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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

en criant qu’ils manquaient de pain, [ils] ont jeté deux cents setiers de blé dans la rivière



« A  Jean de Vaines

8 mai 1775

Vous me mandez, monsieur, que M. de Condorcet n’était pas encore parti, quand vous reçûtes le paquet auquel vous daignez vous intéresser [paquet concernant l‘affaire d‘Etallonde]. Je ne savais pas qu’il eût fait un  voyage. Il est allé apparemment dans ses terres.

Permettez que dans l’incertitude où je suis, je prenne encore la liberté de vous adresser cette petite lettre pour lui, avec quelques exemplaires d’un petit ouvrage sur les blés qu’il m’avait confié [Condorcet, ami de Turgot avait écrit : Réflexions sur le commerce des blés, que V* envoie le 21 avril « à un imprimeur qui vient d‘achever la grande Encyclopédie  », lettre à Condorcet]. Ces exemplaires sont pour vous. Il n’en demande pour lui qu’un seul.

Il est digne des Welches se s’opposer aux grands desseins de M. Turgot. Et vous, Monsieur, qui êtes un vrai Français, vous êtes aussi indigné que moi de la sottise du peuple. Les Parisiens ressemblent aux Dijonnais qui, en criant qu’ils manquaient de pain, ont jeté deux cents setiers de blé dans la rivière [#1]. Ces mêmes Dijonnais ont écrit que le style du Bourguignon Crébillon était plus coulant que celui de Racine, et qu’Alexis Piron était au-dessus de Molière. Tout cela est digne du siècle.

Nous n’avons point encore à Genève le fatras du Genevois Necker contre le meilleur ministre que la France ait jamais eu. Necker se donnera bien de garde de m’envoyer sa petite drôlerie [ouvrage Sur la législation et le commerce des grains, mi-avril 1775]. Il sait assez que je ne suis pas de son avis. Il y a dix-sept ans que j’eus le bonheur de posséder pendant quelques jours M. Turgot dans ma caverne [novembre 1760]. J’aimai son cœur, et j’admirai son esprit. Je vois qu’il a rempli toutes mes vues et toutes mes espérances. L’édit du 13 septembre [#2] me parait un chef-d’œuvre de la véritable sagesse et de la véritable éloquence. Si Necker pense mieux et écrit mieux, je crois dès ce moment Necker le premier homme du monde. Mais jusqu’à présent, je pense comme vous.

Je suis pénétré de vos bontés, Monsieur, et de votre manière de penser, de sentir et de vous exprimer.

V.

Si vous pouviez avoir la bonté de me faire parvenir un Necker, je vous serais bien obligé. »

 

 

#1 Ces émeutiers protestaient contre la liberté du commerce des blés établie par Turgot et à quoi ils attribuaient le cherté du blé. La « guerre des farines » avait commencé à Dijon le 8 avril et dura jusqu’au 8 mai. V* supposait dans sa lettre à Condorcet du 26 avril, que les Dijonnais pouvaient avoir été excités par des membres du parlement -fétiches- comme De Brosses ; le 12 mai, à Vasselier, il « soupçonne fort les honnêtes gens qui sont venus saccager les bords de l’Oise et de la Marne et piller les boulangers de Paris d’avoir été inspirés par de bons prêtres. »


#2 Arrêt du Conseil du 13 septembre 1774, enregistré le 21, établissant la liberté du commerce des blés dans le royaume. V* publia dans le Mercure de janvier 1775 : Petit écrit sur l’arrêt du Conseil du 13 septembre 1774, qui permet le libre commerce des blés dans le royaume.


 

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11/05/2010 | Lien permanent

je m’amuse à marier des filles, ne pouvant avoir le passe-temps de faire des enfants moi-même

... Rien d'autobiographique pour moi...

Six filles à marier

 

 

 

« A Charles-Joseph, prince de Ligne

14è mars 1765, à Ferney 1

Monsieur le prince, il faut que vous soyez une bonne âme, pour daigner vous souvenir d’un pauvre solitaire, au milieu des diètes d’Allemagne et du brillant fracas des couronnements. Il y a douze ans, Dieu merci, que je n’ai vu que des rois de théâtre ; encore même ai-je renoncé à les voir en peinture.

