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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

j'attends quelque chose de mieux que vos ordres

...

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Un peu d'explications ne serait pas superflu ! dit la Russie à la France qui n'a pas (pas encore) livré le Mistral payé en son temps ; selon quelques bruits de couloir (rhodanien, vu le contexte ) on aurait essayé de leur refiler le bistrot de Plus Belle la Vie, ça n'a pas marché, pas assez de vodka dans le pastis . 

 

 

 

 

« Au marquis Francisco Albergati Capacelli

Au château de Tournay par Genève

6 novembre [1759] 1

Monsieur, une indisposition me prive de l'honneur de vous écrire de ma main . Mes marchés avec vous ne sont pas si bons que je m'en flattais, puisque ce n'est pas vous qui daignerez traduire la tragédie que vous m'avez demandée 2; vous l'auriez sûrement embellie ; nous l’avons jouée trois fois sur mon petit théâtre de Tournay , nous avons fait pleurer tous les Allobroges et tous les Suisses du pays 3; mais nous savons bien que ce n'est pas une raison pour plaire à des Italiens ; ce qui pourrait me donner quelque espérance c'est que nous avons tiré des larmes des plus beaux yeux qui soient à présent dans les Alpes, ces yeux sont ceux de madame l'ambassadrice de France à Turin ; elle a passé quelques jours chez moi avec monsieur l’ambassadeur et tous deux m'ont rassuré contre la crainte où j'étais de vous envoyer un ouvrage fait en si peu de temps . Ce ne sera qu'avec une extrême défiance de moi-même que je prendrai cette liberté . Mon théâtre se prosterne très humblement devant le vôtre ; nous savons ce que nous devons à nos maîtres . J'ai reçu La Mort de César de M. Agostini 4, j'admire toujours la fécondité et la flexibilité de votre langue, dans laquelle on peut tout traduire heureusement . Il n'en est pas ainsi de la nôtre, votre langue est la fille aînée de la latine . Au reste , j'attends vos ordres, monsieur, pour savoir comment je vous adresserai le paquet ; j'attends quelque chose de mieux que vos ordres, c'est l'ouvrage que vous avez bien voulu me promettre 5. J'ai l'honneur d'être à vous avec tous les sentiments que je vous dois

monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

gentilhomme ordinaire de la

chambre du roi

Si M. Algarotti est à Bologne, voulez-vous bien me permettre que je lui fasse mes compliments .

J'ai vu, monsieur, dans vos post-scriptum comment il faut s'y prendre pour l’envoi et j'en profiterai . »

1 Les précédentes éditions s'arrêtent à la signature .

2 Voir la lettre du 24 septembre 1759 à Capacelli : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/10/11/ma-jo-voglio-fare-un-buon-baratto-e-guadagnare-un-poco-in-qu-5465988.html

Dans sa lettre du 10 septembre 1759, Capacelli demandait à V* une tragédie inédite pour la faire représenter à Bologne .

3 Dans son numéro du 27 novembre 1759, le Public advertiser de Londres fit paraître la relation suivante : « Genève, 6 novembre . Deux jours après que l’on eût reçu ici la nouvelle de la prise de Québec, M. de Voltaire donna une grande réception dans sa maison de campagne . Le soir , la compagnie se rendit dans une magnifique galerie au bout de laquelle était dressé un élégant théâtre et une pièce nouvelle appelée Le Patriot [sic] insulaire fut représentée dans laquelle ce célèbre poète employa tout son génie et toute sa fougue pour la cause de la liberté . M. de Voltaire lui-même apparut dans le rôle principal, et tira des larmes à tous les spectateurs . Chaque scène était illustrée par divers emblèmes de la liberté, et au-dessus du théâtre il y avait l'inscription suivante en latin et en anglais : / Libertati quieti / Music sacrum / SP of the F. / La ligne en anglais signifie « en dépit des Français » [spite of the French] [traduction des deux premières lignes : consacré à la liberté/ à la paix, aux Muses ] . Après la représentation les fenêtres de la galerie s'ouvrirent d'un coup et montrèrent une cour spacieuse splendidement illuminée et ornée de trophées indiens . Au milieu de la cour un magnifique feu d’artifice fut tiré au son d'une musique martiale ; l'étoile de saint Georges vomissait d'innombrables fusées , et, en dessous, des girandoles donnaient une représentation vivante de la cataracte du Niagara . »

Or la pièce jouée n'était-elle pas Tancrède ?

5 Les deux lettres conservées d''Albergati à V*, 22 novembre 1759 et 8 septembre 1759 ne promettent expressément aucun ouvrage ; V* pense sans doute à la traduction de Sémiramis qui a été composée par Dominique Fabri en vue des représentations organisées à Bologne par Albergati .

 

 

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14/11/2014 | Lien permanent

c’est au bonheur dont je jouis que je dois la conservation de ma frêle machine

... Oh ! oui . Quel bonheur d'avoir une vignette 3 sur ma frêle machine à moteur quatre temps pour pouvoir rouler dans la capitale et autres villes d'importance . Rendez-vous compte, si j'avais encore ma vieille Deudeuche de 59, consommant 5 l au cent, je serais porteur d'une affreuse vignette grise, banni des Champs Elysées , sale pollueur de l'air de Mme Hidalgo qui , elle, ne craint pas de prendre l'avion pour ses vacances (pots catalytiques sur les réacteurs ? ça reste à inventer , je crois, non ? ).

 Deudeuche empaillée !

Deuche défunte, empaillée !

 

 

 

« A Pierre-Joseph Thoulier d'Olivet, de

l'Académie française

à Paris

26è janvier 1762 aux Délices 1

Mon cher doyen il arrive toujours quelque contre-temps dans le monde. M. d’Argental confesse avoir égaré votre lettre du 29 décembre, pendant près d’un mois. Je la reçois aujourd’hui, et je vous souhaite la bonne année, quoique ce soit un peu tard ; vivamus, Olivete, et amemus 2. J’en dis autant à mes anciens camarades MM. de La Marche et du Pelot 3. Je vous assure que j’aurais voulu être de votre dîner, eussiez-vous dit du bien de moi à mon nez ; mais, après cette orgie, je serais reparti au plus vite pour les bords de mon beau lac. Je vous avoue que la vie que j’y mène est délicieuse ; c’est au bonheur dont je jouis que je dois la conservation de ma frêle machine. Il est vrai que j’ai actuellement un petit accès de fièvre qui m’empêche de vous écrire de ma main ; mais, malgré ma fièvre, je me crois le plus heureux des hommes.

