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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

il faut que je rie, pour me distraire du chagrin que me donnent les sottises de ma patrie.

... J'ai choisi la phrase la moins pessimiste de cette lettre, où j'avais le choix de constats et craintes désagréables .

Rions .

Réjouissons-nous .

Admirons les humains qui donnent le meilleur d'eux-mêmes à Rio et partout dans le monde , diminués dans leur corps mais exemplaires par leur volonté et leurs talents, je n'ai pas de mots pour exprimer mon admiration pour ceux qui sont sur tous les écrans et pour tous ceux qui au quotidien surmontent leurs handicaps .

 Oublions un moment les sottises, il en viendra bien encore assez, nos politiciens et syndicalistes en sont grands pourvoyeurs à petit mental, grandes gueules .

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

28 septembre 1761 1

O mes anges ,

Tout ce que j’ai prédit est arrivé. Au premier coup de fusil qui fut tiré, je dis : En voilà pour sept ans. Quand le petit Bussy alla à Londres (1)2, j’osai écrire à M. le duc de Choiseul qu’on se moquait du monde, et que toutes ces idées de paix ne serviraient qu’à amuser le peuple. J’ai prédit la perte de Pondichéry, et enfin j’ai prédit que le Droit du Seigneur de M. Picardet réussirait 3. Mes divins anges, c’est parce que je ne suis plus dans mon pays que je suis prophète. Je vous prédis encore que tout ira de travers, et nous serons dans la décadence encore quelques années, et décadence en tout genre ; et j’en suis bien fâché.

On m’envoie des Gouju (2)4 ; je vous en fais part.

Je crois avec vous qu’il y a des moines fanatiques, et même des théologiens imbéciles ; mais je maintiens que, dans le nombre prodigieux des théologiens fripons, il  n’y en a jamais eu un seul qui  ait demandé pardon à Dieu en mourant 5, à commencer par le pape Jean XII, et à finir par le jésuite Letellier et consorts. Il me paraît que Gouju écrit contre les théologiens fripons qui se confirment dans le crime en disant : la religion chrétienne est fausse ; donc il n’y a point de Dieu. Gouju rendrait service au genre humain, s’il confondait les coquins qui font ce mauvais raisonnement. Mais vraiment oui, Dieu, qui savez punir, qu’Atide me haïsse 6, est une assez jolie prière à Jésus-Christ ; mais je ne me souviens plus des vers qui précèdent ; je les chercherai quand je retournerai aux Délices.

J'étais désespéré, je jurais quand Mlle Clairon disait :

On croit qu'à Solamir mon cœur se sacrifie 7.

Eh pauvre femme, il s'agit bien ici de ton cœur, il s'agit de n'être pas pendue ! pourquoi parles-tu de Solamir ? personne n'a dû t'en parler . Si tu crois que tu vas être pendue pour lui, pourquoi dis-tu au quatrième acte en parlant de ton cher Tancrède :

Que veut-il, quelle offense excite son courroux,

De qui dans l'univers peut-il être jaloux ?8

Enfin il y a mille raisons qui doivent faire réprouver ce détestable vers qui commence par ces mots comiques on croit . Qu'on ait la bonté de me faire apercevoir de mes défauts , je remercie à genoux, mais qu'on gâte ma pièce par des vers qui me donnent la fièvre ! je vous avoue que j'en mourrais de chagrin . Au nom du bon goût et de mes vives douleurs empêchez que Mlle Clairon ne dise ce vers que j'ai en horreur .

Je lui ai envoyé une de mes notes sur Corneille, qui regarde sa profession, elle est certainement plus convenable et plus utile que la ridicule consultation du pauvre Huerne .

Je travaille sur Pierre, je commente, je suis lourd. C’est une terrible entreprise de commenter trente-deux pièces, dont vingt-deux ne sont pas supportables, et ne méritent pas d’être lues.

Les estampes étaient commencées. Les Cramer les veulent. Je ne me mêlerai que de commenter, et d’avoir raison si je peux. Dieu me garde seulement de permettre qu’ils donnent une annonce avant qu’on puisse imprimer . Je veux qu’on ne promette rien au public, et qu’on lui donne beaucoup à la fois. Mes anges, j’ai le cœur serré du triste état où je vois la France ; je ne ferai jamais de tragédie si plate que notre situation .

Je me console comme je peux. Qu’importe un Picardet ? ou Rigardet ? il faut que je rie, pour me distraire du chagrin que me donnent les sottises de ma patrie. Je vous aime, mes divins anges ; et c’est là ma plus chère consolation. Je baise le bout de vos ailes.

V. 

N.B.  – Qu’importe que M. le duc de Choiseul ait la marine ou la politique ! Mellin de Saint-Gelais, auteur du Droit du Seigneur, ne peut-il pas dédier sa pièce à qui il veut ? »

1L'édition de Kehl et suivantes supprime tout le passage : J'étais désespéré ….. Huerne . Le P.S. est écrit dans la marge du bas .