J’ai abattu mon petit théâtre. Les calvinistes et les jansénistes ne me reprocheront plus de favoriser l’œuvre de Satan. J’ai trouvé que, dans ma soixante et douzième année, ces amusements ne convenaient plus à un malade presque aveugle.

Vraiment je vous félicite d’avoir à Bruxelles les Griffet 2 et les Neuville 3. Ce sont les jésuites qui avaient le plus de réputation en France. J’en ai un chez moi qui dit fort proprement la messe, et qui joue très bien aux échecs ; il s’appelle Adam, et quoiqu’il ne soit pas le premier homme du monde, il a du mérite. Il avait enseigné vingt ans la  rhétorique à Dijon. Je suis fort content de lui, et je me flatte qu’il n’est pas mécontent de moi ; il n’a fait que changer de couvent, car vous sentez bien que la maison d’un homme de mon âge n’est pas bien sémillante. Nous sommes philosophes, nous sommes indépendants ; c’en est bien assez. Je cultive la terre dans laquelle je rentrerai bientôt, et je m’amuse à marier des filles, ne pouvant avoir le passe-temps de faire des enfants moi-même.

M. d’Hermenches nous a abandonnés, et vous savez qu’il a quitté le service de Hollande pour celui de la France ; il prétend qu’il retrouvera en agréments ce qu’il perd en argent comptant.

Mme Denis est extrêmement sensible au souvenir dont vous voulez bien l’honorer. Ma petite famille adoptive, qui est augmentée, vous présente aussi ses très humbles hommages. Je ne vous demande point pardon de ne pas vous écrire de ma main ; à l’impossible nul n’est tenu . 

J'ai l'honneur d'être avec l'attachement le plus véritable et le plus profond respect,

monsieur le prince

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire.»

1La lettre à laquelle répond V* n'est pas connue .

2 Henri Griffet est l'auteur de nombreuses oeuvres de piété et de quelques compilations historiques : https://data.bnf.fr/11994492/henri_griffet/

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Griffet

3 Charles Frey de Neuville a une oeuvre consistant seulement en sermons et oraisons funèbres : https://data.bnf.fr/fr/12134936/charles_frey_de_neuville/

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Frey_de_Neuville

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29/05/2020 | Lien permanent

je ne fais point de miracle

... Dommage !

Mais peut-être qu'un sérieux coup de main à la nature pour permettre d'avoir de l'eau potable serait suffisant aux habitants de Mayotte ? Connaissant l'inertie de nos ministères et les retards rituels des travaux en France (métropolitaine et d'outre-mer ) , un miracle serait bienvenu : https://www.francetvinfo.fr/france/mayotte/est-ce-qu-on-v...

Dans le même temps, quelques nantis , que je ne crains pas de qualifier d'abrutis, se permettent de projeter la construction d'un surf-park démesuré : https://www.mer-ocean.com/un-projet-de-surf-park-tout-pre...

Le miracle serait que de tels projets ne soient même jamais envisagés et qu'on pense d'abord au bien commun .

Voir aussi : http://radama.free.fr/desseins_de_la_semaine/

 

 

« A Charles-Frédéric-Gabriel Christin fils

Avocat en Parlement à Saint-Claude

Mon cher ami, il y a à Lons-le-Saulnier, un avocat aveugle nommé Denizet 1, qui m'a fait écrire un long mémoire . Je ne puis lui rendre la vue, je ne fais point de miracle comme Needham et Jean-Jacques . Si vous pouvez lui faire donner pour moi un louis d'or il ne l’emploiera pas à acheter des lunettes .

On dit qu’il est arrivé malheur à je ne sais quelle femme qui a porté je ne sais quels paquets . Il y a près de deux mois que le duc de Virtemberg parlemente et la place n'est point encore rendue, et les vivres manqueront bientôt aux assiégeants .

Je vous embrasse de tout mon cœur.

V.

t. s. v. p.2

29è janvier 1768. »

2Ces initiales ne correspondent à aucun texte au verso . Il en est de même curieusement dans la lettre au même Christin du 24 avril 1771. Déjà dans une lettre précédente à celui-ci ( 9 janvier 1768 ) on note une « réclame » J 'ai dans le coin à droite en fin de la première page dont le texte est pourtant complet . On peut se demander s’il n'y a pas là une sorte de code .

