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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Je vous avouerai franchement que je ne connais, parmi les discours prononcés au parlement de Paris, rien qui mérite d’êt

... Dont celui de Simone Veil sur l'IVG , le 26 novembre 1974 :  https://www.youtube.com/watch?v=45MOc6PYoY8

Épinglé sur Culture | Hobbies

et celui de Robert Badinter sur l'abolition de la peine de mort du 17 septembre 1981 :  https://m.ina.fr/video/I00004546/discours-de-robert-badin...

Robert Badinter - Paris Match

 

 

 

« A Joseph-Michel-Antoine Servan

9è mai 1766 à Ferney 1

Enfin, monsieur, on a retrouvé Moïse sous un tas de fumier, et il est sauvé des mains des muletiers, comme de celles de Pharaon. Les conjectures sur la Genèse 2 sont actuellement dans ma bibliothèque ; mais je vous assure que je fais plus de cas du discours que vous avez eu la bonté de m’envoyer 3. L’auteur a dû se complaire dans son œuvre, et voir que cela était bon 4; mais il est trop modeste pour le dire, et moi, je suis trop véridique pour lui cacher ce que j’en pense.

Je vous demande en grâce, monsieur, de vouloir bien honorer mon petit cabinet de livres de tout ce qui partira de votre plume . J’ai des recueils qui assurément ne vaudront pas celui-là. Je vous avouerai franchement que je ne connais, parmi les discours prononcés au parlement de Paris, rien qui mérite d’être lu, excepté deux ou trois discours de M. d’Aguesseau ; tout ce qu’on a fait depuis lui est sec et mal écrit ; tout ce qu’on a fait auparavant est de l’éloquence de Thomas Diafoirus 5. J’ai déjà eu l’honneur de vous dire 6 qu’en qualité de provincial j’aimais fort à voir le bon goût renaître en province. Vous et moi, nous sommes allobroges . Je m’intéresse à vos succès, comme compatriote , et, en cette qualité, je vous demande la continuation de vos bontés. Autrefois la cour donnait le ton à Paris, et Paris aux provinces . Il me paraît que c’est à présent tout le contraire, à cela près qu’il n’y a plus de ton à Versailles . Je ne suis pas, au reste, comme les autres vieillards qui vantent toujours ce qu’ils ont vu dans leur jeunesse . Je vous jure que je n’ai vu que des sottises . Le bon temps était le siècle de Louis XIV, dont je n’ai bu que la lie. Cependant il faut être juste : j’avoue qu’il n’y a en France aujourd’hui aucun grand talent, dans quelque genre que ce puisse être, pas même à l’opéra-comique, qui est devenu le spectacle de la nation ; mais, en récompense, il y a beaucoup de philosophie, le monde est plus éclairé, la superstition est bannie chez tous les honnêtes gens, et voilà ce qui me console.

Soyez toujours, monsieur, ma plus grande consolation, et comptez sur la tendre et respectueuse estime de

V. 

9è mai 1766

Dès qu'il paraîtra quelque chose de curieux, j'aurai l'honneur de vous l’adresser.»

1 L'édition Beuchot donne un texte incomplet et peu soigné, ce qui semble indiquer qu'il n'a pas vu l'original . La lettre de Servan du 30 avril 1766 est conservée .

2 De Jean Astruc : Conjectures sur les mémoires originaux dont il paraît que Moïse s'est servi pour composer le livre de la Genèse, 1753 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k10405623.image

3 M. S*** [J. M. Servan], Discours sur l'administration de la justice criminelle, 1766 : https://ledroitcriminel.fr/la_science_criminelle/penalistes/introduction/servant_justice_criminelle.htm

5 Dans Le Malade imaginaire , bien entendu .

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03/08/2021 | Lien permanent

Hercule, ameutez des Hercules . Encore une fois, c'est l'opinion qui gouverne le monde, et c'est à vous de gouverner l'o

... Peut-on crier à l'unisson aujourd'hui "Jupiter, ameutez les Jupiters !" . Notre Jupiter national en est réduit s'occuper de "remaniements" de basse-cour, il reste loin de gouverner l'opinion .

Macron exhorte à l'audace pour réveiller l'Europe

https://www.ouest-france.fr/politique/emmanuel-macron/mac...

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

26 décembre 1767

Sur une lettre que frère Damilaville m'a écrite 1, j'ai envoyé, mon cher frère, chercher dans tout Genève les lettres qui pouvaient vous être adressées; on n'a trouvé que l'incluse. Vous savez que je ne vais jamais dans la ville sainte où Jésus-Christ ne passe pas plus pour Dieu que Riballier et Coger ne passent à Paris pour être des gens d'esprit et d'honnêtes gens. Je ne sais quel démon a soufflé depuis quinze ans sur les trois quarts de l'Europe, mais la foi est anéantie. Mon cœur en est aussi navré que le vôtre. Les jansénistes sont aussi méprisés que les jésuites sont abhorrés. La totale interruption du commerce entre Genève et la France a empêché vos sages lettres sur les jansénistes 2 d'entrer dans le royaume. La douane des pensées les a saisies à Lyon. L'imprimeur jette les hauts cris, et s'en prend à moi. Consolons-nous; un temps viendra où il sera permis de penser en honnête homme.

J'ai écrit, il y a longtemps, à M. le duc de Choiseul, en faveur de frère Damilaville; point de réponse. Un Crommelin, agent de Genève, qui va tous les mardis dîner à Versailles, avec deux laquais à cannes derrière son fiacre, a persuadé aux premiers commis que je prenais le parti des représentants 3. C'est comme si on disait que vous favorisez les capucins contre les cordeliers. Il y a deux ans que je ne bouge de ma chambre, et trois mois que je suis dans mon lit ; mais nous autres pauvres diables de gens de lettres nous sommes faits pour être calomniés.

Ne voilà-t-il pas encore qu'on m'impute une épigramme contre la maîtresse et les vers de M. Dorat ? Cela est très-impertinent 4 ; je ne connais ni sa maîtresse, ni les vers qu'il a faits pour elle. Ce qui me fâche le plus, c'est que les cuistres, les fanatiques, les fripons, sont unis, et que les gens de bien sont dispersés, isolés, tièdes, indifférents, ne pensant qu'à leur petit bien-être; et, comme dit l'autre 5, ils laissent égorger leurs camarades, et lèchent leur sang. Cela n'empêchera pas M. Chardon de rapporter l'affaire des Sirven ; c'est un nouveau coup de massue porté au fanatisme, qui lève encore la tête dans la fange où il est plongé. Hercule, ameutez des Hercules. Encore une fois, c'est l'opinion qui gouverne le monde, et c'est à vous de gouverner l'opinion.