2 Le 23 mai 1761 ; sur la mission de Bussy voir lettre du 1er juin 1761 à Chennevières, où V* ne dit d'ailleurs pas exactement ce qu'il prétend avoir prévu ; voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/05/01/j-ai-ete-accable-de-mille-petites-affaires-qui-font-mourir-e-5795742.html

3 La pièce n'a pas encore été représentée .

5 Première référence conservée de V* au curé Meslier depuis 1735 .

6 Zulime, variante, Ac. III, 5 .

7 Tancrède, II, 7 ; le passage contenant ce vers a été remplacé par un autre .

8 Tancrède, IV, 5 .

 

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10/09/2016 | Lien permanent

Il est triste qu'un parlement ne soit pas le maître de la police, et qu'il soit de droit divin de s'enivrer et de gagner

... Et à la Saint Glinglin , le pape autorisera le préservatif comme moyen anticonceptionnel après l'avoir -du bout des lèvres , et du goupillon- , autorisé comme moyen de prévention contre les maladies vénériennes et le SIDA .

 pape capote.jpg

 

 

« A Charles de BROSSES, baron de Montfalcon
20 février[1760]
Je me hâte, monsieur, de vous remercier de toutes vos bontés et de toutes vos judicieuses réflexions. Ce qui concerne les fêtes, inventées par les cabaretiers et les filles, n'était qu'une consultation à laquelle vous avez très-bien répondu. Il est triste qu'un parlement ne soit pas le maître de la police, et qu'il soit de droit divin de s'enivrer et de gagner la chaudepisse le jour de Saint-Simon, Saint-Jude et Saint-André. Je sais que les curés ont le droit arbitraire de permettre qu'on recueille et qu'on ensemence ; il est bien plaisant que cela dépende de leur volonté. Le curé de Ferney 1 est fâché de n'avoir pu m'enlever encore mes dîmes inféodées. Mes domestiques sont suisses et huguenots ; mon évêque, savoyard 2 : je ferai avec eux tout ce que je pourrai.
Quant à la Perrière, je demande simplement qu'on me signifie un titre, un exemple 3. Je ne fais point de procès : je demande qu'on me mette en possession de cette justice en vertu de laquelle on me demande de l'argent. J'offre l'argent ; je présente seulement requête pour avoir une quittance. Est-il possible qu'on soit seigneur haut-justicier sans titre, et qu'on vienne saisir mes bestiaux sans aucune allégation?
Vous me parlez, monsieur, d'une déclaration d'un nommé Ritener. Hélas ! je n'ai vu ni cette déclaration, ni aucune pièce du procès, ni aucun titre. Encore une fois, Ritener est un Suisse qui ne sait certainement pas si la Perrière est en Savoie ou en France; il sait seulement que c'est un bouge qui sera toujours bouge, et je ne vois pas où est l'avantage de passer pour seigneur haut-justicier d'un bouge qui est dans le fief d'un autre.
Vous pouvez être très-sûr que dès que j'aurai consommé l'achat de Tournay,4 je résignerai ce ridicule honneur.
Il y a, monsieur, un petit embarras pour les lods et ventes de Tournay, et je travaille à le faire lever. Permettez-moi, en attendant, de vous réitérer mes prières pour que Girod me communique tous les titres et tous les droits de la terre ; il est bien étrange qu'on ne m'ait pas encore communiqué un seul papier.
J'ose encore vous prier de m'indiquer un procureur, le moins fripon qu'on puisse trouver au parlement de Dijon, où l'on dit qu'ils le sont moins qu'ailleurs. Je vous serai très-obligé.
Permettez-moi de recourir encore à vos bontés pour une autre affaire qui rend les terres du pays de Gex bien désagréables : c'est celle de la saisie de mes blés de Ferney, le 24 janvier. C'est une avanie de Turc qu'on punit chez les Turcs. C'est un faux procès-verbal antidaté par les commis ; c'est une double déclaration du receveur et du contrôleur du bureau, qui avoue le crime de faux ; c'est une violence et une friponnerie, non pas inouïe, mais intolérable. Je vous avoue que, si je n'en ai pas
raison, je vais affermer Ferney, Tournay, et mes autres domaines comme je pourrai, et que je mourrai dans mes Délices, sans remettre le pied sur la frontière de votre pays. J'ai cherché dans ma vieillesse la liberté et le repos ; on me les ôte. J'aime mieux du pain bis en Suisse que d'être tyrannisé en France.
Si vous daignez vous donner la peine de lire les pièces chez M. Dubut, vous me ferez un grand plaisir.
Vous verrez, par cette aventure, combien le pays de Gex a intérêt à s'accommoder avec les fermiers généraux. Je conçois qu'il y a des difficultés dans le projet de la compagnie qui se présente ; mais ce projet sera aisément accepté et solidement formé, si le contrôleur général le veut. Mon avis, à moi, serait qu'on donnât au roi 300 000 livres, ou même 400 000, au nom de la province, et que la province obtînt arrêt du conseil qui la détachât des cinq grosses fermes, moyennant une petite indemnité par an qu'elle payerait à nos seigneurs. Il y aurait encore beaucoup à gagner pour la province et pour la compagnie. Si monsieur l'intendant prend à cœur cette affaire, elle se fera ;
mais, si elle n'est pas conclue à Pâques, je ne m'en mêle plus.
Vous avez donc lu le roi de Prusse ? S'il s'en était tenu à tenir la balance de l'Allemagne, s'il n'eût point crocheté les coffres de la reine de Pologne, s'il n'eût point pillé tant de vers et tant de villes, vous lui pardonneriez de penser comme Lucrèce, Cicéron et César. C'est à nos faquins de molinistes et de jansénistes qu'il ne faut pas pardonner.
J'aurai l'honneur de vous envoyer incessamment le résultat des sentiments de notre petite compagnie.
Je vous présente mes respects.

 

V. »

 

1 Ancian , curé de Moëns .

 

 

3 On voulait faire payer à Voltaire, comme seigneur haut-justicier de la Perrière, les frais d'un procès fait à un paysan nommé Panchaud.Voir lettre du 2 janvier 1760 à de Brosses : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/01/08/la-notoriete-publique-ne-suffit-pas-pour-constater-un-droit-5529502.html

 

4 Voltaire avait la jouissance viagère de Tournay, et il songeait alors à se rendre propriétaire du domaine.

 

 

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21/02/2015 | Lien permanent

bientôt on verra les Prussiens se mesurer contre les Français.