Vous avez donc présenté votre Dictionnaire 4 au roi, qui ne manquera pas de le lire d’un bout à l’autre. Je me flatte que mes confrères auront la bonté de lire mes remarques sur Héraclius, et de m’en dire leur avis ; rien ne m’est plus utile que ces consultations ; elles me mettent en garde contre moi-même, elles m’ouvrent les yeux sur bien des choses, et elles pourront enfin me faire composer un ouvrage utile.

On m’a parlé d’une comédie intitulée le Droit du Seigneur, ou l’Ecueil du Sage ; on prétend qu’elle est d’un académicien de Dijon, et qu’il y a du comique et de l’intérêt ; notre ami La Chaussée tâchait d’être intéressant pour se sauver ; mais le pauvre homme était bien loin d’être né plaisant.

Atque utinam adjuncta foret vis comica ! comme dit César d’un homme 5 qui valait mieux que La Chaussée .

Avez-vous remarqué que, depuis Regnard, il n’y a pas eu un seul auteur comique qui ait su faire parler un valet comme il faut ? Comment notre nation, qui croit être gaie, a-t-elle rendu la comédie si triste ?

Ce qui n’est pas comique, c’est la réplique de l’abbé Chauvelin à vos anciens confrères 6. Per Deos immortale 7, c’est une philippique. Le petit livre sur l’inquisition 8 est un chef-d’œuvre.

Vive carissime, et dulcissime rerum 9

V.»

1 Manuscrit autographe à partir de Ce qui n'est pas comique ; contresigné « Chammeville ».

2 Vivons Olivet et aimons .

3 Sur du Pelot, première mention dans une lettre du 23 mai 1711 à Claude-Philippe Fyot de La Marche ; on n'a pu l'identifier ; il s'agit peut-être du même condisciple que ce Pellot dont parle Beaune comme étant apparenté à la famille Leclerc de Lesseville (c'est sans doute la famille normande des Le Clerc de Lesserville) et qu'il mentionne dans une lettre adressée à Fyot le 25 juillet 1711 .

4 Voir les Registres de l'Académie française, III, 155-156, 1762 .

5 Plût au ciel que la force comique lui fût aussi accordée par surcroît ! mots attribués à César par Suétone à la fin de la Vie de Térence .

7 De par les dieux immortels .

9 Vivez, vous l'homme ô le plus cher et le plus agréable du monde .

 

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20/01/2017 | Lien permanent

Votre petite conjuration va-t-elle son train ?

... demande Emmanuel Macron à son premier ministre, démissionnaire de comédie, qui se retire derrière le rideau pour revenir aussitôt sous les applaudissements présenter les membres de la troupe qui nous donne le spectacle . Very funny ! A mes yeux : guignolesque !

Quant aux déclarations de l'opposition, de la majorité et des journalistes , je les dispense volontiers de me dire ce que je dois en penser ; je suis plus qu'énervé par les phrases qui commencent par :" Les Français pensent ceci, cela, etc., etc., et veulent ceci , cela , etc., etc.,..."

La cuisine politique est décidément bien indigeste, cauchemar en cuisine : chef Etchebest, au secours !

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Ralliez vous à mon panache ... euh  ? LREM ?!

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

14è octobre 1763

Puisque mes anges me mandent que les ennemis de la Gazette littéraire ont pris le parti d’aller à la campagne, voici une petite note pour cette gazette . Elle pourra amuser mes anges. M. Arnaud étendra et embellira mon texte ; je me borne à donner des indications.

Je répète à mes anges qu’il doit m’être arrivé un paquet d’Angleterre à M. le duc de Praslin. Si on ne me fait pas parvenir mes instruments, avec quoi veut-on que je travaille ? On ne peut pas rendre des briques quand on n’a point de paille, à ce que disaient les Juifs, quoique je n’aie jamais vu faire de briques avec de la paille 1.

Mais qui donc sera honoré du ministère de la typographie ?2 M. de Malesherbes n’avait pas laissé de rendre service à l’esprit humain en donnant à la presse plus de liberté qu’elle n’en a jamais eu. Nous étions déjà presque à moitié chemin des Anglais, car nous commencions à tâcher de les imiter en tout ; mais nous sommes bien loin de leur ressembler.

J’ai toujours oublié de réfuter ce que mes anges disent de la dame libraire de l’Académie3. Elle ne devait pas, en convolant en secondes noces, violer le dépôt que les Cramer avaient remis entre ses mains. Un libraire peut aisément faire banqueroute pour avoir imprimé des livres qui ne se vendent point ; mais un argent dont on est dépositaire n’est pas un objet de commerce . Ainsi il me paraît que les Cramer ont très grande raison de se plaindre. Manger l’argent d’autrui, et donner en paiement des livres dont personne ne veut, est un étrange procédé.

Quoi qu’il en soit, le Corneille devrait déjà être imprimé, et il ne l’est pas. Ce n’est pas moi assurément qui suis en retard ; vous savez que je vais toujours vite en besogne. J’aurais fait imprimer le Corneille en six mois, si je m’étais mêlé de la presse. Je songe toujours que la vie est courte, et qu’il ne faut jamais remettre à demain ce qu’on peut faire aujourd’hui. J’espère pourtant que vous aurez pour vos étrennes le recueil des belles et des détestables pièces de Pierre Corneille.

M. de Chauvelin, l’ambassadeur, prétend que je dois lui faire confidence de quelque chose pour le mois d’avril . Je lui ai répondu 4 que, si je lui ai promis pour le mois d’avril, je lui tiendrai parole dans ce temps-là. Vous m’avouerez qu’un ministre n’a pas à se plaindre quand on observe fidèlement les traités à la lettre.