Qui vous aime et qui vous regrette plus que moi? Personne. »

1 L'édition de Kehl omet ces neuf premiers mots de la lettre selon la ligne de conduite constante qui consiste à dissimuler le rôle particulier de Damilaville dans la correspondance .

2 Et surtout sur les jésuites, comme on le sait .

3 Voir lettre du 14 décembre 1767 à Taulès : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/07/06/m-6451042.html

5 La Bible ne parle de lécher le sang qu'au Troisième livre des Rois, chapitre xxi, verset 19; et dans le Livre de Job, chapitre xxxix, v. 30. (Beuchot.)

Voir : https://emcitv.com/bible/1-rois-3-19-segond_21.html

et https://www.aelf.org/bible/Jb/39

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20/07/2023 | Lien permanent

Il en sera toujours d’une tragédie comme de toutes les affaires de ce monde : il faut choisir entre les inconvénients le

... D'où les négociations et accords russo-turco-ukrainiens . Crainte de famines possibles avec leurs désordres sociaux inévitables et nécessité de remplir les tiroirs-caisses sont de puissants moteurs , tant pour l'agresseur que l'agressé : il faut se "faire du blé ! "

 

 

« A Bernard-Louis Chauvelin

23è février 1767 à Ferney

Je suis partagé, monsieur, entre la reconnaissance que je vous dois et l’admiration où je suis qu’au milieu de vos occupations, et même de vos dissipations, vous ayez pu faire un plan si rempli de génie et de ressources. Nous convenons qu’il est l’ouvrage d’un esprit supérieur. Vous me direz : pourquoi ne l’adoptez-vous donc pas ? Vous en verrez les raisons dans le petit mémoire que nous envoyons à M. et à Mme d’Argental.

Mme Denis, M. et Mme de La Harpe, nos acteurs et moi, nous avons retourné de tous les sens ce que vous nous proposez. Nous nous sommes représenté vivement l’action, et tout ce qu’elle comporte, et tout ce qu’elle doit faire dire ; nous sommes tous d’un avis unanime ; nous osons même nous flatter que, quand vous verrez nos raisons déduites dans notre mémoire, elles vous paraîtront convaincantes.

Il est vrai que, malgré toutes nos raisons, nous tremblons d’avoir tort lorsque nous disputons contre vous. Nous sentons bien qu’il y a quelque chose de hasardé dans ce cinquième acte, mais nous ne pouvons juger que d’après l’impression qu’il nous laisse. Nous le jouons, et il nous fait un effet terrible.

Comment voulez[-vous] que nous abandonnions ce qui nous touche pour un plan qui, tout ingénieux qu’il est, nous paraît avoir des difficultés insurmontables ? Il en sera toujours d’une tragédie comme de toutes les affaires de ce monde : il faut choisir entre les inconvénients les moins grands. Il y aura sans doute des critiques ; Zaïre, Mérope, Tancrède, etc., en ont essuyé beaucoup, et le Siège de Calais a inspiré le plus grand enthousiasme. Il faut se soumettre à cette bizarrerie des hommes : mais nous sommes tous persuadés que la chaleur du cinquième acte doit l’emporter sur toutes les critiques qu’on fera de sang-froid.

Le spectateur assurément se doute bien, dans la tragédie d’Olympie, que cette Olympie se jettera dans le bûcher de sa mère ; et c’est précisément ce doute qui inspire la curiosité et l’attendrissement. Il est dans la nature humaine de vouloir voir comment les choses qu’on devine seront accomplies. C’est ce que nous détaillons dans notre mémoire, que nous vous supplions de lire avec impartialité.

Pour moi, je me défie de mes idées ; j’aime et je respecte les vôtres autant que votre personne. C’est avec timidité et avec honte que je suis d’un autre avis que vous ; mais enfin il ne faut jamais, dans aucun art, travailler contre son propre sentiment, comme en morale il ne faut point agir contre sa conscience : on est sûr alors de travailler très mal ; l’enthousiasme est entièrement éteint, l’esprit, mis a la gêne, perd toute son élasticité. On écrit raisonnablement, mais froidement. En un mot, lisez nos représentations, et jugez.

Je crois avoir d'ailleurs des remerciements à vous faire ; les fermiers généraux m'ont promis de destituer l'employé dont nous avions tant à nous plaindre ; c'est sans doute à vous que nous en avons l'obligation 1.

Agréez, monsieur, mon tendre et respectueux attachement pour vous, pour Mme de Chauvelin, et pour tout ce qui vous appartient.

N. B.-- Depuis ma lettre écrite, nous avons joué la pièce ; le cinquième acte a fait plus d’effet que les autres, et on a répandu beaucoup de larmes. »

1 Ce paragraphe omis dans la copie Beaumarchais-Kehl manque dans toutes les éditions .

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23/07/2022 | Lien permanent

Il y a des cas où l’on doit plus faire entendre qu’on en dit

...

 

« A Jean-Baptiste-Jacques Élie de Beaumont , Avocat au

Parlement rue pavée Saint-André-des-Arts

à Paris.

13 Avril 1767  1

Je reçois, mon cher Cicéron, votre lettre non datée, avec le procès-verbal de la célèbre servante 2. Je vais répondre à tous vos articles.

Je ne crois pas qu’il m’appartienne de parler dans ma lettre 3 de la conduite du parlement de Toulouse. J’ai voulu et j’ai su me borner aux faits dont je suis témoin. C’est à vous qu’il sied bien de faire voir l’outrage que le parlement de Toulouse a fait au Conseil, en refusant d’exécuter son arrêt. Ce que vous en dites est d’autant plus fort, que vous l’avez dit avec le ménagement convenable. Le Conseil a senti tout ce que vous n’avez pas exprimé. Il y a des cas où l’on doit plus faire entendre qu’on en dit, et c’est un des grands mérites de votre mémoire . C’est ce qui pourra surtout ramener M. Daguesseau, qui n’aime pas l’éloquence violente.

J’ai eu mes raisons dans tout ce que je vous ai écrit. Si j’ai le bonheur de vous tenir à Ferney, vous apprendrez à connaître mes voisins. La grandeur d’âme est dans le pays conquis autrefois par Gengis-kan 4.

Je ne peux faire signer votre mémoire par les Sirven que quand il me sera parvenu. Je vous ai déjà mandé 5 que toute communication était interrompue entre Lyon et mon malheureux pays.

