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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Si j'osais, je vous conjurerais à genoux de débarrasser pour jamais du Canada le ministère de France

Note rédigée le 12 août 2011 pour parution le 3 octobre 2010 .

 

pigalle mercure berlin.jpg

Mercure rajuste ses talonnières ailées , est-ce pour porter plus vite de bonnes nouvelles ?

Moins élégant, le Mercure de notre siècle se nomme Twitter, fils d'Internet, grand pourvoyeur de niaiseries (NDLR : auxquelles mes commentaires vont se joindre ), hélas !

 

 

 

 

 

« A Bernard-Louis Chauvelin 1

 

Aux Délices 3 octobre [novembre] 1760

 

Le baron germanique qui se charge de rendre ce paquet à Votre Excellence est un heureux petit baron . Je connais des Français qui voudraient bien être à sa place, et faire leur cour à monsieur et madame de Chauvelin . Je n'ai point eu l'honneur de vous écrire pendant que vous bouleversiez nos limites, et que vous rendiez des Savoyards français et des Français savoyards 2. Je conçois très bien qu'il y a eu du plaisir à être savoyard quand vous êtes en Savoie . Souvenez-vous, Monsieur, que quand vous prendrez le chemin de Versailles pour donner la chemise au roi 3 vous devez au moins venir changer de chemise dans nos ermitages .

 

J'ai l'honneur de vous envoyer une partie de la vie du Solon et du Lycurgue du Nord . Si la cour de toutes les Russies était aussi diligente à m'envoyer ses archives que je le suis à les compiler, vous auriez deux ou trois tomes au lieu d'un . Je me souviens d'avoir entendu dire à vos ministres, au cardinal Dubois, à M . de Morville 4 que le czar n'était qu'un extravagant né pour être contremaître d'un navire hollandais, que Petersbourg ne pouvait subsister, qu'il était impossible qu'il gardât la Livonie, et voilà aujourd'hui les Russes dans Berlin 5, et un Tottleben donnant ses ordres datés de Sans-Souci . Si j'avais été là j'aurais demandé le beau Mercure de Pigalle pour le rendre au roi 6.

 

En qualité de tragédien j'aime toutes ces révolutions-là passionnément . J'ai et j'aurai contentement . Peut-être si j'étais sir Politic 7, je ne les aimerais pas tant . Je ne suis pas trop mécontent de vous autres sur terre, mais vous êtes sur mer de bien pauvres diables .

 

Si j'osais, je vous conjurerais à genoux de débarrasser pour jamais du Canada 8 le ministère de France . Si vous le perdez, vous ne perdez presque rien, si vous voulez qu'on vous le rende on ne vous rend qu'une cause éternelle de guerre et d'humiliation . Songez que les Anglais sont au moins cinquante contre un dans l'Amérique septentrionale . Par quelle démence horrible a-t-on pu négliger la Louisiane pour acheter tous les ans 3 millions cinq cent mille livres de tabac de vos vainqueurs ?9 N'est-il pas absurde que la France ait dépensé tant d'argent en Amérique pour y être la dernière des nations d'Europe ? Le zèle me suffoque, je tremble depuis un an pour les Indes orientales . Un maudit gouverneur de la colonie anglaise à Suratte, et un certain commodore qui nous a frottés dans l'Inde sont venus me voir 10. Ils m'ont assuré que Pontichéri serait à eux dans quatre mois 11. Dieu veuille que M. Berryer 12 confonde mon commodore ! »


1 François-Claude-Bernard-Louis de Chauvelin : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Claude_Chauvelin

2 Allusion aux discussions qui ont suivi le traité du 24 mars 1760 entre la France et Charles-Emmanuel . Chauvelin était ambassadeur à Turin .

3 Chauvelin était depuis peu maître de la garde-robe .

4 Charles-Jean-Baptiste Fleuriau de Morville fut entre 1718 et 1727 diplomate et secrétaire d’État aux Affaires étrangères .

5 Ils occupèrent Berlin du 9 au 12 octobre .

6 Les châteaux royaux (de Frédéric II) et leurs œuvres d'art furent saccagés . La statue avait été donnée à Frédéric par Louis XV en 1750 .http://www.insecula.com/oeuvre/O0032287.html

7 Allusion à la comédie de Saint-Evremond : Sir Politick Would Be :

http://books.google.com/books?id=sz46AAAAcAAJ&printse...

8 Les Anglais étaient entrés à Montréal le 8 septembre .

9 Le 1er novembre il donnait des précisions à d'Argental : «  … vous devriez bien inspirer à M. le duc de Choiseul mon goût pour la Louisiane, je n'ai jamais conçu comment on a pu choisir le plus détestable pays du Nord … et qu’on ait abandonné le plus beau climat de la terre dont on peut tirer du tabac, de la soie, de l'indigo... » ,

voir page 98 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800358/f103.image.r=.langFR

10 Sans doute Richard Bourchier et Charles Steevens . V* a des intérêts financiers en Inde au sujet desquels il exprime ses inquiétudes à son banquier Jean-Robert Tronchin .

http://en.wikipedia.org/wiki/Richard_Bourchier

http://newsarch.rootsweb.com/th/read/INDIA/2007-07/1183363031

11 Pondichéry capitulera le 15 janvier 1761.

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03/10/2010 | Lien permanent

on irait s'imaginer que les dames qui se tuent à six mille lieues d'ici font la satire de celles qui vivent à Paris

 

 

 

Majestueuse : http://www.deezer.com/listen-2745860

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Elle est tout cela ...

Mlle W*** ... Pour vous, j'ai de Tendres sentiments : http://www.deezer.com/listen-2745869

 

 

 

 

« A Marie-Elisabeth de Dompierre de Fontaine

 

A Colmar, 6 octobre 1754.

 

Ma chère nièce,je pense que c'est bien assez que mes trois magots [i] vous aient plu. Mais ils pourraient déplaire à d'autres personnes ; et quoique ni vous ni elles ne soyez pas absolument disposées à vous tuer avec vos maris, cependant il pourrait se trouver des gens qui feraient croire que toutes les fois qu'on ne se tue pas en pareil cas, on a grand tort ; et on irait s'imaginer que les dames qui se tuent à six mille lieues d'ici font la satire de celles qui vivent à Paris [ii]. Cela serait très injuste ; mais on fait des tracasseries mortelles tous les jours sur des prétextes encore plus déraisonnables.