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02/09/2023 | Lien permanent

Un temps viendra où les tracasseries de la comédie seront finies

 Lettre rédigée le 29 juillet 2011 pour parution le 27 novembre 2010 .

 

Les-Petites-Tracasseries ELX.jpg

Petites tracasseries !

jolies ...

 Voir d'autres oeuvres sur :  http://elixum.over-blog.fr/

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

 

27è novembre [1765]

 

Je dois dire , ou répéter, à mes anges, que quand je leur ai envoyé un plan 1, qui n'est pas un plan de tragédie, je n'ai pris cette liberté que parce que plusieurs personnes des deux partis m'en avaient prié 2. J'ajoute encore que je n'ai mis par écrit mes idées que pour donner à M. Hennin 3 des notions préliminaires de l'état des choses . M. Fabry, dont j'ai déjà eu l'honneur de vous parler, et qui est à peu près chargé des affaires par intérim, m'a paru être de mon avis dans les conversations que j'ai eues avec lui . Ce qui pourrait me faire croire que j'ai rencontré assez juste, c'est qu'ayant proposé en général le nombre de sept cents citoyens, pour exiger une assemblée du corps entier de la république, ce nombre a paru trop fort aux citoyens, et trop petit aux magistrats . Par conséquent il ne s'écarte pas beaucoup du juste milieu que j'ai proposé, puisque l'assemblée générale n'est presque jamais composée que de treize cents tout au plus, et qu'il n'y a qu'un seul exemple où elle ait été de quatorze cents.

 

Mes remontrances à Lekain deviennent inutiles après l'édition faite d'Adélaïde 4, ainsi n'en parlons plus . Un temps viendra où les tracasseries de la comédie seront finies comme celles de Bretagne 5, et où le petit ex-jésuite pourra revenir à ses Roués 6; mais pour moi je serai toujours à mes anges avec respect et tendresse .

 

V. »


1 Le « petit plan de pacification » qui deviendra les Propositions à examiner pour apaiser les divisions de Genève et les Réflexions sur les moyens proposés pour apaiser les troubles de la ville de Genève .

2 Le 25 novembre le Conseil avait décidé d'envoyer Lullin, secrétaire d'Etat, chez V* dire : « le plus honnêtement qu'il pourra que le Conseil n'est en aucune façon disposé à transiger sur la constitution de la république et qu'il rompe le plus civilement qu'il sera possible toute négociation .»

3 Pierre-Michel Hennin va venir à Genève en remplacement de Montpéroux, résident défunt .

4 Le 25 novembre, V* envoyait à Lekain une ancienne et « meilleure » leçon pour deux vers ; le 16, il lui avait demandé d'indiquer dans l'errata que quatre vers devaient être supprimés . Le 29 , en lui accusant réception de l'édition, il lui reprochera « beaucoup de fautes qui ne sont point corrigées dans l'errata. »

5 Celles du parlement de Bretagne : en rapport avec le jugement de La Chalotais . Plutôt que d'accorder au roi les impôts demandés, le parlement de Rennes, soutenant les nobles des États de Bretagne, avait presque en entier donné sa démission le 20 mai 1765, applaudi par le peuple . Le 11 novembre, La Chalotais, procureur général au parlement, son fils et trois conseillers avaient été arrêtés . Le parlement de Paris fera des remontrances au roi qui ira le sermonner et le menacer le 3 mars 1766 .

Voir : http://www.infobretagne.com/parlement-bretagne.htm

6 Octave ou Le Triumvirat, qui est censé être écrit par le « petit ex-jésuite »

http://www.voltaire-integral.com/Html/06/03TRIUMV.htm

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27/11/2010 | Lien permanent

Je suppose que vous avez pris toutes les précautions nécessaires pour que tout votre monde soit couché, alimenté, désalt

 ... Lors de la réunion des Brescoudos au Cap d'Agde :  http://www.herault-tribune.com/articles/18140/un-dernier-harley-luia-pour-les-brescoudos-2013-avec-le-pere-guy-gilbert/

 J'ai une affection particulière, moi catholique en peau de lapin, pour le père Guy Gilbert qui est homme de bonne volonté et de parole, que j'ai lu lors de ma vie étudiante, que j'ai rencontré bien des années plus tard et qui reste un exemple de vie engagée .

