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10/03/2010

des blessures que la mort seule peut guérir

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letr v à denis autographe.jpg

 - Lettre autographe, signée « Voltaire », adressée à sa nièce, mme Denis. Bruxelles, 8 janvier 1741 ; 1 page in-4°, adresse sur le 4° feuillet. « J’arrive à Bruxelles, je vous fais mille tendres compliments sur votre attachement au bon St Louis. [...] Mais compliments à part mes chers enfants, il faut que je vous voye. Monsieur Du Chastelet va à Paris, nous l’acompagne-rons madame Du Chastelet et moy, nous arriverons jeudy vers les trois ou quatre heures [...] J’ay rapporté de Prusse une fluxion sur les yeux qui me rend un fort vilain aveugle ; mais ma chere niece comme ce n’est pas pour mes baux yeux que vous m’aimez, votre oncle le quinze vingt viendra hardiment vous faire la cour. »

 

 

 

Les années ont passé,  la "chère nièce" (très "chère" nièce dorénavant ) a des réflexions un peu vexantes et irrévérencieuses . Trop , c'est trop, mais comme d'habitude ce cher homme va encore pardonner .

Adorable Voltaire ami !

Il est bon de souhaiter à tous un(e) ami(e) tel(le) que lui .

http://www.youtube.com/watch?v=_x0R0vFBHdE&NR=1

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental

 

A Colmar 10 mars 1754

 

             Mon cher et respectable ami, je ne peux que vous montrer des blessures que la mort seule peut guérir. Me voilà exilé pour jamais de Paris, pour un livre qui n’est pas certainement le mien dans l’état où il parait, pour un livre[f1]  que j’ai réprouvé et condamné si hautement. Le procès-verbal authentique de confrontation que j’ai fait faire[f2] , et dont j’ai envoyé sept exemplaires à Mme Denis ne parviendra pas jusqu’au roi[f3]  ; et je reste persécuté.

 

             Cette situation aggravée par de longues maladies ne devait pas, je crois, être encore empoisonnée par l’abus cruel que ma nièce a fait de mes malheurs.

 

             Voici les propres mots de sa lettre du 20 février : « Le chagrin vous a peut-être tourné la tête. Mais peut-il gâter le cœur ? L’avarice vous poignarde. Vous n’avez qu’à parler … je n’ai pris de l’argent chez Laleu que parce que j’ai imaginé à tout moment que vous reveniez et qu’il aurait paru trop singulier dans le public que j’eusse tout quitté surtout ayant dit à la cour et à la ville que vous me doubliez mon revenu. »

 

             Et ensuite elle a rayé à demi l’avarice vous poignarde, et a mis l’amour de l’argent vous tourmente.

 

             Elle continue : ne me forcez pas à vous haïr … vous êtes le dernier des hommes par le cœur, je cacherai autant que je pourrai les vices de votre cœur.

 

             Voilà les lettres que j’ai reçues d’une nièce pour qui j’ai fait tout ce que je pouvais faire, pour qui j’étais revenu en France autant que pour vous, et que je traite comme ma fille.

 

             Elle me marque dans ces indignes lettres que vous êtes aussi en colère contre moi qu’elle-même. Et quelle est ma faute ! de vous avoir suppliés tous deux de me déterrer quelque commissionnaire sage et intelligent qui puisse servir pour elle et pour moi. Pardonnez, je vous en conjure, à l’excès de ma douleur si je répands dans votre sein généreux mes plaintes et mes larmes.

 

             Si j’ai tort, dites-le moi, je vous soumets ma conduite. C’est à un ami tel que vous qu’il faut demander des reproches quand on a fait des fautes. Que Mme Denis vous montre toutes mes lettres, vous n’y verrez que l’excès de l’amitié, la crainte de pas faire assez pour elle, une confiance sans bornes, l’envie d’arranger mon bien en sa faveur, en cas que je sois forcé de fuir, et qu’on me confisque mes rentes (comme on le peut, et comme on me l’a fait appréhender), un sacrifice entier de mon bonheur au sien, à sa santé, à ses goûts. Elle aime Paris. Elle est accoutumée à rassembler du monde chez elle. Sa santé lui a rendu Paris encore plus nécessaire. J’ai pour mon partage la solitude, le malheur, les souffrances, et j’adoucis mes maux par l’idée qu’elle restera à Paris dans une fortune assez honnête que je lui ai assurée, fortune très supérieure à ce que j’ai reçu de patrimoine. Enfin, mon adorable ami, condamnez-moi si j’ai tort. Je vous avoue que j’ai besoin d’un peu de patience. Il est dur de se voir traiter ainsi par une personne qui m’a été si chère. Il ne me restait que vous et elle. Et je souffrais mes malheurs avec courage quand j’étais soutenu par ces deux appuis. Vous ne m’abandonnerez pas. Vous me conserverez une amitié dont vous m’honorez dès notre enfance. Adieu mon cher ange, j’ai fait évanouir entièrement la persécution que le fanatisme allait exciter contre moi jusque dans Colmar au sujet de cette prétendue Histoire universelle[f4]  . Mais j’aurais mieux aimé être excommunié que d’essuyer les injustices qu’une nièce qui me tenait lieu de fille a ajoutées à mes malheurs. Mille tendres respects à Mme d’Argental.

 

             V. »

 

 

 

 


 [f1]Edition « pirate » faite par Néaulme de l’Histoire universelle

 

 [f2]Le 28 févier, il a écrit à La Gazette d’Utrecht : « … qu’ayant fait venir … de Paris » le manuscrit original de l’Histoire universelle, il « en a établi l’authenticité par devant les notaires de Colmar, Callot et Besson, le 25 février ; que ce manuscrit est de l’année 1740, qu’il contient 1254 pages, en deux tomes très usés, outre douze cahiers séparés ; qu’il est sept à huit fois plus ample que la prétendue Histoire Universelle … et due ces deux ouvrages ne se ressemblent pas ». Ce PV, dont une partie est datée du 24 février, l’autre du 27, est encore conservé à Colmar.

 

 [f3]Le 28 février, V* demandait à Malesherbes à qui il avait envoyé le « procès-verbal authentique » de vouloir « bien faire parvenir au roi la vérité … »

 

 [f4]CF. lettre du 24 février et note concernant les jésuites Mérat et Menoux, et lettre du 26 mars.

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