 

J'ai prié instamment M. d'Argental de ne me point exposer à de nouvelles peines . Ce qui pourrait résulter d'agrément d'un petit succès serait bien peu de chose, et les dégoûts qui en naîtraient seraient violents. Je vous remercie de vous être jointe à moi pour modérer l'ardeur de M. d'Argental, qui ne connait point le danger quand il s'agit de théâtre. C'en serait trop d'être vilipendé à la fois à l'Opéra et à la Comédie. C'est bien assez que M. Royer m'immole à ses doubles croches.

 

Ne pourriez-vous point, quand vous irez à l'Opéra, parler à ce sublime Royer [iii], et lui demander au moins une copie des paroles telles qu'il les a embellies par sa divine musique ?[iv] Vous auriez au moins le premier avant-goût des sifflets . C'est un droit de famille qu'il ne peut vous refuser.

 

Vous ne me dites rien de M. l'abbé [v]. Je le croyais déjà sur la liste des bénéfices . Votre sœur est religieuse dans mon couvent ; cependant si ma santé le permet, nous irons passer une partie de l'hiver à la cour de l'Électeur palatin, qui veut bien m'en donner la permission . Après quoi nous irions habiter une terre assez belle du côté de Lyon qu'on me propose actuellement [vi]. Mais la mauvaise santé est un grand obstacle au voyage de Manheim. J'aimerais mieux sans doute faire celui de Plombières ; si votre estomac vous y ramène jamais, mon cœur m'y ramènera. Votre sœur aura un autre régime que vous : elle n'est pas faite pour prendre les eaux avec régularité.

 

Adieu, ma chère amie ; il faut espérer que je vous reverrai encore. »

 

i La tragédie L'Orphelin de la Chine qu'il a réduite à trois actes en août. A d'Argental, le 3 août, il dit, après avoir fait cinq actes : « les cinq pavillons réguliers » étaient « trop froids » ;  alors, « il) n'a eu de ressource que d'embellir trois corps de logis ». Finalement la pièce aura cinq actes. Cf. Lettre du 6 février 1755.

http://books.google.be/books?id=izUHAAAAQAAJ&printsec...

 

ii A d'Argental, le 6 octobre , V* dit craindre qu'on ne fasse « entendre (à Mme de Pompadour) que c'est non seulemement une bravade (car on va jouer Le Triumvirat de Crébillon , protégé de la marquise), mais une offense et une espèce de satire. »

http://fr.wikipedia.org/wiki/Prosper_Jolyot_de_Cr%C3%A9billon

http://books.google.be/books?id=DTgOAAAAYAAJ&printsec=frontcover&dq=triumvirat+de+cr%C3%A9billon&source=bl&ots=me8N4vHoQG&sig=ZKgqvhgl-LQU0rbJMABgTsNXUkU&hl=fr&ei=gHurTKKYEtWRjAfC5LG9Bw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=3&ved=0CB0Q6AEwAg#v=onepage&q&f=false

 

iii Royer a fait remanier par un nommé Sireuil, sans consulter V* qui en est ulcéré, le texte de son ancien opéra Pandore. La représentation ne peut en être empêchée, V* doit se contenter d'écrire à Royer, à Sireuil, à « l'examinateur » de l'ouvrage Moncrif, pour demander que le titre en soit : Prométhée ou Pandore, ouvrage dramatique tiré des fragments de la pièce qui porte ce nom, à laquelle on a fait ajouter les ariettes et les vers convenables au musicien dans l'absence de l'auteur. Dans le même temps il demande à Lambert de réimprimer sa version.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Nicolas_Pancrace_Roye...

 

 

iv Après avoir demandé une copie à Royer le septembre, il la recevra le octobre, envoyée par Moncrif. V* sera ulcéré par cette « rapsodie de paroles du Pont-Neuf. »

v Abbé Mignot, frère de Mme de Fontaine et de Mme Denis.

vi On lui a proposé le château d'Allaman au nord du Léman.

http://www.swisscastles.ch/Vaud/chateau/rochefort.html...

 

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06/10/2010 | Lien permanent

je n'ai nulle part à la tuméfaction du ventre de Mlle Hus,...je ne lui ai jamais rien fait ni rien fait faire, ni rôle n

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

[11 octobre 1761]

 

Je m'arrache pour vous écrire à quelque chose de bien singulier [i] que je fais pour vous plaire, ô mes chers anges. Je réponds donc à votre lettre du 5 octobre -que ne puis-je en même temps travailler et vous écrire!- allons vite.

 

D'abord vous saurez que je ne suis point le Bonneau du Bertin [ii] des parties casuelles, que je n'ai nulle part à la tuméfaction du ventre de Mlle Hus, que je ne lui ai jamais rien fait ni rien fait faire, ni rôle ni enfant ; qu'Atide [iii] ne lui fût jamais destinée, que je souhaite passionnément qu'Atide soit jouée par la fille à Dubois laquelle Dubois a, dit-on, des talents. Ainsi ne me menacez point et ne prêchez plus les saints.

 

Quant au Droit du Seigneur, je n'ai jamais pris Chimène ni pour un seigneur [iv] ni pour mon confident [v]. Quiconque l'a instruit a mal fait, mais Crébillon fait encore plus mal [vi].Le pauvre vieux fou a encore les passions vives. Il est désespéré du succès d'Oreste, et on lui a fait accroire que son Electre est bonne -il se venge comme un sot. S'il avait le nez fin il verrait qu'il y aurait quelque prétexte dans le second acte, mais il a choisi pour les objets de ses refus le 3 et le 4 qui sont pleins de morale la plus sévère et la plus touchante. Voici mon avis que je soumets au vôtre. Je n'avoue point Le droit du seigneur, mais il est bon qu'on sache que Crébillon l'a refusé parce qu'il l'a cru de moi. Il renouvelle son indigne manœuvre de Mahomet par laquelle il déplut beaucoup à Mme de Pompadour. Il est sûr qu'il déplaira beaucoup au public et qu'il fera grand bien à la pièce. C'est d'ailleurs vous insulter que de refuser, sous prétexte de mauvaises mœurs, un ouvrage auquel il croit que vous vous intéressez. Vous avez sans doute assez de crédit pour faire jouer malgré lui cette pièce.

 

Venons à l'Académie. Elle a beau dire, je ne peux aller contre mon cour [vii]. Mon cœur me dit qu'il s'intéresse beaucoup à Cinna dans le premier acte et qu'ensuite il s'indigne contre lui. Je trouve abominable et contradictoire que ce perfide dise Qu'une âme généreuse a de peine à faillir! Ah! lâche , si tu avais été généreux aurais-tu parlé comme tu fais au second acte ?