Si vous trouvez que ma lettre puisse être bien reçue du public, telle que je l’ai envoyée en dernier lieu à M. Damilaville, ôtez les mots consigné entre vos mains ; et mettez : l’argent qu’on leur offrait pour leurs honoraires . Mettez : le conseil de Berne, au lieu de Berne ; le conseil de Genève, au lieu de Genève ; et tout sera dans la plus grande exactitude. Il faut rendre à chacun selon ses œuvres, et Mme la duchesse d’Anville et Mme de Geoffrin ne doivent pas être frustrées des éloges dus à leur générosité.

Quant à M. Coquelet, il est très sûr qu’il a eu le malheur d’être l’approbateur de Fréron ; c’est être le recéleur de Cartouche. Mais on dit qu’il a abdiqué depuis longtemps un emploi si odieux et si indigne d’un avocat. On m’assure que c’est un nommé d’Albaret qui lui a succédé et qui a été réformé ; si cela est, je transporte authentiquement à d’Albaret, et par devant notaire s’il le faut, l’horreur et le mépris qu’un approbateur de Fréron mérite . Mais je ne transporterai jamais mon estime et ma tendre amitié pour vous à qui que ce soit dans le monde. Je vous garde ces deux sentiments pour jamais. »

1 L'édition de Kehl date de 1765 d'après la copie Beaumarchais ; Beuchot rectifie en ajoutant en post scriptum la lettre du 13 août 1765 ; voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/12/04/j-apprends-la-justice-qu-on-a-rendue-a-celui-qui-eclaire-la-justice-et-qui.html

3 Voir la lettre ostensible donnée à propos de la lettre du 21 mars 1767 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/09/07/il-est-dangereux-il-detruirait-absolument-le-pouvoir-des-ecclesiastiques-av.html

4 Il s'agit de la Russie, et non la Chine , comme le disent les éditeurs antérieurs à Besterman .

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08/10/2022 | Lien permanent

Il n'y a de bon, ce me semble, que ce qu'on peut relire sans dégoût

... Voltaire à ce titre est indéniablement bon .

Qu'en est-il de mon blogounet ?

 enfant-atelier-du-goût.jpg

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise du DEFFAND
12è avril 1760 aux Délices .
Je ne vous ai envoyé, madame, aucune de ces bagatelles dont vous daignez vous amuser un moment 1. J'ai rompu avec le genre humain pendant plus de six semaines ; je me suis enterré dans mon imagination ; ensuite sont venus les ouvrages de la campagne, et puis la fièvre. Moyennant tout ce beau régime, vous n'avez rien eu, et probablement vous n'aurez rien de quelque temps.
Il faudra seulement me faire écrire : « Madame veut s'amuser, elle se porte bien, elle est en train, elle est de bonne humeur, elle ordonne qu'on lui envoie quelques rogatons; » et alors on fera partir quelques paquets scientifiques, ou comiques, ou philosophiques, ou historiques, ou poétiques, selon l'espèce d'amusement que voudra madame, à condition qu'elle les jettera au feu dès qu'elle se les sera fait lire.
Madame était si enthousiasmée de Clarisse 2 que je l'ai lue, pour me délasser de mes travaux, pendant ma fièvre ; cette lecture m'allumait le sang. Il est cruel, pour un homme aussi vif que je le suis, de lire neuf volumes entiers dans lesquels on ne trouve rien du tout, et qui servent seulement à faire entrevoir que Mlle Clarisse aime un débauché nommé M. de Lovelace. Je disais : Quand tous ces gens-là seraient mes parents et mes amis, je ne pourrais m'intéresser à eux. Je ne vois dans l'auteur qu'un homme adroit qui connaît la curiosité du genre humain, et qui promet toujours quelque chose de volumes en volumes, pour les vendre. Enfin j'ai rencontré Clarisse dans un mauvais lieu, au dixième volume, et cela m'a fort touché.
La Théodore de Pierre Corneille, qui veut absolument entrer chez la Fillon 3, par un principe de christianisme, n'approche pas de Clarisse, de sa situation et de ses sentiments ; mais, excepté le mauvais lieu où se trouve cette belle Anglaise, j'avoue que le reste ne m'a fait aucun plaisir, et que je ne voudrais pas être condamné à relire ce roman. Il n'y a de bon, ce me semble, que ce qu'on peut relire sans dégoût. Les seuls bons livres de cette espèce sont ceux qui peignent continuellement quelque chose à l'imagination, et qui flattent l'oreille par l'harmonie. Il faut aux hommes musique et peinture, avec quelques petits préceptes philosophiques, entremêlés de temps en temps avec une honnête discrétion. C'est pourquoi Horace, Virgile, Ovide, plairont toujours, excepté dans les traductions qui les gâtent.
J'ai relu, après Clarisse, quelques chapitres de Rabelais, comme le combat de frère Jean des Entommeures 4, et la tenue du conseil de Picrochole 5 (je les sais pourtant presque par cœur) ; mais je les ai relus avec un très-grand plaisir, parce que c'est la peinture du monde la plus vive.
Ce n'est pas que je mette Rabelais à côté d'Horace ; mais si Horace est le premier des faiseurs de bonnes épîtres, Rabelais, quand il est bon, est le premier des bons bouffons. Il ne faut pas qu'il y ait deux hommes de ce métier dans une nation ; mais il faut qu'il y en ait un. Je me repens d'avoir dit autrefois 6 trop de mal de lui.
Il y a un plaisir bien préférable à tout cela : c'est celui de voir verdir de vastes prairies et croître de belles moissons ; c'est la véritable vie de l'homme, tout le reste est illusion.
Je vous demande pardon, madame, de vous parler d'un plaisir qu'on goûte avec ses deux yeux ; vous ne connaissez plus que ceux de l'âme. Je vous trouve admirable de soutenir si bien votre état ; vous jouissez au moins de toutes les douceurs de la société 7. Il est vrai que cela se réduit presque à dire son avis sur les nouvelles du jour, et il me semble qu'à la longue cela est bien insipide. Il n'y a que les goûts et les passions qui nous soutiennent dans ce monde. Vous mettez à la place de ces passions la philosophie, qui ne les vaut pas ; et moi, madame, j'y mets le tendre et respectueux attachement que j'aurai toujours pour vous. Je souhaite à votre ami 8 de la santé, et je voudrais qu'il se souvînt un peu de moi. »

1 « Ce que vous appelez vos rogatons, monsieur, m'ont fait un grand plaisir, surtout le chant de La Pucelle ; vous en avez encore deux autres , vous me les avez fait espérer et je les attends avec impatience . Vous devriez bien m' envoyer des articles du dictionnaire de vos idées . », ainsi commence la lettre du 24 mars 1760 de la marquise à laquelle répond V* . Plus loin , elle dit : « Je reviens à votre nouveau chant de La Pucelle . La peinture de l'Anglais et de l'Anglaise, et le contraste de leur caractère au nôtre est charmant ; ne me faites point attendre longtemps le reste . Envoyez-moi aussi quelques articles de votre dictionnaire . Je vous le demande à deux genoux ; ayez soin de mon amusement . »