... Angela, force de la nature, mâtinée tank, contre François aminci mais volontaire ! Quel match !

Je fais des voeux pour qu'une prompte réconciliation arrive . Comme dit Volti "S'il y a une bataille, il est à croire qu'elle sera bien meurtrière ", économiquement parlant , évidemment .

Retransmission -quasi en direct- du match !

je te tiens tu me tiens.jpgJe te tiens tu me tiens !

détourner l attention del adversaire.jpgÔ tu as vu l'oiseau !

 

tentative d étranglement.jpgTentative d'étranglement

 

j en ai jusque là.jpgJ'en ai jusque là !

 

on se calme.jpgOn se calme

 

faisons la paix.jpgFaisons la paix !

Happy end !


 

 

 

« A M. Louis-François-Armand du PLESSIS, maréchal duc de RICHELIEU.

A Monrion, 26 mai [1757].

Feu l'amiral Byng vous assure de ses respects, de sa reconnaissance, et de sa parfaite estime, il est très-sensible à votre procédé, et meurt consolé par la justice que lui rend un si généreux soldat, so generous a soldier 1; ce sont les propres mots dont il a chargé son exécuteur testamentaire; je les reçois dans le moment, en arrivant à Monrion, avec les pièces inutilement justificatives de cet infortuné.
C'est là, mon héros, tout ce que je puis vous dire de l'Angleterre, où les amis et les ennemis de l'amiral Byng rendent justice à votre mérite.
Je crois qu'on ne se doutait pas, en France, de la campagne à la Turenne que fait le roi de Prusse. Faire accroire aux Autrichiens qu'il demande des palissades, sous peine de l'honneur et de la vie, pour mettre Dresde hors d'insulte, entrer en Bohême par quatre côtés, à la même heure; disperser les troupes ennemies, s'emparer de leurs magasins; gagner une victoire signalée 2, sans laisser aux Autrichiens le temps de respirer ! vous avouerez, monseigneur, vous qui êtes du métier, que la belle campagne du maréchal de Turenne ne fut pas si belle. Je ne sais jusqu'à quel point de si rapides progrès pourront être poussés; mais on prétend qu'il envoie vingt mille hommes au duc de Cumberland, et que bientôt on verra les Prussiens se mesurer contre les Français. Tout ce que je sais, c'est qu'il en a toujours eu la plus forte envie. S'il y a une bataille, il est à croire qu'elle sera bien meurtrière.
Parmi tant de fracas, conservez votre bonne santé et votre humeur. Daignez, monseigneur, ne pas oublier les paisibles Suisses, et recevez avec votre bonté ordinaire les assurances de mon tendre et profond respect.

 

V. »

 

1 V* utilisera cet événement de l'exécution de Bing dans Candide chap. XXIII : http://www.personal.kent.edu/~rberrong/fr33337/candide23.htm

 

2 Celle du 6 mai ; le roi de Prusse gagne, en Bohème, a Ziscaberg, près de Prague, une bataille sur les Autrichiens, commandés par le maréchal comte de Brown , sous les ordres du prince Chartes de Lorraine .

 

 

 

 

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01/11/2012 | Lien permanent

Je ne suis en peine ni des comptes, ni des contes

... Nous disent en choeur  Hamon et Valls , qui tous deux savent envisager des dépenses sans vraiment savoir comment les financer, beaux parleurs certes , représentants du peuple certes non .

Ils sont cependant d'accord pour interdire à Pénélope en particulier et à tout membre de la famille d'un élu parlementaire ou sénatorial d'être payé par le dit élu aux frais de la Nation . Si elle est fidèle à légende, notre Pénélope sera incapable de montrer le travail accompli, n'ayant pas même eu à défaire ce qu'elle n'a jamais fait .

Ou alors, forts de cet exemple / contre-exemple , tous les conjoints devront se payer réciproquement un salaire ou indemnité pour services rendus , sommes prélevées sur des fonds publics pour rester dans la logique Fillon .

 

[Pénélope, par Bourdelle]

500 000 euros ? comme c'est bizarre ! je ne les ai pas vu passer .

 

 

« A Gabriel Cramer

à Genève

Puisque monsieur Gabriel est non seulement l'éditeur, mais le trésorier du Parnasse, je lui dirai que probablement je ne me mêlerai point des 85 exemplaires que M. de Crafford a eu la bonté de retenir . Il enverra sans doute une lettre de change à monsieur Cramer, à la réception du paquet à lui adressé en droiture . Je viens d'écrire à la cour de Bareith pour savoir ce qu'on a payé . J'ai bien peur que la perte du feu margrave ne soit une annulation de cet article . Je ne peux me charger que de la cour de Virtemberg qui a fait son premier paiement de vingt louis d'or .

J'écris aussi à M. de Shouvaloff, pour savoir si c'est lui ou son frère qui a envoyé de l'argent . Son frère est mort, et cela peut faire encore une petite difficulté . Quelques autres souscripteurs sont morts aussi , comme M. Rouillé , qui avait retenu je crois quelques exemplaires . Mais les morts, et les vivants qui ne paieront pas, ne compromettront en rien monsieur Cramer, qui ne peut rendre raison de ce qu'il a reçu .

Il peut, dès à présent, prendre quatorze cents livres pour compléter l'impératrice Élisabeth, et quatre cent quatre-vingts livres pour premier paiement Virtemberg . Ces deux sommes composant mille huit cent quatre-vingts livres, seront retenues sur l'argent de l'ogre que je le prie de vouloir bien prendre à Genève pour avoir plus tôt fait, et la première fois qu'il viendra nous voir à Ferney il nous fera grand plaisir de charger ses poches du reste ; on lui remettra le contrat, ainsi, tout sera en règle . Je ne suis en peine ni des comptes, ni des contes ; je l'embrasse de tout mon cœur .