Votre petite conjuration va-t-elle son train ?

Respect et tendresse.

V. »

1 Référence à Exode, V, 16 . Ces briques, cuites au soleil, comprenaient de la paille, mélangée à de la glaise, pour lui donner de la tenue . Voir : https://www.info-bible.org/lsg/02.Exode.html#5

2 Malesherbes avait suivi son père, le chancelier de Lamoignon, dans sa disgrâce et son exil . Ses fonctions de directeur de la librairie furent alors assumées par le lieutenant de police Sartines qui les exerça de façon plu stricte que son prédécesseur . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Chr%C3%A9tien_Guillaume_de_Lamoignon_de_Malesherbes#Une_lettre_de_cachet_pour_Malesherbes

et : http://data.bnf.fr/12997443/antoine_de_sartine/

3 La veuve Brunet, ainsi qu'on l'a vu dans la lettre du 15 septembre 1763 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/09/11/j-ai-envie-d-etre-utile-et-je-crains-d-etre-importun-6083782.html

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08/10/2018 | Lien permanent

il me semble qu’il est encore trop jeune pour désirer ce repos, qui doit être la récompense d’un long travail

... dit, -du moins elle le pourrait-, Brigitte quand on lui demande si Emmanuel va se représenter à la présidence. Le virus du pouvoir ne connait pas d'antidote , les malades sont contre son vaccin .

Ne pas oublier, ce soir, de regarder  sur France 2 "Les aventures du jeune Voltaire" : http://www.monsieurdevoltaire.com/2021/02/information-sur-france-2-ce-soir.html

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

11 octobre 1765

J’ignore si l’un de mes anges est à Fontainebleau, je ne sais ni quand ni comment je pourrai renvoyer à Lekain son Adélaïde, avec un bout de préface . Tout est prêt. Les Roués le sont aussi , mais faisons une réflexion. Les Roués finissent à peu près comme Adélaïde. On cède au cinquième acte sa maîtresse à son rival. Ne pensez-vous pas qu’il faut mettre un intervalle entre les publications de ces deux pièces ? N’est-il pas convenable que l’on reprenne Adélaïde au retour de Fontainebleau une ou deux fois, pour favoriser le débit de l’édition au profit de Lekain ? S’il entend ses intérêts, il fera vendre l’ouvrage à la Comédie même, le jour de la dernière représentation  et s’il veut me faire plaisir, il ne demandera point de privilège, parce que ces inutiles pancartes ne servent qu’à faire naître des querelles entre ceux qui sont en possession d’imprimer mes sottises.

La nouvelle qu’on me donne pour sûre est-elle vraie ? On m’assure que M. le duc de Praslin veut se retirer après le voyage de Fontainebleau ! Je conçois bien qu’un homme aussi sage que lui préfère une vie douce, avec ses amis, au tracas fatigant des affaires ; mais il me semble qu’il est encore trop jeune pour désirer ce repos, qui doit être la récompense d’un long travail. Je serais très fâché qu’il prît ce parti à moins que sa santé ne l’y force.

Je vous demande en grâce de me dire si cette nouvelle est aussi bien fondée qu’on le dit. Je présume que Tronchin viendra bientôt à Paris prendre soin de la santé de M. le duc d’Orléans, qui ne paraît pas avoir besoin de médecin. Que deviendrai-je, moi chétif, quand je ne serai plus dans le voisinage de Tronchin ? On dit que je n’en ai pas pour six mois.

Voici choses d’une autre espèce. Je crois vous avoir déjà mandé 1 que l’impératrice de toutes les Russies, souveraine de deux mille lieues de pays et de trois cent mille automates armés, qui ont battu les Prussiens batteurs des Autrichiens, etc., que ladite impératrice daignait faire venir quelques femmes de Genève, pour montrer à lire et à coudre à de jeunes filles de Pétersbourg , que le Conseil de Genève a été assez fou et assez tyrannique pour empêcher des citoyennes libres d’aller où il leur plaît, et enfin assez insolent pour faire sortir de la ville un seigneur 2 envoyé par cette souveraine.

M. le comte de Shouvalow, qui était chez moi, m’avait recommandé ces demoiselles. Je ne balance pas assurément entre Catherine seconde et les vingt-cinq perruques de Genève.

Cette aventure m’a été fort sensible, elle m’a engagé à faire venir chez moi des citoyens parents de ces voyageuses affligées. Ils m’ont prouvé que le Conseil agit en plus d’une occasion contre toutes les lois, et qu’il est bien loin de mériter (comme je l’ai cru longtemps) la protection du ministère de France. Il y a dans ce conseil trois ou quatre coquins, c’est-à-dire, trois ou quatre dévots fanatiques, qui ne sont bons qu’à jeter dans le lac. Mes anges, traitez les fanatiques comme le diable fit par saint Michel. 3»

2 Le général Franz von Bülow ; voir (en particulier pages 50 et suiv. ): file:///C:/Users/james/AppData/Local/Temp/SabatierAL_2019.pdf

V* en a voulu à Théodore Tronchin d'avoir refusé d'être de son côté dans cette affaire .

Par ailleurs, Jean Gaberel publie un billet de François Tronchin ( ou Jean-Robert selon Anne-Laure Sabatier, 2019 ) à V* de septembre-octobre 1765 :  « Monsieur de Voltaire, le Conseil se regarde comme le père de tous les citoyens ; en conséquence il ne peut souffrir que ses enfants aillent s'établir dans une cour dont la souveraine est violemment soupçonnée d'avoir laissé assassiner son mari, et où les mœurs les plus relâchées règnent sans frein. » Besterman met en cause l’authenticité de cette lettre qui n'est selon lui pas dans le ton des lettres de Tronchin à V*, et à laquelle les registres du Conseil ne font pas allusion .

3 Peut-être fit est-il un lapsus pour le fut par ; on a une allusion à Révélations, XII, 7-9 ; c'est St Michel qui battit le diable et non l'inverse . Voir : https://www.biblegateway.com/passage/?search=Apocalypse+12%3A7-9&version=LSG;BDS

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08/02/2021 | Lien permanent

on ne regrette que les gens à qui l’on plaît, excepté en amour, s’entend

... Oui ? Non ? Pourquoi ? Comment ?