2 V* dans sa lettre du 13 octobre 1759 disais : « je ne vous passe point de vouloir me faire lire les romans anglais » et la marquise lui réponds le 28 octobre 1759 : « Je ne vous parle plus des romans anglais, sûrement ils vous paraitraient trop longs ; il faut peut-être n'avoir rien à faire pour se plaire à cette =lecture , mais je trouve que ce sont des traités de morale en actions qui sont très intéressants et peuvent être fort utiles ; c'est Paméla,Clarisse et Grandissonn ; l'auteur est Richerson , il me paraît avoir bien de l'esprit . »

La fameuse History of Clarissa Harlowe, de Samuel Richardson, fut traduite par l'abbé Prévost sous le titre de Lettres anglaises ou Histoire de miss Clarisse Harlove, 1751-1752 ; voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Clarisse_Harlowe

.

  1. 3La Fillon tenait une maison de tolérance sous la Régence .Voir : http://autourduperetanguy.blogspirit.com/archive/2010/07/14/la-presidente-fillon.html

4 Gargantua, livre I, chap. XXVII. ; voir : https://www.youtube.com/watch?v=RTy6S4SgdXY

6 Dans le Temple du Goût,( http://www.monsieurdevoltaire.com/search/temple%20du%20go... ) Voltaire réduisait l'ouvrage de Rabelais tout au plus à un demi-quart. Il en avait dit bien plus de mal dans la 22e de ses Lettres philosophiques :http://fr.wikisource.org/wiki/Lettres_philosophiques#VINGT-DEUXI.C3.88ME_LETTRE_SUR_M._POPE_ET_QUELQUES_AUTRES_PO.C3.88TES_FAMEUX.

7 « J'ai un très joli logement fort commode, je ne sors que pour souper, je ne découche jamais et je ne fais point de visites . Ma société n'est pas nombreuse, mais je suis persuadée qu'elle vous plairait […] J'ai vu pendant quelques temps plusieurs savants et gens de lettres ; je n'ai pas trouvé leur commerce délicieux . J'irais volontiers aux spectacles s'ils étaient bons, mais ils sont devenus abominables ; l'opéra est indigne et la comédie ne vaut guère mieux , elle est fort peu au dessus d'une troupe bourgeoise ; et le jeu naturel que M. Diderot a prêché, a produit le bon effet de faire jouer Agrippine avec le ton d'une harengère : ni Mlle Clairon ni M. Lekain ne sont de vrais acteurs , ils jouent tous d'après leur naturel et leur état, et non pas d'après celui du personnage qu'ils représentent . Le comique vaut mieux, Mlle Dangeville est excellente, et Préville charmant quoiqu'un peu uniforme . » : lettre déjà citée .

8 Le président Hénault.

 

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07/04/2015 | Lien permanent

Il est bon de fixer le public par un nom, de peur que le mien ne vienne sur la langue. Vous êtes charmant, continuez la

... Et vous M. Sarkozy, et vous M. Estrosi , taisez-vous, vous devenez puants à force de mauvaise foi . Un prêtre est mort, ses assassins aussi, taisez-vous !

"Le gouvernement n'a pas fait tout ce qui était nécessaire" dit le petit Nicolas , et qu'a-t-il fait lui président ? Avait-il fait le nécessaire en 1993 dans sa commune de Neuilly pour empêcher un cinglé de prendre en otages les enfants d'une école maternelle ?

"Pourquoi n'a-t-on pas mis de plots en ciment pour bloquer l'accès de la Promenade des Anglais ?" s'obstine à répéter Christian qui joue au calife gominé . Eh oui ! pourquoi ? Et bien mon cher, ce genre de plots n'arrête qu'à peine une voiture et ne gène qu'un instant un poids lourd lancé  tel que celui du 14 juillet, faites l'essai et vous verrez bien si je dis des âneries ( je peux avoir le témoignage des gens du voyage -si bien nommés- qui se font fort de déplacer les dits plots sans se fouler la rate s'ils ont envie de se garer illégalement ) .

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Est-ce suffisant à vos yeux, d'élu et d'ex-président, qui bénéficiez d'une garde rapprochée à nos frais ?

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

24 august [1761] 1

Qu’est-ce que c’est donc que cette humeur qui persécute mon ange sur son visage et sur sa main ? pourquoi mon ange ne vient-il pas à Genève ? Il y a plus de six mois qu’il doit être entre les mains des médecins de Paris ; ne doit-il pas savoir à quoi s’en tenir ? Tronchin est le premier homme du monde pour ces maux-là. Le duc de Villars est venu porter sa misère aux Délices . On disait qu’il y mourrait ; il se porte bien au bout de quinze jours. L’abbé d’Héricourt 2, gourmand de la grand’chambre, s’est tué pour s’être baigné les jambes dans le lac, avec une indigestion ; mais les gens sages vivent.

Je prévois que vous viendrez aux Délices, et que je serai le plus heureux des hommes ; oui, mes anges, vous y viendrez.

Vous devez à présent savoir à quoi vous en tenir sur Pierre et Marie Corneille. Je me donnerai bien de garde de faire imprimer un programme avant d’avoir fait ma recrue de têtes couronnées ; et quant aux particuliers, c’est à prendre ou à laisser. Je ne me mêlerai que de bien travailler.

Ceux qui chipotent et qui s’en vont disant : l’aurons-nous in-4° ? l’aurons-nous in-8° ? aurons-nous pour deux louis 8 ou 10 volumes (avec trente-trois estampes) qui coûteraient dix louis, et qui ne pourraient paraître que dans trois ans  sont de plaisantes gens . Mais c’est l’affaire des Cramer, et non la mienne . Je ne me charge que de me tuer de travail, et de souscrire.

J’ai découvert enfin qui est l’auteur du Droit du Seigneur, ou l’Écueil du Sage ; c’est M. Le Goût 3, jeune maître des comptes de Dijon, et de plus académicien de Dijon. Il est bon de fixer le public par un nom, de peur que le mien ne vienne sur la langue. Vous êtes charmant, continuez la mascarade.

Voici un petit renfort que maître Le Goût m'envoie, c'est :

1ère scène du 3

Le Chevalier

Les plus prudents se laissent captiver,

Et le vrai sage est encore à trouver.