 

L'Académie dit qu'on s'intéresse à Auguste. C'est-à-dire que l'intérêt change ; et sauf respect c'est ce qui fait que la pièce est froide. Mais laissez-moi faire. Je serai modeste, respectueux, et pas maladroit. Tout viendra en son temps. Je ne suis pas pressé de programme. J'accouche, j'accouche, voilà des Gouju.[viii]

 

Eh! bien rien de décidé sur l'amiral Berryer [ix]? et le roi d'Espagne ? épouse-t-il [x]? traite-t-il [xi]? M. le duc de Choiseul m'a envoyé des reliques de Rome. Si je ne réussis pas dans ce monde, mon affaire est sûre pour l'autre.

 

Je reçus le même jour les reliques et le portrait de Mme de Pompadour qui m'est venu par bricole .[xii]

 

Voilà bien des bénédictions. Mais j'aime mieux celles de mes anges.

 

Mlle Corneille joue vendredi Isménie dans Mérope. N'est-ce pas une honte que vos histrions fassent jouer ce rôle par un homme ? et qu'ils suppriment les chœurs dans Œdipe ? Les barbares ! »

i Sans doute la tragédie Olympie.

ii Bonneau du Bertin était trésorier des parties casuelles, et amant de Mlle Hus. http://fr.wikipedia.org/wiki/Mademoiselle_Hus

http://www.blason-armoiries.org/institutions/c/casuelles....

http://www.cnrtl.fr/definition/casuel

 

iii L'épouse secrète du héros dans Zulime.

iv = Le marquis de Ximenes ; cf. lettres du 26 août 1755 à Richelieu,8 février 1756 à Chennevières, 21 janvier 1761 à Jean-Robert Tronchin ; V* dans sa lettre du 8 février fait un jeu de mots aux dépends de Ximenes sur « condition ».

v V* , un fois de plus ne veut pas qu'on sache qu'il est l'auteur. Cf. lettres aux d'Argental depuis le 21 juin 1761.

vi Il est censeur.

vii Dans les Commentaires sur Corneille.

viii Lettre de Charles Gouju à ses frères au sujet des révérends pères jésuites, de V*.http://www.voltaire-integral.com/Html/24/39_Gouju.html

 

ix Qui va devenir garde des Sceaux le 13 octobre.

x La reine d'Espagne est morte le 27 septembre.

xi Un nouveau pacte de Famille a été signé entre la France et l'Espagne le 15 août et on garde secrète la clause d'entrée en guerre de l'Espagne ; l'Espagne ne rompra avec l'Angleterre qu'à la fin de l'année.

xii C'est-à-dire par ricochet car V* l'a eu par la comtesse de Lutzelbourg qu'il remercie le 11 octobre.

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11/10/2010 | Lien permanent

Ces avantages avec beaucoup d'argent comptant ont tenté un cœur ambitieux

http://www.dailymotion.com/video/x27ld9_pink-floyd-money_...

 

"Ces avantages avec beaucoup d'argent comptant ont tenté un cœur ambitieux..." : décidément, cette constatation de Voltaire reste d'actualité, seule est variable l'identité de celui ou celle qui en est l'objet, président de la république, ministre, député, sénateur, votre patron,etc. ...

argent-comptant.jpg

 

 

Oublions ce monde de Money-money ... pour un monde où je suis très bon public .

Magique !

http://www.youtube.com/watch_popup?v=hwVy_2eOfsE#t=78

Merci a l'ami qui m'a transmis ce lien !

Bonne manière pour commencer une journée que de regarder des exploits pacifiques!

http://www.youtube.com/watch_popup?v=hwVy_2eOfsE#t=78

Jaunes qui étonnent ....

 

Parcours particulier d'un médecin du XVIIIème :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis-Anne_La_Virotte


 

 

« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

Aux Délices 19 juillet [1757]



Mon héros, c'est à vous de juger des engins meurtriers [projet de char d'assaut, auquel il tient « plus qu'à Zulime » ; cf. lettres à Mme de Fontaine 3 avril et Florian 15 mai], et ce n'est pas à moi d'en parler. Je n'avais proposé ma petite drôlerie que pour les endroits où la cavalerie peut avoir les coudées franches ; et j'imagine que partout où un escadron peut aller de front, de petits chars peuvent aller aussi, mais puisque le vainqueur de Mahon renvoie ma machine aux anciens rois d'Assyrie, il n'y a qu'à la mettre avec la colonne de Folard [le chevalier Jean-Charles de Folard a proposé de remplacer la ligne de bataille par des masses de troupes en colonnes profondes] dans les archives de Babylone. J'allais partir, Monseigneur, j'allais voir mon héros ; et je m'arrangeais avec votre médecin La Virotte, que vous avez très bien choisi autant pour vous amuser que pour vous médicamenter dans l'occasion. Mme Denis tombe malade, et même assez dangereusement. Il n'y a pas moyen de laisser toute seule une femme qui n'a que moi au pied des Alpes, pour un héros qui a trente mille hommes de bonne compagnie auprès de lui. Je suis homme à vous aller trouver en Saxe [par le passé, V* est déjà allé voir Richelieu aux armées : au camp de Philipsbourg en 1734, Richelieu va remplacer le maréchal d'Estrée (qui sera victorieux à Hastembeck le 28 juillet) en Hanovre à la tête de l'armée du Rhin qui doit forcer les Anglais à faire la paix, puis faire la jonction avec l'armée française de l'Est]; car j'imagine que vous allez dans ces quartiers-là. Faites, je vous en prie le moins de mal que vous pourrez à ma très adorée Mme la duchesse de Gotha, si votre armée dîne sur son territoire. Si vous passiez par Francfort, Mme Denis vous supplierait très instamment d'avoir la bonté de lui faire envoyer les quatre oreilles de deux coquins, l'un nommé Freitag, résident sans gages du roi de Prusse à Francfort et qui n'a jamais eu d'autres gages que ce qu'il nous a volé ; l'autre est un fripon de marchand, conseiller du roi de Prusse. Tous deux eurent l'impudence d'arrêter la veuve d'un officier du roi voyageant avec un passeport du roi ; ces deux scélérats lui firent mettre des baïonnettes dans le ventre ou sur le ventre, et fouillèrent dans ses poches [cf lettres du 20 juin et 8 juillet 1753]. Quatre oreilles en vérité ne sont pas trop pour leurs mérites.