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

19è février 1766 1

Il y a un mois, madame, que j’ai envie de vous écrire tous les jours ; mais je me suis plongé dans la métaphysique la plus triste et la plus épineuse 2, et j’ai vu que je n’étais pas digne de vous écrire.

Vous me mandâtes, par votre dernière lettre, que nous étions assez d’accord tous deux sur ce qui n’est pas ; je me suis mis à rechercher ce qui est. C’est une terrible besogne ; mais la curiosité est la maladie de l’esprit humain. J’ai du moins la consolation de voir que tous les fabricateurs de systèmes n’en savaient pas plus que moi ; mais ils font tous les importants, et je ne veux pas l’être . J’avoue franchement mon ignorance.

Je trouve d’ailleurs dans cette recherche, quelque vaine qu’elle puisse être, un assez grand avantage ; l’étude des choses qui sont si fort au-dessus de nous rend les intérêts de ce monde bien petits à nos yeux ; et, quand on a le plaisir de se perdre dans l’immensité, on ne se soucie guère de ce qui se passe dans les rues de Paris. L’étude a cela de bon qu’elle nous fait vivre tout doucement avec nous-mêmes, qu’elle nous délivre du fardeau de notre oisiveté, et qu’elle nous empêche de courir hors de chez nous pour aller dire et écouter des riens d’un bout de la ville à l’autre. Aussi, au milieu de quatre-vingts lieues de montagnes de neige, assiégé par un très rude hiver, et mes yeux me refusant le service, j’ai passé tout mon temps à méditer. Ne méditez-vous pas aussi ? madame , ne vous vient-il pas aussi quelquefois cent idées sur l’éternité du monde, sur la matière, sur la pensée, sur l’espace, sur l’infini ? Je suis tenté de croire qu’on pense à tout cela quand on n’a plus de passions, et que tout le monde est comme Matthieu Garo 3, qui recherche pourquoi les citrouilles ne viennent pas au haut des chênes.

Si vous ne passez pas votre temps à méditer quand vous êtes seule, je vous envoie un petit imprimé sur quelques sottises de ce monde 4, lequel m’est tombé entre les mains. Je ne sais s’il vous amusera beaucoup ; cela ne regarde que Jean-Jacques Rousseau, et des polissons de prêtres calvinistes. L’auteur est un goguenard de Neuchâtel, et les plaisants de Neuchâtel pourront fort bien vous paraître insipides ; d’ailleurs on ne rit point du ridicule des gens qu’on ne connait point. Voilà pourquoi M. de Mazarin disait qu’il ne se moquait jamais que de ses parents et de ses amis. Heureusement ce que je vous envoie n’est pas long ; et, s’il vous ennuie, vous pourrez le jeter au feu.

Je vous souhaite, madame, une vie longue, un bon estomac, et toutes les consolations qui peuvent rendre votre état supportable ; j’en suis toujours pénétré.

Je vous prie de dire à M. le président Hénault que je ne cesserai jamais de l’estimer de tout mon esprit, et de l’aimer de tout mon cœur. Permettez-moi les mêmes sentiments pour vous, qui ne finiront qu’avec ma vie.

V.

 

Dans le temps que ma lettre allait partir, je reçois la vôtre du 13 février . Soyez sûre que je vous écrirai toutes les fois qu'il me viendra des idées qui me paraîtront faites pour votre belle imagination et pour la justesse de votre esprit , c'est-à-dire que je vous donnerai ces idées à rectifier, car autrement je ne serais pas si hardi . Je vous plains beaucoup d’avoir perdu M. Craffurt ; je sens bien qu’il était digne de vous entendre ; on ne regrette que les gens à qui l’on plaît, excepté en amour, s’entend. »

1 L'édition de Kehl est incomplète et peu soignée, ainsi que toutes les autres . V* répond à une lettre du 14 janvier 1766, et en post scriptum à celle du 13 février 1766 . Crawford ( Craffurt sic ) avait quitté Paris pour l'Angleterre au début de février .

2 Probablement Le Philosophe ignorant, qui, ne vit le jour que quelques mois après ; voir https://fr.wikisource.org/wiki/Le_philosophe_ignorant

3 Fable de La Fontaine, livre IX, fable iv. « Le gland et la citrouille » : http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/glancitr.htm

4 L'une des Questions sur les miracles, ainsi qu'on le sait par la réponse de Mme Du Deffand .

La collection des Lettres sur les miracles : voir https://fr.wikisource.org/wiki/Questions_sur_les_miracles/%C3%89dition_Garnier

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il faut louer la liberté de penser. Cette liberté est un service rendu au genre humain

... Au passage, petite pensée pour Florent Pagny : https://www.youtube.com/watch?v=6w5vWHqU3uM&ab_channel=FlorentPagnyVEVO

Observation, bon sens, recherche de la pacification et non de con-vaincre ou exclure, c'est bien ce que veut le Patriarche .

Et puisque Voltaire fait référence à l'Académie Française, on peut faire un petit tour en compagnie de Claudine Tiercelin, philosophe : https://www.youtube.com/watch?v=OoJOMTsdllA&ab_channe...

P.-S. Vous avez tenu jusqu'au bout ? C'est bien , c'est le temps d'un film courant . On peut sauter les 13 premières minutes .

 

 

 

 

« A Bernard-Joseph Saurin, de

l'Académie française, etc.

à Paris

À Ferney, 5è avril 1769

Je vous remercie très sincèrement, mon cher confrère, de votre Spartacus 1; il était bon, et il est devenu meilleur. Les oreilles d’âne de Martin Fréron doivent lui allonger d’un demi-pied. Je ne vous dirai pas fadement que cette pièce fasse fondre en larmes ; mais je vous dirai qu’elle intéresse quiconque pense, et qu’à chaque page le lecteur est obligé de dire : « Voilà un esprit supérieur. » J’aime mieux cent vers de cette pièce que tout ce qu’on a fait depuis Jean Racine. Tout ce que j’ai vu depuis soixante ans est boursouflé, ou plat, ou romanesque. Je ne vois point dans votre pièce ce charlatanisme de théâtre qui en impose aux sots, et qui fait crier miracle au parterre welche : Neque, te ut miretur turba, labores.2

Le rôle de Spartacus me paraît, en général, supérieur au Sertorius de Corneille.