Craignez surtout le titre ridicule

De philosophe .

Le marquis

Oh l'étrange scrupule !

Ce noble nom, ce nom tant combattu,

Que veut-il dire ? Amour de la vertu.

Le fat en raille avec étourderie .

Le sot le craint, le fripon le décrie.

L'homme de bien dédaigne les propos

Des étourdis, des fripons et des sots.

Et ce n'est pas sur les discours du monde

Que le bonheur et la vertu se fondent.

Écoutez-moi ; je suis las aujourd'hui 4.

etc.

Cela fera plaisir aux cacouacs, et maître Le Goût est un brave homme .5

Divins anges, tout ce que vous me dites de la compagnie indienne est bel et bon ; mais il est dur de vendre sept cents francs ce qu’on a acheté quatorze cents. Voilà le nœud, voilà le mal, et ce mal n’est pas le seul.

Comme j’ai aujourd’hui quinze lettres à écrire, et Pertharite à achever, je m’arrache au doux plaisir d’écrire à mes anges, et je finis en remerciant M. le comte de Choiseul pour la dame du Frenay, qui est grosse comme la tonne d’Heidelberg.

Est-il vrai que frère Menoux soit condamné aux galères 6 par le parlement [de] Nancy ? cela serait curieux ; mais il y a peu de ports de mer en Lorraine.

Voilà donc M. l’abbé coadjuteur grand-chambrier 7. Les jésuites lui doivent un compliment.

Mille tendres respects.

V. »

1 Date complétée par d'Argental .

3 Ce nom est celui inspiré par le véritable académicien de Dijon : Bénigne Legouz de Gerland : https://fr.wikipedia.org/wiki/B%C3%A9nigne_Le_Gouz_de_Gerland

4 Ce passage est effectivement dans l'acte III, sc. 1 du Droit du seigneur : voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-theatre-le-droi...

5 Tout ce qui précède depuis Voici un petit renfort … est omis dans l'édition de Kehl et suivantes . A propos des cacouacs, voir lettre du 5 janvier 1758 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/03/13/ils-me-donnent-quelquefois-des-articles-peu-interessants-a-f.html

6 Fausse nouvelle . V* a omis le [de] avant Nancy .

7 Selon l'édition Bestermann, le prince Louis de Rohan qui vient d'être élu à l'Académie Française le 27 avril 1761 .

Selon Georges Avenel  (et cette option me convient mieux): l'abbé Henri-Philippe de Chauvelin qui le 17 avril et 8 juillet 1761 fit deux discours dénonçant la doctrine pernicieuse des « soi-disant jésuites » et publia la Réplique aux apologies des jésuites ; voir : https://books.google.fr/books?id=0oYSh_qIyP4C&pg=PA218&lpg=PA218&dq=abb%C3%A9+chauvelin&source=bl&ots=J5CJDC8DPC&sig=EdaYHWGqq3jb4ROFK-QEbziLoGo&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiItb232pTOAhVBBBoKHXnYDGw4ChDoAQg0MAQ#v=onepage&q=1761&f=false

 

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28/07/2016 | Lien permanent

les exceptions rares n’ôtent rien à la force des lois générales

... L'exemple cité par Voltaire peut être rapproché de notre actualité . Aussi, un malade du Covid-19 guéri et à nouveau touché, sévèrement, ne doit pas être considéré comme statistiquement significatif et faire craindre à tous une récidive , qu'on croyait peu probable, sinon  impossible dans un bref délai , et de même n'hésitons pas à nous faire vacciner , une protection à 50% est toujours mieux qu'un risque à 100% . Enfin, c'est vous qui voyez !

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Ne pas manquer ce soir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2021/02/information-sur-france-2-ce-soir-suite-des-aventures-au-jeune-voltaire.html

 

 

« À Marie de Vichy de Chamrond, Marquise Du Deffand

16è octobre1765 1

J’ai vu, madame, votre Écossais 2, qui aurait droit d’être fier comme un Écossais, si on pouvait être fier en proportion de ses connaissances et de son mérite. Il m’a dit que, malgré la mélancolie dont vous me parlez, vous conservez une imagination charmante dans la société. Il n’y a point de dédommagement pour les deux yeux, mais il y a de grandes consolations.

Voici bientôt le temps où je vais perdre la vue ; mes détestables fluxions me reprennent dans l’automne et l’hiver ; je suis précisément comme Pollux, qui ne voyait le jour que six mois de l’année. Nous avons beaucoup parlé de vous et de M. le président Hénault ; vous savez bien que je m’intéresserai tendrement à l’un et à l’autre jusqu’au dernier moment de ma vie. Il me manda, par sa dernière lettre, que tout doit finir, rien n’est plus vrai : tous les êtres animés ne sont nés qu’à cette condition ; mais il faut bien se souvenir que Cicéron, qui était premier président du parlement de Rome, dit souvent dans ses lettres, et quelquefois même au sénat romain, que la mort n’est que la fin des douleurs 3. César, qui a conquis et gouverné votre pays des Velches, pensait de même, et ces deux messieurs valaient bien le Père Elisée 4. En attendant, il faut s’amuser. Mme de Florian, ma nièce, vous fera tenir, avec cette lettre, quelques feuilles imprimées 5 que j’ai trouvées chez un curieux. Il y a une lettre sur Mlle de Lenclos écrite à un ministre huguenot, qui pourra vous égayer quelques minutes. Il y a quelques chapitres de métaphysique qui pourront vous ennuyer, et d’autres où l’on ne dit que des choses que vous savez, et que vous dites beaucoup mieux.

J’y joins un autre ouvrage qu’on appelle le Dictionnaire philosophique. Des méchants me l’ont imputé ; c’est une calomnie atroce dont je vous demande justice. Je suis fâché qu’un livre si dangereux soit si commode pour le lecteur ; on l’ouvre et on le ferme sans déranger les idées. Les chapitres sont variés comme ceux de Montaigne, et ne sont pas si longs. On m’assure que cette édition-ci est plus ample et plus insolente que toutes les autres 6. Je ne l’ai pas vue ; vous en jugerez , et je la condamne s’il y a du mal. Je vous dirai cependant, à ma honte, que j’aime assez en général tous ces petits chapitres qui ne fatiguent point l’esprit.

Je vais faire chercher encore une pucelle pour vous amuser ; mais je doute que j’aie le temps de la trouver avant le départ de Mme de Florian. On trouve rarement des pucelles chez ces marauds d’huguenots de Genève ; je ne sors jamais de chez moi, et je m’en trouve bien . On a tous ses moments à soi ; et la vie est si courte qu’il n’en faut pas  perdre un quart d’heure.