V. 

3è février 1762 1»

1 Sur la troisième page du manuscrit restée blanche, Cramer écrivit plus tard : « M. de Voltaire a reçu 4800 du roi / 480 du duc de Virtemberg ./ J'ai payé / 21 septembre 1761 / 1400 de mains / 3è mai 1762 / 960 à M. Corneille père / 19 février 1762 / 240 à Mme Corneille / 21 mai 1762 / 240 à Wagnière / Resterait à payer / 8120 / 41880 / 400 / [total] 50400 livres. »

 

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26/01/2017 | Lien permanent

Quelle honte ! quelle guerre ! les ministères de Philippe III et de Philippe IV ne se conduisirent pas plus misérableme

... Résultat de recherche d'images pour "espagne et catalogne le 19/10/2017 humour"

Angela et Emmanuel en choeur " Hey Theresa ! les Catalans sont aussi cinglés que les Anglais . Brexit et Catalexit, vous êtes faits pour vous entendre , isn't it ?" 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

10 décembre 1762

Mes divins anges, vous avez beau faire, on ne commande point au diable . Les sorciers seuls ont ce privilège, et c’est le diable qui me commande. Il s’empara de moi il y a bientôt dix-huit mois, et me fit faire en six jours la sottise que vous savez 1. J’étais ivre de mon ouvrage au septième ; mais l’âge m’a rendu un peu défiant, et surtout je me défie de moi-même. Mes chers anges, je vous parlais d’attendre au carême ; à présent je vous supplie de remettre à Pâques. Plus on attend, plus valent les tragédies. Vous ne chômerez point cet hiver. Vous avez Eponine, dont on dit beaucoup de bien. Il y a force tragédies, force comédies ; vous aurez le plaisir de voir des succès et des chutes. Souffrez que, cet hiver, je me donne tout entier à mon paradis de Ferney, au csar Pierre, à Corneille, à l’Histoire générale . Quand j’aurai fait tout cela, et que ma tête sera libre, alors vous aurez tant de vers qu’il vous plaira.

Sachez de plus, ô anges ! qu’il y a sur le métier un ouvrage à l’occasion des Calas 2 qui pourrait être de quelque utilité, à ce que disent les bons cœurs, et pour lequel on vous demandera votre suffrage et votre protection.

Je vous remercie historiquement de m’avoir confirmé la cession de la Floride. Quelle honte ! quelle guerre ! les ministères de Philippe III et de Philippe IV 3 ne se conduisirent pas plus misérablement que les Espagnols d’aujourd’hui 4.

Oh ! que votre aimable duc de Praslin a bien fait de finir tant de pauvretés ! Il a rendu service au genre humain, et surtout aux Français. Je me soucie très peu du Canada . Je ne l’ai jamais aimé , mais la paix nous devenait nécessaire comme le manger et le dormir. Je l’en remercie encore, et je suis enchanté que ce soit votre ami qui ait fait une si bonne œuvre.

Vous me dites toujours que je ne réponds point aux chefs d’accusation que je me tais sur Zulime, sur Mariamne. Je reverrai Mariamne et Zulime quand je r'aurai 5 ma tête, j’entends ma tête poétique. A présent je suis tout prose ; me voilà cunctateur. Attendons : Zulime, Mariamne, Olympie, tout cela viendra si je vis.

Savez-vous que je suis bien vieux ? Le duc de Villars, quoique plus jeune, est plus vieux que moi . Il a des convulsions de Saint-Médard à le faire canoniser par les jansénistes. Il souffre héroïquement ; il a dans les maux plus de courage que son père. Il y a bien des sortes de courage.

Eh bien vienne l'épouseur de Marie Corneille . Nous les marierons pour peu qu'il en ait l'envie .

Mais que dites-vous de Luc et de son compliment 6 au roi d'Angleterre ? »



1 Olympie .

2 Traité sur la tolérance .

4 Les cinq derniers mots ont été rajoutés sur le manuscrit entre les lignes .

5 L'édition de Kehl remplace ce verbe par retrouverai .

6 On ne sait à quel compliment V* fait ici allusion, la dernière lettre de Frédéric II à George II remontait au 30 août 1757 .

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19/10/2017 | Lien permanent

mon vieux corps, mon vieux tronc a porté quelques fruits cette année, les uns doux, les autres amers, mais ma sève est p

... C'est le temps de la taille (et des dernières mensualités de la gabelle ! ); reviendra le printemps et feuilles (bien placées ) et fleurs .

A propos de taille, ma tignasse de confiné prend des proportions hagridesques .

 

Mis en ligne le 16/11/2020 pour le 28/8/2015

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

auguste 28è 1760 1

Mon cher ange, vous ne m'instruisez pas dans mes limbes de ce que vous faites dans votre ciel, pas un petit mot sur L’Écossaise, sur mon ami Fréron, sur mon cher Pompignan qu'on dit être chez M. d'Argenson aux Ormes avec le président Hénault qui va lui vendre sa charge de surintendant bel esprit de la reine, et qui pour pot de vin trouve son discours et son mémoire excellents .

Il faut que je vous dise que frère Menoux , jésuite, m'a envoyé une mauvaise déclamation de sa façon intitulée L’incrédulité combattue par le simple bon sens . Il a mis cet ouvrage sous le nom du roi Stanislas pour lui donner du crédit , il me l'a adressé de la part de ce monarque, et voici la réponse que j'ai faite au monarque . Voyez si elle est sage, respectueuse et adroite . Vous pourriez peut-être en amuser M. le duc de Choiseul en qualité de Lorrain .