Vous m’avez piqué : j’ai relu l’Esprit des lois ; je suis entièrement de l’avis de Mme du Deffand, ce n'est que de l'esprit sur les lois 3. J'aime mieux l’instruction donnée par l’impératrice de Russie pour la rédaction de son code  . Cela est net, précis, il n’y a point de contradictions ni de fausses citations. Si Montesquieu n’avait pas aiguisé son livre d’épigrammes contre le pouvoir despotique, les prêtres, et les financiers, il était perdu ; mais les épigrammes ne conviennent guère à un objet aussi sérieux. Toutefois, je loue beaucoup son livre, parce qu’il faut louer la liberté de penser. Cette liberté est un service rendu au genre humain.

J’ai été sur le point de mourir il y a quelques jours. J’ai rempli, à mon dixième accès de lièvre, tous les devoirs d’un officier de la chambre du Roi Très Chrétien, et d’un citoyen qui doit mourir dans la religion de sa patrie. J’ai pris acte formel de ces deux points par-devant notaire, et j’enverrai l’acte à notre cher secrétaire, pour le déposer dans les archives de l’Académie, afin que la prêtraille ne s’avise pas, après ma mort, de manquer de respect au corps dont j’ai l’honneur d’être 4. Je vous prie d’en raisonner avec M. d’Alembert. Vous savez que pour avoir une place en Angleterre, quelle qu’elle puisse être, fût-ce celle de roi, il faut être de la religion du pays, telle qu’elle est établie par acte du Parlement. Que tout le monde pense ainsi, et tout ira bien ; et, à fin de compte, il n’y aura plus de sots que parmi la canaille, qui ne doit jamais être comptée.

Je vous embrasse très philosophiquement et très tendrement.

V. »

1 Saurin a envoyé cette pièce à V* dont une nouvelle édition vient de paraître : https://books.google.fr/books?id=NldbAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

 

3 Les mots ce n'est que de l'esprit sur le sois manquent dans la copie Beaumarchais et toutes les éditions.

Voir aussi lettre du 28 décembre 1768 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/07/06/tout-ce-que-peuvent-faire-les-adeptes-c-est-de-s-aider-un-pe-6505853.html

4 On retrouve ici le souci de V* pour que son corps soit enterré en terre chrétienne . Le mot corps est même à prendre ici avec un double sens .

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10/10/2024 | Lien permanent

Les pastophores vont s’assembler et tout est à craindre

 http://www.youtube.com/watch?v=FJuWSveLvnU

 

 

RatonLaveurs.jpg

Ratons-laveurs qui ont de bonnes bouilles mais

qui n'ont pas malheureusement la capacité d'effacer nos erreurs, ou les avanies qu'on nous fait ! 

 

 

Le Raton -Volti a encore bien du souci pour lui et un de ses protégés .

Rassurez-vous, il va s'en tirer et encore faire du bien .

 

 

 

« A Jean Le Rond d’Alembert

et à

Marie-Jean-Antoine de Caritat, marquis de Condorcet

 

A Ferney ce 8è avril 1775

 

             Raton à Messieurs Bertrands,

 

             Raton a reçu la petite histoire de Jean-Vincent Antoine [« Un mémoire concernant Jean-Vincent-Antoine Ganganelli » = Clément XIV], et remercie Messieurs Bertrands.

 

             Mais Raton est désespéré qu’on lui impute pour la troisième fois, depuis si peu de temps, des marrons qu’il n’a jamais tirés du feu, et qui peuvent causer de terribles indigestions.

 

             La dernière aventure du chevalier de Morton et du comte de Tressan, est aussi ridicule que dangereuse. Il  est bien indécent que ce chevalier de Morton veuille se cacher visiblement sous la fourrure du vieux Raton [Epître au comte de Tres … sur ces pestes publiques qu’on appelle philosophes par le chevalier de Morton (1775) : Michel de Cubières Palmezeaux ; V* soupçonne Condorcet d’en être l’auteur et lui reproche presque explicitement le 8 mai de le lui laisser attribuer]. Il est bien mal informé quand il parle des petits soupers d’Epicure-Stanislas, qui ne soupa jamais, et qui empêcha longtemps ses commensaux de souper [V* écrivit parfois des billets de réclamation en août 1749, à la cour de Stanislas, au sujet des repas].

 

             Il est bien extraordinaire que le comte de Tressan ait attribué cette pièce à Raton, et lui ait répondu en conséquence avec des notes [le 22 mars V* en fait le reproche à Tressan (qui lui avait écrit, parlant de l’Epître et y répondant lui-même par une Epître à Voltaire) dans une lettre où il critique le fond et la forme de l’Epître].

 

             Le grand Référendaire [Mirosmesnil, garde des sceaux ; V* écrira à d’Hornoy le 12 mai que Lepeletier de Saint-Fargeau, président de la Grand’chambre du parlement de Paris « s’est fâché » quand on lui a lu l’Epître au comte de Tres…], dont Raton a un besoin extrême dans le moment présent, doit réprouver cette brochure, et être très piqué contre l’auteur indiscret. Les pastophores vont s’assembler [assemblée du clergé qui va avoir lieu le 17 juillet], et tout est à craindre. Cette saillie très mal placée dans le temps où nous sommes, peut surtout faire un tort irréparable au jeune homme à qui messieurs Bertrands s’intéressent [d’Etallonde]. Raton est très affligé, et a grande raison de l’être.