Je suis fâché que vous preniez en aversion mes pauvres philosophes ; si vous croyez qu’ils marchent un peu sur mes traces, je vous prie de ne pas battre ma livrée.

Je sais toute l’histoire de la petite vérole de Mme la duchesse de Boufflers 7. S’il était vrai qu’elle eût été en effet bien inoculée, et qu’elle eût eu la petite vérole naturelle après l’artificielle, cela serait triste pour elle. Mais ce serait un exemple unique entre vingt mille , et les exceptions rares n’ôtent rien à la force des lois générales.

Je n’étais pas instruit de la maladie de Mme la duchesse de Luxembourg. Elle n’a point répondu à une lettre qui méritait assurément une réponse 8; mais je m’intéresserai toujours à elle comme si elle répondait. Adieu, madame ; je vous aimerai toujours sans la plus légère diminution. Je souhaite que vous soyez la moins malheureuse qu’on puisse être sur ce ridicule petit globe.

V.

Je vous demande en grâce de ne laisser prendre aucune copie de mes lettres . »

1 L'édition de Kehl, suivie des autres éditions, omet le post scriptum . On ne connait pas la lettre envoyée par Mme Du Deffand .

2 Sir James Macdonald of Sleat, comme le confirment une de ses lettres à même Du Deffand du 16 octobre 1765 de Genève, et la réponse de Mme Du Deffand à Voltaire du 28 octobre 1765 [en fait du 26]. James Mac-Donald, baronnet, mort à Frescati en Italie le 26 juillet 1766, âgé d’environ vingt-quatre ans ; voyez la Correspondance de Grimm, 1er septembre 1766 (https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1765/Lettre_5967).

3 Douglas A. Day, dans « Voltaire and Cicero », article paru dans la revue de littérature comparée, janvier-mars 1965, suggère que V* pense ici au rejet de la vie après la mort formulé par Cicéron dans Pro Cluentio, CLXXI .

4 Jean-François Copel, prédicateur à la mode, connu sous le nom du Père Élisée, était un carme qui prêcha avec quelque succès. Il va bientôt prononcer , en mai 1766, l'Oraison funèbre de [...] Stanislas I , roi de Pologne ( https://books.google.fr/books?id=FinHzWciS2cC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

).Ses sermons sont imprimés . Né à Besançon en 1726, il mourut à Pontarlier en 1783.

5 Certainement le tome III des Nouveaux Mélanges, ouvrant par le morceau Sur mademoiselle de Lenclos : https://fr.wikisource.org/wiki/Sur_Mlle_de_Lenclos/%C3%89dition_Garnier

6 Ces additions consistaient en huit articles : Catéchisme du jardinier, Enthousiasme, Liberté de penser, Nécessaire, Persécution, Philosophie, Sens commun, et Tolérance (seconde section). Une autre édition fut encore augmentée de seize articles ; voir L’Avertissement de Beuchot : https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_philosophique/Garnier_(1878)/Avertissement_de_Beuchot

7 L’inoculation n’avait produit sur Mme de Boufllers aucune fièvre, ainsi que l’explique le docteur Gatti dans une Lettre imprimée dans la Gazette littéraire du 1er septembre 1765, et contenant l’histoire de l’inoculation de Mme de Boufflers : « Lettre de M. Gatti, médecin consultant du roi , à M.*** » ; voir note en page 4 : https://books.google.fr/books?id=gThCAAAAcAAJ&pg=RA1-PA4&lpg=RA1-PA4&dq=Lettre+de+M.+Gatti,+m%C3%A9decin+consultant+du+roi+,+%C3%A0+M.***+1765&source=bl&ots=bgJP9EXKb2&sig=ACfU3U1_Cc7vnmxBc0VkPwENS1hgso3Cmg&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiKgvXpounuAhUKjRQKHdITCaEQ6AEwBHoECAUQAg#v=onepage&q=Lettre%20de%20M.%20Gatti%2C%20m%C3%A9decin%20consultant%20du%20roi%20%2C%20%C3%A0%20M.***%201765&f=false

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15/02/2021 | Lien permanent

je n'aurai pas je crois le courage d'importuner le roi une seconde fois . Il m’enverrait promener, et il aurait raison

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courrier-international-3.jpg

 

 OK! OK! c'est déja fait, mais bon, une présentation sympa des évènements n'est pas à négliger .

 http://www.minutebuzz.com/2012/09/27/courrier-international-visuels-nouvelle-formule/

 

« À Charles de Brosses, baron de Montfalcon

3 juin [1759]

Quand je demandai, monsieur, il y a quelques semaines un brevet du roi en faveur de ma nièce à qui j'ai donné Ferney, je n'osai point parler de moi . Je n’eus pas l'insolence de prétendre que mon nom retentit aux oreilles du roi . Cependant on a dressé le brevet pour moi comme pour Mme Denis . Si j'avais cru être en faveur à ce point je n'aurais pas manque de faire insérer dans la patente un petit mot de confirmation pour Tournay . Ma modestie m'a perdu , et je n'aurai pas je crois le courage d'importuner le roi une seconde fois . Il m’enverrait promener, et il aurait raison . Il paraît donc qu'il n'y a d'autre ressource pour m'assurer des droits de Tournay que vos deux billets de garantie . Si ces droits vous sont personnels, vous n'avez pas dû me les assurer ; s'il sont à la terre, c'est en votre faveur que M. l’intendant de Bourgogne 1 me laissera jouir des droits de votre terre que vous m'avez vendue à vie, et dont la propriété vous demeure . Or il est clair que si les fermiers généraux peuvent m'enlever le privilège du centième denier, ils peuvent m'enlever tous les autres . Tournay par votre brevet n'est point sujet au centième , puisqu'il est décidé que les Genevois n'en doivent pas et que vous êtes censé Genevois . C’est donc votre privilège . Or vous m'avez vendu tous vos privilèges . Vous me les avez garantis . Je n'ai assurément acheté cette terre qu'à cette condition . Vous m'en avez donné votre parole d’honneur .vous êtes engagé tout autant par les bontés dont vous m'honorez . Je comte donc entièrement sur votre amitié, sur vos paroles, sur votre liaison avec M. l'intendant de Bourgogne . Je ne suis attaché à ne pas payer le 100è que dans la juste crainte que la perte de ce droit n'entraine celle de toutes les autres . Je vous avoue que j'aimerais mieux renoncer à la terre que de perdre les franchises pour lesquelles seules je l'ai achetée . Je dois être absolument privilégié comme vous, avoir permission de faire passer cent coupes, je dois ne connaître ni centième, ni capitation, ni lods et ventes, ni aucune imposition de quelque nature qu'elle puisse être . Il serait bien étrange que je fusse libre à Ferney, et esclave à Tournay . Monsieur l'intendant est de vos amis, il a paru être bien aise de notre marché . Vous pouvez aisément monsieur tirer une parole de lui qu'il ne m'inquiètera jamais sur aucun des droits dont vous avez joui . Si ce n'est pas à moi qu'il fait une grâce, c'est à vous qu'il rendra justice . C'est assez que j'aie beaucoup à me plaindre de son frère l'avocat général 2 . Son discours au parlement ne lui fait pas d'honneur . Je veux [vous avo]ir 3 l'obligation de tout ce que son frère pourra faire pour réparer la conduite fort peu raisonnable de ce magistrat . Il a crû que je m'étais expatrié, et il me semble comme à tout le monde, qu'il a parlé d'une manière très injurieuse et très injuste .