Je crois que le roi de Prusse se défendra jusqu'à la dernière extrémité [#]. Je souhaite que que vous le preniez prisonnier, et je le souhaite pour vous et pour lui, pour son bien et pour le vôtre. Son grand défaut est de n'avoir jamais rendu justice ni aux rois qui peuvent l'accabler, ni aux généraux qui peuvent le battre. Il regardait tous les Français comme des marquis de comédie, et se donnait le ridicule de les mépriser, en se donnant celui de les copier. Il a cru avoir formé une cavalerie invincible que son père avait négligée, et avoir perfectionné encore l'infanterie de son père, disciplinée pendant trente ans par le prince d'Anhalt. Ces avantages avec beaucoup d'argent comptant ont tenté un cœur ambitieux et il a pensé que son alliance avec le roi d'Angleterre le mettait au dessus de tout. Souvenez-vous que quand il fit son traité et qu'il se moqua de la France [##] vous n'étiez point parti pour Mahon. Les Français se laissaient prendre tous leurs vaisseaux, et le gouvernement semblait se borner à la plainte. Il crut la France incapable même de ressentiment ; et je vous réponds qu'il a été bien étonné quand vous avez pris Minorque [prise de Port-Mahon le 28 juin 1756 ; cf. lettre du 14 juin 1756]. Il faut à présent qu'il avoue qu'il s'est trompé sur bien des choses. S'il succombe, il est également capable de se tuer, et de vivre en philosophe. Mais je vous assure qu'il disputera le terrain jusqu'au dernier moment. Pardonnez-moi, Monseigneur, ce long verbiage, plaignez-moi de n'être pas auprès de vous. Mme Denis qui est à son troisième accès d'une fièvre violente vous renouvelle ses sentiments. Comptez que nos deux cœurs vous appartiennent.



Voltaire. »


#Frédéric a été battu à Kolin le 18 juin et a évacué la Bohème ; il est menacé par les Français de l'armée du Rhin et d'autre part par les Français de l'armée de l'Est et les Autrichiens, par les Russes, et par les Suédois alliés officiellement aux Français et aux Autrichiens depuis le 21 mars.


## Allusion au traité avec l'Angleterre ennemie de la France, ratifié le 16 janvier 1756 à Londres et le 16 février en Prusse.

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19/07/2010 | Lien permanent

La théologie m'amuse : la folie de l'esprit humain y est dans toute sa plénitude

 

 

Le titre de cette note est le reflet de ma conviction, que j'ai l'honneur de partager avec Volti . Dieu nous garde , ou Dieu nous en garde comme dirait Benoit xvi !!

Noël !

Prions comme Brel ! http://www.deezer.com/listen-3559253

Et non comme ces fanatiques qui se collent le front au sol pour attendrir un Dieu vengeur et mériter par leurs simagrées un paradis à eux seuls réservé ! Pauvres fous *!

[NDLR : l'auteur pense fortement à c....*, mais ce serait insulter les dames comme le dit si bien Pierre Perret ! ou plus gentiment, en jouant avec Juliette : http://www.deezer.com/listen-909274 ]

mère noel.gif 

Pour ne pas faillir à la tradition, quoique ! 

Les traditions se perdent disent certains, surtout ceux que l'on ne fête plus et se voient privés de cadeaux ; alors je leur recommande d'écrire, avant péremption, une Lettre à la Mère Noël :

http://www.deezer.com/listen-2716015, persiste et signe .

 

Et pour en savoir autant que Volti sur Noël :

http://www.monsieurdevoltaire.com/article-dictionnaire-ph...

Mlle Wagnière, permettez que je vous invite à une messe qui n'est pas seulement de minuit, mais de tout temps :

http://www.deezer.com/listen-909276

.....  Tchin-tchinn !!.....

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

 

26 décembre [1762]

 

Mon frère, renvoyez-moi, je vous prie, mon Moïse i et mon canevas de chapitre pour l'Histoire ii, dûment revu par les frères .

 

Il me parait que l'affaire des Calas prend un bon tour dans les esprits. L'élargissement des demoiselles Calas prouve bien que le ministère ne croit point Calas coupable . C'est beaucoup . Il me parait impossible à présent que le Conseil n'ordonne pas la révision . Ce sera un grand coup porté au fanatisme . Ne pourra-t-on pas en profiter ? Ne coupera-t-on pas à la fin les têtes de cette hydre ?

 

Je certifie toujours que je n'ai reçu de frère Thiriot qu'un petit billet du 1er novembre . Je lui avais demandé la meilleure histoire du Languedoc, car ce Languedoc est un peu le pays du fanatisme, et on pourrait y trouver de bons mémoires . Dieu merci, ce monstre fournit toujours des armes contre lui-même.

 

Mon cher frère voudrait-il me faire avoir presto, presto, un petit Dictionnaire des conciles iii qui a paru, je crois, l'année passée ? Cela cadrerait fort bien avec mon dictionnaire d'hérésies iv. La théologie m'amuse : la folie de l'esprit humain y est dans toute sa plénitude.

 

Je voudrais savoir ce que frère Thiriot a fait d'un sermon dont il avait trois exemplaires . Il doit au moins avoir converti trois personnes .

 

Aimez-moi, mes chers frères ; écrasez l'Infâme. »

 

 

i  V* lui a envoyé le 30 novembre ce qui devrait constituer la seconde partie de l'article « Moïse » du Dictionnaire philosophique. http://www.voltaire-integral.com/20/moise.htm

ii  Chapitre LXI du huitème volume de l'Essai sur l'Histoire, ajouté en 1763 ; cf. lettre du 13 décembre. http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/12/13/l...

Cf. : http://www.voltaire-integral.com/Html/14/02BEUCHO.html

iii  Dictionnaire portatif des conciles, 1758, de Pons-Augustin Alletz . http://books.google.fr/books?id=DjgAAAAAMAAJ&printsec...

iv  Dictionnaire philosophique ; le 17 novembre d'Alembert écrivit : « J'ai bien entendu parler de ce dictionnaire des hérésies dont vous ne me dites qu'un mot ... » ; voir fin de lettre CXI page 203 et suivantes : http://books.google.fr/books?id=l4lBAAAAcAAJ&printsec...

 

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25/12/2010 | Lien permanent

et à la fin de la pièce le maître-autel détruit et la cathédrale en flammes , tout cela peut amuser

 

J'ai hésité avant de mettre ce titre, et puis, je me suis dit que le combat contre l'Infame tenait trop au coeur de Volti et que je n'ai pas à l'édulcorer . Le fanatisme, religieux ou d'autre essence, doit être combattu sans retenue, sans cesse, sans  faux-fuyant .