 Un prêtre et les frères humains qu'il aime et qui l'aiment

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« A Charlotte-Sophie von Altenbourg, comtesse Bentinck

A Morat 4 juillet [1758] 1

Je vous écrit au hasard, madame, ce petit billet en courant, accoutumez vous à la simplicité helvétique . Je suppose que vous faites à mon ermitage des Délices l'honneur d'y loger en passant . Je suppose que vous avez pris toutes les précautions nécessaires pour que tout votre monde soit couché, alimenté, désaltéré à Montriond . Vous savez qu'il n'y a que trois lits , et très peu de meubles .

Vous avez trois jeunes gens qui étudient . Il y a un collège à Lausanne . Si vous voulez les mettre en pension dans la ville, il y a un marchand très honnête homme nommé Obousier qui peut les loger et les nourrir à bon compte , et qui d'ailleurs fournira toute votre maison comme il fournit la mienne . Il y a un premier pasteur de la ville nommé M. Polier de Bottens, homme actif et officieux qui doit avoir été à Montriond et qui vous rendra tous les services qui dépendent de lui .

Pour mes nièces et pour moi, vous jugez bien que nous serons entièrement à vos ordres quand nous serons à Lausanne . Le point principal est que vous soyez à votre aise à Montriond . Si vous vous y trouvez bien, vous y resterez . Sinon vous trouverez aisément quelque chose de mieux . C'est toujours un fort bon entrepôt . Vous pouvez avoir aisément six chambres de maître et loger dans des galetas toute la livrée . Nous y avons été six maîtres et vingt domestiques sans être incommodés .

A l'égard de la société de Lausanne vous y songerez quand vous serez établie . Il faut commencer par être bien chez soi . Je me faisais un plaisir extrême de vous accompagner à Montriond, de vous y voir établie, de vous y servir . Vous ne l'avez pas voulu . Vous m'avez fait un mystère de votre arrivée . Vous m'avez privé d'un bonheur sur lequel je comptais . Je ne cesserai de vous le reprocher et d'être à vos ordres .

V. »

1 Morat ou Murten est une cité pittoresque située à environ 53 km de Berne sur la route de Lausanne : http://fr.wikipedia.org/wiki/Morat

Le même jour J.-J. Rousseau écrit à Vernes depuis Montmorency : « J'ai sous presse un petit écrit sur l'article Genève de M. d'Alembert . Le conseil qu'il nous donne d'établir une comédie m'a paru pernicieux , il a réveillé mon zèle et m'a d'autant plus indigné que j'ai vu clairement qu'il ne se faisait pas un scrupule de faire sa cour à M. de Voltaire à os dépens . Voilà les auteurs et les philosophes ! Toujours pour motif quelque intérêt particulier, et toujours le bien public pour prétexte . »

 

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14/09/2013 | Lien permanent

On ne songe dans ce moment qu'à soi-même, et tout au plus aux affaires majeures, dont on ne dit qu'un mot en passant

... Ce me semble bien être l'attitude des politiciens de tous bords après le drame d'Annecy , la boîte de Pandore des citations boiteuses est largement ouverte.

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

[vers le 15 novembre 1767] 1

Je présume, mon cher ami, qu'on vous a donné de fausses alarmes. Il n'est point du tout vraisemblable qu'un conseiller d'État, occupé d'une décision du roi qui le regarde, ait attendu un autre conseiller d'État à la porte du cabinet du roi, pour parler contre vous. On ne songe dans ce moment qu'à soi-même, et tout au plus aux affaires majeures, dont on ne dit qu'un mot en passant. Si mon amitié est un peu craintive, ma raison est courageuse. Je ne me figurerai jamais qu'un maréchal de France, qui vient d'être nommé pour commander les armées, attende un ministre au sortir du Conseil pour lui dire qu'un major d'un régiment n'est pas dévot . Cela est trop absurde. Mais aussi il est très possible qu'on vous ait desservi, et c'est ce qu'il faut parer.

J'ai imaginé d'écrire à Mme de Sauvigny 2, qui est venue plusieurs plusieurs fois à Ferney. Je ferai parler aussi par monsieur son fils. Je saurai de quoi il est question, sans vous compromettre. »



1 L'édition de Kehl amalgame une partie de la lettre du 18 novembre à la présente : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/06/correspondance-annee-1767-partie-55.html

2 Cette lettre n'est pas connue.

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09/06/2023 | Lien permanent

fort reconnaissant de la permission que j’ai de passer en Angleterre,

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Oh ! joie !!