Je présume que vous n'avez pas été assez bon pour demander un privilège typographique 4 . On peut très bien parler des anciens , sans demander permission aux modernes . Que ne faites-vous imprimer chez ces unitaires de Genève ?5 Envoyez-moi vite votre manuscrit, et je vous réponds que la chose sera bientôt faite .

J'ai vu ce duc de Noya,6 di caza papale, e gran ricervatore d'antiche coyonerie . C’est un très bon homme .

Vous regrettez donc votre ancien pont-levis et votre porte par où l'on ne pouvais passer . Venez venez voir comme les choses sont aujourd'hui et j'arracherai de vous des remerciements, mais pour Dieu assurez-moi liberté, entière liberté, liberté dans laquelle je veux vivre et mourir .

Le manteau, le coït, l'huile d'onction, et la fornication d'Ooliba 7, dans Ézéchiel ne valent pas son déjeuner .8 »

1 Jean-François Joly de Fleury, 1718-1802, fut d'abord substitut du procureur général (1738) puis conseiller au parlement (1741) , il acquit en 1743 une charge de maître des requêtes et dirigea l'intendance de Bourgogne de 1749 à 1761 . Conseiller d’État semestre en 1760, il fut ministre d’État et des Finances de 1781 à 1783 . Son père Guillaume-François et son frère ainé Guillaume-François-Louis furent tous deux procureurs généraux du parlement de Paris, respectivement de 1717 à 1746 et de 1746 à 1787 .

2 Joseph Omer Joly de Fleury (1715-1810), fils de Guillaume-François, fut avocat général au Grand Conseil (1737-1746) puis au Parlement de Paris (à partir de 1746) et enfin président à mortier. Adversaire acharné des philosophes, contre lesquels il obtint l’interdiction de l’Encyclopédie et du Poème sur la loi naturelle en février 1759, l’interdiction de l’inoculation variolique en juin 1763, « Omer » a été rendu célèbre par les plaisanteries dont Voltaire l’a accablé : Voltaire l’appela le « petit singe à face de Thersite » (Pantaodai à Mlle Clairon, 1761), puis « maître Omer », et disait de lui qu’il n’était « ni Homère, ni joli, ni fleuri ». Omer Joly de Fleury prononça un réquisitoire contre le Dictionnaire philosophique en mars 1765. Voir : http://en.wikipedia.org/wiki/Joseph_Omer_Joly_de_Fleury

3 Le papier du manuscrit est abimé .

4 Le mot est ajouté au-dessus de la ligne .

7 Histoire d'Ooliba qui fera grande fortune sous la plume de V* ; Ézéchiel, XXIII : http://bible.catholique.org/livre-d-ezechiel/4827-chapitr... . Voir lettre de septembre -octobre 1759 à Mme d'Epinay : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/10/08/je-recommande-l-infame-a-votre-sainte-haine.html

8 Cette phrase est ajoutée au bas de la page ; à propos du déjeuner d'Ézéchiel, voir : http://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_philosophique/La_Raison_par_alphabet_-_6e_ed._-_Cramer_%281769%29/D%E2%80%99Ez%C3%A9chiel

 

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23/07/2014 | Lien permanent

La comédie du Bordel

 Les cloches ont sonné à Notre Dame-Saint André, la messe est dite ; il y a déja quelque temps que ça ne manque plus ! Il y a trop de ce qu'un aimable curé des années cinquante appelait des catholiques en peau de lapin ( vous avez sans doute compris l'allusion et le parallèle entre la belle fourrure et l'ersatz). Je suis las du préchi-précha et des chants languissants, du cérémonial immuable, figé comme l'attitude des dirigeants du clergé catholique. Je ne crois plus, ou plutôt je n'ai jamais cru réellement, à la transsubstantiation, ou alors d'une façon très poètique et générale : ostie = farine = blé = matière qui comme toute matière peut avoir été créée par Dieu et tirée de lui-même ! Tenons nous -en aux faits ! C'est déjà assez merveilleux (parfois ) comme ça.Vivons dans le bordel ambiant du mieux que nous pourrons...

 

 

Lettre d'un déiste convaicu, qui narguait le clergé de tout son talent

 

« A Berger

 

                            Si je n’avais que la Henriade à corriger, vous l’auriez déjà, mon cher plénipotentiaire ; mais j’ai bien des occupations et peu de temps. Vous n’aurez la Henriade que vers la fin de ce mois. Je confie avec plaisir aux soins du meilleur critique de Paris le moins mauvais de mes ouvrages. Vous serez le parrain de mon enfant gâté [ édition 1737, Londres, qui sera préfacée par Linant ; Thiriot et Berger s’étant désistés]. M. Thiriot approuve mon choix et partage ma reconnaissance. Pour vous, mon cher correspondant, voulez-vous bien envoyer chez M. Demoulin les livres nouveaux dont vous croyez la lecture digne de la déesse de Cirey ? Vous n’en enverrez guère et cela ne nous ennuiera pas.

 

                            J’ai prié M. Thiriot de chercher le nouveau recueil fait par Saint-Hyacinthe.[Recueil de divers écrits sur l’amour et l’amitié, la politesse, la volupté, les sentiments agréable, l’esprit et le cœur ; 1736]

 

                            On parle d’une ode de Piron sur les miracles [Les Miracles]. Le nom de Piron est heureux pour un sujet où il faut au moins douter. Si le Piron français est aussi bon poète que le Pyrrhon grec était sensé philosophe, son ode doit être brûlée par l’inquisition. Ayez je vous prie, la bonté de me l’envoyer.