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Dieu me garde d'approcher le moindre briquet d'un quelconque lieu de culte !

 

Volti n'était pas un fauteur de troubles, un émeutier ; il donnait de la lumière à la pensée et non pas des flammes stériles et inutiles . L'arme de la moquerie, l'art du raisonnement par l'absurde sont l'expresssion de son "fonds de raison et de justice" .

Lisez R comme Raison :

 

http://www.monsieurdevoltaire.com/article-dictionnaire-ph...

 

 

http://www.deezer.com/listen-6636859: Revolutionary etude

J'ai parfois la sensation que Volti aurait pu faire sienne cette affirmation :   I'm the loneliest fool :

http://www.deezer.com/listen-771680

 

 

 

Cette note a été rédigée le 27 juin 2011 pour parution le 5 février 2011.

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

 

5è février 1772

 

Ce jeune homme, mes chers anges, quoi qu'on dise, est un fort bon garçon, et quoiqu'il se soit égayé quelquefois aux dépens des Nonnotte, des Fréron et des Patouillet, il a un fonds de raison et de justice qui me fait toujours plaisir .

 

Ce jeune Crétois 1 était donc avec moi lorsqu'on m'apporta les remarques que vos quatre têtes dans un bonnet 2. Il les lut avec attention .

 

Je ne suis point, me dit-il, de ces Crétois dont parle saint Paul ; il les appelle menteurs, méchantes bêtes et ventres paresseux 3. C'était bien lui, pardieu, qui était un menteur et une méchante bête ; je ne sais pas s'il était constipé 4, mais je suis bien sûr qu'il n'aurait jamais fait ma tragédie crétoise, quelque peu qu'elle vaille . Il n'aurait pas fait non plus les remarques des quatre têtes . Elles me paraissent fort judicieuses . Il faut qu'il y ait bien plus d'esprit à Paris que dans nos provinces, car je n'ai trouvé personne ni à Mâcon ni à Bourg-en-Bresse qui m'ait fait de pareilles observations .

 

Aussitôt il prit papier, plume et encre ; et voila mon jeune homme qui se met à raturer, à corriger, à refaire . Il est fort vif ; c'est un petit cheval qui au moindre coup d'éperon vous court le grand galop . Je n'ai pas été mécontent de sa besogne, mais je ne puis rien assurer qu'après qu'elle aura été remise sous vos yeux .

 

Ce qui me plait de sa drôlerie c'est qu'elle forme un très beau spectacle . D'abord des prêtres et des guerriers disant leur avis sur une estrade ; une petite fille amenée devant eux qui leur chante pouilles ; un contraste de Grecs et de sauvages ; un sacrifice ; un prince qui arrache sa fille à un évêque tout prêt à lui donner l'extrême-onction ; et à la fin de la pièce le maître-autel détruit et la cathédrale en flammes , tout cela peut amuser ; rien n'est amené par force ; tout est de la plus grande simplicité ; et il m'a paru même qu'il n'y avait aucune faute contre la langue, quoique l'auteur soit un provincial .

 

Mon candidat veut que je vous envoie sa pièce le plus tôt que je pourrai, mais il faut le temps de la transcrire . Il m'a dit qu'il avait des raisons essentielles que son drame fût joué cette année 5. Je prie donc M. de Thibouville de me mander si son autre jeune homme 6 est prêt, et si on peut compter sur lui .

 

A l'égard de votre ami qui est à la campagne 7, je vous dirai qu'il ne peut avoir été choqué d'un petit mot d'ailleurs très juste et très à sa place, à l'article Parlement 8, puisque ce petit mot n'a paru que depuis un mois, et est probablement entièrement ignoré de lui .

 

Quoi qu'il en soi, je vous aurai une obligation infinie si vous voulez bien faire en sorte qu'il soit persuadé de mes sentiments 9.

 

Mon jeune homme vous prie de répondre sur M. de Thibouville , ou qu'il fasse répondre lui-même, supposé qu'on puisse lire son écriture, car je crains toujours que ce candidat, qui est fort vif, comme je vous l'ai dit, n'ait la rage de faire imprimer son drame, dès qu'il en sera un peu content .

 

Intérim, je me mets à l'ombre de vos ailes . 

 

Le vieux malade de Ferney»


1 Auteur prétendu des Lois de Minos , tragédie qui se passe en Crête .

2 Les d'Argental, Thibouville et sans doute Chauvelin, le duc de Choiseul étant lui exilé à Praslin .

3 Dans l'épître à Tite, Nouveau Testament : http://www.magnificat.ca/textes/bible/tite-01.htm

4 Au sujet de la constipation, voir ce que V* en pense dans le chapitre 7 du conte Les Oreilles du Comte de Chesterield, 1775 ; http://www.voltaire-integral.com/Html/21/11CHESTE.html

5 Cette tragédie ne fut jamais jouée à la Comédie-Française.

7 Le duc de Choiseul exilé sur ses terres de Chanteloup.

8 Allusion à Maupéou, un des responsables de la disgrâce du duc de Choiseul, est faite dans l'article « Parlement de France » des Questions sur l'Encyclopédie. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800160/f120.tableDe...

9 V* , tout en approuvant la réforme Maupéou, reste fidèle ami de Choiseul disgracié ; voir lettres précédentes, depuis janvier 1771, aux d'Argental, de La Ponce, Mme du Deffand, la duchesse de Choiseul , etc.

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05/02/2011 | Lien permanent

Il serait nécessaire que je le revisse afin que ne plaçasse point au mot Historiographe ce que j'aurais mis au mot Histo

 ... Je ne pense pas que l'imparfait du subjonctif soit  d'usage, même homéopathique, dans le livre de Miss Iacub et ses parties de jambes en l'air avec Dirty Silly Keutard . Ce dernier confirme sa vocation de souteneur en faisant payer les clients de son ex-compagne/conquête, il n'y a pas de petits profits . Aux dernières nouvelles il aurait refusé de se rendre au Salon de l'Agriculture, n'étant pas certain d'en ressortir autrement que dans une bétaillère en direction de l'abattoir .

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

Lausanne 29 de décembre [1757]

Tibi soli.