On me mande, mon divin ange,que vous allez faire jouer ce Tancrède qui est déjà presque aussi connu que L’Écossaise . On vient de me faire apercevoir qu'il manque une rime à ce Tancrède . Plût à Dieu que ce fût la seule chose qui lui manquât . C'est au troisième acte dans le rôle d'Orbassan :

Quel est ton nom, ton rang ? ce simple bouclier

Semble nous annoncer peu de marque de gloire.

Il manque la rime à bouclier , et la voici :

Je veux bien avec toi descendre à me commettre

Et daigner te punir d'oser me défier.

Quel est ton nom, ton rang, ce simple bouclier

Semble nous annoncer peu de marque de gloire .

Mon cher ange, mon vieux corps, mon vieux tronc a porté quelques fruits cette année, les uns doux, les autres amers, mais ma sève est passée . Je n'ai plus ni fruits ni feuilles . Il faut obéir à la nature, et ne la pas gourmander . Les sots et les fanatiques auront bon temps cet automne et l'hiver prochain . Mais gare le printemps .

Est-il vrai que Gaussin se retire, qu'elle fait comme moi, qu'elle va en Berry être dame de château et que de plus elle est mariée ?2 Je suis bien aise qu'il y ait des châteaux pour les talents pourvu que ce ne soient pas les châteaux de Vincennes et de la Bastille .

Une lettre venue de Prague annonce changement de fortune, et défaite entière de Laudon 3. Il faut toujours en fait de nouvelles attendre le sacrement de la confirmation . Mais si la chose est vraie, je pense comme vous, la paix, la paix . Oui, mais voudra-t-on bien nous la donner ?

En attendant amusez-vous avec Tancrède, mais qu'il ne soit pas sifflé ! On joue L’Écossaise dans toutes les provinces . Il serait triste de déchoir et de faire ce petit plaisir à Fréron et à Pompignan . Savez-vous bien mon cher ange, que Tancrède est une affaire capitale ?

Mille tendres respects aux anges .

V. »

1 Le passage concernant les corrections de Tancrède (On vient de me faire apercevoir … Mon cher ange) est biffé sur la copie du manuscrit et omis dans les éditions .

2 Elle avait épousé en mai 1759 Marie-François Taolaïgo, danseur de l'Opéra qui possédait une propriété dans le Berry à Labzenay ; mais elle ne se retira qu'en 1763 et mourut en 1767 .

3 Frédéric II lui avait infligé une sérieuse défaite près de Liegnitz le 15 août 1760 .

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28/08/2015 | Lien permanent

Je vous regarderai, sire, comme le plus grand homme de l'Europe ; mais je n'ai besoin de rien que du souvenir de ce gran

... Il est des vérités qu'on ne peut contenir et la franchise de Voltaire est ici bien loin de la prétendue flatterie dont on lui fait reproche couramment .

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« A Frédéric II, roi de PRUSSE
Aux Délices, près de Genève,

ce [9] février 1759. 1
Il y a longtemps que je vous dis que vous êtes l'homme le plus extraordinaire qui ait jamais été. Avoir l'Europe sur les bras, et faire les vers que Votre Majesté m'envoie, est assurément une chose unique. Moi, que j'en fasse après les vôtres ! Vous vous moquez d'un pauvre vieillard. Il n'y a qu'un frère et qu'un héros capable d'un tel ouvrage ; je ne suis ni l'un ni l'autre. Vous en savez trop pour ne pas savoir que tout sentiment est fade en comparaison de l'enthousiasme de la nature. La place où l'on est ans ce monde ajoute encore beaucoup au sublime, et quand le cœur s'exprime dans un homme de votre rang, il faut être fou pour oser parler après lui. N'insultez point, s'il vous plaît, à la misère de l'imagination paralytique d'un homme de soixante et cinq ans, environné des neiges des Alpes, et devenu plus froid qu'elles. Tout ce qu'il y aurait à faire pour l'édification du genre humain, ce serait de faire imprimer les tendres et sublimes vers qui seront à jamais le plus beau mausolée que vous puissiez élever à votre digne sœur; mais je me donnerai bien de garde d'en lâcher seulement une copie sans la permission expresse de Votre Majesté. Vos victoires, votre célérité à la façon de César, vos ressources de génie dans des temps de malheur, vous feront sans doute un nom immortel ; mais croyez que cet ouvrage du cœur, ces vers admirables qu'aucun autre homme2 ne pourrait faire, ajouteront à votre gloire personnelle autant pour le moins qu'une bataille. Si Votre Majesté dit: « J'ordonne », j'obéirai ; mais je protesterai contre mon ridicule. Encore un mot, sire, sur ce sujet. Une ode régulière, dans ma maudite langue, exige trois mois d'un travail assidu pour être passable.
A l'égard des brimborions 3, dont j'avais parlé, je les aurais surtout demandés si quatre ou cinq cent mille hommes prévalaient contre vous ; si vous étiez seul, réduit à votre courage et à votre supériorité sur les autres hommes ; mais si vous continuez à être la terreur de trois ou quatre nations, à nettoyer en deux mois trois ou quatre provinces d'ennemis, d'être le plus puissant prince de l'Europe par vous-même, alors ce serait à Votre Majesté à me les offrir. Je me suis fait un tombeau entre les Alpes et le mont Jura ; j'y ai deux seigneuries considérables, qui sont, aux yeux d'un roi, des taupinières. Je n'ai nulle envie de briller aux yeux de mes paysans ; mon cœur seul demandait ces marques de votre souvenir, et les méritait . Je vous regarderai, sire, comme le plus grand homme de l'Europe ; mais je n'ai besoin de rien que du souvenir de ce grand homme qui, au bout du compte, m'a arraché à ma patrie, à ma famille, à mes emplois, à mes charges, à ma fortune, et qui m'a planté là.
J'attends la mort tout doucement. Tracassez bien, sire, votre illustre, et glorieuse, et malheureuse vie, et puissiez-vous enfin goûter le repos, qui est le seul but de tous les hommes, et qui sera mieux employé par un philosophe tel que vous que par aucun de ceux qui croient l'être !
Pour mon respect, Votre Majesté ne s'en soucie guère ; mais il est sans bornes. 