Oh, merveille de la bonté incommensurable de la république française !

Un ministre, plein de louables intentions ( ?), envisage la construction et mise à disposition de douches pour les exilés, expatriés, déracinés qui croupissent dans la zone de Calais. Où est-il aller chercher un tel projet ? Quelle audace, braver la loi qui interdit l’aide à ces tramps ! Quel engagement, me direz-vous !

Attendez la suite …

Le local des  douches est actuellement prévu à 10 kilomètres de Calais !

N’oublie pas ton savon, camarade, sinon tu es bon pour 20 bornes de plus !

Nous sommes en train de créer une équipe de marcheurs qui pourraient défendre les couleurs de la France, qui sait ?

Pauvre France! comme disait ma défunte belle-maman !

 

 

Ce sujet tombe à merveille pour moi, qui commémore ce jour, proche du départ de Volti, émigré « volontaire » en Angleterre, en 1726 (à 32 ans).

 

 

 

« A René Hérault

 

 

                            J’arrive à Calais, Monsieur, fort reconnaissant de la permission que j’ai de passer en Angleterre, [suite à la bastonnade reçue sur les ordres du chevalier de Rohan, un duel refusé par celui-ci, un passage à la Bastille le 17 avril, « la permission d’aller incessamment en Angleterre » demandée à  Maurepas] très respectueusement affligé d’être exilé à cinquante lieues de la cour. D’ailleurs pénétré de vos bontés et comptant toujours sur votre équité.

 

                            Je suis obligé, Monsieur, de vous dire que je n’irai à Londres que lorsque j’aurai rétabli ma santé assez altérée par les justes chagrins que j’ai eus. Quand même je serais en état de partir, je me donnerais bien garde de le faire en présence d’un exempt, [Hérault avait écrit au gouverneur de la Bastille de « faire sortir le sieur Voltaire » en précisant que « l’intention du roi et de S.A. Mgr le duc est qu’il soit conduis en Angleterre. Ainsi le sieur Condé l’accompagnera jusqu’à Calais et le verra embarquer et partir de ce port »] afin de ne pas donner lieu à mes ennemis de publier que je suis banni du royaume. J’ai la permission et non pas l’ordre, d’en sortir. Et j’ose vous dire qu’il ne serait point de l’équité du roi de bannir un homme de sa patrie, pour avoir été assassiné [la bastonnade de V* avait eu lieu au cours d’un guet-apens à la porte de l’hôtel de Sully ; les amis titrés de V* n’avaient pas osé le défendre ouvertement, la famille de Rohan étant très puissante, même s’il le défendaient en privé] . Si vous le voulez, Monsieur, je vous notifierai mon départ lorsque je pourrai aller en Angleterre. D’ailleurs les ordres du roi qui me sont toujours respectables me deviendront chers quand ils passeront par vos mains. Je vous supplie d’être persuadé du respectueux attachement, avec lequel je suis, indépendamment de tout cela, votre très humble et très obéissant serviteur.

 

                            Voltaire

                            Ce 5ème mai 1726 à Calais à neuf heures du matin chez monsieur Dunoquet, trésorier des troupes. »

 

 

Références René Hérault :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_H%C3%A9rault

 

 

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05/05/2009 | Lien permanent

il y aura un peu de peine

...

 

« A Anne-Madeleine-Louise-Charlotte-Auguste de La Tour du Pin de Saint-Julien

5è février 1768 à Ferney

Votre lettre, madame, vos bontés, pour mon fils adoptif, votre souvenir de mon respectueux attachement pour vous, le désir que vous me témoignez d'honorer encore ma chaumière de votre présence ; tout cela ranime mon cœur et tourne ma vielle tête . Je suis pénétré de la bienveillance que M. le duc de Choiseul daigne me conserver . Il veut faire quelque chose de mon petit pays barbare ; il y aura un peu de peine .

Vous me faites, madame, beaucoup d'honneur et un mortel chagrin en m'attribuant l'ouvrage de Saint-Hyacinthe , imprimé il y a quarante ans . Les soupçons dans une matière aussi grave seraient capables de me perdre, et de m'arracher au seul asile qui me reste sur la terre, dans une vieillesse accablée de maladies qui ne me permet pas de me transplanter . Mes derniers jours seraient empoisonnés de la manière la plus funeste .