Mon cher et courageux philosophe je viens de lire et de relire votre excellent article Genève . Je pense que le Conseil et le peuple vous doivent des remerciements solennels : vous en méritez des prêtre mêmes ; mais ils sont assez lâches pour désavouer leurs sentiments que vous avez manifesté et assez insolents pour se plaindre de l'éloge que vous leur avez donné d'approcher un peu de la raison . Ils se remuent, ils aboient, ils voudraient engager les magistrats à solliciter à la cour un désaveu de votre part ; mais assurément la cour ne se mêlera pas de ces huguenots et vous soutiendrez noblement ce que vous avez avancé en connaissance de cause . Vernet, ce Vernet convaincu d'avoir volé des manuscrits, convaincu d'avoir supposé une lettre de feu Giannone 1, Vernet fit imprimer à Genève les deux détestables premiers volumes de cette prétendue Histoire universelle, Vernet qui reçut trois livres par feuille du libraire, Vernet le professeur de théologie n'a-t-il pas imprimé dans je ne sais quel catéchisme qu'il m'a donné et que j'ai jeté au feu, n'a-t-il pas imprimé, dis-je, que la révélation peut être de quelque utilité ?2 N'avez-vous pas vingt fois entendu dire à tous les ministres qu'ils ne regardèrent pas Jésus Christ comme Dieu ? Vous avez donc déclaré la vérité et nous verrons s'ils auront l'audace et la bassesse de la trahir .

Quelque chose qui arrive il demeurera consigné dans un livre immortel qu'il y a eu des prêtres ou soi-disant tels qui ont osé ne croire qu'un dieu et encore un dieu qui pardonne, un dieu pardonneur comme disent les Turcs .

Vous me donnez l'article Historiographe à traiter, mes chers maîtres . Je n'ai point ici la minute de l'article Histoire . Il me semble que je le fis bien vite et que je le corrigeai encore plus vite et encore plus mal . Il serait nécessaire que je le revisse afin que ne plaçasse point au mot Historiographe ce que j'aurais mis au mot Histoire et que je pusse mieux mesurer ces deux articles .

Si donc vous avez quinze jours devant vous renvoyez moi Histoire. Cela est ridicule je le sais bien mais je serais encore plus ridicule de donner un mauvais article. Je vous renverrai le manuscrit trois jours après l'avoir reçu . Ayez la bonté de l'envoyer contresigné à Lausanne .

Je cherche dans les articles dont vous me chargez à ne rien dire que le nécessaire et je crains de n'en pas dire assez ; d'un autre côté je crains de tomber dans la déclamation .

Il me paraît qu'on vous a donné plusieurs articles remplis de ce défaut ; il me revient toujours qu'on s'en plaint beaucoup . Le lecteur ne veut qu'être instruit et il ne l'est point du tout par ces dissertations vagues et puériles qui pour la plupart renferment des paradoxes, des idées hasardées, dont le contraire est souvent vrai, des phrases ampoulées, des exclamations qu'on sifflerait dans une académie de province qui sont bien indignes de figurer avec tant d'articles admirables .

M. le ministre Vernes vous a, je crois , donné l’article Humeur 3 ; mais si vous ne l'aviez pas de sa main je me serais proposé . Il me semble , par exemple, qu'on doit d'abord définir ce qu'on entend par ce mot, ensuite rechercher la cause de l'humeur, faire voir qu'elle ne vient que d'un mécontentement secret, d'une tristesse dans les hommes les plus heureux, en montrer les inconvénients ; cela ne demande à mon avis qu'une demi-page ; mais chacun veut étendre ses articles . On oublie, comme dit Pascal, qu'on est ligne et on se fait centre 4 . On veut occuper une grande niche dans votre panthéon ; on ose dire je et moi dans votre Dictionnaire . Ah que je suis fâché de voir tant de stras avec vos beaux diamants ! Mais vous répandez vite votre éclat sur les stras . J'attends avec impatience Le Père de Famille . Je salue et j'embrasse l'illustre auteur 5 . »

1 Jean-Jacob Vernet : Anecdotes ecclésiastiques … tirées de l'Histoire du royaume de Naples de [Pietro] Giannono .

2 Dans la seconde édition de l'Instruction chrétienne ou catéchisme familier pour les enfants, 1754, Vernet avait changé le titre de la première section ; d'abord intitulée Nécessité de la révélation, 1741, elle devint Utilité de la révélation, 1754 .

3 Vernes l'avait envoyé à Rousseau qui l'avait transmis à Diderot, mais d’Alembert ne l'avait pas vu .

4 Ce n'est pas dans l'édition de Port Royal des Pensées de Pascal que V* a trouvé cette phrase ; le reproche de « se faire centre » y est bien . V* pense à cette idée et a brodé sur elle .

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27/02/2013 | Lien permanent

Si on vous imite, vous serez fondateur ; si on ne vous imite pas, vous serez unique

...

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« A Jean Le Rond d'Alembert

3 de mars [1761]

A quelque chose près, je suis de votre avis en tout, mon cher et vrai philosophe . J'ai lu avec transport votre petite drôlerie sur l'histoire, et j'en conclus que vous êtes seul digne d'être historien : mais daignez dire ce que vous entendez par la défense que vous faites d'écrire l'histoire de son siècle . Me condamnez-vous à ne point dire, en 1761, ce que Louis XIV faisait de bien et de mal en 1662 ? ayez la bonté de me donner le commentaire de votre loi .1

Je ne sais pas encore s'il est bon de prendre les choses à rebours 2. Je conçois bien qu'on ne court pas grand risque de se tromper , quand on prends à rebours les louanges que des fripons lâches donnent à des fripons puissants ; mais si vous voulez qu'on commence par le dix-septième siècle, avant de connaître le seizième et le quinzième, je vous renverrai au conte du Bélier 3, qui disait à son camarade : Commencez par le commencement .

J'aime à savoir comment les jésuites se sont établis, avant d'apprendre comment ils ont fait assassiner le roi du Portugal 4. J'aime à connaître l'empire romain, avant de le voir détruit par des Albouin 5 et des Odoacre ; ce n'est pas que je désapprouve votre idée, mais j’aime la mienne quoiqu'elle soit commune .

J'ai bien de la peine à vous dire qui l'emporte chez moi du plaisir que m'a fait votre dissertation, ou de la reconnaissance que je vous dois d'avoir si noblement combattu en ma faveur ; cela est d'une âme supérieure . Je connais bien des académiciens qui n'auraient pas osé en faire autant . Il y a des gens qui ont leurs raisons pour être lâches et jaloux ; il fallait un homme de votre trempe pour oser dire tout ce que vous dites . Quelques personnes vous regardent comme un novateur ; vous l'êtes sans doute : vous enseignez aux gens de lettres à penser noblement . Si on vous imite, vous serez fondateur ; si on ne vous imite pas, vous serez unique .