Ce fou de Néaulme jadis libraire à Berlin a imprimé dit-on , force lettres sous mon nom 4. Je ne sais ce que c'est . Dieu le bénisse .»

1 Le manuscrit olographe était autrefois dans les archives Stabenrath, au château de Bruquedalle (Seine Maritime), ayant été donné au général de Stabenrath en 1812 par le prince Auguste-Ferdinand , voir Der Freimüthige , oder berlinische Zeitung für gebildete, unbefangene Leser, Berlin, 8 mars 1803, qui data la lettre du 29 février (voir aussi : Une lettre inédite de Voltaire à Frédéric II, Revue belge de philosophie et d'histoire, F. Snieders . Snieders donne la date du 9 février, confirmée par le fait que cette lettre répond à celle du 23 janvier de Frédéric[voir page 18 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f30.image.r=prusse] et que Frédéric répondra le 2 mars 1759

2 A ce sujet, Frédéric répondra le 2 mars : « J'en viens à l'article qui semble vous toucher le plus, et je vous donne toute assurance de ne plus songer au passé, et de vous satisfaire ; mais laissez auparavant mourir en paix un homme que vous avez cruellement persécuté et qui selon toutes apparences n'a plus que peu de jours à vivre . » Cet homme est Maupertuis qui mourra le 27 juillet à Bâle .

3 La clé et la croix de chambellan que V* avait dû rendre à son départ de Berlin ; cette allusion prouve que ce que nous possédons de la correspondance entre ces deux hommes comporte de nombreuses lacunes ; voir lettre à d'Argental du 6 avril1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/04/05/est-ce-l-infame-amour-propre-dont-on-ne-se-defait-jamais-bie.html

4 Voir lettre du 12 mars 1759 de Frédéric II ; page 59 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f71.image.r=prusse

 

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03/03/2014 | Lien permanent

Je m'affermis tous les jours dans l'opinion qu'il ne faut pas perdre un demi-quart d'heure de sommeil pour leur plaire

... Dédicace aux Parisiens de ma part, avec les justes paroles de Voltaire .

Sur ce, je me couche sans tarder .

 DSCF1921 bonne nuit.png

 

 

« A Charles-Augustin FERRIOL, comte d'ARGENTAL
A Lausanne, 5 février [1758]
Je me flatte, mon divin ange, que M. le comte de Choiseul a reçu ma lettre 1; je lui fais mon compliment, et surtout au prince Henri 2, qui a prévenu sa sœur, c'était à qui des deux ferait une action honnête. Ce Henri est très-aimable; ce n'est pas Henri IV, mais il a des grâces, des talents, de la douceur, et c'est lui qui était à la tête de cinq bataillons devant qui toute votre armée prit la poudre d'escampette le 5 novembre, journée qui a changé la destinée de l'Allemagne. Je reconnais bien mes chers compatriotes à l'enthousiasme où ils sont à présent pour le roi de Prusse, qu'ils regardaient comme Mandrin 3 il y a cinq ou six mois. Les Parisiens passent leur temps à élever des statues et à les briser; ils se divertissent à siffler et à battre des mains et, avec bien moins d'esprit que les Athéniens, ils en ont tous les défauts, et sont encore plus excessifs.
Je m'affermis tous les jours dans l'opinion qu'il ne faut pas perdre un demi-quart d'heure de sommeil pour leur plaire. La persécution excitée contre l'Encyclopédie achève de me rendre mon lac délicieux; je goûte le plaisir d'être mieux logé que les trois quarts de vos importants, et d'être entièrement libre. Si j'avais été à la tête de l'Encyclopédie, je serais venu où je suis; jugez si j'y dois rester.
La littérature est un brigandage; le théâtre est une arène où on est livré aux bêtes; et une médaille 4 pour deux succès, qui d'ordinaire sont deux exemples de mauvais goût, n'est qu'une sottise de plus. Les fous de la cour portaient autrefois des médailles; c'est apparemment celles-là qu'on donnera.
Nos médailles sont ici d'excellents soupers; nous n'avons point de cabales, on regarde comme très-grande faveur d'être admis à nos spectacles. Les habits sont magnifiques, nos acteurs ne sont pas mauvais. Mme Denis est devenue supérieure dans les rôles de mère; je ne suis pas mauvais pour les vieux fous; nous ne pouvons commencer que dans quinze jours, parce que nous avons eu des malades, voilà l'état des choses. Je suis très-touché de l'état de Mme d'Argental il faut qu'elle vienne à Épidaure consulter Esculape 5. Mme d'Épinai a obtenu des nerfs, Mme de Muy a été guérie, ma nièce Fontaine a été tirée de la mort. Il faut aller à Lyon voir son oncle 6; de là, dans une terre qui est à M. de Mondorge ou à son frère; et, de cette terre, aux Délices. Je vous prie de dire à M. le chevalier de Chauvelin 7 que je lui souhaite quelque étisie, quelque marasme, quelque atrophie, afin qu'il prenne son chemin par Genève, quand il retournera à Turin.
Mais qu'est devenue la maison de votre île 8? Que ne demandez- vous un remboursement sur Hanovre ou sur Clèves? J'entends dire que M. le maréchal de Richelieu s'est remboursé de ce que la guerre contre l’Angleterre lui a fait perdre sur les sels de Brouage 9. Cela est très raisonnable . Rien n'est plus juste que de vivre aux dépens de George .