Je vous conjure, madame, par toute la bonté de votre cœur, de bien dire surtout à M. le duc de Choiseul que je n'ai, ni ne puis avoir aucune part à la foule de ces ouvrages hardis qu'on imprime et qu'on réimprime depuis plusieurs années, et qui ont fait une prodigieuses révolution dans les esprits d'un bout de l'Europe à l'autre .

Puisque vous avez envoyé à M. le duc de Choiseul une partie de l'imprimé de Saint-Hyacinthe en manuscrit 1 vous êtes en droit plus que personne de certifier que le nom de Saint-Hyacinthe est imprimé à la tête de la brochure avec la date de 1728 .

De plus, il y a cent traits dans cet ouvrage qui indique évidemment le temps auquel il fut composé 2. Vous n'étiez pas née alors, madame, il s'en faut de beaucoup, mais toute jeune que vous êtes, vous avez un cœur toujours occupé de faire du bien . Empêchez donc qu'on ne me fasse du mal . Repoussez la calomnie . Mon fils Dupuits vous doit tout, et je vous devrai autant que lui .

Votre très humble et très obéissant serviteur V. avec bien du respect . »

1 Effectivement Le Dîner du comte de Boulainvilliers circula en manuscrit quelque temps avant d'être imprimé, ainsi que l'atteste la Correspondance littéraire en date du 1er janvier 1768 , mais l’argumentation qui suit n'en doit pas moins être considérée des plus faibles .

2 Effectivement, mais l'ouvrage contient aussi, vers la fin , une référence à l'Histoire critique de la philosophie, de Bourreau Deslandes qui ne fut publiée qu'en 1737 ,

voir lettre du 6 décembre 1757 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/02/13/nous-autres-droles-de-francais-nous-sommes-plus-expeditifs-n.html

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13/09/2023 | Lien permanent

Quand on a résolu de finir ses jours à la campagne, il ne faut pas se mettre dans la nécessité d'envoyer tous les jours

... Et si on aime les campagnes électorales, il ne faut pas demander de pimenter le scrutin dans les villes de plus de X milliers d'habitants en flirtant avec des idées d'extrêmistes .

 

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« A Jean-Robert Tronchin

Aux Délices 17 février 1759

J'étais si honteux des détails de mes petits besoins, mon cher monsieur, qu'en vérité je n'osais vous envoyer cette liste sans votre permission . Quand on a résolu de finir ses jours à la campagne, il ne faut pas se mettre dans la nécessité d'envoyer tous les jours chercher du poivre et de la cannelle à la ville . J'aime les provisions . Horace dit qu'il en faut pour deux ans 1 . D'ailleurs j'ai vos treillages à peindre .

Je frémis des dépenses de cette année mais aussi quand j'aurai de beaux blés je serai grand seigneur . Je ne mériterai pas avec ma nouvelle charrue la gloire que monsieur votre frère acquiert par le zèle et les lumières qu'il emploie dans cette étonnante affaire du fameux vol de Genève 2. Mais je tiens que c'est un très beau métier de cultiver la terre . Je voudrais qu'il y eût à Lisbonne des juges aussi éclairés que monsieur votre frère et qui tirassent au clair l'aventure des jésuites . Il est tout simple qu'ils aient encouragé un assassinat et qu'ils aient prié Dieu pour le succès de cette sainte action . Mais qu'on les ait portés en prison dans des coffres comme des ballots de linge cela me parait suspect , et me fait trembler pour la vérité de ce qu'on leur impute . Si vous avez quelque nouvelle, faites-m'en part je vous en prie ; si vous n'en avez pas demandez-en à vos correspondants avec votre prudence ordinaire .

Avouez que le roi de Prusse a le diable au corps de m'envoyer deux cents vers de sa façon dans le temps qu'il se prépare à faire marcher deux cent mille hommes . On dit que nous n'avons plus de nègres pour travailler à nos sucreries . J'ai bien fait de me pourvoir . Si les annuités étaient approchant du pair dans quelque temps ne ferais-je pas bien de vendre les miennes ? Voilà encore 14000 livres ou environ en lettres sur vous pour le prêtre Deodati . Je ris de transiger avec des prêtres et d'avoir le théologien Vernet pour mon vassal à Tournay . C'est un tour d'espiègle que je lui ai joué .