Voulez-vous me permettre d'envoyer votre discours au Journal encyclopédique ?6 Il faut que vous permettiez qu'on publie ce qui doit instruire et plaire ; je vous le demande en grâce pour mon pauvre siècle, qui en a besoin .

Adieu, être raisonnable et libre ; je vous aime autant que je vous estime, et c'est beaucoup dire .

V. »

1 D'Alembert répondra le 9 mars 1761 : « […] mon intention a été de dire [dans les Réflexions] qu'il ne faut point écrire l'histoire de son temps ; c'est ainsi que j'ai lu à l'Académie, c'est ce que porte la copie que j'ai sous les yeux ; il faut que le copiste se soit mépris en écrivant son siècle au lieu de son temps […]. »

2 «  […] je pense que chaque partie de l'histoire, prise en particulier, doit être écrite dans le sens naturel […] mais pour l'histoire générale, et surtout la partie de l'histoire qui nous touche le plus, je crois fermement qu'il faut , sinon l'écrire, au moins l'enseigner à rebours aux enfants [...] » Ibid .

3 D'Antoine Hamilton : voir page 1 : https://books.google.fr/books?id=33gbAQAAIAAJ&pg=PA41...

et page 41 .

4 Les jésuites n'avaient pas été mêlés directement au complot contre le roi de Portugal qui avait été le fait de quelques nobles ; mais Pombal les en rendit responsables et les fit expulser .

5 Albouin, roi des Lombards (561-571), conquis l'Italie et Rome sans coup férir (568-571) ; il fit de Pavie sa capitale : c'était la ville qui lui avait opposé le plus de résistance . Odoacre, fils d'Attila, chef des Hérules à la solde de l'Empire, se mit à leur tête et détrôna Augustule (476) et gouverna dès lors l'Italie avec le titre de patrice, que lui avait conféré l'empereur d'Orient . Attaqué par Théodoric, roi des Ostrogoths, il fut plusieurs fois défait et se rendit en 490 après avoir défendu Ravenne avec acharnement . Il fut assassiné par Théodoric dans un banquet . Son tombeau a été retrouvé près de Ravenne en 1854 .

6 D'Alembert devait répondre en post-scriptum : « Un de mes amis et des vôtres a fait un extrait de mon morceau pour le Journal encyclopédique . »

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24/02/2016 | Lien permanent

sa parole d'honneur ce qui est comme vous savez en fait de traité un pacte avec le diable

... Qu'aucune eau trois fois bénite ne saurait effrayer, qu'aucune loi humaine ou divine ( pour autant que dieu existe ) ne peut réprimer, tant l'honneur de certains profiteurs et/ou politiciens est de paccotille, sous le signe du consommable-jetable-low cost .

homme-effectuant-un-pacte-avec-le-diable.jpg

 

 

Dans un tout autre domaine, je me permets de vous conseiller "Quand l'Europe parlait français", sur Arte, émission diablement intéressante et qui me convient particulièrement car Voltaire en est un des éléments clés :  http://www.arte.tv/guide/fr/042513-000/quand-l-europe-parlait-francais?autoplay=1#details-crew

Vive Voltaire, "sel et poivre" irremplaçable ! vive la France capable d'accueil !

 

 

 

«Voltaire et Marie-Louise Denis

 à

François de Bussy

A Lausanne 3 juin [1759] 1

L'oncle et la nièce, monsieur, se joignent pour vous présenter les plus tendres remerciements . Vous avez fait encore plus qu'ils n’osaient demander, vous avez fait coucher en parchemin le nom de l'oncle, qui n'osait ni le demander ni l'espérer . Mille grâces vous soient rendues, nous avions bien dit qu'une affaire entre vos mains était une bonne affaire .2

Vraiment si nous avions deviné que vous pousseriez les bontés jusqu'à donner le brevet à l'oncle comme à la nièce nous aurions été plus hardis que nous ne l'avons été .

Ecoutez-nous s'il vous plait, voilà grâce à vos bontés Ferney libre comme il convient aux Suisses .

Pour être doublement libres, l’oncle acheta la comté de Tournay du président De Brosses à vie, en même temps qu'il achetait Ferney pour la nièce . Ce Tournay tout ancien dénombrement, franc de toute imposition quelconque n'ayant affaire ni à intendant ni à fermier général tenta l'esprit helvétique de l'acquéreur . Le vendeur par un article secret du traité lui garantit ces franchises et ces droits, et ajouta même sa parole d'honneur ce qui est comme vous savez en fait de traité un pacte avec le diable .

Malgré cette garantie si sacrée, les fermiers généraux m'ont attaqué, et ont prétendu que selon le droit des gens cette garantie était sans préjudice du droit d'un tiers. Un intendant non moins dangereux que fermiers généraux peut encore prétendre qu'un président n'a pu me vendre et garantir des droits qui lui sont personnels .

Me voilà donc exposé à plaider au conseil et à perdre contre un président bourguignon ; à dire, j'ai votre billet de garantie, payez pour moi . Le conseil , monsieur, répondra, le beau billet qu'a La Châtre !

je n'ai point osé dans mes requêtes à M. le duc de Choiseul et à vous, insérer un petit mot de Tournay, parce que je n'osais faire retentir mon nom aux oreilles des rois .

Je ne serais enhardi à demander dans le brevet insertion des droits de Tournay, j'aurais sauvé au président son honneur, et celui de sa terre , j'aurais tout prévenu si j'avais été assez hardi pour prévoir vos bontés . Maintenant que la chose est faite, et qu'on a signé Louis, je n'aurai pas l'insolence de vous importuner encore . Je dois m'en tenir à la reconnaissance, ce sentiment-là est bien plus agréable que celui des besoins . Il serait douloureux d'être libre à Ferney et de ne l'être pas à Tournay dans le voisinage, d'avoir acheté très chèrement des droits, et de n'en pas jouir, d'avoir un procès avec les meilleures raisons possibles et de le perdre .

Comment faire ? Da mi consiglio 3. Vous nous avez fait du bien, à qui demanderons-nous conseil si ce n’est à vous ?