Comment vont vos affaires de Cadix? Ne recevez-vous pas quelques débris de temps en temps? Vivez heureux, mon cher ange; ce sont les vœux du plus maigre Suisse des Treize-Cantons. 

V.» 

1 Non connue .

2 Frère de Frédéric II et de la margravine de Baireuth .

3 Le fameux brigand Mandrin avait été pris et exécuté en 1755 suite à la trahison d'une femme .Voir lettre à la comtesse de Lutzelbourg du 9 novembre 1756 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/08/31/pourquoi-donc-les-francs-les-gaulois-ne-marchent-ils-pas.html

5 Le célèbre médecin Théodore Tronchin à Genève .

6 Le cardinal de Tencin , oncle de d'Argental .

7 Bernard-Louis de Chauvelin , ambassadeur français auprès du roi de Sardaigne .On verra qu'il portera le titre de marquis dans une lettre de V* du 6 novembre 1759 .

9  Les marais salants de Brouage près de l'île d'Aix ; voir lettre du 5 janvier 1758 à d'Argental .

 

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07/04/2013 | Lien permanent

Il est allé pieusement à onze heures du soir chez une dame, avec cinq ou six paysans armés de bâtons ferrés, pour empêch

... Voila les excès où mène le célibat des prêtres ! enfin , où "menait" l'hypocrisie du prétendu célibat si je veux être exact , car l'usage de bâtons ferrés pour n'être point fait cocu n'est plus guère en usage chez nos prêtres , évidemment .

 

« A François Achard Joumard Tison, marquis d'Argence

Au château de Ferney, pays de Gex en Bourgogne

par Genève 20è janvier 1761

Vous connaissez ma vie, monsieur, mes occupations sont fort augmentées, depuis que j'ai eu le malheur de vous perdre . Je n'ai pas eu un moment à moi ; j'ai voulu vous écrire tous les jours, et je me suis contenté de penser sans cesse à vous . Je vois par les lettres dont vous m'honorez, que vous êtes heureux ; il n'y a que deux sortes de bonheur dans ce monde, celui des sots qui s'enivrent stupidement de leurs illusions fanatiques, et celui des philosophes . Il est impossible à un être qui pense, de vouloir tâter de la première espèce de bonheur, qui tient de l'abrutissement . Plus vous vous éclairez, et plus vous jouissez . Rien n'est plus doux que de rire des sottises des hommes, et de rire en connaissance de cause . Si vous daignez vous amuser, monsieur, à rechercher en quel temps certaines gens s'avisèrent de dire que deux et deux font cinq, et dans quel temps d'autres docteurs assurèrent que deux et deux font six, il vous sera aisé de voir que ni le sentiment d'Arius, ni celui d'Athanase n'étaient nouveaux ; et que dès le 3è siècle, les théologiens étant devenus platoniciens, se battirent à coups d'écritoires pour savoir si l’œuf est formé avant la poule ou la poule avant l’œuf, et si c'est un péché mortel de manger des œufs à la coque certains jours de l'année .

Pour votre pâté de perdrix il nous arriva heureusement avant le carême : ainsi nous pourrons en manger en sûreté de conscience ; car vous sentez combien Dieu est irrité, et qu'il y va de la damnation éternelle, quand on est assez pervers pour manger des perdrix à la fin de février, ou au commencement de mars .

J'ai fait, depuis votre départ, une terrible action d'impiété ; j'ai contraint les jésuites à déguerpir d'un domaine, qu'ils avaient usurpé sur six gentilshommes mes voisins, tous frères, tous officiers du roi, tous servants dans le régiment de Deux-Ponts, tous braves gens, tous en guenille .

Je me damne de plus en plus . Je suis actuellement occupé à poursuivre criminellement un curé de nos cantons, lequel a cru qu’il est de droit divin de rosser ses paroissiens . Il est allé pieusement à onze heures du soir chez une dame, avec cinq ou six paysans armés de bâtons ferrés, pour empêcher qu'on ne fit l'amour, sans sa permission . Son zèle a été jusqu'à laisser sur le carreau un jeune homme de famille, baigné dans son sang ; et s'il ne s’était trouvé un impie comme moi, ce pauvre garçon était mort, et le curé impuni . Le curé se défend tant qu'il peut ; il dit qu'il ne veut point aller aux galères, et que je serai damné ; mais heureusement, un bon prêtre vient de prouver, à Neuchâtel, que l'enfer n'est point du tout éternel 1, qu'il est ridicule de penser que Dieu s'occupe pendant une infinité de siècles à rôtir un pauvre diable ; c'est dommage que ce prêtre soit un huguenot, sans cela ma cause était bonne . Je n'aime point ces maudits huguenots . Nous avons eu depuis peu un cocu à Genève . Ce cocu , comme vous savez, tira un coup de pistolet à l'amant de sa femme; la petite église de Calvin, qui fait consister la vertu dans l'usure, et dans l'austérité des mœurs, s'est imaginé qu'il n'y avait de cocus dans le monde, que parce qu'on jouait la comédie . Ces maroufles s'en sont pris aux jeunes gens de leur ville , qui avaient joué sur mon théâtre de Tournay, et ils ont eu l'insolence de leur faire promettre de ne plus jouer avec des Français qui pourraient corrompre les mœurs de Genève .

Vous voyez, monsieur, qu'on est aussi sot à Genève, qu'on est fou à Paris . Mais je pardonne à ces barbares, parce qu'il y a chez eux dix ou douze personnes de mérite . Dieu n'en trouva pas cinq dans Sodome 2. Je ne suis pas assez puissant pour faire pleuvoir le feu du ciel sur Genève ; je le suis d'autant moins assez pour avoir beaucoup de plaisir chez moi, au nez de tous ces cagots . J'en aurais bien davantage, monsieur, si vous étiez encore ici ; vous y verriez la descendante du grand Corneille, que nous avons adoptée pour fille, Mme Denis et moi . Son caractère parait aussi aimable, que le génie de Corneille est respectable .