 

                            On me mande que Bauche va imprimer Alzire [approbation du 28 mars 1736]. Je lui ai envoyé, il y a quinze jours, Zaïre corrigée pour en faire une nouvelle édition [approbation du 31 mars 1736]. Ce sera peut-être lui que vous choisirez pour l’édition de la Henriade ; mais c’est à condition qu’il imprimera toujours Français avec un a  et non avec un o, il n’y a que l’Académie qui prononce le nom de notre nation comme celui du fondateur des Capucins.

 

                            J’ai trouvé l’opéra de M. de La Bruère [Les Voyages de l’Amour, Leclerc de La Bruère] plein de grâces et d’esprit. Je lui souhaite un musicien aussi aimable que le poète, [musique de Bodin de Boismortier, 3 mai 1736].

 

                            J’ai écrit au gentil Bernard, [Pierre-Joseph Bernard] pour le prier de m’envoyer ce qu’il aura fait de nouveau. Adieu, l'ami des arts et le mien.

 

 

Bordel.jpg

 

                            P.-S. – La comédie du Bordel [Le Bordel ou le Jean-Foutre débauché , 1736, publié sous le nom de « M. de F… enc… »,= Charles-François Racot de Grandval ou de Caylus ] est de M. de Caylus. Voulez-vous bien me la faire tenir ? Envoyez – la chez Demoulin. Je ferai le bien que je pourrai au petit La Marre ; mais il faudrait qu’il fût plus sage et plus digne de votre amitié, s’il veut réussir dans le monde.

 

                            Voltaire

                            Cirey 5 avril 1736. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bordel ! quelle saleté la guerre !!

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Plus cool maintenant , Toulouse Lautrec et les "Muses" (pas tout à fait celles de Voltaire !!!)

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05/04/2009 | Lien permanent

Il n’y a point assurément de façon de pisser plus noble que celle de mon héros et le cardinal chez qui vous pissâtes, n

... A chacun son héros !

* James se réserve le droit de ne pas nommer le sien (ça commence par V) .

Art et culture 2.....Qu'est-il passé par la tête des auteurs de ces statues  bizarres ? - Frawsy

Tête à tête avec distanciation sociale réglementaire : au moins deux jets de pisse .

Petite récréation : http://www.frawsy.net/art-et-culture-2-qu-est-il-passe-par-la-tete-des-auteurs-de-ces-statue-a118209058

 

 

« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

8è octobre 1766 au château de Ferney

Il n’y a point assurément de façon de pisser plus noble que celle de mon héros  et le cardinal de Tencin, chez qui vous pissâtes, n’aurait pas eu votre générosité. Votre jeune homme 1 est arrivé dans mon couvent ; je l’y ai fait moine sur-le-champ ; il aura des livres à sa disposition. J’ai un ex-jésuite 2 qui a professé vingt années, et qui pourra lui donner de bons conseils sur ses études, et diriger sa conduite. J’ai le bonheur d’avoir une espèce de secrétaire 3 qui a beaucoup de mérite, et avec lequel il passera son temps agréablement. Toute notre maison vit dans une union parfaite ; il ne tiendra qu’à lui d’y être aussi consolé qu’on peut l’être quand on n’a pas le bonheur de vous faire sa cour. Il m’a paru vif, mais bon enfant . J’en aurai tous les soins que je dois à un jeune homme que vous protégez, et que vous daignez me recommander. S’il se tourne au bien, il n’aura d’obligation qu’à vos extrêmes bontés du bonheur de sa vie. C’est un enfant que le hasard vous a donné ; vous l’avez élevé et corrigé, et j’espère que vos bienfaits auront formé son cœur.

J’abuse de votre générosité, monseigneur. Puisqu’elle ne se dément point pour cet enfant, daignerez-vous l’employer pour une famille entière du pays que vous avez gouverné ? J’ai déjà pris la liberté d’implorer vos bontés pour les d’Espinas 4, gens de très bon lieu, nés avec du bien, appartenant aux plus honnêtes gens du pays, et réduits à l’état le plus cruel, après vingt-trois ans de galères, pour avoir donné à souper à un prédicant. Si on ne leur rend pas leur bien, il vaudrait mieux les remettre aux galères.

Vous pouvez avoir égaré le mémoire que j’avais eu l’honneur de vous envoyer ; souffrez que je vous en présente un second 5. Vous me demanderez de quoi je me mêle de solliciter toujours pour des huguenots . C’est que je vois tous les jours ces infortunés, c’est que je vois des familles dispersées et sans pain, c’est que cent personnes viennent crier et pleurer chez moi, et qu’il est impossible de n’en être pas ému.

On dit que vous allez chercher à Vienne une future reine. Vous ressemblez en tout au duc de Bellegarde, à cela près qu’il ne prenait point d’îles, et qu’il n’imposait pas des lois aux Anglais.

Agréez mon respect et mon attachement, qui ne finiront qu’avec ma vie.

V. »

1 Il s’appelait Claude Galien, et n'était apparemment pas fils naturel de Richelieu , et il se conduisit si mal chez Voltaire que celui-ci le renvoya honnêtement en le plaçant chez M. Hennin, résident de France à Genève. Hennin fut obligé de chasser Galien, qui se faisait appeler Galien de Salmoran (voyez les lettres à Hennin, des 4 et 13 janvier 1768 ; à Richelieu, des 6 et 22 du même mois). Galien alla en Hollande, où il publia la Rhétorique d’un homme d’esprit, 1792, in-8°., le Bréviaire des politiques, 1769 , et Le Spectacle de la nature, poème didactique, 1770 . En 1774 il sera en Russie .

Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/07/correspondance-annee-1768-partie-1.html

et : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/07/correspondance-annee-1768-partie-3.html

2 Le père Adam .

3 Jean-Louis Wagnière .

5 Voir la note de V* qu'on retrouve sur la copie Beaumarchais-Kehl  : « Affaires des religionnaires, Vivarais ; Intendance de Languedoc . Jean-Pierre Espinas, d’une honnête famille de Château-Neuf, paroisse de Saint-Félix, près de Vernons en Vivarais, ayant été vingt-trois ans aux galères pour avoir donné à souper et à coucher dans sa maison à un ministre de la religion prétendue réformée, et ayant obtenu sa délivrance par brevet du 23 de janvier 1763, se trouvant chargé d’une femme mourante et de trois enfants réduits à la mendicité, remontre très-humblement à Sa Majesté que son bien ayant été confisqué pendant vingt-six ans, à condition que la troisième partie en serait distraite pour l’entretien de ses enfants, jamais lesdits enfants n’ont joui de cette grâce. Il conjure Sa Majesté de daigner lui accorder la possession de son patrimoine, pour soulager sa vieillesse et sa famille. »

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11/01/2022 | Lien permanent

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