 

             On aurait bien dû empêcher M. de Tressan de faire une si dangereuse équipée. On est obligé de suspendre tout dans l’affaire de notre jeune ingénieur, devenu aide de camp du roi son maître [V* a demandé pour d’Etallonde des promotions et fait allusion en écrivant à Frédéric le 28 mars aux titres d’aide du camp et ingénieur du roi]; il faut se taire pendant quelque temps ; mais surtout il est absolument nécessaire de rendre justice à Raton, et de lui point imputer un ouvrage si mal conçu, si mal rimé, dans lequel il y a quelques beaux vers, à la vérité, mais qui sont absolument hors de saison, et qui ne peuvent que gâter des affaires très sérieuses [à Condorcet, V* dira le 21 avril qu’il « serait dangereux dans le moment présent de (lui) imputer un ouvrage dans lequel le roi de Prusse [dont il a obtenu la protection pour d’Etallonde] est comparé à Vanini »].

 

             Raton prie instamment messieurs Bertrands de détourner un calice si amer ; ses vieilles pattes sont assez brûlées ; ils sont conjurés de ne pas faire brûler le reste de son maigre corps. Sa nièce est très mal, et lui aussi, il faut qu’il meure en paix. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour rester dans le ton de ce dernier voeu : http://www.youtube.com/watch?v=o9nnGoLPlag

 

        

 

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08/04/2010 | Lien permanent

quels que soient les sentiments d'un particulier obscur, ils doivent être comptés pour rien

... Ainsi pensent nos dirigeants ; la loi moutonnière est omniprésente, tant dans l'hémicycle de l'Assemblée que sur le net qui plébiscite le gangnamstyle .

 Solitude dans le cycle de la vie

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« A M. le comte d'ARGENTAL.

3 décembre [1757].

Je vous écrivis par le dernier ordinaire, mon cher et respectable ami, un petit barbouillage assez indéchiffrable, avec une lettre ostensible pour une personne 1 qui a été de vos amis, et que vous pouvez voir quelquefois. J'ai bien des choses à y ajouter; mais l'état de la santé de Mme d'ArgentaI doit passer devant. Je voudrais que vous fussiez tous ici comme Mme d'Épinai, Mme de Montferrat, et tant d'autres. Notre docteur Tronchin fortifie les femmes, il ne les saigne point, il ne les purge guère, il ne fait point la médecine comme un autre. Voyez comme il a traité ma nièce de Fontaine, il l'a tirée de la mort.
Vous ne m'avez jamais parlé de Mme de Montferrat, c'est pourtant un joli salmigondis de dévotion et de coquetterie. Je ne sais où prendre Mme de Fontaine à présent, pour avoir ces portraits.2 L'affaire commence à m'intéresser, depuis que vous voulez bien avoir la triste ressemblance de celui qui probablement n'aura jamais le bonheur de vous revoir. Mais moi, pourquoi n'aurai-je pas, dans mes Alpes, la consolation de vous regarder sur toile, et de dire Voilà celui pour qui seul je regrette Paris ? C'est à moi à demander votre portrait, c'est moi qui ai besoin de consolation.
Je reviens à ma dernière lettre. Il est certain qu'on a pris ou donné furieusement le change, quand on vous a parlé. Que- pourrait-on attribuer à mes correspondances? quel ombrage pourrait en prendre la cour de Vienne? Quel prétexte singulier! Je voudrais qu'on fût aussi persuadé de mes sentiments à la cour de France qu'on l'est à la cour de l'impératrice. Mais, quels que soient les sentiments d'un particulier obscur, ils doivent être comptés pour rien; s'ils l'étaient pour quelque chose, la personne en question 3 devrait me savoir un assez grand gré des choses que je lui ai confiées. S'il a pensé que cette confidence était la suite de l'intérêt que je prenais encore au roi de Prusse, et si une autre personne 4 a eu la même idée, tous deux se sont bien trompés je les ai instruits d'une chose qu'il fallait qu'ils sussent. Mme de Pompadour, à qui j'en écrivis d'abord, m'en parut satisfaite par sa réponse. L'autre, à qui vous m'avez conseillé d'écrire, et à qui je devais nécessairement confier les mêmes choses qu'à Mme de Pompadour, ne m'a pas répondu. Vous sentez combien son silence est désagréable pour moi, après la démarche que vous m'avez conseillée, et après la manière dont je lui ai écrit. Ne pourriez-vous point le voir ? Ne pourriez-vous point, mon cher ange, lui dire à quel point je dois être sensible à un tel oubli? S'il parlait encore de mes correspondances, s'il mettait en avant ce vain prétexte, il serait bien aisé de détruire ce prétexte en lui faisant connaître que, depuis deux ans, le roi de Prusse me proposa, par l'abbé de Prades, de me rendre tout ce qu'il m'avait ôté. Je refusai tout sans déplaire, et je laissai voir seulement que je ne voulais qu'une marque d'attention pour ma nièce, qui pût réparer, en quelque sorte, la manière indigne dont on en avait usé envers elle. Le roi de Prusse, dans toutes ses lettres, ne m'a jamais parlé d'elle. La margrave de Baireuth a été beaucoup plus attentive. Vous voilà bien au fait de toute ma conduite, mon divin ange, et vous savez tous les efforts que le roi de Prusse avait faits autrefois pour me retenir auprès de lui. Vous n'ignorez pas qu'il me demanda lui-même au roi. Cette malheureuse clef de chambellan était indispensablement nécessaire à sa cour. On ne pouvait entrer aux spectacles sans être bourré par ses soldats, à moins qu'on n'eût quelque pauvre marque qui mît à l'abri. Demandez à Darget comme il fut un jour repoussé et houspillé. Il avait beau crier Je suis secrétaire! on le bourrait toujours.
Au reste le roi de Prusse savait bien que je ne voulais pas rester là toute ma vie; et ce fut la source secrète des noises. Si vous pouviez avoir une conversation avec l'homme en question, il me semble que la bonté de votre cœur donnerait un grand poids à toutes ces raisons; vous détruiriez surtout le soupçon qu'on parait avoir conçu que je m'intéresse encore à celui dont j'ai tant à me plaindre.
Enfin à quoi se borne ma demande? A rien autre chose qu'à une simple politesse, à un mot d'honnêteté qu'on me doit d'autant plus que c'est vous qui m'avez encouragé à écrire. Ne point répondre à une lettre dont on a pu tirer des lumières, c'est un outrage qu'on ne doit point faire à un homme avec qui on a vécu, et qu'on n'a connu que par vous.
Encore un mot, c'est que si on vous disait « J'ai montré la lettre; on ne veut pas que je réponde à un homme qui a conseillé, il y a six semaines, au roi de Prusse de s'accommoder », vous pourriez répondre que je lui ai conseillé aussi d'abdiquer plutôt que de se tuer comme il le voulait, et qu'il me répondit, cinq 5 jours avant la bataille
Je dois, en affrontant l'orage,
Penser, vivre, et mourir en roi.