Quoi qu'il en soit nous sommes et serons tant que nous vivrons, à Ferney, à Tournay, aux Délices, à Lausanne, et partout dans les neiges trois mois de l'année

vos très humbles, très obéissants et obligés

serviteur et servante, oncle et nièce

les marmottes du Jura,

l'oncle V.

la nièce Denis . »

1 Le manuscrit porte les notes : « à M. de Bussy » et « de M. de Voltaire . R [épon]du le 17 j[uill]et 1759 »

2 Cette lettre ainsi que la lettre du 3 juin à Dominique-Jacques Barberie, marquis de Courteilles, et d'un autre point de vue celle du 11 juin 1759 à Mme de Fontaine, sont éclairées à bien des égards par une curieuse lettre de Mme Denis à Cideville -avec lequel celle-ci semble avoir eu des rapports qui dépassent ceux de la simple amitié-, datée du 8 juin 1759, dont vous pouvez voir le texte dans la note de la lettre du 27 mars 1759 à de Ruffey : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/05/15/sa-petulance-augmente-avec-l-age-il-n-a-rien-gagne-sur-ses-d-5369822.html

3 Donne-moi un conseil.

 

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24/07/2014 | Lien permanent

Tant de malheurs publics influent sur la fortune des particuliers, excepté de ceux qui pillent les autres

... Faites votre liste des pillards en prévoyant un papier grand format, ne vous limitez pas au territoire national, cette race détestable ne connait pas les frontières, et quand elle les reconnait, c'est pour en profiter, en abuser . Ecrasons ces infâmes !

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Ces gens là ...

 

 

«A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ArgentaI

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

31è mai 1762 aux Délices 1

Mes divins anges, je suis pénétré de vos bontés, et je vous dois celles de M. le comte de Choiseul. Je vais tâcher de lui écrire deux lignes de ma faible main ; elles seront bien reçues en passant par les vôtres.

Je trouve que M. de Chavigny 2 fait fort bien de se retirer dans ses terres ; j’approuve tous ceux qui prennent ce parti : il faut savoir mettre un temps entre les affaires et la mort, et n’imiter ni le cardinal de Fleury ni le maréchal de Belle-Isle.

Madame la duchesse d’Anville a fait un triste voyage, à mon gré. Elle désirait passionnément une maison de campagne ; madame la duchesse de Grafton en a une pour cent louis, jusqu’à l’hiver ; et madame d’Anville paie deux cents louis un simple appartement pour trois mois. Pour comble de désagrément, elle est logée tout auprès d’un temple où elle entend détonner des chansons hébraïques, mises en vers français détestables 3. De plus, toute la bonne compagnie est à la campagne, et il ne reste à la ville que des pédants.

Je voudrais pouvoir lui céder les Délices ; mais j’ai trop besoin de Tronchin, et malheureusement on vernit actuellement tous les dedans de Ferney. Tout ce que je peux faire est de lui donner une représentation de Cassandre. Je n’y jouerai pas mon rôle de grand-prêtre ; je suis obligé de renoncer au théâtre, comme Grandval . Mais la pièce ne sera pas mal représentée, et je vous assure que c’est l’appareil le plus imposant qui soit au théâtre.

Pour le Droit du Seigneur, vous êtes maître absolu de le faire jouer par qui il vous plaira et quand vous voudrez ; c’est un service que vous rendrez à Thieriot. Il prétend qu’il vient me voir après les fêtes de la Pentecôte ; mais c’est de quoi je doute très fort.

Il est juste de vous envoyer un exemplaire de la seconde édition de Meslier ; on avait oublié, dans la première, son Avant-propos 4, qui est très curieux. Vous avez des amis sages qui ne seront pas fâchés d’avoir ce livre dans leur arrière-cabinet ; il est tout propre d’ailleurs à former la jeunesse. L’in-folio, qu’on vendait en manuscrit huit louis d’or, est inlisible 5; ce petit extrait est très édifiant. Remercions les bonnes âmes qui le donnent pour rien, et prions Dieu qu’il répande ses bénédictions sur cette lecture utile.

Je crois que M. l’abbé le coadjuteur sera bien étonné d’avoir été comparé à la fois à Ésope et à Goliath 6. J’espère, Dieu aidant, que le libelle du jésuite rendra les parlements irréconciliables, et qu’avec le temps on tombera sur tous les autres moines. Je n’en serai pas témoin, mais je mourrai dans cette douce espérance.

Je ne compte pas non plus voir la fin de la guerre. On disait hier Dresde pris par le prince Henri,7 immédiatement après la déconfiture de l’armée des Cercles . Cette nouvelle, qui n’est pas encore vraie, pourra l’être dans quelque temps . Vous verrez, avant la fin de la campagne, seize mille Russes rendre visite à M. le maréchal d’Estrées. La flotte anglaise est actuellement dans Lisbonne ; il n’y a qu’un nouveau tremblement de terre qui puisse faire dénicher cette flotte. Tant de malheurs publics influent sur la fortune des particuliers, excepté de ceux qui pillent les autres ; je m’en ressens autant que personne . Mademoiselle Corneille en sentira aussi le contre-coup ; la guerre fait tort aux souscriptions. La chambre syndicale des libraires de Paris nous fait plus de tort encore ; elle arrête, depuis quatre mois, le ballot des annonces de Cramer, où se trouvent les noms des souscripteurs. M. de Malesherbes souffre cette injustice, laquelle est une insulte au public. Il me semble que les affaires particulières vont à peu près comme les générales.

Le parlement de Dijon continue dans son obstination.

J’admire toujours qu’on ne veuille point rendre la justice au peuple, pour faire de la peine au roi. Les classes du parlement feront un peu de mal ; et j’ai bien peur que les classes 8 des matelots ne rendent pas de grands services. Je conclus que tout ceci est un naufrage universel, et je dis toujours  sauve qui peut !

Je vous supplie de donner Rodogune à Duclos .

Mille tendres respects. »

1 L'édition de Kehl suivie par les autres supprime la dernière phrase avant la formule de politesse .

3 Les Psaumes chantés mis en vers par Clément Marot et Théodore de Bèze. V* les tourne en dérision pans le Pot pourri, chap. VI : https://fr.wikisource.org/wiki/Pot-pourri

et : http://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/voltaire-pot-pourri.html

5Sur cette forme, inlisible, voir lettre du 5 décembre 1760 à JR Tronchin , V* utilise cette forme à plusieurs reprises, conformément à l'usage de l'époque . Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/04/06/je-vois-qu-on-ne-fait-rien-sur-terre-en-enfer-et-au-ciel-que-5784988.html

6 L’abbé Chauvelin était petit et contrefait. (Georges Avenel) ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Philippe_de_Chauvelin

7 La nouvelle était fausse .

8 En termes de marine, les classes sont les levées de matelots pour le service du roi ; appliqué au parlement de Bourgogne, le mot désigne la grève auquel celui-ci se livrait .

 

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18/04/2017 | Lien permanent

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