Adieu, monsieur, nous vous regretterons, et nous vous aimerons toujours ; s'il y a quelqu'un qui pense dans votre pays, faites-lui mes compliments . Mme Denis vous fait les siens bien tendrement .

V. »

1 Voir lettre du 26 décembre 1760 à d'Hermenches : en ligne le 26/12/2015

2 Genèse , XVIII, 32 .

 

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20/01/2016 | Lien permanent

Voilà les beaux jours de la Russie arrivés; toute l'Europe a les yeux sur ce grand exemple de la tolérance

.... E viva Ras-Poutine ? Que le diable le patafiole, le plus vite possible !

On est fichtrement loin du Patriarche : "rendre les soldats utiles pendant la paix, et de les faire servir à écarter la guerre, qui n'est bonne à rien qu'à rendre les peuples malheureux."

Le jeu de « 1 erreur » … - les vicomtes de brageole sète

 

 

 

« Au comte Andrei Petrovitch Schouvalov 1

A Ferney, 30è septembre 1767

J'ai été longtemps malade, monsieur; c'est à ce triste métier que je consume les dernières années de ma vie. Une de mes plus grandes souffrances a été de ne pouvoir répondre à la lettre charmante dont vous m'honorâtes il y a quelques semaines 2. Vous faites toujours mon étonnement, vous êtes un des prodiges du règne de Catherine seconde . Les vers français que vous m'envoyez sont du meilleur ton, et d'une correction singulière; il n'y a pas la plus petite faute de langage on ne peut vous reprocher que le sujet que vous traitez 3. Je m'intéresse à la gloire de son beau règne, comme je m'intéressais autrefois au Siècle de Louis XIV. Voilà les beaux jours de la Russie arrivés; toute l'Europe a les yeux sur ce grand exemple de la tolérance que l'impératrice donne au monde. Les princes jusqu'ici ont été assez infortunés pour ne connaître que la persécution. L'Espagne s'est détruite elle-même en chassant les Juifs et les Maures. La plaie de la révocation de l'édit de Nantes saigne encore en France. Les prêtres désolent l'Italie. Les pays d'Allemagne, gouvernés par les prélats, sont pauvres et dépeuplés, tandis que l'Angleterre a doublé sa population depuis deux cents ans, et décuplé ses richesses. Vous savez que les querelles de religion, et l'horrible quantité de moines qui couraient comme des fous du fond de l'Égypte à Rome, ont été la vraie cause de la chute de l'empire romain et je crois fermement que la religion chrétienne a fait périr plus d'hommes depuis Constantin qu'il n'y en a aujourd'hui dans l'Europe.

Il est temps qu'on devienne sage mais il est beau que ce soit une femme qui nous apprenne à l'être. Le vrai système de la machine du monde nous est venu de Thorn 4, de cette ville où l'on a répandu le sang pour la cause des jésuites. Le vrai système de la morale et de la politique des princes nous viendra de Petersbourg, qui n'a été bâtie que de mon temps, et de Moscou, dont nous avions beaucoup moins de connaissance que de Pékin.

Pierre le Grand comparait les sciences et les arts au sang qui coule dans les veines mais Catherine, plus grande encore, y fait couler un nouveau sang. Non-seulement elle établit la tolérance dans son vaste empire, mais elle la protège chez ses voisins. Jusqu'ici on n'a fait marcher des armées que pour dévaster des villages, pour voler des bestiaux, et détruire des moissons. Voici la première fois qu'on déploie l'étendard de la guerre uniquement pour donner la paix, et pour rendre les hommes heureux. Cette époque est, sans contredit, ce que je connais de plus beau dans l'histoire du monde.

Nous avons aussi des troupes dans ce petit pays de Ferney, où vous n'avez vu que des fêtes, et où vous avez si bien joué le rôle du fils de Mérope. Ces troupes y sont envoyées à peu près comme les vôtres le sont en Pologne, pour faire du bien, pour nous construire de beaux grands chemins qui aillent jusqu'en Suisse, pour nous creuser un port sur notre lac Léman ; aussi nous les bénissons, et nous remercions M. le duc de Choiseul de rendre les soldats utiles pendant la paix, et de les faire servir à écarter la guerre, qui n'est bonne à rien qu'à rendre les peuples malheureux.

Si vous allez ambassadeur à la Chine, et si je suis en vie quand vous serez arrivé à Pékin, je ne doute pas que vous ne fassiez des vers chinois comme vous en faites de français. Je vous prierai de m'en envoyer la traduction. Si j'étais jeune, je ferais assurément le voyage de Petersbourg et de Pékin, j'aurais le plaisir de voir la plus nouvelle et la plus ancienne création. Nous ne sommes tous que des nouveaux venus, en comparaison de messieurs les Chinois mais je crois les Indiens encore plus anciens. Les premiers empires ont été sans doute établis dans les plus beaux pays. L'Occident n'est parvenu à être quelque chose qu'à force d'industrie. Nous devons respecter nos premiers maîtres.

Adieu, monsieur; je suis le plus grand bavard de l'Occident. Mille respects à Madame la comtesse de Schouvaloff. »

1 Le comte André Schouvalow est le neveu de Ivan : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ivan_Chouvalov

2 Lettre du 12 juillet 1767 qui contient vingt-cinq vers octosyllabiques à la gloire de V* .

Voir : https://journals.openedition.org/monderusse/9321

3 V* lui-même .

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09/05/2023 | Lien permanent

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