Tout cela est fort étrange. Je confie tout à votre amitié et à votre sagesse. Ma conduite est pure, vous la trouverez même assez noble. Le résultat de tout ceci, c'est que mon procédé avec votre ancien ami, ma lettre, et ma confiance, méritent ou qu'il m'écrive un mot, ou, s'il ne le peut pas, qu'il soit convaincu de mes sentiments, et qu'il les fasse valoir voilà ce que je veux devoir à un cœur comme le vôtre. »

1 L'abbé Bernis .

2 Qu'on a demandé à V* pour l'Académie française .

3 Toujours Bernis .

4 Mme de Pompadour .

5 En fait 27 jours .

 

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10/02/2013 | Lien permanent

Ne faudrait-il pas, quand les juges seront nommés, les faire solliciter fort et longtemps, soir et matin, par leurs amis

... La justice étant réputée aveugle, est-elle rendue par des juges sourds ? Serait-elle meilleure si les juges étaient sensibles aux sollicitations sus-nommées, et particulièrement celles des confesseurs et maîtresses ?

Selon que vous serez puissant ou misérable ...etc. , air connu .

  Citation de Coluche - Proverbes Populaires

Parfois la réalité dépasse l'affliction !

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

14è septembre 1762, au château de Ferney par Genève 1

Je reçois la lettre de mes divins anges du 7è septembre, avec les plus tendres remerciements. Madame Scaliger a donc aussi une fluxion : je la plains bien, non pas à cause de ma triste expérience, mais par extrême sensibilité . Cependant il y a fluxion et fluxion ; j’en connais qui rendent sourd et borgne vers les soixante-neuf ans, et qui glacent ce génie que vous prétendez qui me reste. Je ne suis pas trop actuellement en état de raboter des vers . J’attends quelques petits moments favorables pour obéir à tout ce que mes anges m’ordonnent : mais si, malheureusement, mon imbécillité 2 présente se prolongeait, ne pourrait-on pas toujours jouer Mariamne à Fontainebleau, en attendant que le sens commun de la poésie me fût revenu ?

La barque à Tronchin est extrêmement jolie ; elle semble convenir très fort à celui qui sauve les gens de la barque à Caron.

J’ai écrit à l’électeur palatin , pour lui demander en grâce qu’il empêche, par son autorité électorale que Cassandre ne soit livré au bras séculier, et imprimé ; il m’a déjà promis d’avoir cette attention, et je me flatte qu’il tiendra sa parole.

Il a fait, en dernier lieu, exécuter Tancrède d’une façon qui ne laisse pas soupçonner qu’on viole la terrible unité de lieu. On voit la maison d’Argire, un temple, l’hôtel des chevaliers, et deux rues : voilà le goût antique dans toute sa régularité 3.

Je relis la lettre de mes anges. Je soupçonne qu’il y a quelque malentendu dans la copie de Mariamne que j’ai envoyée ; et, dès que j’aurai la tête moins emmitouflée, je reverrai ce procès avec attention.

Celui des Calas me paraît en bon train, grâce à votre protection. La pauvre veuve est une petite huguenote imbécile, mais elle n'en est pas moins infortunée et moins innocente, et l'arrêt de Toulouse n'en est pas moins abominable 4. Je ne connais ni le nom du rapporteur ni celui des juges, tant la veuve a pris soin de me bien informer (Je les sais à présent 5.). J’attendrai patiemment le mémoire de Mariette ; mais je vous avoue que j’attends avec impatience celui d’Elie.

Ne faudrait-il pas, quand les juges seront nommés, les faire solliciter fort et longtemps, soir et matin, par leurs amis, leurs parents, leurs confesseurs, leurs maîtresses ? Ceci est la cause du bon sens contre l’absurdité, et de l’humanité contre la barbarie fanatique. Il sera bien doux de gagner ce procès contre les pénitents blancs. Est-il possible qu’il y ait encore de pareils masques en France ?

Avant que d’achever de dicter cette rapsodie, je fais une réflexion que je soumets à mes anges . C'est que si M. de Chennevières prend sur lui d'écrire à M. l’Électeur palatin, cela ne pourrait-il pas indisposer Son Altesse ? Trouvera-t-Elle bon que je paraisse douter de sa parole, et que je lui fasse écrire par les bureaux de Versailles ? Cette démarche ma paraît bien peu convenable 6.

Mes anges, il y a longtemps que j’ai envie de vous écrire sur le philosophe qui veut épouser 7. Voici l’état des choses. Quand l’extrême protection, et la grande considération qu’on me prodiguait, força ma modestie à quitter la France, j’avais des rentes viagères et de l’argent comptant. Je me suis défait de ce dernier embarras, en assurant à madame Denis environ seize mille livres de rentes ; j’en ai donné trois à madame de Fontaine ; j’en ai assuré quinze cents livres ou environ à mademoiselle Corneille . Le reste a été englouti en maisons, châteaux, meubles, et théâtre. Je ne sais pas encore ce qui reviendra à mademoiselle Corneille de l’édition de Pierre, mais je crois que cela lui formera un fonds d’environ quarante mille livres. Je lui donnerai une petite rente pour ma souscription. Il ne faut pas se flatter que je puisse davantage. Ne comptons même l’édition de Corneille que pour trente mille livres, afin de ne pas porter nos espérances trop haut, et de n’être pas obligé de décompter.

