sully = Turgot] a contribué à les établir, et ils veulent le perdre, cela est dans l’ordre. Ils viennent de faire brûler par leur bourreau le livre le plus sage et le plus patriotique que j’ai lu sur les corvées, sur toutes les oppressions que le peuple souffre, et que notre grand homme veut détruire. Ils pensent brûler sa barbe en brûlant cet ouvrage [« Les inconvénients des droits féodaux » de Pierre-François Boncerf, commis de Turgot]. Il faut espérer qu’ils en feront tant qu’ils obligeront la main qui les a tirés de l’abîme à les y laisser retomber.

 

                            En attendant, il n'y a sorte d’horreurs que la secte des convulsionnaires ne prépare. Il faut que Panckoucke ait perdu le sens commun, s’il ne renvoie pas sur le champ l’infâme édition qui va le perdre [les Œuvres de Voltaire ]. Je conçois encore moins le silence de sa sœur [ Mme Suard]. Il y a dans tout cela un esprit de vertige .  Je suis très instruit, et je leur prédis malheur . Je souffre de leurs peines et des miennes .

 

                            Envoyez-moi, je vous prie, par M. de Vaines, la feuille que vous savez [ un écrit anonyme attribué à Condorcet, sur l’abolition de la corvée] .

 

                            Voltaire

                            6 mars 1776. »

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06/03/2009 | Lien permanent

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