Je vous embrasse du meilleur de mon cœur .

V. »

1 En réalité Horace se satisfait d'avoir une année de provisions ; voir Epîtres, I,xviii,109-110 : « quels sont, penses-tu, ô mon ami, mes sentiments, quels sont mes vœux ? D’avoir ce que j'ai, et moins encore ; de vivre pour moi ce qui me reste à vivre, si les dieux me réservent d'autres jours ; d'être assuré pour une année de ma provision de livres et de blé, de ne point laisser flotter mes espérances au gré d'un douteux avenir. Mais ne demandons à Jupiter que ce qu'il donne, ce qu’il retire, la vie, le bien ; pour la paix de l’âme, c'est à nous de nous le procurer. » ; http://www.espace-horace.org/trad/patin/epitres1.htm#xviii

 

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27/03/2014 | Lien permanent

Non encore une fois, je ne puis souffrir que vous finissiez votre lettre en disant , je rirai . Ah mon cher ami, est-ce

... Il suffit pour s'en convaincre d'écouter France Info et ses intervenants , avec par exemple Fabien Roussel patron du PCF, mini parti qui , toute modestie avalée, se suppose arbitre du second tour de la présidentielle :

https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/8h30-fauvelle-dely/pouvoir-d-achat-chasseurs-rassemblement-de-la-gauche-le-8h30-franceinfo-de-fabien-roussel_4793815.html

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

Aux eaux de Rolle en Suisse par Genève 23 de juillet 1766 1

Oui, vraiment, je le connais, ce mufle de bœuf et ce cœur de tigre 2, qui mérite par ses fureurs ce qu'il a fait éprouver à l'extravagance ; et vous voulez prendre le parti de rire mon cher Platon ! Il faudrait prendre celui de se venger, ou du moins quitter un pays où se commettent tous les jours tant d'horreurs . N'auriez-vous pas déjà lu la relation ci-jointe 3? Je vous prie de l'envoyer à frère Frédéric, quoiqu'elle ne soit pas tout à fait exacte , il est de la plus grande importance qu'il l'ait de cette façon, afin qu'il soit plus irrité, et qu'il accorde une protection plus marquée et plus durable à cinq ou six hommes de mérite qui veulent se retirer dans une province méridionale de ses États , et y cultiver en paix la raison, loin du plus absurde fanatisme qui ait jamais avili le genre humain, et loin des scélérats qui se jouent ainsi du sang des hommes . L'extrait de la première relation est d'une vérité reconnue , je ne suis pas sûr de tous les faits contenus dans la seconde, mais je sais bien qu'en effet il y a une consultation d'avocats, et si je puis par votre moyen parvenir à l'avoir, vous ferez une œuvre méritoire . Je sais que vous n'êtes pas trop lié avec le barreau, mais voilà de ces occasions où il faut sortir de sa sphère . L'abbé Morellet, M. Turgot pourraient vous procurer cette pièce, vous pourriez me la faire tenir par Damilla , qui cherche se son côté . Pourquoi faut-il n'avoir que de telles armes contre des monstres qu'il faudrait assommer ? C'est bien dommage, encore une fois, que Jean-Jacques soit un fou et un méchant fou, sa conduite a fait plus de tort aux belles-lettres et à la philosophie, que Le Vicaire savoyard ne leur fera jamais de bien . Non encore une fois, je ne puis souffrir que vous finissiez votre lettre en disant , je rirai . Ah mon cher ami, est-ce là le temps de rire ? Riait-on en voyant chauffer le taureau de Phalaris 4? Je vous embrasse avec rage . »

1 L'édition de Kehl suivie par les éditions remplace par afin le passage quoiqu'elle ne soit [,,,] irrité, et .

2 C'est Pasquier que d'Alembert décrit dans sa lettre du 16 juillet 1766 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_(d%E2%80%99Alembert)/Correspondance_avec_Voltaire/070

4 Phalaris, tyran d’Agrigente faisait périr ses ennemis dans un taureau d'airain chauffé par un feu ardent : https://fr.wikipedia.org/wiki/Phalaris_(tyran)

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19/10/2021 | Lien permanent

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