Si le philosophe est vraiment philosophe, et veut demeurer avec nous jusqu’à ce que son père lui cède son château, il jouira d’une assez bonne maison . Mais qu’il ne croie pas épouser une philosophe formée. Nous commençons à écrire un peu, nous lisons avec quelque peine, nous apprenons aisément des vers par cœur, et nous ne les récitons pas mal . La santé est très faible . On a été nouée très longtemps, on craint même que la conformation ne soit pas favorable au mariage 8 . Le caractère est doux, gai, caressant . Le mot de bonne enfant semble avoir été fait pour elle. J’ai rendu un compte fidèle du spirituel et du temporel, du physique et du moral, et je m’en tiens là, en m'en remettant à la Providence.

Voilà les juges nommés pour la révision du procès des Calas. On est instruit du nom des juges ; on espère que nos anges protecteurs les feront bien solliciter, et on se flatte que la cause elle-même les sollicite.

M'est-il permis d'insérer ici ce petit billet pour l'abbé Mignot ?9

Mille tendres respects.

V. »

1 On a l'original autographe à partir de Cette démarche … ; l'édition de Kehl , suivant la copie Beaumarchais avec passages biffés, comporte de nombreuses lacunes .Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1762-partie-25-123225377.html

2 Au sens étymologique : faiblesse physique et mentale .

3 Le 7 septembre 1762, Collini fait à V* la relation de la représentation : « On a joué avant-hier dimanche Tancrède pour la première fois sur le théâtre de Schwetzingen . Le spectacle a été magnifique […] Je doute fort qu'on ait eu à Paris une décoration telle que celle du troisième acte […] Il y avait plus de 50 personnes sur le théâtre à la scène 6è du 3è acte […] La pièce a été assez bien jouée ; mais ces vers du rôle d'Aménaïde marqués d'un astérisque que vous avez averti devoir être récités avec le ton d'une froideur contrainte, ont été récités ici avec le ton du désespoir […] On se prépare à jouer Cassandre ; mais ce ne sera que dans quinze jours , ou trois semaines . Jouera-t-on cette pièce à Paris ? Je désire toujours que vous veniez ici vous-même pour diriger cette pièce . »

4 Passage manquant à partir de La pauvre veuve dans toutes les éditions .

5 Ces mots entre parenthèse sont une addition de V* en marge .

6 Paragraphe manquant dans les éditions .

8 Phrase omise dans les éditions .

9 Ibid .

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08/08/2017 | Lien permanent

qu’importe par qui la vérité nous vienne pourvu qu'elle vienne

... Car qu'est-ce qui est le plus important, le messager ou le message ?

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 V comme ...

 

« Au baron Frédéric Melchior von Grimm secrétaire de

Mgr le duc d'Orléans 1

rue Neuve du Luxembourg

porte Saint-Honoré

à Paris

22 octobre [1759] à Tournay par Genève

car je n'aime point qu'on m'écrive à Genève

car cela a l'air d'un réfugié, car je ne le suis pas .

Je suis très sensible à votre souvenir, mon cher prophète . Vous savez que je vous préfère à Isaïe et à Ézéchiel . Vous êtes dans l'abomination de la désolation 2, et nous n'y sommes nous autres Allobroges que parce que vous et Mme d'Epinay vous nous avez quittés pour Babylone . Mes compliments je vous en prie à Jérémie Diderot persécuté par les enfants de Bélial .

J'ai envoyé au ressusciteur Tronchin votre paquet . Je vous remercie du mien . L'estampe est bien dessinée, bien gravée ; mais je vous avoue que je suis fâché de voir le petit-fils de Henri le Grand qui se vautre sur un fauteuil, avec l'attitude de Lucas, tenant une boule qui semble sortir de sa culotte, et son fils badinant derrière . J'aimerais mieux voir le père faisant essayer une cuirasse à son fils . Disce puer vitutem ex me 3.

Bénissons Dieu de ce que le géomètre assassin a fait courir ce papier dont vous me parlez . Apparemment qu'il en était l'auteur, qu’importe par qui la vérité nous vienne pourvu qu'elle vienne . Je prie le seigneur que cette semence fructifie et que les ouvriers de la vigne ne se relâchent dans leurs saints travaux . Je suis occupé à présent à des œuvres bien profanes . Nous représentons demain une pièce nouvelle 4 sur mon petit théâtre vert et or . J'en demande pardon à Jean-Jacques . Mais enfin il a fait des comédies . Je l'imite dans ses péchés ne pouvant encore l'imiter dans sa pénitence .

On me mande de Paris qu'un journaliste jésuite est mort . Je tremble que ce ne soit le révérend père Berthier 5 qui rendait tant de services à la religion et à la raison .

S'il y a quelques nouvelles intéressantes je vous supplie de m'en faire part . Je n'ai rien à vous dire du pays où je suis . Il cesse d'être compté dans le monde depuis que certaine philosophe 6 ne l'habite plus . Je me console comme je peux entre mon théâtre et ma charrue . Utile dulci 7 est ma devise .

Luc m'a écrit une lettre admirable 8. Il dit qu'il se soutiendra très bien dans cette fin de campagne . Mais n'entendrai-je jamais parler que de meurtres et de ruines , et de notre honte ? Mon cher prophète, nos Français ne jouent pas un beau rôle sur ce globule 9. Encore s'ils étaient aimables comme ils l'étaient autrefois ! Mais la décadence porte sur tout . Adieu mon cher philosophe, je vous aimerai toujours, car vous le méritez, car vous pensez bien, car vous êtes selon mon cœur . »

1 Grimm venait d'être nommé à ce poste .

2 Évangile selon Matthieu , XXIV, 15 : http://www.info-bible.org/lsg/40.Matthieu.html#24

3 Enfant apprends de moi la valeur ; citation de Virgile, l'Enéide, XII, 435 . Cette formule apparaît rarement chez V*, mais a été employée de façon remarquable par Guillerargues dans une lettre à Mme de La Sablière .

6 Mme d'Epinay .

7 [joindre] l'utile à l'agréable ; Horace, Art poétique, V ; 343 .

8 Lettre du 22 septembre 1759, voir lettre du 1er septembre 1759 à la duchesse de Saxe-Gotha : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/10/03/je-n-ai-ose-meler-ma-voix-au-bruit-des-canons-qui-ont-gronde.html

 

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07/11/2014 | Lien permanent

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